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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 13 décembre 2022, n° 21/05635

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Everblue France (SASU)

Défendeur :

Piscines et Traditions (SARL), Evasiom (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Prouzat

Conseillers :

Mme Bourdon, M. Graffin

Avocats :

Me Evezard, Me Demersseman, Me Karkour, Me Clermont, Me Denel, Me Posta

T. com. Toulouse, du 2 oct. 2017, n° 201…

2 octobre 2017

FAITS ET PROCEDURE - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

La société La jardinerie de l'atelier du paysage (ADP) (désormais la société piscines et traditions) et la société Everblue PMA (devenue la société Everblue France) ont conclu les 16 octobre 2001 et 1er avril 2002 un contrat de distribution sélective, aux termes duquel la société piscines et traditions s'engageait à distribuer dans le département de l'Isère et sur une zone de chalandise déterminée des produits (piscines et matériel et produits dédiés) sous la dénomination Everblue. 

La société VBIAS (devenue la société Evasiom), dont le gérant était également celui de la société piscines et traditions, effectuait la même distribution dans le département de la Drôme en vertu d'un accord non écrit.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 décembre 2014, la société Everblue France a notifié à la société piscines et traditions son exclusion du réseau Everblue pour non-respect de ses obligations contractuelles, lui reprochant notamment une baisse très importante de ses ventes de produits Everblue ainsi que la vente de produits concurrents à la marque.

À la requête de la société piscines et traditions, le président du tribunal de commerce de Toulouse a, par ordonnance de référé du 2 juillet 2015 :

- Déclaré irrecevables les demandes de la société VBIAS ;

- Dit n'y avoir pas lieu à référé pour les demandes de la société ADP Piscines ;

- Condamné cette dernière au provisoire à payer à la société Everblue la somme de 19 939,06 euros outre intérêts de retard à compter du 31 mars 2015 ;

- Condamné les sociétés ADP Piscines et VBIAS au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens du référé.

À la suite de l'assignation délivrée le 17 décembre 2015 par la société piscines et traditions à la société Everblue France, le tribunal de commerce de Toulouse a, par jugement en date du 2 octobre 2017 :

- déclaré la Société V.B.I.A.S recevable en ses demandes ;

- condamné la société Everblue à payer aux sociétés Jardinerie de l'Atelier du Paysage et V.B.I.A.S. la somme résultant de la reprise contractuelle de son stock, outre intérêts de droit à compter du 29 mars 2015 ;

- ordonné une expertise aux fins d'évaluer la valeur d'achat des stocks existant au 17 décembre 2014, dans les deux sociétés demanderesses, en provenance de la société Everblue, en quantité et en prix unitaire et dit que, pour ce faire, l'expert partira du constat d'huissier qui a servi à l'établissement des factures des 17 et 18 mars 2015, corrigé éventuellement des remarques formulées par la société Everblue dans ses dires, tant sur le quantum que sur les prix unitaires ;

- condamné la société Everblue au paiement de la somme principale de 1 800 euros en remboursement de la facture de la Société de transports Colivit ;

- condamné la société Everblue au paiement de la somme principale de 2 172 euros correspondant à la facture de la société Bourget Logistiques correspondant aux frais de stockage des produits Everblue au 31 août 2015, à parfaire jusqu'à l'enlèvement des produits par Everblue PMA ;

- condamné la société Everblue au paiement de la somme de 13 060,88 euros en remboursement d'investissements publicitaires exposés par la société La Jardinerie de l'Atelier du Paysage ;

- condamné la société Everblue au remboursement de la somme de 2 568 euros en remboursement d'investissements publicitaires exposés par la Sté V.B.I.A.S;

- condamné la société Everblue au paiement de la somme de 5 400 euros TTC en remboursement du logiciel de gestion Everblue acheté suivant facture du 3 avril 2014 ;

- débouté la société Everblue de toutes ses demandes, en ce comprises ses demandes reconventionnelles ;

- condamné la société Everblue au paiement de la somme globale de 3 000 euros aux demanderesses sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Le 27 octobre 2017, la société Everblue France a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Par arrêt en date du 15 mai 2019, la cour d'appel de Toulouse a :

- infirmé le jugement de première instance, sauf en ce qu'il a déclaré la société V.B.I.A.S, devenue Evasiom, recevable et condamné la société Everblue à payer à la société La Jardinerie de l'Atelier du Paysage les sommes de 1 800 euros en remboursement de la facture de la société de transports Colvit et de 2 172 euros au titre des frais de stockage des produits Everblue au 31 août 2015, à parfaire, de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

- déclaré irrecevables les demandes de la société La Jardinerie de l'Atelier du Paysage et de la société V.B.I.A.S, devenue Evasiom, fondées sur la rupture des relations commerciales et tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de la rupture, d'investissements engagés courant 2014 et de l'achat d'un logiciel de gestion dédié au réseau Everblue ;

- dit que la société Everblue P.M.A. est tenue de reprendre les stocks des produits qu'elle a vendus à la société La Jardinerie de l'Atelier du Paysage et à la société V.B.I.A.S, devenue Evasiom, et que ces dernières n'avaient pas cédés de nouveau au 17 décembre 2014 ;

- débouté la société Everblue P.M.A. de ses demandes fondées sur une concurrence déloyale ou parasitaire de la société La Jardinerie de l'Atelier du Paysage et de la société V.B.I.A.S, devenue Evasiom ;

Avant dire droit,

- ordonné la réouverture des débats et le rabat de l'ordonnance de clôture ;

- dit que les sociétés La Jardinerie de l'Atelier du Paysage et V.B.I.A.S, devenue Evasiom, devront communiquer à la société Everblue P.M.A. avant le 30 juin 2019, les pièces comptables propres à établir le montant des achats, et leurs prix unitaires, faits auprès de la société Everblue P.M.A., du matériel figurant dans le stock dont elles demandent la reprise, pièces certifiées par leur expert-comptable, ainsi qu'un tableau de correspondance entre les éléments de ce stock et les factures de leur fournisseur ;

- ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience du 25 septembre 2019, 14 h 00, et fixé au 19 septembre 2019, la date de clôture de l'instruction ;

- réservé le sort des dépens et des frais irrépétibles.

La société Everblue France a formé un pourvoi contre l'arrêt rendu le 15 mai 2019 par la cour d'appel de Toulouse, et la société piscines et traditions a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Par arrêt en date du 12 mai 2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, mais seulement en ce que, d'une part, infirmant le jugement, il déclare irrecevables les demandes de la société La Jardinerie de l'Atelier du Paysage Piscines et Traditions 38 et VBIAS - Piscines et Traditions 26 devenue Evasiom, fondées sur la rupture abusive des relations commerciales et tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de la rupture, d'investissements engagés courant 2014 et de l'achat d'un logiciel de gestion dédié au réseau Everblue en ce que, d'autre part, il déboute la société Everblue P.M.A. devenue Everblue France de sa demande d'indemnisation pour concurrence déloyale et parasitaire, l'arrêt rendu le 15 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse,

- remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt en les renvoyant pour être fait droit devant la cour d'appel de Montpellier,

- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes.

Le 21 septembre 2021, la société Everblue France a saisi la cour d'appel de Montpellier.

Elle demande à la cour, dans ses dernières conclusions déposées via le RPVA le 17 octobre 2022, de :

Vu les articles 1134, 1142, 1146 et suivants et 1382 et suivants du code civil dans leur rédaction applicable à la présente espèce,

Vu l'arrêt de cassation partielle rendu entre les parties par la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 12 mai 2021,

Vu les moyens qui précèdent et les pièces visées à leur appui,

Rejetant toute prétention contraire comme particulièrement injuste et mal fondée,

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Toulouse en date du 2 octobre 2017 en ce qu'il a :

Estimé que les actes de concurrence interdits reprochés aux sociétés ADP Piscines et VBIAS devenue Evasiom ne justifiaient pas la rupture des relations contractuelles nouées entre les parties à leurs torts exclusifs ;

Condamné la société Everblue au paiement de la somme totale de 21028,88 euros correspondant au remboursement de divers investissements que les sociétés ADP Piscines et VBIAS n'auraient pas pu amortir en raison des caractères prétendument brusque et imprévisible de la rupture ;

Débouté la société Everblue de ses demandes indemnitaires au titre de son préjudice consécutif aux actes de concurrence interdits reprochés aux sociétés ADP Piscines et VBIAS devenue Evasiom (fourniture hors réseau) et à la rupture de leurs relations d'affaires en raison de la gravité des fautes contractuelles relevées à leur encontre et leur caractère répété ;

Débouté la société Everblue de ses demandes indemnitaires au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire relevés à l'encontre de ces deux anciens distributeurs postérieurement à la résiliation de leurs contrats de distribution.

Statuant à nouveau,

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture,

- révoquer l'ordonnance de clôture et la reporter au jour de l'audience de débats prévue le 18 octobre 2022 à 14 heures ;

Sur les prétentions fondées sur la responsabilité civile contractuelle,

- débouter les sociétés ADP Piscines devenue Piscines et Traditions et VBIAS devenue Evasiom de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions fondées sur l'abus de rupture de leurs relations d'affaires avec la société Everblue France ;

- dire et juger que la rupture des relations d'affaires nouées entre les parties est justifiée par la gravité et le caractère répété des manquements contractuels relevés à l'encontre des sociétés ADP Piscines devenue Piscines et Traditions et VBIAS devenue Evasiom ;

- enjoindre aux sociétés ADP Piscines devenue Piscines et Traditions et VBIAS devenue Evasiom à produire leurs comptes sociaux, les factures d'achat et de revente des produits et matériels acquis en 2013 et 2014, et une édition complète de leur grand-livre comptable (général et auxiliaire) relatifs aux exercices 2013 et 2014 précédant la rupture, le tout devant être certifié sincère et conforme par leur expert-comptable et assorti d'une astreinte comminatoire de 500 euros par infraction constatée et par jour de retard passé un délai de 8 jours suivant la signification de la décision à venir ;

- condamner solidairement les sociétés ADP Piscines devenue Piscines et Traditions et VBIAS devenue Evasiom au paiement de la somme provisionnelle à parfaire de 60 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices de la société Everblue France au titre de son manque à gagner du fait des actes de concurrence interdits relevés à leur encontre en cours d'exécution du contrat de distribution résilié ;

- condamner solidairement les sociétés ADP Piscines devenue Piscines et Traditions et VBIAS devenue Evasiom au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice d'implantation souffert par la société Everblue France ;

Sur les prétentions fondées sur la responsabilité civile délictuelle,

- dire et juger qu'en reproduisant et en faisant usage de l'enseigne et du nom commercial, antérieurs et notoires de la société Everblue France pour promouvoir et mettre en avant une activité économique concurrente postérieurement à la rupture de leurs relations d'affaires, les sociétés ADP Piscines devenue Piscines et Traditions et VBIAS devenue Evasiom ont commis à son préjudice des actes de concurrence déloyale par recherche et création d'un risque de confusion et par parasitisme économique ;

- interdire aux sociétés ADP Piscines devenue Piscines et Traditions et VBIAS devenue Evasiom et toute personne qu'elles pourraient interposer, toute reproduction, apposition, usage ou imitation de l'enseigne et du nom commercial Everblue, sur tout support et à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et par jour de retard passé un délai de huit jours suivant la signification de la décision à venir ;

- enjoindre aux sociétés ADP Piscines devenue Piscines et Traditions et VBIAS devenue Evasiom à produire une édition complète de leurs bilans, comptes de résultats détaillés et liasses fiscales pour les exercices comptables 2015 à 2020 inclus qui devront être certifiés conformes et sincères par leur expert-comptable, le tout sous astreinte comminatoire de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée passé un délai de 8 jours suivant la signification de la décision à venir ;

- condamner in solidum les sociétés ADP Piscines devenue Piscines et Traditions et VBIAS devenue Evasiom au paiement de la somme provisionnelle à parfaire de 50 000 euros au profit de la société Everblue France au titre de ses préjudices patrimoniaux et économiques consécutifs aux actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son préjudice ;

- condamner in solidum les sociétés ADP Piscines devenue Piscines et Traditions et VBIAS devenue Evasiom au paiement de la somme de 20 000 euros au profit de la société Everblue France au titre de ses préjudices extra patrimoniaux induits par banalisation et l'atteinte au pouvoir distinctif de l'enseigne et du nom commercial notoires Everblue ;

Sur les demandes reconventionnelles des défenderesses,

- déclarer les sociétés ADP Piscines devenue Piscines et Traditions et VBIAS devenue Evasiom irrecevables dans leurs demandes fondées sur la reprise des stocks et la fixation de la valeur de ces stocks comme débordant le périmètre de la cassation et l'objet de la saisine de la cour de renvoi ;

- débouter les sociétés ADP Piscines devenue Piscines et Traditions et VBIAS devenue Evasiom de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dirigées contre la société Everblue France et les dires irrecevables ou, à tout le moins, mal fondées ;

Sur les demandes accessoires,

- condamner in solidum les sociétés ADP Piscines devenue Piscines et Traditions et VBIAS devenue Evasiom au paiement de la somme de 10 000 euros au profit de la société Everblue France sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Les condamner in solidum aux entiers dépens de la présente instance d'appel avec distraction au profit de l'avocat soussigné sur affirmation de son droit.

Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l'essentiel que :

Sur la rupture des relations actuelles :

- l'article 11.2 du contrat conclu entre les deux sociétés prévoit qu'afin d'assurer l'unité et la cohésion du réseau Everblue et préserver son enseigne notoire éponyme et son image de marque, la société piscines et traditions s'est engagée à ne pas commercialiser directement ou indirectement des produits identiques ou semblables à ceux du catalogue de nature à faire concurrence aux produits Everblue,

- depuis 2001 et 2002, les commandes de la société piscines et traditions ont été en constante augmentation, mais ont brutalement chuté à compter de l'année 2014,

- or, elle a constaté en 2014 des violations répétées par ce distributeur de ses engagements de non-concurrence contractuels,

- aucune indemnité ne saurait dès lors être due aux intimés au titre de cette rupture ;

Sur la concurrence déloyale :

- les sociétés intimées ont continué à se prévaloir d'être membres du réseau Everblue après la rupture du contrat, aussi bien sur le Web que dans des revues spécialisées,

- une concurrence saine et loyale oblige tout intervenant sur le marché à individualiser ses produits ou ses services pour permettre à la clientèle de les distinguer, aisément et sans confusion possible, des produits et des services ayant une autre provenance commerciale,

- les sociétés intimées se sont livrées à une véritable concurrence déloyale justifiant l'octroi de dommages-intérêts.

Dans ses dernières conclusions déposées via le RPVA le 14 octobre 2022, les sociétés piscines et traditions et Evasiom demandent à la cour de :

Vu les conclusions après cassation n° 2 notifiées par la société Everblue France le 10 octobre 2022, veille de l'ordonnance de clôture intervenue le 11 octobre 2022,

- révoquer l'ordonnance de clôture et la reporter au jour de l'audience de plaidoirie du 18 octobre 2022, en respect du principe du contradictoire,

Vu les pièces produites aux débats et notamment contrats de distribution sélective,

Vu les articles 1134, 1146 et suivants, 1153 et suivants du code civil,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulouse le 2 octobre 2017 en ce qu'il a condamné la société Everblue France au paiement à la société piscines et traditions de la somme de 1 800 euros en remboursement de la facture de la Sté TRANSPORTS COLIVIT et 21 001,67 euros HT au titre des frais de stockage des produits Everblue au 15 juin 2021, à parfaire à la date d'enlèvement par la société Everblue France et 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance,

- condamner la société Everblue France au paiement à la société piscines et traditions de la somme principale de 31 439,32 euros HT, soit 37 727,18 euros TTC, outre intérêts de droit à compter du 17 décembre 2017, en paiement des éléments du stock qui doivent être repris,

- condamner la société Everblue France au paiement à la Sté VBIAS devenue EVASIOM de la somme principale de 6 396,43 euros HT, soit 7 675,72 euros TTC, outre intérêts de droit à compter du 17 décembre 2014 en paiement des éléments du stock qui doivent être repris,

Y ajouter,

- condamner la société Everblue France au paiement de la somme de 90 000 euros en réparation du préjudice financier subi par la société piscines et traditions anciennement dénommée jardinerie de l'atelier du paysage, suite à la rupture abusive de leurs relations commerciales par courrier du 18 décembre 2014,

- condamner la société Everblue France au paiement de la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice financier subi par la Sté EVASIOM anciennement dénommée V.B.I.A.S. suite à la rupture abusive de leurs relations commerciales par courrier du 18 décembre 2014,

- débouter la société Everblue France de sa demande indemnitaire en réparation de son préjudice suite aux actes de concurrence déloyale et parasitisme contre les sociétés piscines et traditions et EVASIOM, en la déclarant non fondée,

- condamner la société Everblue France au paiement de la somme de 10 000 euros à chacune des intimées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens distraits au profit de Maître Denel, avocat sur son affirmation de droit.

Elles font valoir pour l'essentiel que :

- s'agissant de la rupture des relations contractuelles, elles ne se sont approvisionnées auprès d'autres fournisseurs que pour des membranes de PVC armé, lesquelles étaient défectueuses chez Everblue, et en accord avec cette dernière,

- la baisse de leurs commandes chez leur fournisseur s'explique par la propre baisse de leur chiffre d'affaires due à une mauvaise conjoncture économique,

- la société Everblue France doit être condamnée au paiement de l'ensemble des conséquences de cette rupture abusive des relations contractuelles,

- la société Everblue France ne rapporte la preuve d'aucun actes de concurrence déloyale dont elles se seraient rendues coupable, et verse aux débats des captures d'écran montrant des photographies antérieures à l'année 2014 sur lesquelles apparaissent la mention Everblue.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture du 11 octobre 2022 a été révoquée à la demande des parties à l'audience du 18 octobre 2022 avant l'ouverture des débats, et la procédure a été à nouveau clôturée.

MOTIFS de la DECISION :

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par la société Everblue France :

Selon l'article 1382, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Sur le fondement de ces dispositions, la société Everblue France sollicite la condamnation des sociétés intimées à lui payer, à titre de provision, les sommes de 50 000 et 20 000 euros correspondant à ses préjudices patrimoniaux et extra patrimoniaux consécutifs aux actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son préjudice, et à la banalisation et à l'atteinte au pouvoir distinctif de l'enseigne et du nom commercial notoire Everblue.

Elle doit rapporter la preuve de fautes, d'un préjudice et d'un lien de causalité directe entre les deux imputables aux sociétés piscines et traditions et Evasiom.

L'acte de concurrence déloyale ou parasitaire suppose une imitation ou reproduction génératrice de confusion de signes distinctifs ou une immixtion dans le sillage d'un autre professionnel, afin de tirer profit, sans dépenser, de ses investissements, de sa renommée et de son savoir-faire, en réalisant ainsi des économies injustifiées.

À l'appui de sa demande, la société Everblue France produit aux débats un procès-verbal de constat d'huissier établi le 21 décembre 2016.

En premier lieu, il résulte de celui-ci que l'huissier instrumentaire, en faisant une recherche sur le moteur de recherche Google correspondant à « piscines et traditions 38 Everblue », a été renvoyé sur des sites Web tiers (mairie de [Localité 4], [05].com), auxquels renvoie leur propre URL, sur lesquels les sociétés intimées ne disposent pas de possibilités directes de modification.

En second lieu, en allant sur le site Web de la société piscines et traditions, l'huissier instrumentaire n'a trouvé aucune référence ni aucune mention à la marque Everblue, hormis une unique photographie des locaux de la société piscines et traditions sur laquelle se trouve le panneau commercial de cette société, et sur lequel apparaît en tout petit en bas à gauche la mention Everblue. Il n'est cependant pas soutenu par la société Everblue France qu'à la date du constat d'huissier, le panneau comportait réellement encore ladite mention.

Or, la société piscines et traditions verse aux débats son propre constat d'huissier en date du 21 février 2017, duquel il ressort non seulement qu'à cette date la mention Everblue n'apparaissait pas sur la photographie du panneau commercial présente sur son site Web, mais aussi que le panneau présent sur le site de son entreprise ne comportait plus une telle mention.

En troisième lieu, la société Everblue France démontre que la mention Everblue apparaît dans une revue spécialisée en matière de piscines en 2018, en minuscules et de manière presque illisible sur la vignette de la société piscines et traditions, à côté de nombreuses autres vignettes qui mentionnent elles en grand et de manière lisible la marque Everblue.

Il ressort ainsi de l'ensemble de ces constats, que s'il n'est pas démontré par la société appelante des actes volontaires de la part des sociétés intimées, il en résulte cependant des négligences de la part de ces dernières qui ont notamment laissé certains tiers utiliser d'anciennes images d'elles, lesquelles sont indiscutablement constitutives d'actes de concurrence déloyale ou parasitaire.

Le jugement du tribunal de commerce sera en conséquence réformé sur ce point.

S'agissant de la réparation de son préjudice, il convient de constater que la société Everblue France ne le chiffre pas et se contente de solliciter la production des bilans des sociétés piscines et traditions et Evasiom qui, selon elle, permettrait seule de l'établir, étant toutefois précisé que de manière générale les actes de concurrence déloyale ou parasitaire sont difficiles à quantifier, et qu'ils le sont d'autant plus lorsqu'il s'agit de simples négligences.

Il apparaît ainsi que la société Everblue France ne démontre nullement l'existence d'un préjudice économique certain.

Cependant, étant rappelée la règle selon laquelle il s'infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, d'un acte de concurrence déloyale, la cour estime qu'il convient d'évaluer le préjudice de la société Everblue France à la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts que les sociétés piscines et traditions et Evasiom seront condamnées in solidum à lui payer.

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par les sociétés piscines et traditions et Evasiom :

Sur le fondement des dispositions des articles 1134, 1146 et suivants, 1153 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, les sociétés piscines et traditions et Evasiom sollicitent la réparation des préjudices nés de la rupture abusive de leurs relations avec la société Everblue.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 décembre 2014, la société Everblue France a indiqué aux sociétés intimées qu'elle les excluait du réseau Everblue, aux motifs d'une part qu'elles s'étaient procurées différents produits en dehors du réseau (PVC armé, chauffage), d'autre part que leurs ventes de produits Everblue étaient en chute brutale, et de dernière part qu'elles auraient elles-mêmes souhaité s'exclure du réseau.

En premier lieu, l'article 11.2 du contrat de distribution précise que le distributeur s'engage pendant l'exécution du contrat à ne pas commercialiser directement ou indirectement des produits identiques ou semblables à ceux du catalogue de nature à faire concurrence aux produits de la société Everblue France.

Or, il résulte des échanges de courriers produits aux débats entre les responsables des sociétés Everblue France et piscines et traditions/Evasiom que des difficultés sont apparues concernant des membranes de PVC de la marque Everblue, et que dans ce contexte, le 31 mars 2014, le responsable de la société Everblue France prenait acte que les sociétés intimées allaient commercialiser d'autres membranes de PVC (dont il sollicitait qu’elles soient exclues de la garantie Everblue).

Par ailleurs, la société appelante ne rapporte pas la preuve, dans le contexte d'une baisse globale de leurs commandes, que les sociétés intimées se seraient approvisionnées auprès d'entreprises concurrentes s'agissant d'autres produits comme elle le soutient.

En second lieu, il est justifié que le montant des commandes des sociétés piscines et traditions (puis également d'Evasiom) auprès de la société Everblue France ont évolué de la manière suivante :

- 2008 : 269 867 euros HT

- 2009 : 192 771 euros HT

- 2010 : 233 478 euros HT

- 2011 : 138 246 euros HT

- 2012 : 219 332 euros HT

- 2013 : 378 826 euros HT

- 2014 : 287 273 euros HT (piscines et traditions 38 : 236 814 euros HT, piscines et traditions 26 (50 459 euros HT).

Or, la baisse certes notable des commandes en 2014 par rapport à 2013 n'apparaît pas spectaculaire par rapport aux années précédentes (une telle baisse ayant au demeurant existée par le passé avant d'être suivie d'une hausse), peu important également la connaissance du chiffre d'affaires des sociétés intimées par la suite, de sorte que cette baisse ne saurait caractériser un manquement de ces dernières à leurs obligations contractuelles, et alors que celles-ci justifient de leur participation active à la commercialisation de produits Everblue également en 2014 (participation à des salons et à des foires, etc.).

Enfin, en troisième lieu, s'il résulte effectivement des échanges de courriers entre les responsables des sociétés partenaires des tensions voire des incompréhensions, il n'en ressort nullement que les sociétés piscines et traditions et Evasiom aient manifesté leur volonté de quitter le réseau Everblue.

En conséquence, le jugement du tribunal de commerce de Toulouse sera confirmé en ce qu'il a jugé abusive la rupture des relations commerciales par la société Everblue France, et l'a condamné à payer aux sociétés piscines et traditions et Evasiom diverses sommes au titre des conséquences financières d'une telle rupture abusive (1 800 euros, 2 172 euros, 13 060,88 euros, 2 568 euros, 5 400 euros).

Par ailleurs, il appartient aux sociétés piscines et traditions et Evasiom de rapporter la preuve de l'existence de préjudices nés de la rupture abusive de leurs relations avec la société Everblue, tenant soit au montant de chiffre d'affaires perdu soit à une atteinte à son image de marque.

Or, celles-ci ne rapporte nullement la preuve ni de l'un ni de l'autre, les seuls emprunts bancaires et apports en financement postérieurs à la rupture des relations commerciales ne permettant pas de les chiffrer comme en étant la conséquence directe et exclusive.

Elles seront en conséquence déboutées de leur demande de dommages-intérêts complémentaires.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

L'instance se poursuivant devant la cour d'appel de Toulouse, les demandes relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront réservées.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Everblue France de ses demandes au titre de la concurrence déloyale ou parasitaire des sociétés piscines et traditions et Evasiom,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne in solidum les sociétés piscines et traditions et Evasiom à payer à la société Everblue France la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a jugé abusive la rupture des relations commerciales entre la société Everblue France et les sociétés piscines et traditions et Evasiom et a condamné la société Everblue France à payer à ses dernières diverses sommes au titre des conséquences financières d'une telle rupture abusive (1 800 euros + 2 172 euros + 13 060,88 euros + 2 568 euros + 5 400 euros),

Déboute les sociétés piscines et traditions et Evasiom du surplus de leurs demandes de dommages-intérêts,

Réserve les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.