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Décisions

Cass. crim., 17 novembre 2010, n° 10-81.834

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Labrousse

Avocats :

Me Foussard, SCP Roger et Sevaux

Versailles, du 13 janv. 2010

13 janvier 2010

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Laure X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9e chambre, en date du 13 janvier 2010, qui, pour fraude fiscale, l'a condamnée à dix-huit mois d'emprisonnement dont quinze mois avec sursis, 30 000 euros d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, 2 § 4 de la Convention franco-Luxembourgeoise en date du 1er avril 1958 tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, 4 B et 1741 du code général des impôts, défaut de base légale, violation de la loi ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme X... coupable de fraude fiscale et de l'avoir condamnée en conséquence à dix-huit mois d'emprisonnement, dont quinze avec sursis, à 30 000 euros d'amende, d'avoir ordonné l'affichage du jugement aux frais de Mme X... pour une durée de trois mois par extraits sur les panneaux réservés à l'affichage des publications officielles de la commune des Alluets-le-Roi, d'avoir ordonné la publication du jugement au frais de Mme X... au Journal officiel de la République française et d'avoir déclaré recevable la constitution de partie civile de la direction des services fiscaux ;

" aux motifs que le juge appréciant présentement au regard des éléments de l'espèce la qualité de résident du contribuable, la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 tendant à éviter une double imposition ne dispensait pas Mme X... de souscrire une déclaration de revenus ; qu'en effet, l'article 2-4 de cette convention définit le domicile des personnes physiques comme étant le lieu de la résidence normale, entendue au sens du foyer permanent d'habitation ou, à défaut, du lieu du séjour principal ; que Mme X... n'apporte pas la preuve tangible de sa domiciliation au Luxembourg en 1998, ni aucun document relatif à une imposition dans ce pays à l'époque des faits litigieux ; qu'à cet égard, ni des factures de meubles, ou de soins médicaux, l'existence de baux d'une durée souvent brève, ou des attestations de bourgmestre, n'établissent que Mme X... avait établi un foyer permanent au grand-duché de Luxembourg ; qu'ils témoignent seulement de séjours plus ou moins brefs pour la nécessité de son travail, le siège de la société LEL étant dans cet Etat, et uniquement de locations successives d'appartements, voire de logement à l'hôtel, caractérisant une occupation occasionnelle ; qu'il sera encore souligné que Mme X... ne justifie nullement qu'elle avait une obligation déclarative fiscale au Luxembourg ; qu'ainsi, Mme X... ne peut être regardée comme résidante au grand-duché de Luxembourg au sens du droit conventionnel ; qu'aux termes de l'article 4- B-1 du code général des impôts, sont considérés comme ayant un domicile fiscal en France au sens de l'article 4- A : a) les personnes qui ont le foyer ou le lieu de leur séjour principal, b) celle qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire, c) celle qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques ; qu'il s'agit de critères alternatifs ; que comme l'ont déjà relevé les premiers juges, Mme X... s'est déclarée domiciliée au... à Paris, au 1er janvier 1998 ; qu'à compter du 1er janvier 1998, elle a indiqué sur la déclaration d'ensemble des revenus souscrite au titre de l'année 1997, résider ... à Suresnes ; qu'au cours de l'année 1998, elle a considéré avoir sa résidence principale au grand-duché de Luxembourg ; qu'il résulte des éléments de la procédure que Mme X... était domiciliée au titre des années 1996-1998,... – Les Alluets-le-Roi, dans les Yvelines, logement dont elle était locataire et titulaire d'un contrat EDF à son nom dont les factures étaient acquittées sur l'un de ses comptes bancaires ; que si elle n'est propriétaire d'aucun bien immobilier, il n'en demeure pas moins qu'elle disposait de cinq comptes bancaires et qu'elle en utilisait cinq autres ouverts au nom de son fils Alexandre Y... ; que M. Y..., né le 12 avril 1975, était alors rattaché au foyer fiscal de sa mère sur la période incriminée ; que bien que cette dernière prétende à l'absence de revenus, elle versait à son fils étudiant une importante pension ; que par ailleurs, l'administration des impôts a consulté, le 11 juin 1999, les pièces d'une enquête faite sur commission rogatoire d'un juge d'instruction du tribunal de grande instance de Versailles, selon lesquels M. Y... a reconnu résider de manière habituelle aux Alluets-le-Roi ; que ces faits ont été confirmés par Mme X..., elle-même locataire en titre de la propriété et titulaire du contrat avec la société EDF ; qu'en outre, son concubin M. Z..., a reconnu également résider de manière habituelle aux Alluets-le-Roi en sa compagnie ; que Mme X... était la dirigeante de la société LEL, société de droit luxembourgeois, qui exerçait son activité sur le territoire français ; que sur le permis de conduire délivré en août 1997 dont copie annexée à son procès-verbal d'audition, est porté comme domicile l'adresse du... à Paris 16ème ; que selon les informations recueillies, M. Y..., fils de la prévenu, n'a jamais été domicilié au Luxembourg ; que l'ensemble de ces éléments établissent manifestement que Mme X... avait son foyer et ses principaux centres d'intérêts familiaux et professionnels en France ; qu'à ce titre, elle avait son domicile fiscal en France ;

" 1) alors que le principe de primauté des engagements internationaux de la France sur les lois confère à l'article 2 § 4 de la Convention franco-luxembourgeoise une autorité supérieure à celle de l'article 4- B du code général des impôts ; qu'en établissant la domiciliation fiscale de Mme X... en France au regard du seul article 4 B du code général des impôts, la cour d'appel a méconnu le principe de primauté des engagements internationaux sur les dispositions de droit interne et a ainsi violé l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, ainsi que, par refus d'application, l'article 2 § 4 de la Convention franco-Luxembourgeoise en date du 1er avril 1958, et par fausse application, l'article 4 B du code général des impôts ;

" 2) alors que dans le cadre de la Convention franco-luxembourgeoise en date du 1er avril 1958 tendant à éviter les doubles impositions, le domicile fiscal des personnes physiques est au lieu de la résidence normale entendue dans le sens de foyer permanent d'habitation, ou, à défaut, au lieu du séjour principal ; qu'après avoir considéré que Mme X... ne pouvait se prévaloir d'un foyer d'habitation permanent au Luxembourg, la cour d'appel ne pouvait conclure à ce que le domicile fiscal de l'intéressée ne se trouvait pas Luxembourg sans avoir préalablement recherché si le Luxembourg n'était pas son « lieu de séjour principal » au risque de priver sa décision de toute base légale ;

" 3) alors que dans le cadre de la Convention franco-luxembourgeoise en date du 1er avril 1958 tendant à éviter les doubles impositions, le domicile fiscal des personnes physiques est au lieu de la résidence normale entendue dans le sens de foyer permanent d'habitation, ou, à défaut, au lieu du séjour principal ; qu'après avoir constaté que Mme X... produisait de nombreuses factures de la vie courante et qu'elle séjournait régulièrement au Luxembourg pour les nécessités de son travail, la cour d'appel ne pouvait considérer que le Luxembourg n'était pas le lieu de séjour principal de Mme X..., sans méconnaître la portée légale de ses propres constatations et violer ainsi l'article 2 § 4 de la Convention franco-Luxembourgeoise en date du 1er avril 1958 " ;

Attendu que, pour déclarer Mme X... coupable de fraude fiscale, l'arrêt, après avoir rappelé que la prévenue a omis de déclarer partie de ses revenus en 1997 et s'est abstenue de souscrire la déclaration de l'ensemble de ses revenus personnels pour l'année 1998, écarte, par les motifs reproduits au moyen, les conclusions qui soutenaient que cette dernière était domiciliée fiscalement au Luxembourg et ne pouvait être soumise à l'impôt sur le revenu en France ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il se déduit que la prévenue ayant son foyer permanent d'habitation en France, au sens de la convention franco-luxembourgeoise, les juges n'avaient pas à rechercher le lieu de séjour principal du contribuable au sens de ladite convention, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.