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Décisions

Cass. soc., 24 juin 2014, n° 13-11.142

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Aix-en-Provence, du 11 déc. 2012

11 décembre 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé, le 19 octobre 2009, par la chambre de commerce et d'industrie du Var, suivant un contrat à durée déterminée de trois ans, dans le cadre d'une convention industrielle de formation par la recherche, en qualité de chef de projet chargé du site internet de l'opération Var cap international, au sein de la direction de l'appui aux entreprises ; que le 10 mai 2010, la chambre de commerce et d'industrie l'ayant informé de la fin de son contrat au 31 mai 2010, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de diverses sommes au titre de la rupture abusive de son contrat ; que la chambre de commerce et d'industrie a soulevé l'incompétence de la juridiction judiciaire ; que la cour d'appel a rejeté cette exception ;

Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la défense :

 

Attendu que M. X... soulève l'irrecevabilité du pourvoi au motif que l'arrêt ne met pas fin à l'instance ;

 

Mais attendu que le pourvoi, qui invoque l'excès de pouvoir du juge judiciaire, caractérisé par la méconnaissance du principe de la séparation des pouvoirs, est immédiatement recevable devant la Cour de cassation ;

 

Sur le moyen unique :

 

Vu la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles L. 1411-2 et L. 1111-1 du code du travail ;

 

Attendu qu'il appartient au juge, saisi d'un litige opposant un établissement public à l'un de ses agents contractuels, de rechercher s'il s'agit d'un établissement public administratif ou d'un établissement public à caractère industriel et commercial, ce caractère s'appréciant au regard de son objet, de l'origine de ses ressources et de ses modalités de fonctionnement ;

 

Attendu que pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la chambre de commerce et d'industrie, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que la mission de l'opération Var cap international consiste à encourager les entreprises varoises à développer un projet de commerce international, que la plaquette de cette opération mentionne les tarifs demandés aux entreprises qui y ont recours, qu'il en découle que le service qui employait M. X... a un caractère commercial, même s'il est financé pour partie par des subventions, que le dispositif CIFRE est encadré par le code du travail et que les parties étaient liées par un contrat de droit privé, soumis en tant que tel au droit du travail ;

 

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la plus grande part des ressources du service dont relevait l'agent n'était pas constituée par des concours publics, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

Déclare le pourvoi recevable ;

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 décembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

 

Condamne M. X... aux dépens ;

 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille quatorze.

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

 

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la chambre de commerce et d'industrie du Var

 

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que l'exception d'incompétence soulevée en défense par la CCI du Var n'est pas fondée et doit être écartée ;

 

AUX MOTIFS PROPRES QUE il résulte des articles 711 et suivants du code de commerce et de la jurisprudence (tribunal des conflits du 24 mai 2004) que les chambres de commerce et d'industrie sont des établissements publics administratifs dont certains services peuvent avoir un caractère industriel et commercial ; les agents affectés à ce type de services n'ont pas la qualité d'agents publics, s'ils n'y occupent pas un emploi de direction ou n'ont pas la qualité de comptable public ; en l'espèce, il résulte des pièces de l'appelante que M. X... a été recruté dans le cadre d'un dispositif CIFRE pour le développement de l'opération Var Cap International ; la plaquette de cette opération mentionne clairement les tarifs demandés aux entreprises qui y ont recours, de la même manière que le bilan de la direction appui aux entreprises fait état de vente de marchandises, de production de biens et services ; il en découle que le service de la Chambre de commerce et d'Industrie du Var qui employait M. X... a clairement un caractère commercial, même si financé pour partie par des subventions (dont celle du CIFRE), sa mission étant clairement de facturer des programmes de formation à l'attention des entreprises locales désireuse de se tourner vers l'international ; enfin, le dispositif CIFRE est encadré par le droit du travail : article L. 1242-3 ; le contrat de travail signé entre la chambre de commerce et d'industrie du Var et M. X... précise que ce contrat est exclusivement exécutable dans le cadre d'une CIFRE ; enfin, il n'est pas allégué que M. X... ait exercé un emploi de direction ; ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, la mission de M. X... revêt un caractère industriel et commercial, exercé dans le cadre des programmes de formations offerts par l'opération Var Cap International, laquelle propose des actions de formations facturées aux utilisateurs, dans les mêmes conditions qu'une entreprise privée ; le contrat de travail de M. X... est donc un contrat de droit privé soumis en tant que tel au droit du travail ;

 

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QU'il convient de rechercher si M. X... a été employé dans un service public administratif, ou un service public à caractère industriel et commercial qui relève des juridictions de l'ordre judiciaire ; que ce caractère s'apprécie au regard de l'objet, de l'origine des ressources et des modalités de fonctionnement du service ; qu'en l'espèce, M. X... a été embauché par la Chambre de commerce et d'industrie du Var, établissement public administratif dont certains services gèrent un service public industriel et commercial ; que la mission de l'opération Var Cap International consiste à encourager les entreprises varoises à développer un projet de commerce international ; que dans ce cadre elle propose des programmes de formation facturés équivalent à ceux qui peuvent être proposé par des entreprises privées ; qu'en conséquence, la mission de M. X... revêt un caractère industriel et commercial ; que M. X... a été embauché dans le cadre d'une convention industrielle de formation par la recherche ; qu'en outre selon son contrat de travail, il était affilié aux régimes de retraite complémentaire auprès de NOVALIS et retraite complémentaire cadre auprès de l'IRICASA ; que lesdites caisses de retraite complémentaire concernent les salariés du secteur privé ; qu'en conséquence, M. X... a été employé dans les conditions du droit privé ;

 

1°) ALORS QUE les services publics gérés par des personnes publiques sont présumés de caractère administratif ; que de tels services n'ont par exception un caractère industriel et commercial qu'à la condition que, cumulativement, ils s'apparentent pleinement à une entreprise privée aux trois points de vue de leur objet, de l'origine de leurs ressources et de leurs modalités de fonctionnement ; qu'en se fondant sur la circonstance que le service de la CCI du Var employant M. X... avait pour mission de facturer des programmes de formation à l'attention des entreprises locales désireuses de se tourner vers l'international, pour en déduire le caractère commercial du service, la cour d'appel, qui a statué par des motifs insuffisants à caractériser l'existence d'un service public à caractère industriel et commercial, a violé le principe de la séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 du le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles L. 1411-2 et L. 1111-1 du code du travail, et a excédé ses pouvoirs ;

 

2°) ALORS QUE les services publics gérés par des personnes publiques sont présumés de caractère administratif ; que de tels services n'ont par exception un caractère industriel et commercial qu'à la condition que, cumulativement, ils s'apparentent pleinement à une entreprise privée aux trois points de vue de leur objet, de l'origine de leurs ressources et de leurs modalités de fonctionnement ; que la CCI du Var faisait valoir que la Direction de l'appui aux entreprises, service employant M. X..., est financé très majoritairement par des ressources publiques provenant du conseil général et de l'impôt, et que la participation financière des entreprises était très minime (conclusions p.4) ; qu'en se bornant à retenir que le service de la CCI du Var qui employait M. X... était financé « pour partie » par des subventions, sans rechercher l'origine principal des ressources du service, critère pourtant déterminant de sa nature, la cour d'appel, a privé sa décision de base légale au regard du principe de la séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 du le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles L. 1411-2 et L. 1111-1 du code du travail, et a excédé ses pouvoirs ;

 

3°) ALORS QUE les services publics gérés par des personnes publiques sont présumés de caractère administratif ; que de tels services n'ont par exception un caractère industriel et commercial qu'à la condition que, cumulativement, ils s'apparentent pleinement à une entreprise privée aux trois points de vue de leur objet, de l'origine de leurs ressources et de leurs modalités de fonctionnement ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que le convention conclue entre la CCI du Var et M. X... était exécutable dans le cadre d'une CIFRE, pour en déduire que le service employant M. X... avait un caractère industriel et commercial, la cour d'appel, qui a violé le principe de la séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 du le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles L. 1411-2 et L. 1111-1 du code du travail, a excédé ses pouvoirs ;

 

4°) ALORS QUE les services publics gérés par des personnes publiques sont présumés de caractère administratif ; que de tels services n'ont par exception un caractère industriel et commercial qu'à la condition que, cumulativement, ils s'apparentent pleinement à une entreprise privée aux trois points de vue de leur objet, de l'origine de leurs ressources et de leurs modalités de fonctionnement ; que l'ensemble des agents des chambres de commerce et d'industrie, y compris ceux ayant le statut d'agents publics et affectés à un service public administratif, relèvent pour leur retraite des régimes applicables aux salariés et non de ceux dont relèvent les fonctionnaires ; qu'en se fondant dès lors sur la circonstance inopérante que la convention conclue entre la CCI du Var et M. X... prévoyait que M. X... était affilié à des régimes de retraite qui concernent les salariés du secteur privé, pour en déduire que le service employant M. X... avait un caractère industriel et commercial, la cour d'appel, qui a violé le principe de la séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 du le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles L. 1411-2 et L. 1111-1 du code du travail, a excédé ses pouvoirs.