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Décisions

Cass. crim., 2 mars 1976, n° 75-90.926

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chapar

Rapporteur :

M. Pucheus

Avocat général :

M. Aymond

Avocat :

Me Le Griel

Rennes, ch. des appels correctionnels, d…

5 mars 1975

REJET DU POURVOI DE X... (PIERRE), CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE RENNES (CHAMBRE DES APPELS CORRECTIONNELS) DU 5 MARS 1975, QUI, POUR FRAUDES FISCALES ET DELIT DE PASSATION D'ECRITURES INEXACTES, L'A CONDAMNE A 6000 FRANCS D'AMENDE ET A ORDONNE L'AFFICHAGE ET LA PUBLICATION DE SA DECISION.

LA COUR, VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE ;

SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION ET FAUSSE APPLICATION DES ARTICLES 1741, 1742, 1845, 1373BIS DU CODE GENERAL DES IMPOTS, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A CONDAMNE LE DEMANDEUR POUR DISSIMULATION FRAUDULEUSE DE SOMMES SOUMISES A L'IMPOT ;

" AUX MOTIFS QU'IL A APPORTE A SES DECLARATIONS FISCALES DES RETARDS QU'IL NE PEUT IMPUTER AUX NEGLIGENCES DE SON COMPTABLE, QU'A LA SUITE D'UN CONTROLE COMPTABLE, IL A ETE L'OBJET DE REDRESSEMENTS ESSENTIELLEMENT BASES SUR LES CONSTATATIONS EN COMPTABILITE DES ACHATS AUXQUELS L'ADMINISTRATION ENTEND FAIRE APPLICATION D'UN COEFFICIENT SUR LE MONTANT DUQUEL LE DEMANDEUR NE CESSE DE DISCUTER ET QUE CES " REDRESSEMENTS " CARACTERISENT, PAR LEUR EXISTENCE MEME, AUTANT DE " DISSIMULATIONS " ;

" ALORS QUE LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 1741 DU CODE GENERAL DES IMPOTS EXIGENT LA CONSTATATION NON PAS DE RETARDS OU DE REDRESSEMENTS MAIS, CE QUI EST TOUT AUTRE CHOSE, DE DISSIMULATIONS FRAUDULEUSES QUI NE SAURAIENT RESULTER DU FAIT MATERIEL, QUE L'ADMINISTRATION PROPOSE OU MEME OBTIENT, DES REDRESSEMENTS D'IMPOSITIONS, LES DISCUSSIONS SUR L'ASSIETTE ET LE CALCUL DE L'IMPOT ETANT ETRANGERES A LA QUESTION DE SAVOIR SI LE PREVENU A COMMIS DES DISSIMULATIONS QUI NE PEUVENT ENTRAINER L'APPLICATION DE LA LOI QUE SI ELLES ONT ETE COMMISES PAR UN MOYEN FRAUDULEUX QUE LE JUGE DU FOND A L'OBLIGATION DE CARACTERISER EN FAIT ;

" ALORS QU'EN L'ESPECE LE JUGE DU FOND SPECIFIE QUE LES CALCULS DE L'ADMINISTRATION SUR L'ASSIETTE ET LE MONTANT DE L'IMPOT SE FONDENT ESSENTIELLEMENT SUR LE TOTAL DES ACHATS TEL QU'IL RESULTE DE LA COMPTABILITE DU DEMANDEUR QUI, PAR CONSEQUENT, SUR CE POINT EST CONSIDEREE COMME EXACTE ;

QUE LE FAIT PAR LE DEMANDEUR D'AVOIR CONTESTE LE TAUX DU COEFFICIENT A APPLIQUER A CE CHIFFRE, QUI EST ADMIS COMME BASE DE DISCUSSION, NE SAURAIT CARACTERISER NI UNE MANOEUVRE FRAUDULEUSE NI LA MAUVAISE FOI ;

QUE LE JUGE DU FOND A RENVERSE LE FARDEAU DE LA PREUVE EN CONSTATANT QUE LE DEMANDEUR DISCUTE DE L'APPLICATION D'UN COEFFICIENT ET NE TENTE PAS LA PREUVE QU'IL N'AURAIT COMMIS AUCUNE FAUTE, UNE TELLE PREUVE NEGATIVE NE POUVANT ETRE MISE A LA CHARGE DU PREVENU ET LES FAITS CONSTITUTIFS DE LA PRETENDUE FRAUDE DEVANT ETRE ETABLIS PAR L'ADMINISTRATION QUI NE PEUT TROUVER CETTE PREUVE DANS DE SIMPLES RETARDS OU DANS LES REDRESSEMENTS QU'ELLE PROPOSE ;

" ALORS QUE L'ARRET ATTAQUE NE POUVAIT, SANS VIOLER LA LOI, POSER EN PRINCIPE QUE LE FAIT PAR LE DEMANDEUR D'AVOIR ACCEPTE LE TAUX DE MARGE BRUTE DE 2,10 IMPLIQUERAIT LA RECONNAISSANCE DE DISSIMULATIONS FISCALES ;

QU'IL EST, EN EFFET, CONSTANT QUE NI LES DECLARATIONS DU DEMANDEUR, NI SA COMPTABILITE NE SE FONDENT SUR UN TAUX DE MARGE QUEL QU'IL SOIT ;

QUE LE DEMANDEUR S'EST BORNE A DISCUTER DU TAUX DE MARGE QUE L'ADMINISTRATION PRETEND LUI IMPOSER SANS CEPENDANT EN FAIRE LUI-MEME LE FONDEMENT DE SES IMPOSITIONS, SA COMPTABILITE ETANT EN L'ETAT SUFFISANTE A ETABLIR LE MONTANT DE SES BENEFICES ;

" ALORS QUE LE JUGE DU FOND N'A PAS MOTIVE LA QUALIFICATION JURIDIQUE DE MARCHANDS DE BIENS QU'IL ATTRIBUE AU DEMANDEUR ET N'A PAS CONSTATE L'EXISTENCE DES CONDITIONS REQUISES PAR L'ARTICLE 1373 BIS DU CODE GENERAL DES IMPOTS DONT IL PRETEND FAIRE APPLICATION ;

" ALORS QUE LE JUGE DU FOND N'A PAS REPONDU AUX CONCLUSIONS DONT IL ETAIT SAISI ET QUI LE REQUERAIENT DE CONSTATER QUE LES ELEMENTS COMPTABLES PRODUITS PAR LE DEMANDEUR REPONDAIENT AU VOEU DE L'ARTICLE 8 DU CODE DE COMMERCE ET SUFFISAIENT A PERMETTRE LA CONSTATATION DE SES BENEFICES REELS ET DE SON CHIFFRE D'AFFAIRES, S'AGISSANT DES BANDES DE RECAPITULATION DES CAISSES ENREGISTREUSES QUI SONT IMPOSSIBLES A TRUQUER ET QUI SONT AU SURPLUS CONTROLEES QUATRE FOIS PAR JOUR PAR LE PERSONNEL POUR LE CALCUL DES POURBOIRES ;

" ALORS ENFIN QU'AUX TERMES DE CES CONCLUSIONS AUXQUELLES IL N'A PAS ETE REPONDU, LE DEMANDEUR ETAIT CREANCIER DU TRESOR POUR 120 000 FRANCS, CE QUI EXPLIQUE ET EXCUSE LE RETARD DE SES DECLARATIONS DU CHEF DE LA TVA, RETARD QUI NE SAURAIT AVOIR, EN RAISON DE L'EXISTENCE DE CETTE CREANCE DONT LE DEMANDEUR SE REMBOURSAIT AU FUR ET A MESURE DE SES DETTES DE TVA, UN CARACTERE DELICTUEUX " ;

ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE ET DE CELLES DU JUGEMENT DONT IL A ADOPTE LES MOTIFS NON CONTRAIRES QUE, DE 1969 A 1971, X... A EXERCE, A LA FOIS, LES ACTIVITES D'EXPLOITANT D'UN ETABLISSEMENT DE CAFE-BRASSERIE ET DE MARCHAND DE BIENS, QUE SOUMIS A CE DOUBLE TITRE A LA TAXE A LA VALEUR AJOUTEE, IL N'A FAIT, AU COURS DE L'ANNEE 1970, AUCUNE DECLARATION MENSUELLE DE SES CHIFFRES D'AFFAIRES ET QUE CE N'EST QU'A LA SUITE DE TROIS MISES EN DEMEURE QUI LUI ONT ETE ADRESSEES PAR L'ADMINISTRATION QU'IL A DEPOSE, LE 28 JUIN 1971, LES DECLARATIONS AFFERENTES A L'EXERCICE PRECEDENT, QUE POUR L'ANNEE 1971, CE N'EST EGALEMENT QUE LE 21 SEPTEMBRE 1971 ET APRES DEUX MISES EN DEMEURE QU'IL A PRODUIT LES DECLARATIONS RELATIVES AUX SEPT PREMIERS MOIS ;

ATTENDU QUE LES JUGES DU FOND RELEVENT ENSUITE QUE, POUR 1970, LE PREVENU N'A FAIT LA DECLARATION DE SES BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX QU'AVEC HUIT MOIS DE RETARD ET QU'ENFIN, AU TITRE DE L'IMPOT SUR LE REVENU DES PERSONNES PHYSIQUES, IL N'A SOUSCRIT SES DECLARATIONS QU'AVEC CINQ MOIS DE RETARD POUR 1969, HUIT MOIS DE RETARD POUR 1970 ET ENCORE HORS DELAI POUR 1971 ;

ATTENDU, D'AUTRE PART, QUE LES JUGES CONSTATENT QUE LE PREVENU A TENU UNE COMPTABILITE IRREGULIERE ET INCOMPLETE ;

QU'IL N'A COMPTABILISE AUCUNE DES OPERATIONS QU'IL A REALISEES EN QUALITE DE MARCHAND DE BIENS, NI CERTAINES RECETTES DONT L'EXAMEN D'UN COMPTE BANCAIRE PERSONNEL A REVELE L'EXISTENCE ;

QU'EN CE QUI CONCERNE L'EXPLOITATION DE SON ETABLISSEMENT DE CAFE-BRASSERIE, SA COMPTABILITE, QUI NE REPOND PAS AUX EXIGENCES DE L'ARTICLE 8 DU CODE DE COMMERCE, NE PERMETTAIT PAS LE CONTROLE DES RECETTES JOURNALIERES ENREGISTREES GLOBALEMENT, X... N'AYANT PU REPRESENTER LES JUSTIFICATIONS DU DETAIL DE CES RECETTES ET, NOTAMMENT, LES BANDES DES CAISSES ENREGISTREUSES ;

ATTENDU QU'ENFIN LES JUGES PRECISENT QUE LA BONNE FOI DU PREVENU NE PEUT ETRE ADMISE ;

QUE, D'UNE PART, LES RETARDS REITERES QU'IL A APPORTES A FAIRE LES DIVERSES DECLARATIONS, MALGRE PLUSIEURS MISES EN DEMEURE, DEMONTRENT LE CARACTERE VOLONTAIRE DES OMISSIONS QUI LUI SONT REPROCHEES ;

QUE, D'AUTRE PART, DIVERS ELEMENTS DE L'INFORMATION ET DES DEBATS ET NOTAMMENT LES TEMOIGNAGES DU COMPTABLE ET DE LA SECRETAIRE DE X... ETABLISSENT QUE CELUI-CI A SCIEMMENT FAIT TENIR SA COMPTABILITE DE MANIERE IRREGULIERE ET INCOMPLETE EN REFUSANT A SES COLLABORATEURS LES RENSEIGNEMENTS ET LES PIECES JUSTIFICATIVES NECESSAIRES ;

ATTENDU QU'EN L'ETAT DE CES CONSTATATIONS EXEMPTES D'INSUFFISANCE ET DE CONTRADICTION QUI REPONDENT A TOUS LES CHEFS PEREMPTOIRES DES CONCLUSIONS DU PREVENU, LES JUGES DU FOND, QUI ONT DECLARE X... COUPABLE DES DELITS DE FRAUDES FISCALES ET DE PASSATION D'ECRITURES INEXACTES, ONT DONNE UNE BASE LEGALE A LEUR DECISION ;

QU'EN EFFET, NOTAMMENT, IL RESULTE DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 1741 DU CODE GENERAL DES IMPOTS QUE LE DELIT DE SOUSTRACTION FRAUDULEUSE OU DE TENTATIVE DE SOUSTRACTION FRAUDULEUSE A L'ETABLISSEMENT OU AU PAIEMENT DE L'IMPOT EST CARACTERISE DES LORS QUE, COMME EN L'ESPECE, LE PREVENU A VOLONTAIREMENT OMIS DE FAIRE SES DECLARATIONS DANS LES DELAIS PRESCRITS ET SANS QU'IL SOIT NECESSAIRE QUE DES MANOEUVRES FRAUDULEUSES AIENT ETE EMPLOYEES ;

QUE, DANS CE CAS, SELON LES TERMES DU DEUXIEME ALINEA DU MEME ARTICLE, LE JUGE PENAL N'EST PAS TENU DE RECHERCHER SI LES TOLERANCES LEGALES ONT ETE DEPASSEES, CETTE CONDITION N'ETANT EXIGEE " QU'EN CAS DE DISSIMULATIONS " ;

QU'IL IMPORTE, EN CONSEQUENCE, QUE PAR DES MOTIFS SURABONDANTS VOIRE ERRONES, LES JUGES SE SOIENT ATTACHES A PUISER DANS LA PROCEDURE ADMINISTRATIVE TENDANT A LA FIXATION DE L'ASSIETTE DE L'IMPOT UNE EVALUATION DU MONTANT DES DISSIMULATIONS AYANT PU RESULTER DES OMISSIONS DE DECLARATIONS SOUVERAINEMENT CONSTATEES PAR EUX, UNE TELLE EVALUATION ETANT INDIFFERENTE, EN L'ESPECE, POUR CARACTERISER LE DELIT ;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI ;

ET ATTENDU QUE L'ARRET EST REGULIER EN LA FORME ;

REJETTE LE POURVOI.