Cass. com., 7 octobre 2014, n° 13-19.758
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Marc Lévis, SCP Richard
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 janvier 2013), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 7 décembre 2010, pourvoi n° 09-67. 344), que MM. Emmanuel et Edmond X...ont cédé l'intégralité des parts sociales composant le capital de la société Clodis, exploitant un fonds de commerce d'alimentation en vertu d'un contrat de franchise conclu avec la société Medis, à M. Y...et Mmes Z...et A... (les consorts Y...) ; que M. Y...s'est porté caution de MM. X...et de Mme X...(les consorts X...), notamment au titre d'un contrat de fournitures consenti à la société Clodis par le franchiseur, aux droits duquel vient la société Distribution Casino France (la société DCF) ; qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société Clodis, la société Medis a assigné les consorts X...en paiement de sommes dues ; que ces derniers ont appelé en garantie M. Y...; que les consorts Y...ont soutenu qu'ils avaient été victimes d'un dol émanant de la société Medis et ont sollicité sa condamnation à leur payer des dommages-intérêts ;
Attendu que la société DCF, venant aux droits de la société Medis, fait grief à l'arrêt d'avoir fait droit à cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que seul l'acte qui est réalisé dans l'intention de tromper peut être constitutif d'un dol ; qu'en se bornant à affirmer que les consorts Y...n'auraient pas acquis les parts sociales de la société Clodis sans l'engagement de la société Medis de les aider à redémarrer l'activité de celle-ci, que la société Medis, aux droits de laquelle vient la société DCF, avait sciemment effectué des manoeuvres dans le but de les tromper s'agissant de la situation de la société Clodis et leur avait donné des engagements qu'elle n'avait pas tenus, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'intention de tromper constitutive du dol prétendument commis par la société Medis, tiers au contrat de cession des parts sociales de la société Clodis, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil, ensemble au regard de l'article 1382 du même code ;
2°/ que nul n'étant tenu de contracter, chaque partie dispose du droit de mettre un terme aux pourparlers engagés, sous la seule réserve de ne pas abuser de ce droit ; qu'en décidant néanmoins que la société Medis, aux droits de laquelle vient la société DCF, avait commis une faute en n'accordant pas aux consorts Y..., le soutien financier qui aurait été envisagé lors des négociations, sans caractériser un quelconque abus de sa part, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
3°/ qu'en se bornant à affirmer que la société Medis, aux droits de laquelle vient la société DCF, n'avait pas tenu l'engagement qu'elle aurait prétendument consenti aux consorts Y..., portant notamment sur la réduction de la dette qu'elle détenait envers la société Clodis à un million de francs, et que ces derniers s'étaient engagés en conséquence d'un tel soutien financier, sans relever aucun élément pouvant permettre de considérer que les acquéreurs des parts sociales auraient pu légitimement estimer qu'un tel soutien leur serait accordé, sans qu'il ait été formalisé par écrit préalablement à la cession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
4°/ que la responsabilité délictuelle ne peut être engagée que s'il existe un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage dont il est demandé réparation ; qu'en se bornant à affirmer que la procédure collective, ouverte à l'encontre de la société Clodis dès le 25 octobre 2009, était imputable à la société Medis, aux droits de laquelle vient la société DCF, ce qui avait entraîné un préjudice important pour les consorts Y..., sans aucunement constater que l'ouverture de cette procédure collective résultait directement de la prétendue faiblesse de la ristourne qui avait été finalement accordée par la société Medis sur la créance qu'elle détenait à l'encontre de la société Clodis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que la reprise de la société Clodis, qui était dans une situation financière difficile, a été proposée aux consorts Y...par le directeur de la société Medis, que celle-ci s'est alors engagée à réduire sa créance sur la société Clodis ainsi qu'à lui accorder des délais de paiement et des ristournes importantes ; qu'il relève encore que M. Y...devait fournir une caution des engagements des consorts X..., du double de celle souscrite par ces derniers, et que, l'acte de cession de parts ayant été signé et le cautionnement obtenu, la société Medis a consenti une ristourne plus limitée que prévu puis s'est désengagée en rompant le contrat de franchise qui la liait à la société Clodis ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, faisant ressortir qu'en s'engageant à procurer à la société Clodis un soutien financier dont elle savait qu'il ne serait pas effectif, la société Medis avait commis une faute délictuelle envers les consorts Y..., la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que les consorts Y...n'auraient pas contracté sans l'engagement du franchiseur et fournisseur « de les aider à redémarrer la société » et que la société Clodis avait été mise en redressement judiciaire six mois après l'acte de cession, et que les engagements non tenus de la société Medis ont entraîné l'ouverture de la procédure collective, faisant ainsi ressortir l'existence d'un lien de causalité entre les manquements imputés au franchiseur et le préjudice subi par les consorts Y..., la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.