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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 27 octobre 2022, n° 19/04209

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Poirel

Conseillers :

M. Desalbres, M. Figerou

Avocats :

Me Gaschet, Me Mercier, Me Poisson

TGI d'Angoulême, le 6 juin 2019, n° 18/0…

6 juin 2019

EXPOSE DU LITIGE

Mme [K] [X] épouse [W] a confié, par contrat en date du 4 janvier 2006, à la SARL Espace émeraude, dirigée par M. [V] [U], la réalisation de travaux de rénovation de son immeuble situé dans la commune d'[Localité 8] (Charentes), pour un montant de 37 276,55euros.

Le 6 juillet 2006, Mme [X] a payé la dernière facture émise par la SARL Espace Emeraude.

Au cours de l'année 2014, Mme [X] a signalé à la SARL Espace Emeraude, et à son assureur la société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP), l'apparition de deux désordres à la suite des travaux réalisés : un premier relatif à l'humidité de la douche et un second concernant le système de ventilation mécanique contrôlée.

La SARL Espace Emeraude a fait l'objet d'une radiation.

Mme [X] a assigné devant le juge de proximité la SMABTP, M. [V] [U], ancien gérant de la Société Espace Emeraude et M. [A] [U], personne qui aurait réalisé les travaux, afin de les voir condamnés à lui verser les sommes de l 721,60 euros au titre du dysfonctionnement du système de ventilation mécanique contrôlée, 400 euros d'intérêts et 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Mme [X] ayant augmenté le montant des dommages et intérêts sollicités en cours de procédure, le juge de proximité a, par ordonnance du 17 novembre 2015, renvoyé le dossier devant le Tribunal d'instance d'Angoulême.

Par jugement du 10 février 2016, le tribunal d'instance a notamment :

- condamné la SMABTP à payer à Mme [X] la somme de 3 172,46 euros au total, avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2014,

- déclaré recevables les demandes formées par Mme [X] à l'encontre de M. [V] [U] mais les a rejetées au fond,

- rejeté les autres demandes de Mme [X] notamment au titre des désordres liés à la ventilation et au titre de l'absence de location dc la maison,

- condamné la SMABTP à payer à Mme [X] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 22 février 2016, Mme [X] a interjeté appel de cette décision.

Ayant constaté de nouveaux désordres, Mme [X] a, par acte du 24 mai 2016, fait délivrer une assignation à la SMABTP et à M. [U] devant le juge des référés du tribunal de grande instance afin qu'une expertise soit ordonnée.

Par ordonnance du 27 juillet 2016, M. [M] a été désigné en qualité d'expert pour y procéder.

Par actes des 30 novembre et 5 décembre 2017, Mme [X] a fait assigner la SMABTP ainsi que M. [V] [U] devant le tribunal d'instance d'Angoulême aux fins :

- à titre principal, de condamner la SMABTP à lui verser les sommes de 4 584,62 euros au titre de la réparation des désordres et 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre la condamnation aux dépens en ce compris le coût de l'expertise judiciaire et le prononcé de l'exécution provisoire ;

- à titre subsidiaire, de condamner M. [U] au versement desdites sommes sur les mêmes fondements.

Mme [X] ayant augmenté ses demandes en cours de procédure, le tribunal d'instance, par jugement du 28 mars 2018, s'est déclaré incompétent et a renvoyé la cause devant le Tribunal de grande instance d'Angoulême.

Par jugement rendu le 6 juin 2019, le tribunal a :

- déclaré irrecevable la demande de Mme [K] [X] épouse [W] tendant à la condamnation de la SMABTP à lui verser la somme de 7 241,91 euros TTC au titre du coût de la réparation du désordre affectant la trémie de l'escalier,

- débouté Mme [K] [X] épouse [W] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SMABTP,

- dit n'y avoir lieu à ordonner un complément d'expertise concernant la trémie de l'escalier,

- déclaré recevable l'action de Mme [K] [X] épouse [W] dirigée contre M. [V] [U],

- condamné M. [V] [U] à verser à Mme [K] [X] épouse [W] la somme de 1 422,63 euros TTC (mille quatre cent vingt-deux euros et soixante-trois centimes) au titre du coût de la réparation du désordre portant sur le parquet,

- débouté Mme [K] [X] épouse [W] de ses autres demandes à l'encontre de M. [V] [U],

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- prononcé l'exécution provisoire de la décision,

- laissé les dépens à la charge de M. [V] [U].

Par déclaration électronique en date du 24 juillet 2019, Mme [X] a relevé appel de du jugement limité aux dispositions :

- ayant déclaré irrecevable sa demande tendant à la condamnation de la SMABTP à lui verser la somme de 7 241,91 euros TTC au titre du coût de la réparation du désordre affectant la trémie de l'escalier,

- l'ayant déboutée de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SMABTP,

- ayant dit n'y avoir lieu à ordonner un complément d'expertise concernant la trémie de l'escalier - l'ayant déboutée de ses autres demandes à l'encontre de M. [V] [U],

- ayant dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [X], dans ses dernières conclusions d'appelante en date du 25 février 2020, demande à la cour, au visa des articles 1792 du code civil et L.223-22 du code de commerce, de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

'Déclaré irrecevable la demande de [K] [X] épouse [W] tendant à la condamnation de la SMABTP à lui verser la somme de 7 241,91 euros TTC au titre du coût de la réparation du désordre affectant la trémie de l'escalier

'Débouté Madame [K] [X] épouse [W] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SMABTP

'Dit n'y avoir lieu à ordonner un complément d'expertise concernant la trémie de l'escalier

'Déclaré recevable l'action de Madame [K] [X] épouse [W] dirigée contre Monsieur [V] [U]

'Débouté Madame [K] [X] épouse [W] de ses autres demandes à l'encontre de Monsieur [V] [U]

'Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

En conséquence,

A titre principal,

- condamner la SMABTP à lui verser les sommes de :

' 7 404,71 euros TTC au titre du coût de la réparation du désordre affectant la trémie de l'escalier

' 5 086,35 euros TTC au titre du coût de la réparation du désordre consistant en un défaut d'isolation des murs

' 4 320 euros au titre de la perte de loyer subie entre le mois de septembre 2017 et le mois de mai 2018

- confirmer pour le surplus le jugement notamment en ce qu'il a condamné M. [V] [U] à lui verser la somme de 1 422,63 euros TTC au titre du coût de la réparation du désordre portant sur le parquet ou à défaut, condamner la SMABTP au paiement de cette même somme

- condamner la SMABTP lui à verser la somme de 8 000 euros prise sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la SMABTP aux entiers dépens en ce compris le coût de l'expertise judiciaire confiée à M. [M] et le coût du procès-verbal de Maître [S], huissier de justice à [Localité 10], en date du 30 mars 2016

A titre subsidiaire,

- condamner M. [V] [U] à lui verser les sommes de :

' 7 404,71 euros TTC au titre du coût de la réparation du désordre affectant la trémie de l'escalier

' 5 086,35 euros TTC au titre du coût de la réparation du désordre consistant en un défaut d'isolation des murs

' 1 422,63 euros au titre du coût de la réparation du désordre consistant en des vides importants entre les extrémités de certaines lames de parquet

' 4 320 euros au titre de la perte de loyer subie entre le mois de septembre 2017 et le mois de mai 2018

- condamner M. [V] [U] à lui verser la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner M. [V] [U] aux entiers dépens en ce compris le coût de l'expertise judiciaire confiée à M. [M] et le coût du procès-verbal de Maître [S], huissier de justice à [Localité 10], en date du 30 mars 2016

A titre infiniment subsidiaire,

- ordonner un complément d'expertise s'agissant du désordre consistant en un affaissement de la trémie de l'escalier et désigner à ce titre l'expert judiciaire qu'il plaira à la Cour à l'exception de M. [M]

- faire droit aux autres demandes de condamnation formées par elle que ce soit, à titre principal, à l'encontre de la SMABTP ou à titre subsidiaire à l'encontre de M. [V] [U]

En tout état de cause,

- débouter M. [V] [U] et la SMABTP de toutes leurs demandes plus amples ou contraires aux présentes et notamment celles formées au titre de leur appel incident.

La SMABTP et M. [U], dans leurs dernières conclusions d'intimés en date du 29 novembre 2019, demandent à la cour, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, L. 241-1 et L. 243-3 du code de commerce, 696 et 700 du code de procédure civile, de :

- réformer partiellement le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Angoulême en ce qu'il a :

- déclaré recevable l'action de Mme [X] dirigée comme M. [U],

- condamné M. [U] à verser à Mme [X] la somme de 1 422,63 euros TTC au titre du coût de la réparation du désordre portant sur le parquet,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de M. [U]

En conséquence,

- confirmer partiellement le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Angoulême en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable la demande de Mme [X] tendant à la condamnation de la SMABTP à lui verser la somme de 7 241,91 euros TTC au titre du coût de la réparation du désordre affectant la trémie de l'escalier,

- débouté Mme [X] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SMABTP,

- dit n'y avoir lieu à ordonner un complément d'expertise concernant la trémie de l'escalier,

- prononcé l'exécution provisoire de la décision

- dire et juger irrececable l'action de Mme [X] dirigée contre M. [U],

A défaut,

- débouter Mme [X] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de M. [U],

- condamner Mme [X] à payer à la SMABTP la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile comprenant les frais exposés en première instance et en cause d'appel,

- condamner Mme [X] à payer à M. [U] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile comprenant les frais exposés en première instance et en cause d'appel,

- condamner Mme [X] aux entiers dépens de la première instance et en cause d'appel,

- constater que le juge des référés et le juge du fond ont laissé à la charge de Mme [X] les frais d'expertise judiciaire,

- débouter Mme [X] de sa demande tendant à mettre à la charge à titre principal de la SMABTP et à titre subsidiaire à M. [U] les frais de constat d'huissier dressé le 30 mars 2016 par Maître [S].

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 août 2022.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

a/ sur le désordre affectant la trémie de l'escalier

Le tribunal a débouté l'appelante au titre du désordre affectant la trémie de l'escalier, considérant qu'il ne s'agissait pas d'un désordre évolutif, c'est-à-dire d'un désordre qui serait apparu au cours du délai décennal de la responsabilité du constructeur qui continuerait à produire des conséquences dommageables postérieurement à l' expiration de ce délai . Il a rappelé qu'un tel désordre n'était constitué qu'à la double condition que les désordres initiaux aient été judiciairement dénoncés avant l' expiration du délai de la garantie, et que ce désordre évolutif présente la condition de gravité de l'article 1792 du code civil dans le délai décennal et qu'il n'était nullement démontré que le désordre affectant la trémie de l'escalier du désordre affectant le parquet.

Devant la cour, Mme [X] conteste cette appréciation, rappelant que l'expert judiciaire qui avait refusé d'investiguer sur ce désordre, avait toutefois considéré que l'affaissement de la trémie de l'escalier concernait des éléments de structure. En outre, elle a versé au débat l'attestation d'un menuisier : M. [R] qui considère que l'affaissement des poutres du plancher qui entraine un décollement des cloisons de l'étage « est certainement dû au section de poutre trop faible au niveau de la trémie d'escalier » (cf. : pièce n° 13 de l'appelante).

Mme [X] fait valoir que le désordre de l'affaissement du plancher est dû à un affaissement de la trémie de l'escalier qui lui est antérieur, que ces deux désordres constituent des désordres de même nature portant atteinte à la solidité de l'ouvrage et que le désordre lié à l'affaissement du plancher est donc évolutif.

Mme [X] soutient ensuite que la réparation de ce désordre correspond à la somme de 7 241,91euros TTC (4 271,91 euros sur le devis [L] + 2 970 euros sur le devis [R]), à laquelle s'ajoute le coût du poteau de renfort installé à titre provisoire dans l'attente de la décision à intervenir afin de prévenir tout risque d'effondrement, soit la somme totale de 7 404,71 euros.

A titre subsidiaire, l'appelante sollicite qu'il soit ordonné une mesure d'expertise complémentaire.

L'expert judiciaire n'a relevé dans son rapport aucun désordre concernant la trémie de l'escalier rappelant qu'il n'avait été saisi que d'un désordre affectant le parquet flottant, qu'il avait constaté de légères ondulations de ce parquet lesquelles ne constituaient pas un désordre, alors que ces ondulations étaient inhérentes au type de matériaux utilisé mais qu'en raison d'un glissement anormal de certaines lames, le parquet devenait dangereux à la circulation pieds nus, si bien que le vice du matériaux le rendait impropre à sa destination.

L'article 1792 du code civil dispose que : « tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maitre ou l'acquéreur de l'ouvrage des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère. »

Sont dits évolutifs les désordres qui, étant apparus au cours du délai décennal, continuent à produire des conséquences dommageables postérieurement à l' expiration de ce délai . Ces désordres sont couverts par la garantie décennale pour leur totalité, c'est-à-dire y compris pour la partie apparue hors délai.

Cependant, la prise en charge en garantie décennale de ces désordres, spécialement des désordres postérieurs à l' expiration des dix ans, suppose une triple condition :

- que les désordres initiaux aient été judiciairement dénoncés avant l’expiration du délai de garantie,

- que les désordres aient présenté la condition de gravité de l'article 1792 du code civil dans le délai décennal ,

- que les nouveaux désordres soient bien l' aggravation , la suite ou la conséquence des désordres initiaux , et non pas des désordres nouveaux sans lien de causalité avec les précédents .

En l'espèce, la réception des travaux doit être fixée au 6 juillet 2006, date à laquelle le maitre de l'ouvrage a payé la dernière facture émise par le constructeur, et a pris possession des lieux sans formuler de réserve.

Or, l'appelante n'a fait valoir, pour la première fois, l'affaissement du plancher, que dans ses conclusions du 26 mars 2018, soit postérieurement à l' expiration du délai de la garantie décennale des constructeurs.

Ce désordre ne peut être utilement rattaché au désordre initial dénoncé dans le délai décennal, soit un parquet qui gondole, alors que l'expert judiciaire a conclu que la cause de ce désordre était un vice du matériau le rendant impropre à sa destination, lequel ne peut avoir de lien avec de nouveaux désordres touchant à la structure de l'ouvrage soit l'affaissement de la trémie de l'escalier, ou l'affaissement du plancher.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [X] de ses demandes au titre de la trémie de l'escalier, y compris en sa demande de complément d'expertise.

b/ sur le désordre affectant le plancher

Relevant que l'expert judiciaire avait mis en lumière l'existence d'espaces plus ou moins importants entre les extrémités de certaines lames du plancher dus à un glissement totalement anormal, le parquet devant dangereux à la circulation des pieds nus, caractérisant un vice du matériaux le rendant impropre à sa destination et qu'il préconisait le remplacement du parquet dont le coût correspondait à la somme de 1 422,63 euros TTC, le tribunal a néanmoins rejeté la demande de Mme [X] formée contre la SMABTP dans la mesure où l'activité de pose de revêtements de sols à base de bois, collés ou flottant (6242 dans la nomenclature) n'était pas déclarée par l'entrepreneur et qu'il n'était donc pas assuré pour celle-ci.

Mme [X] soutient au contraire qu'il ressort des conditions particulières de la police d'assurance que l'activité carrelage a bien été souscrite et que celle-ci comprend les revêtements, la réalisation de cet élément de structure relevant de l'activité déclarée par la société Espace Emeraude, à savoir l'activité 'structure et travaux courants de maçonnerie', sollicitant ainsi la réformation du jugement et la condamnation de la SMABTP à lui verser la somme de 1 422,63 euros TTC.

Il résulte de la police d'assurances souscrite par la société Espace Emeraude le 4 mai 1998 prévoit dans ses conditions particulières s'agissant des activités déclarées « 6311 carrelages revêtements »

La SMABTP démontre par la production de sa nomenclature que l'activité relative aux revêtements de sols à base de bois collés ou flottants relève de la nomenclature 6242, activité qui n'a pas été déclarée par l'entreprise.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a jugé que la pose du parquet n'était pas couverte par la garantie de la SMABTP et débouté en conséquence Mme [X] de sa demande de ce chef.

c/ sur le désordre affectant l'isolation

Constatant que l'expert judiciaire avait relevé d'une part l'existence d'un défaut de conception en matière d'isolation par la pose d'une laine de verre destinée à l'isolation acoustique et non à l'isolation thermique, laquelle n'était pas munie de pare vapeur ainsi que le prévoit le DTU et, d'autre part, l'absence de désordre tout en relevant une augmentation des dépenses de chauffage, le tribunal a rejeté la demande de Mme [X] tendant à voir la SMABTP condamnée à lui verser la somme de 3 162 euros TCC correspondant au coût de la mise en place d'isolant par injection de billes de polystyrène préconisée par l'expert, au motif que la surconsommation de chauffage étant limitée à 100 euros par an, si bien que le défaut de conception n'avait pas entraîné de désordre.

Mme [X] sollicite la réformation du jugement sur ce point considérant que l'expert judiciaire avait notamment relevé que la société Espace Emeraude n'avait réalisé l'isolation acoustique que partiellement, alors qu'en outre elle aurait dû attirer son attention sur l'absence d'isolation thermique.

Mme [X] demande la réformation du jugement sur ce point en exposant qu'outre le fait que le locateur d'ouvrage n'avait réalisé sa prestation que partiellement, il avait manqué à son devoir d'information pour lui avoir proposé une isolation acoustique et non thermique.

Pour leur part, les intimés exposent qu'il n'avait pas été prévu contractuellement que la société Espace Emeraude poserait une isolation thermique si bien que l'appelante serait mal fondée à solliciter en appel le remboursement des frais d'isolation qu'elle a fait réaliser.

Or, l'expert judiciaire a relevé sur ce point que le contrat ayant été signé en 2006, c'était la règlementation RT 2000 qui devait s'appliquer , qu'il avait été prévu la mise en place d'une laine de verre de 45 mm sur les murs extérieurs soit 118,21 m², que tous les murs extérieurs n'ont pas été isolés, et que la laine de verre mise en œuvre n'était pas destinée à l'isolation thermique si bien qu'il existait en l'espèce un défaut de conception qui n'aurait toutefois pas entrainé de désordres , l'expert relevant toutefois que cela avait entrainé une augmentation des dépenses de chauffage.

Dans les prestations confiées à la société Espace Emeraude, il était bien prévu une isolation consistant en de la « laine de roche soufflée sur l'habitation et le cellier » sans autre précision (cf : pièce n° 3 de l'appelante : devis de travaux) si bien que le maitre de l'ouvrage était fondé à obtenir une isolation conforme à la réglementation en vigueur soit la RT 2000.

Le contrat passé entre le maitre de l'ouvrage et la société Espace Emeraude fait référence à une isolation par la pose de laine de roche sur l'habitation et le cellier sans qu'il soit précisé s'il s'agissait d'une isolation phonique ou thermique.

L'expert a reconnu le défaut d'isolation, en raison d'un défaut de conception par la pose de laine de verre inadaptée (cf : page 3 du rapport d'expertise), et parallèlement un désordre constitué par une augmentation des dépenses de chauffage (ibidem)

Or, un désordre constitué par un défaut d'isolation thermique, augmentant les dépenses de chauffage, est un désordre de nature décennale, si celui-ci rend l'ouvrage impropre à sa destination.

En l'espèce, il n'est pas démontré que l'immeuble ait été rendu impropre à sa destination en raison du désordre relatif à l'isolation, quand bien même Mme [X] aurait subi une augmentation de chauffage de l'ordre de 100 euros par mois.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande au titre du défaut d'isolation de l'immeuble.

d/ Sur la perte de loyers

Le tribunal a retenu que le courrier de Mme [H] du 14 septembre 2017, versé par Mme [X] aux termes duquel l'agent immobilier a écrit 'suite à ma dernière visite de votre bien situé au [Adresse 11], par la présente je vous informe de ma décision de mettre un terme à notre mandat de gérance, l'état général de votre maison dont nous avons plusieurs fois évoqué ensemble ne me permet pas de la relouer actuellement dans les conditions que la loi nous impose' était rédigé en des termes trop généraux, ne permettant pas d'établir que les désordres allégués soient à l' origine du terme du mandat de gérance locative. (cf : pièce n° 18 de Mme [X])

Le tribunal a ensuite considéré que l'article 8.22 des conditions particulières de la police relative aux dommages consécutifs aux dommages matériels n'incluait pas le préjudice lié à la perte de loyers.

Mme [X] demande la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de la perte de loyers dans la mesure où l'impossibilité de mettre en location son logement serait liée aux désordres constatés dans la présente procédure, ce logement ne répondant pas aux critères de décence, ce qui aurait causé une perte de loyer s'élevant à 485 euros par mois entre le mois de septembre 2017 et le mois de juillet 2018, date à laquelle elle a pu relouer le bien après avoir préfinancé les travaux de confortement de l'escalier et d'isolation. (cf : sa pièce n° 31)

En outre, elle a communiqué devant la cour une nouvelle attestation de Mme [H], agent immobilier, du 26 juin 2019, aux termes de laquelle le témoin ajoute que l'impossibilité de relouer est liée à l'état de l'immeuble « escalier qui se désolidarise du mur, parquets qui s'affaissent » ( cf : pièce n° 29 de Mme [X])

L'appelante ajoute que le préjudice de perte de loyers constitue un dommage immatériel consécutif à un dommage matériel de nature de ceux visés à l'article 1792 du code civil, (par application de la définition qui en est donnée dans les conditions générales, à savoir "tout préjudice résultant de la privation d'un droit, de l'interruption d'un service rendu ou de la perte d'un bénéfice à l'exclusion de tout préjudice dérivant d'un préjudice corporel".)

En réponse à la SMABTP, Mme [X] expose que si le contrat d'assurance a été résilié en raison de la radiation de la société Espace Emeraude, la SMABTP, en qualité de dernier assureur, est tenue du délai subséquent d'un minimum de cinq ans par application de l'article L.124-5 du code des assurances.

Pour leur part les intimés exposent que l'affaissement de la trémie serait, selon la nouvelle attestation communiquée par Mme [X], la cause exclusive, certaine et directe de la perte de loyers alléguée. Or ce désordre n'entre pas dans le champ soit de la garantie de bon fonctionnement, soit dans celle de la garantie décennale.

Il résulte de l'attestation de Mme [H] du 26 juin 2019, que la seule cause de l'impossibilité de louer l'immeuble de Mme [X] proviendrait de l'escalier qui se désolidariserait du mur, et des parquets qui s'affaisseraient. Or, Il a été jugé par la cour d'appel que ces deux désordres n'ont pas été dénoncés dans le délai décennal et qu'ils ne constituent pas des désordres évolutifs et découlant ainsi d'un désordre décennal dénoncé dans le délai légal.

En conséquence, Mme [X] ne peut obtenir la réparation de son préjudice constitué par la perte de loyers.

e/ sur la responsabilité de M. [U]

A titre subsidiaire, Mme [X] recherche la responsabilité de M. [U] sur le fondement des dispositions de l'article L241-1 du code des assurances et L 223-22 du code de commerce, pour ne pas avoir déclaré à son assureur, son activité de pose de plancher, alors que le gérant est responsable envers les tiers des fautes commises dans sa gestion. Cette action se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable, ou s'il a été dissimulé de sa révélation. En l'espèce l'appelante déclare n'avoir eu connaissance du défaut d'activité déclarée par la société Espace Emeraude qu'au jour de la remise par la SMABTP en mai 2015. L'abstention de déclaration d'activité constitue une infraction pénale intentionnelle séparable de ses fonctions sociales. Aussi, elle demande, dans l'hypothèse où le tribunal considérait que la société Espace Emeraude n'était pas couverte par une assurance couvrant sa responsabilité décennale, de condamner M. [U] en ses lieu et place sur le fondement des dispositions de l'article L 223-22 du code de commerce.

Le tribunal a accueilli la demande de Mme [X] en considérant que le point de départ de l'action fondée sur l'article L. 223-23 du code de commerce relative à la mise en cause de la responsabilité personnelle des gérants en matière d'infraction aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée devait être fixé non à la date d'ouverture du chantier en février 2006, mais à la date de la remise de l'attestation d'assurance en mai 2015, étant précisé que l'infraction visée en l'espèce a pour fondement légal l'article L. 241-1 du code des assurances.

La SMABTP et M. [U] critiquent le jugement déferré en soutenant que la prescription de l'action de Mme [X] sur le fondement de l'article L. 223-23 du code de commerce commence à courir à compter du début des travaux, soit en juillet 2006 et que dès lors, l'action ayant été introduite le 24 mai 2016, elle est prescrite.

Aux termes de l'article L. 241-1 du code des assurances, "toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance.

A l'ouverture de tout chantier, elle doit justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité. Tout candidat à l'obtention d'un marché public doit être en mesure de justifier qu'il a souscrit un contrat d'assurance le couvrant pour cette responsabilité [...]".

L'article L. 2431 du même code dispose que "quiconque contrevient aux dispositions des articles L. 241-1 à L. 242-1 du présent code sera puni d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 75 000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement".

Enfin, en application de l'article L. 223-23 du code de commerce, " Les actions en responsabilité prévues aux articles L. 223-19 et L. 223-22 se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l'action se prescrit par dix ans".

Si l'action en responsabilité intentée contre le gérant se trouve prescrite par trois ans, à compter du moment où les victimes ont eu connaissance des faits, M. [U] ne démontre pas que la société dont il était le gérant ait remis, à Mme [X], lors de l'ouverture du chantier, ou au cours de celui-ci, une attestation d'assurance.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que l'action de Mme [X] n'était pas prescrite alors qu'elle a reçu l'attestation d'assurance de la SMABTP en mai 2015, et qu'elle a engagé la responsabilité de M. [U], le 24 mai 2016, soit dans le délai prévu par l'article L 223-23 du code de commerce.

Par ailleurs, sur le fond le tribunal a fait droit aux demandes de Mme [X] et a retenu la responsabilité personnelle de M. [U] en qualité de gérant de la Sarl Espace Emeraude aux motifs qu'il ne pouvait ignorer que sa société n'avait pas la compétence nécessaire pour réaliser les travaux de rénovation, sachant que cette société exerçait l'activité de négoce de monuments funéraires et qu'il savait ne pas être couvert par une assurance de responsabilité décennale couvrant l'activité réellement exercée. Dès lors, le tribunal en a déduit que M. [U] avait commis une faute de gestion en acceptant un chantier qui n'était pas garanti par le contrat d'assurance souscrit auprès de la SMABTP.

Estimant que seuls les désordres affectant le parquet constituaient des dommages de nature décennale, le tribunal a condamné M. [U] à verser à Mme [X] la somme de 1 422,3 euros TTC au titre du coût de la réparation du désordre portant sur le parquet.

Mme [X] sollicite la confirmation du jugement sur ce point, soutenant en substance que la responsabilité de M. [U] peut être engagée sans que l'intention de commettre une faute de gestion soit démontrée. Elle ajoute qu'au demeurant, l'absence de couverture en matière de responsabilité décennale est suffisamment grave pour engager sa responsabilité, rappelant que la faute commise par M. [U] est constitutive d'une infraction pénale.

La SMABTP et M. [U] sollicitent en revanche la réformation du jugement entrepris sur ce point en exposant que le tribunal aurait dû rechercher si la faute de M. [U] était intentionnelle, seul ce caractère permettant de retenir sa responsabilité. Ils précisent que la responsabilité personnelle du dirigeant suppose la démonstration d'une faute séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement, cette faute devant être d'une particulière gravité, commise intentionnellement et devant être incompatible avec l'exercice normal des fonctions de gérant.

La faute personnelle commise par M. [U] est nécessairement intentionnelle dès lors que celui-ci a sciemment accepté d'ouvrir le chantier de Mme [X] sans que la société qu'il dirigeait fût couverte par une assurance garantissant la responsabilité décennale des constructeurs, puisqu'il ne peut être contesté que la société Espace Emeraude avait une activité de négoce de monuments funéraires et n'avait de ce fait en outre aucune compétence pour exercer une activité de rénovation d'immeuble, et que de ce fait il n'avait jamais sollicité une couverture de garantie pour de tels travaux.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [U] à payer à Mme [X] les travaux de reprise des désordres qui relèvent de la garantie décennale des constructeurs.

f/ sur les frais non compris dans les dépens

Il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles et les dépens qu'elle ont engagés devant la cour.

En revanche, M. [V] [U] sera également condamné à supporter la moitié des frais d'expertise judiciaire, et la moitié des frais du constat d'huissier de Me [S] du 30 mars 2016, qui a permis à Me [X] de démontrer pour partie le bien fondé de ses demandes.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, y ajoutant :

CONDAMNE M. [V] [U] à rembourser à Mme [K] [X] épouse [W] la moitié des frais d'expertise judiciaire, et la moitié des frais du constat d'huissier de Me [S] du 30 mars 2016 ;

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

DIT que chaque partie supportera ses dépens et frais irrépétibles exposés devant la cour d'appel.