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Décisions

Cass. com., 4 avril 1995, n° 92-17.740

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Lacan

Avocat général :

M. Mourier

Avocats :

SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, Me Baraduc-Benabent

Aix-en-Provence, 8e ch. A, du 25 sept. 1…

25 septembre 1991

Joint le pourvoi n° G 92-17.740, formé contre les dispositions définitives d'un arrêt mixte, et le pourvoi n° J 92-17.741, formé contre les dispositions avant dire droit de cet arrêt et contre l'arrêt au fond rendu dans la même instance ;

Attendu qu'il résulte des énonciations des arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 25 septembre 1991 et 16 avril 1992) que, par acte du 24 juin 1983, la société Affichage Giraudy (la société Giraudy), qui possédait la majorité des actions constituant le capital de la société Nouvelle Marina Beaulieu Méditerranée (la société Marina), a cédé ces dernières à M. Y... pour le prix de 1 franc ; que, par le même acte, M. Y... s'est engagé à faire rembourser par la société Marina à la société Giraudy, à hauteur de 2 800 000 francs, le compte courant dont celle-ci était titulaire dans les comptes de celle-là ; qu'il était stipulé qu'en garantie du remboursement partiel du compte courant, la société Marina souscrirait des billets à ordre au profit de la société cédante, qui seraient avalisés par M. Y... et remis à cette dernière lors de la réitération de l'acte ; qu'enfin, la société Giraudy garantissait au cessionnaire l'exactitude et la sincérité du bilan de la société Marina, ainsi que le remboursement de tout passif supplémentaire qui se révèlerait ultérieurement ; que, par deux actes distincts du 27 juillet 1983, intitulés respectivement "reconnaissance de dette" et "garantie de bilan et garantie de passif", les parties ont réitéré leurs engagements précités ; que M. Y... ayant assigné la société Giraudy en exécution de la seconde de ces conventions, celle-ci a formé une demande reconventionnelle pour obtenir de son cocontractant le paiement des billets à ordre souscrits par la société Marina, laquelle avait été mise entre-temps en règlement judiciaire ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° G 92-17.740, pris en ses quatre branches :

Attendu que la société Giraudy reproche à l'arrêt du 25 septembre 1991 d'avoir accueilli, pour partie, la demande de M. Y... et de l'avoir condamnée, à ce titre, à lui payer la somme de 624 123,54 francs, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la clause de garantie de passif n'était opposable à la cédante qu'à la double condition que la réclamation lui fût adressée par lettre recommandée avec accusé de réception et qu'elle eût "la possibilité de participer à la vérification ou redressement et aux vérifications comptables" ; qu'elle n'était en conséquence pas tenue de répondre dans les trente jours à une réclamation qui ne respectait pas ces conditions de forme et de fond ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si la société Giraudy avait été conviée, lors des réclamations, à participer aux vérifications et à discuter des redressements envisagés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que la société Giraudy faisait valoir qu'il appartenait au cessionnaire de la mettre en demeure de discuter du bien-fondé des demandes formulées par les créanciers, notamment le fisc et l'URSSAF ; qu'au contraire, il avait purement et simplement acquiescé aux redressements qui lui avaient été notifié par ces organismes et les avaient ensuite répercutés sur elle ; qu'en délaissant ces conclusions soulignant que la société Giraudy n'avait pas été invitée à participer aux discussions sur le bien-fondé des créances invoquées, au mépris des stipulations claires et précises de la convention, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de surcroît, que la clause de garantie de passif ne s'applique pas aux provisions pour créances douteuses, qui ne sont pas des dettes de la société, mais des créances dont le recouvrement est aléatoire ; qu'en condamnant la société Giraudy à payer, au titre d'une telle garantie, une somme qui comprenait, à concurrence de 262 249,87 francs, des provisions pour créances douteuse, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, que la société Giraudy faisait valoir que le poste "provision des créances douteuses" n'entrait pas dans le champ de la garantie du passif, de telles créances étant en fait irrécouvrables ; qu'en délaissant ces conclusions, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, méconnaissant les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé qu'il avait été stipulé que la société cédante serait réputée avoir accepté la réclamation du cessionnaire en l'absence de réplique de sa part dans un délai de trente jours suivant la notification d'une telle réclamation, la cour d'appel n'avait pas à faire la recherche invoquée, dès lors qu'elle constatait que la société Giraudy n'avait pas répondu aux réclamations de M. Y... dans le délai contractuel ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que la société Giraudy s'était engagée à garantir l'existence des éléments d'actif figurant au bilan de la société Marina, ainsi que l'exactitude de ses écritures comptables, la cour d'appel a pu décider que la provision à constituer pour répondre du risque de non-recouvrement d'un certain nombre de créances de la société en cause entrait dans le champ d'application d'une telle garantie ; qu'elle a ainsi, sans avoir à répondre à des conclusions inopérantes, légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° J 92-17.741, pris en ses cinq branches :

Attendu que la société Giraudy reproche à l'arrêt du 16 avril 1992 d'avoir rejeté sa demande reconventionnelle, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la régularisation d'un billet à ordre peut être effectuée à tout moment et unilatéralement par le souscripteur lui-même qui s'oblige au paiement, étant à la fois le tireur et le tiré de l'effet ; qu'en l'espèce, seul le bénéficiaire pouvait se prévaloir de l'irrégularité de la régularisation si elle n'avait pas été effectuée conformément aux engagements passés ; qu'en déclarant que les effets dont la date de création aurait été apposée après leur souscription étaient nuls alors qu'il n'était pas établi que la régularisation eût été effectuée conformément aux convention intervenues, sans rechercher si elle n'avait pas été le fait du souscripteur, lequel, en l'occurrence, était le cessionnaire, ou du bénéficiaire qui se prévalait des effets, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 183 et 184 du Code de commerce ; qu'il résultait de la convention du 27 juillet 1983 qu'en garantie du remboursement du compte courant de la société Giraudy, la société Marina s'engageait à souscrire quatre billets à ordre avalisés par M. Y... et à les remettre à la société Giraudy le jour de la signature de l'acte ; que, des termes clairs et précis de cette convention, il s'évinçait donc que les billets à ordre devaient être souscrits et remise à la société Giraudy le jour-même, c'est-à -dire le 27 juillet 1983, en sorte que celui qui avait régularisé les effets, quel qu'il fût, bénéficiaire, souscripteur ou avaliste, en y portant cette date comme étant celle de leur création, les avait régularisés conformément aux conventions passées entre les intéressés ; qu'en déclarant le contraire, la cour d'appel, qui s'est pourtant fondée sur la convention conclue le 27 juillet 1983, a violé les articles 183 et 184 du Code de commerce ; alors, encore, que, dans les rapports entre le bénéficiaire, le souscripteur et l'avaliste, le billet à ordre nul vaut promesse pure et simple de payer de la part du souscripteur, tandis que l'aval est considéré comme cautionnement ; que, dès lors, la stipulation selon laquelle M. Y... se portait caution solidaire pour le paiement des intérêts conventionnels n'excluait nullement son engagement de caution du principal exprimé par sa promesse d'avaliser les billets à ordre souscrits ; qu'en retenant que cette clause de l'acte du 27 juillet 1983 limitait la garantie personnelle de M. Y... au règlement des intérêts, ce qui excluait qu'il pût considéré, du seul fait qu'il avait signé les effets, comme caution de la dette en principal, la cour d'appel a dénaturé la loi des parties, en violation de l'article 1134 du Code civil ; alors, de surcroît, qu'aux termes de l'acte du 27 juillet 1983, la société Giraudy avait cédé à M. Y... le montant de son compte courant que ce dernier s'engageait à son tour à faire rembourser par la société Marina ; qu'à supposer nuls les billets à ordre souscrits à cette fin par la société et avalisés par M. Y..., l'obligation de ce dernier au paiement serait résultée du seul fait que la société Giraudy lui avait cédé son compte courant ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si l'obligation personnelle au paiement du cessionnaire ne découlait pas tout simplement de ce que le compte courant de la société Giraudy dans les livres de la société Marina avait été cédé à l'intéressé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, que l'engagement de faire payer une dette par un tiers s'analyse en une promesse de porte-fort dont le promettant répond de l'inexécution ; qu'ayant constaté que le cessionnaire s'était engagé, aux termes de l'acte sous seing privé du 24 juin 1983, à faire rembourser par la société Marina le compte courant dont la société Giraudy était titulaire dans ses livres, ce dont il résultait qu'il devait personnellement répondre de l'inexécution de sa promesse et réparer en conséquence le préjudice subi par la créance, nécessairement identique au moment de sa créance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l'article 1120 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la société Giraudy n'a soutenu en cause d'appel, ni que la date de création avait été portée sur les titres litigieux par le souscripteur lui-même, ni que M. Y... s'était porté fort du remboursement, par la société Marina, du solde du compte courant dont elle-même était titulaire dans les livres de celle-ci ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant constaté que les titres ne comportaient pas de date de création lors de leur remise et relevé qu'il n'était pas démontré qu'une convention de régularisation soit intervenue entre les parties, la cour d'appel a pu décider que les effets litigieux ne valaient pas comme billets à ordre ;

Attendu, en troisième lieu, qu'en décidant que la souscription des engagements d'aval sur les billets annulés ne valait pas, en elle-même, cautionnement de la dette d'un montant équivalent au surplus des intérêts au paiement desquels M. Y... s'était obligé par l'acte du 27 juillet 1983, la cour d'appel n'a pas dénaturé les conventions passées entre les parties ;

Attendu, en quatrième lieu, qu'ayant relevé que la société Giraudy avait cédé à M. Y... le solde de son compte courant pour la somme de 1 franc, la cour d'appel n'avait pas à rechercher si une telle cession pouvait constituer la cause de l'obligation de ce dernier de payer à son cocontractant la somme de 2 800 000 francs ;

D'où il suit que le moyen, qui est irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit en ses première et cinquième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur les demandes d'indemnités formées respectivement par la société Giraudy et par M. Y... et le syndic du règlement judiciaire de la société Marina, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir ces demandes ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.