CA Bordeaux, 1re civ. b, 6 mai 2016, n° 14/04617
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
L'association Conservatoire de l'Air et de l'Espace d'Aquitaine (és qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Barrailla
Conseillers :
Mme Coudy, Mme Fabry
Avocats :
Me Hiriart, Me Vital - Mareille, Me Puybaraud, Me Hontas
Exposé des faits
Le 24 décembre 2002, monsieur Jean François C., se déclarant propriétaire du Norécrin, a cédé définitivement et à titre gratuit cet avion au Conservtoire de l'Air et de l'Espace (CAEA) en précisant que la documentation existante était déjà détenue par monsieur David G..
Le 23 juin 2009, le président du CAEA a notifié à monsieur David G. le vote de son exclusion par le conseil d'administration.
Le 27 juin 2009, monsieur C. a vendu à monsieur David G. le Norécrin.
Le 18 juillet 2009, monsieur David G. a revendiqué auprès du CAEA la propriété de Norecrin en se fondant sur l'acte de vente du 27 juin précédent, ce à quoi la CAEA a opposé un refus par courrier du 5 août 2009.
Par courrier du 29 octobre 2009, monsieur Jean Pierre S. a demandé au CAEA le restitution de Norécrin en arguant de sa qualité de propriétaire et en contestant une telle qualité à monsieur C., ce que le CAEA a refusé par courrier du 12 novembre 2009, en estimant être le propriétaire de l'avion cédé par monsieur C..
Après avoir obtenu du président du tribunal de grande instance de Bordeaux l'autorisation de faire constater la présence et l'état de l'appareil, ce qui fut fait par constat d'huissier de M° Lenoir du 7 juillet 2011, monsieur Jean Pierre S. a fait assigner le Conservatoire de l'Air et de l'Espace d'Aquitaine par acte d'huissier du 7 octobre 2011, devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de le voir condamner à lui restituer l'aéronef et les pièces qui y sont attachées, lui donner acte de qu'il fera procéder à l'enlèvement de l'avion à ses frais, dans les deux mois, sous astreinte de 500 € passé ce délai et de le voir condamner à lui payer 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, y compris le constat d'huissier sus indiqué.
Devant le tribunal, monsieur S., se fondant sur l'article 1917 du code civil, a soutenu que l'article 2276 du code civil ne s'appliquait pas aux aéronefs, qu'il ne pouvait être invoqué l'absence de revendication au-delà de trois ans telle que prévue à l'article 2279 du code civil, l'avion confié pour restauration au conservatoire n'étant ni perdu ni volé, et le CAEA a considéré que l'avion était une chose car il n'était plus en capacité de voler, que monsieur S. n'en était plus propriétaire et avait dans un courrier du 29 juillet 2009 reconnu en avoir abandonné la propriété, que la propriété de l'avion avait été cédée par monsieur C. au conservatoire et qu'il l'avait possédé depuis 1995 et en était propriétaire depuis 2002.
Par jugement du 5 juin 2014, le tribunal a débouté monsieur S. de sa demande de restitution et de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dit que le CAEA est propriétaire de Norécrin N 1203 n°368 et a condamné monsieur S. au paiement d'une indemnité de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en faveur du CAEA et aux entiers dépens.
Le tribunal a fait considérer qu'en se fondant sur l'article 1917 et suivants du code civil monsieur S. exerçait une action de restitution d'une chose mise en dépôt et non une action en revendication d'un bien dont il se prétendait propriétaire, qu'il ne démontrait pas que le CAEA détiendrait l'avion suite à un dépôt volontaire, qu'il ne produisait aucun document écrit en ce sens hormis deux lettres écrites par lui qui ne pouvaient valoir preuve et qu'en l'absence de remise à titre de dépôt, que le CAEA contestait fermement, le demandeur devait être débouté de sa demande de restitution.
S'agissant des demandes reconventionnelles du CAEA, il a rappelé que selon le code des transports, l'aéronef est un bien meuble, l'inscription au registre français des immatriculations valait titre de propriété, que la cession devait être faite par écrit et ne produisait effet à l'égard des tiers que par son inscription au registre français d'immatriculation, qu'un certificat d'immatriculation avait été délivré le 15 septembre 1983 au nom de monsieur Jean S. et sa radiation était intervenue le 20 décembre 1995 pour cause de réforme de l'aéronef, alors que l'avion était toujours au nom de monsieur S., que depuis cette date l'avion ne pouvait plus recevoir la qualification juridique d'aéronef d'autant qu'il n'était plus en capacité de voler, étant partiellement démonté, et qu'il pouvait donc recevoir la qualification de bien meuble, que depuis sa cession en 2002 par monsieur C., le CAEA avait pris possession de Norécrin et s'était comporté en propriétaire sans que monsieur S. n'ait élevé de contestation et que ce dernier ne démontrait pas la mauvaise foi du CAEA qui n'avait pas à exiger un certificat d'immatriculation en 2002 puisque, depuis 1995, l'avion n'était plus immatriculé.
Par déclaration du 29 juillet 2014, monsieur Jean Pierre S. a formé appel du jugement du 5 juin 2014.
Après échange des conclusions des parties, l'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2016 et a fixé l'affaire à l'audience du 22 février 2016, à laquelle elle a été retenue et la décision mise en délibéré à ce jour.
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 27 octobre 2014, monsieur Jean Pierre S. demande à la cour, au visa des articles 1917 et s. du code civil, de :
- le dire et juger recevable et bien fondé en son appel, et y faisant droit :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement du 5 juin 2014, statuant à nouveau,
- constater qu'il est propriétaire de l'appareil Norécrin immatriculé à son nom en l'absence de toute transmission de ses droits à monsieur C.,
- constater que la présence de l'appareil dans les locaux de l'association CAEA ne peut se justifier que par un dépôt effectué par son propriétaire, et qu'il est recevable et bien fondé en son action,
- débouter l'association CAEA de sa demande reconventionnelle tendant à la faire juger propriétaire de l'appareil par application de la prescription acquisitive sur le fondement des articles 2258 et 2276 du cCode civil,
- la condamner à lui restituer l'aéronef dont s'agit, avec toutes pièces y attachées, telles que répertoriées et décrites par Maître Lenoir, huissier de justice, dans son constat du 7 juillet 2011,
- lui donner acte qu'il fera procéder à ses frais à cet enlèvement aux jour et heure à convenir entre les parties et ce, dans les deux mois de la signification du jugement à intervenir, à peine, au-delà de ce délai, d'une astreinte de 500 € par jour de retard,
- condamner l'association CAEA au paiement d'une indemnité de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens, en ce compris le coût du procès-verbal de constat susmentionné du 7 juillet 2011.
- et ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Monsieur S. expose qu'il a acquis cet avion en 1983 au prix de 15.000 francs selon acte sous seing privé du 25/11/1983, l'a confié pour restauration à l'association CAEA mais que pour diverses causes la restauration n'est jamais intervenue et qu'il a demandé restitution de cet avion.
Il fait tout d'abord valoir que le dépôt n'est pas obligatoirement un contrat écrit, qu'il n'existe pas de motif d'écarter ses courriers des 29 juillet 2009 et 29 octobre 2009 à l'attention de monsieur G. et du CAEA et qu'il avait donné cet avion sous condition qu'il soit restauré, ce qui n'a pas été fait, ce qui explique qu'aucun certificat de cession n'est intervenu et qu'il en est donc toujours propriétaire, ajoutant que le CAEA ne peut se retrancher derrière une cession fantaisiste de monsieur C. car elle ne lui avait pas demandé de justifier de sa propriété.
Il soutient par ailleurs les biens soumis à immatriculation sont exclus de l'application de l'article 2276 du code civil, que la cession d'un aeronef doit être faite par écrit, que Norécrin n'a pas perdu sa qualité d'aéronef du fait qu'il ne peut plus voler en raison de la restauration entreprise, et que la prescription acquisitive ne peut être invoquée faute de possession utile car le CAEA n'a réalisé aucune vérification lorsque monsieur C. s'est présenté comme propriétaire, l'objet de l'association n'est pas la propriété des avions et monsieur C. ne pouvait céder plus de droits qu'il n'en avait, ajoutant que l'appareil n'ayant été ni perdu, ni volé, l'article 2279 du code civil ne peut s'appliquer, d'autant que la prescription visée par ce texte repose sur une possession non viciée et à titre de propriétaire.
Par dernières conclusions du 24 décembre 2014, le Conservatoire de l'Air et de l'espace (CAEA) demande à la cour, au visa des articles 12 et 122 du code de procédure civile, L6100-1, L6121-2 et L 6121-1 du code des transports, du certificat de radiation et des articles 1134, 2258 et 2276 du code civil, de :
- confirmer le jugement du 5 juin 2014 (RG 11/10409),
- dire que l'appareil Norécrin Type NORD 1203 VI n° de série 368 a perdu son statut d'Aéronef depuis sa radiation du registre des immatriculations, le 20 décembre 1995, et en raison de son état d'état d'épave, est incapable de s'élever et de circuler dans les airs.
- juger en conséquence que cet appareil est un bien meuble ordinaire soumis aux règles du code civil, et notamment aux articles 2258 et 2276 selon lesquels en fait de meuble possession vaut titre,
- dire et juger que l'appareil dénommé Norécrin en cause est en sa possession paisible et légitime sans aucune revendication depuis 1995,
- dire et juger que M. S. a reconnu avoir donné l'appareil il y a 15 ans à un groupe de personnes,
- dire et juger que par acte du 25 décembre 2002, monsieur C. en sa qualité de propriétaire du Norécrin le lui a cédé,
- En conséquence,
- juger que M. S. est irrecevable en ses demandes faute de détenir la qualité de propriétaire sur cet appareil, et le débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- reconventionnellement, constater qu'il exerce une possession publique et paisible sur le Norécrin depuis 1995 et que cette possession s'exerce à titre de propriétaire depuis le 25 décembre 2002, et qu'il a seule qualité de propriétaire de l'appareil Norécrin,
- condamner M. S. à lui régler la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Michel Puybaraud, avocat, ainsi qu'aux entiers dépens et frais éventuels d'exécution.
Le CAEA précise que cet avion a été construit en 1958, a été immatriculé au Luxembourg puis cédé à monsieur S. qui l'a immatriculé en France en 1983 et vendu en novembre 1983 à monsieur S., sans que cette vente ne soit mentionnée au registre des immatriculations compte tenu d'état de l'avion, et qu'il a été radié du registre des aéronefs français pour motif de réforme.
Il soutient qu'il s'est vu donner cet ancien aéronef hors d'état de vol, Norécrin, que monsieur S. a, comme il l'écrit dans son courrier du 29 juillet 2009, donné cet avion a un groupe de personnes, dont monsieur C., que ce dernier , au vu de l'ampleur de la tache de restauration à réaliser l'a cédé définitivement au CAEA le 25 décembre 2002 , qu'aucune revendication n'est intervenue jusqu'en 2009 et expose que la revendication de 2009 est intervenue dans un contexte conflictuel d'exclusion de monsieur G. en juillet 2009, lequel a revendiqué l'avion en se fondant sur un acte de cession en sa faveur par monsieur C., qui ne pouvait lui céder puisqu'il l'avait déjà cédé en 2002 au CAEA et enfin que, le premier subterfuge de monsieur G. ayant échoué, il a contacté monsieur S. pour qu'il revendique la propriété de l'avion, ce qu'il avait fait par courrier du 29 octobre 2009.
Il fait valoir que le Norécrin n'est plus un aéronef au sens du code de l'aviation civile et de la convention de Chicago mais un bien meuble ordinaire du fait qu'il est dans l'incapacité de voler, ce qui a entraîné sa radiation du registre des immatriculations, que la preuve d'un contrat de dépôt par monsieur S. n'est pas rapportée car celui-ci ne peut se constituer une preuve à lui-même, que ce dernier indique dans son courrier du 29 juillet 2009 qu'il a donné cet avion à un groupe d'amis quinze ans auparavant, que la preuve de la propriété résulte de l'application de l'article 2276 du code civil, et n'avait pas à vérifier la qualité de propriétaire de monsieur C., de sorte qu'il était donc possesseur de bonne foi depuis 1995 et propriétaire depuis 2002.
Il conclut que la prescription acquisitive a produit son entier effet en sa faveur, étant précisé que ses statuts lui permettant d'acquérir et sauvegarder le patrimoine aéronautique spatial.
MOTIVATION :
La recevabilité de l'appel formé par monsieur Jean Pierre S. contre le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 5 juin 2014 n'est pas contestée.
Sur la revendication de l'avion Norécrin au titre d'un dépôt :
Monsieur S. réclame la restitution de l'avion Norécrin en alléguant l'avoir remis à titre de dépôt, ce que le CAEA conteste en soulevant une fin de non-recevoir tirée de l'absence de sa qualité de propriétaire et en contestant l'existence d'un contrat de dépôt.
Il sera noté qu'au vu des articles 1937 et 1938 du code civil, la restitution doit être faite à la personne qui a confié le bien sans que le dépositaire ne puisse exiger de celui qui a fait le dépôt la preuve qu'il était propriétaire du bien.
La fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité de propriétaire de monsieur S. est dès lors dénuée d'intérêt dans le cadre d'une action en revendication présentée au titre d'un contrat de dépôt.
La demande de restitution de l'avion Norécrin se heurte par contre en l'espèce à l'absence de preuve de l'existence d'un contrat de dépôt.
Selon l'article 1915 du code civil, ' le dépôt, en général, est un acte par lequel on reçoit la chose d'autrui à la charge de la garder et de la restituer en nature.'
Le dépôt invoqué, de nature volontaire, est régi par l'application de l'article 1921 du code civil énonçant que le dépôt volontaire se forme par le consentement réciproque de la personne qui fait le dépôt et de celle qui le reçoit, et par l'article 1924 selon lequel 'lorsque le dépôt étant au-dessus du chiffre prévu à l'article 1341 n'est point prouvé par écrit, celui qui est attaqué comme dépositaire est cru sur sa déclaration, soit pour le fait même du dépôt, soit pour la chose qui en faisait l'objet, soit pour le fait de sa restitution'.
Il doit être déduit de ce texte que le contrat de dépôt est un contrat consensuel dont la preuve doit être rapportée par tous moyens si le bien avait une valeur moindre que celle de 1.500 € et par écrit ou commencement de preuve par écrit corroboré par d'autres éléments extérieurs si la valeur du bien dépassait 1.500 €.
La valeur de l'avion revendiqué n'est pas précisée par les parties, mais monsieur S. l'a acquis au prix de 15.000 frs, soit 2.286 €, en 1983, et aucun élément ne permet d'affirmer que cette valeur est au jour de la remise comme au jour de l'introduction de l'instance moindre que 1.500 €.
Il n'est produit contrat de dépôt écrit.
Par ailleurs, comme noté par le tribunal, l'action de monsieur S. repose sur deux courriers en date du 29 juillet 2009 et du 29 octobre 2009, tous deux émis par lui, de sorte qu'ils ne remplissent pas les conditions d'un commencement de preuve par écrit que l'article 1347 du code civil définit comme tout écrit 'qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué', soit en l'espèce le CAEA ou son représentant.
C'est donc à bon droit que le tribunal a considéré que monsieur S. ne prouve pas avoir remis l'avion en vertu d'un contrat de dépôt.
Il convient en second lieu d'ajouter que le contenu du courrier de monsieur S. du 29 juillet 2009 exclut une remise de l'avion Norécrin à titre de dépôt.
Dans ce courrier du 29 juillet 2009, monsieur S. écrit à monsieur David G.:
' ...
Pour votre gouverne, j'ai donné cet avion absolument complet il y a au moins quinze ans à un groupe de personnes à la condition qu'il procède à sa restauration et seulement à cette condition. Bon nombre de pièces supplémentaires y étaient associées. De toute évidence, cela n'a pas été fait, raison pour laquelle aucun acte de cession n'a été délivré. J'en revendique donc toujours la propriété.
...'.
Ce document permet d'écarter une remise du bien à titre de dépôt, laquelle exclut la volonté de transférer la propriété du bien, mais implique au contraire la volonté de la conserver, la remise en étant faite à un tiers uniquement en vue de sa garde et à charge de restitution.
En l'espèce, le courrier du 29 juillet 2009 ne fait pas état d'un dépôt mais plutôt d'une d'une donation avec condition ou charge, dans la mesure où monsieur S. acceptait de transférer la propriété qu'il n'aurait pas revendiquée si la condition de restauration avait été exécutée.
Ce courrier permet en toute hypothèse de conclure qu'il a transféré la propriété de l'avion vers 1995 à un groupe de personnes sans qu'il n'ait par la suite invoqué la caducité de ce transfert de propriété pour inobservation des conditions ou des charges.
Motifs
Monsieur S. ne justifie dès lors nullement avoir remis Norécrin à titre de dépôt.
Comme l'a indiqué le tribunal, les conditions de l'action en revendication en vertu d'un contrat de dépôt n'étant pas réunies, monsieur S. sera débouté de son action en revendication de l'avion.
Sur le propriétaire du Norécrin et la demande reconventionnelle du CAEA :
Selon l'article L6121-1 du code des transports, 'l'inscription au registre français d'immatriculation vaut titre de propriété' et l'article L 6121-2 dudit code ajoute que 'l'aéronef constitue un bien meuble pour l'application des règles fixées par le code civil. Toutefois, la cession de propriété est constatée par écrit et ne produit d'effet à l'égard des tiers que par son inscription au registre français d'immatriculation. Toute mutation de propriété par décès et tout jugement translatif, constitutif ou déclaratif de propriété sont inscrits sur le registre à la requête du nouveau propriétaire'.
Il résulte de ces textes que l'avion est un bien meuble soumis à immatriculation et que sa cession doit donner lieu à un écrit et être inscrite sur le registre des immatriculations pour
#1 être opposable aux tiers, ce qui impose à celui qui réclame la qualité de propriétaire de l'avion de produire l'acte de cession et son inscription au registre des immatriculation.
Il sera relevé tout d'abord qu'un certificat d'immatriculation de l'avion en cause a été délivré le 15 septembre 1983 au nom de monsieur S. Jean et que la cession de l'avion à monsieur S. selon acte du 25 novembre 1983 ne figure pas sur le registre des immatriculations, ce qui ne lui permet pas de bénéficier d'une présomption de propriété tirée de la mention de son nom au registre des immatriculations.
Il convient par ailleurs de noter que l'application des règles du code des transports implique que l'avion ait conservé la qualification d'aéronef, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
L'article L 6100-1 du code des transports précise qu'un aéronef est 'tout appareil capable de s'élever ou de circuler dans les airs.'
Le 15 février 2012, il a été délivré par l'administration du Bureau d'Immatriculation des aéronefs, un certificat de radiation permettant de savoir que l'avion Nord 1203 VI n° de série 368, dont le propriétaire inscrit était monsieur S. a été radié du registre des immatriculations pour le motif 'REFORME' à la date du 20/12/1995.
La radiation du registre du registre d'immatriculation interdit à cet avion de voler en application de l'article 6111-1 du code de l'aviation civile.
La 'réforme' d'un avion implique qu'il n'est plus en capacité de voler de manière définitive dans son état actuel, ce qui était le cas au jour de la radiation.
Du reste l'article D 121-30 alinéa 2 du code de l'aviation civile prévoyant qu'en cas de réforme ou de détérioration le mettant hors d'état de navigabilité, l'avion est radié d'office du registre des immatriculations.
Il s'évince de ce certificat de radiation pour cause de 'réforme' que, depuis le 20 décembre 1995, le Norécrin n'est plus un aéronef capable de s'élever ou de circuler dans les airs, car il avait perdu la capacité juridique de voler et était dans un état matériel lui interdisant tout vol, ce qui est confirmé par le constat d'huissier du 17 juillet 2011 révélant un démontage partiel de l'appareil.
Par voie de conséquence, il est soumis au régime ordinaire des meubles tel que défini par le code civil.
Le CAEA n'avait pas dès lors pas à faire transcrire la cession intervenue en sa faveur en sa faveur en 2002 sur le registre des immatriculations et la preuve de sa propriété ressort des seules dispositions du code civil.
La preuve de la propriété mobilière est régie par l'article 2276 (anciennement 2279) selon lequel :
'En fait de meubles la possession vaut titre.
Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans, à compter du jour de la perte ou de son vol, contre celui dans les mains duquel il se trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient'
L'alinéa 2 de cet article ne peut trouver à s'appliquer au cas d'espèce, monsieur S. ne soutenant pas avoir perdu son avion, ni que celui-ci lui ait été volé, et au surplus le délai de 3 ans depuis sa remise à un tiers étant largement dépassé selon ses propres déclarations.
L'alinéa 1 de l'article 2279 susvisé a une fonction acquisitive de la propriété mettant en échec un titre non corroboré par la possession et une fonction probatoire en ce qu'elle établit la propriété du bien de manière instantanée, sous condition que la possession soit faite à titre de propriétaire et de bonne foi.
#2 La possession à titre de propriétaire résulte de l'acte du 25 décembre 2002 dans lequel monsieur C. indique que, 'propriétaire de l'avion de type Norécrin N-1203 n° 368 immatriculé F BIFU, moteur Régnier 4L -14 n° 34112 ' il :
'Déclare céder définitivement et à titre gratuit ledit Norécrin au Conservatoire de l'Air et de l'Espace d'Aquitaine, 12 rue de la vieille église 33700 Mérignac, représenté par son vice-président monsieur Pierre P..
La documentation existante, accompagnant l'avion, et déjà détenue par monsieur David G. sera remise au bénéficiaire, le CAEA.
La restauration, la maintenance de l'aéronef est entièrement à la charge du conservatoire de l'Air et de l'Espace d'Aquitaine.
La responsabilité de monsieur Jean François C. est totalement dégagée :
- en cas d'accident ou d'incident intervenant sur cet Aéronef, même imputable à un défaut technique antérieur à la cession,
- en cas de problèmes de toute nature qui pourraient survenir, notamment ceux liés au statut juridique de l'avion et à sa ré immatriculation'.
Comme l'a relevé de manière fort juste le tribunal, le CAEA a pris possession en qualité de propriétaire du bien sans équivoque dès cette date, il s'est comporté comme son propriétaire depuis cette date, et personne n'a contesté cette possession avant 2009, date des revendications de l'avion par monsieur G., puis par monsieur S..
#3 La bonne foi est exclue si l'acquéreur d'un avion n'exige pas un certificat d'immatriculation alors que l'avion est soumis à immatriculation, mais en l'espèce, l'avion était radié du registre des immatriculations depuis 1995, de sorte que le CAEA ne pouvait exiger de monsieur C. la preuve d'une telle inscription.
De même, la bonne foi du possesseur est exclue s'il a connaissance que le bien est acquis d'une personne n'ayant pas de droit sur le bien, mais en l'espèce, monsieur C. a vendu le Norécrin n° 368 à monsieur G. le 27 juin 2009 qui l'a aussitôt revendiqué après du CAEA par courrier du 18 juillet 2009, de sorte que la vente du 27 juin 2009 n'a été portée à la connaissance du CEAE qu'en juillet 2009, et cette vente est intervenue après que le bien ait été cédé en 2002 au CAEA qui le détenait à titre de propriétaire depuis cette date, de sorte que cette vente du norécrin par monsieur C. à monsieur G. n'est pas susceptible de remettre en cause la bonne foi du CAEA et n'a aucune valeur, s'agissant de la vente du bien d'autrui.
#4 Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le CAEA, possesseur à titre de propriétaire et de bonne foi depuis 2002, doit être considéré comme le légitime propriétaire du Norécrin.
Sur les autres demandes :
La présente procédure a obligé le CAEA à engager des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.
Il sollicite une somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles sans préciser s'il s'agit des frais exposés en appel ou en première instance et en appel, mais après avoir sollicité la confirmation de l'ensemble du jugement déféré, de sorte que sa demande sera considérée comme visant la seule procédure d'appel ;
Monsieur S. sera condamné à lui payer la somme de 1.500. € au titre des frais irrépétibles d'appel en sus de la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance.
Étant débouté de son action en revendication au titre du dépôt, en première instance comme en appel, monsieur S. sera débouté de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles et sera tenu de supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi :
- Déclare recevable l'appel formé par monsieur Jean Pierre S. contre le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 5 juin 2014 (11/10409) ;
- Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de propriétaire de monsieur S. comme inopérante à faire obstacle, dans le cadre d'un contrat de dépôt, à la demande de restitution du Norécrin présentée contre le Conservatoire de l'Air et de l'Espace d'Aquitaine ;
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
- Condamne monsieur Jean Pierre S. à payer au Conservatoire de l'Air et de l'Espace d'Aquitaine une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
- Déboute monsieur Jean Pierre S. de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en ce qu'elle concerne les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
- Condamne monsieur Jean Pierre S. aux entiers dépens de la procédure d’appel ;
- Dit qu'il pourra être fait application de l'article 699 du code de procédure civile pour le recouvrement des dépens.
La présente décision a été signée par Michel Barrailla, président, et par madame Nathalie Belingheri, greffier, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.