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Décisions

CA Grenoble, 2e ch. civ., 15 février 2022, n° 20/02928

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Generali IARD (SA), PAJ (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cardona

Conseillers :

M. Grava, Mme Pliskine

TJ de Bourgoin Jallieu, du 30 juill. 202…

30 juillet 2020

EXPOSÉ DU LITIGE :

En 2007, l'ensemble immobilier à usage d'habitation [...], a été construit par la SCCV Centre Village, promoteur aux droits de laquelle vient aujourd'hui la SAS PAJ, construction réalisée avec le concours de la SAS Entreprise C., entreprise générale.

Depuis 2015, la commune a changé de nom et se nomme désormais Ruy-Montceau.

La SARL Métallerie R. s'est vue confier la fabrication et la pose des garde-corps avec tôles perforées des balcons, dans la cadre d'un contrat de sous-traitance avec la SAS C..

Un procès-verbal de réception est intervenu le 12 octobre 2007.

Par ordonnance du 30 juin 2009, le juge des référés de Bourgoin-Jallieu a confié une mesure d'expertise à M. G., architecte, à la demande du syndicat des copropriétaires représenté par son syndic la Régie B., qui avait alors invoqué des désordres sur les garde-corps et en façade.

Les opérations d'expertise ont été étendues aux sociétés PAJ et C. par ordonnance du 11 mai 2010.

L'expert a déposé son rapport 8 février 2011.

Par jugement du 19 juin 2014, le tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu a notamment :

- condamné in solidum la SAS PAJ et la SAS C. à verser au syndicat des copropriétaires « Résidence du Frandon » la somme de 15 000 euros, au titre de la garantie de parfait achèvement ;

- condamné la SARL Métallerie R. à verser au syndicat des copropriétaires « Résidence du Frandon » la somme de 27 978,60 euros pour la reprise de l'ensemble des garde-corps.

Par ordonnance du 10 novembre 2015 rendue par le juge des référés de Bourgoin-Jallieu, une nouvelle expertise a été confiée à M. P., à la demande du syndicat des copropriétaires « Résidence du Frandon » invoquant l'aggravation des désordres affectant les garde-corps et la façade.

L'expert a déposé son rapport le 9 février 2017.

Par actes des 28 août et 4 septembre 2018, le syndicat des copropriétaires « Résidence du Frandon », représenté par son syndic la Régie B., a fait assigner la SARL Métallerie R. et son assureur la SA Generali IARD, et les sociétés PAJ et C. devant le tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu aux fins de condamnation in solidum au paiement du coût des travaux de reprise.

La SA l'Auxiliaire, assureur de la SAS C., est intervenue volontairement à la procédure.

Par jugement réputé contradictoire du 30 juillet 2020, le tribunal judiciaire (nouvelle dénomination) de Bourgoin-Jallieu a :

- déclaré recevables les demandes formées par le syndicat des copropriétaires « Résidence du Frandon » ainsi que l'appel en garantie formé par la SA Generali IARD ;

- débouté le syndicat des copropriétaires « Résidence du Frandon » de ses demandes contre la SAS PAJ, la SAS C. ainsi que son assureur la SA l'Auxiliaire ;

- débouté la SA Generali IARD de ses demandes contre la SAS C. et son assureur la SA l'Auxiliaire ;

- condamné la SARL Métallerie R. à payer au syndicat des copropriétaires « Résidence du Frandon » la somme de 92 741 euros TTC, au titre de la reprise des désordres, outre actualisation par la variation de l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE entre juin 2016 et la date du jugement ;

- débouté la SARL Métallerie R. de ses demandes contre la SA Generali IARD ;

- débouté la SAS PAJ de sa demande de dommages-intérêts contre le syndicat des copropriétaires « Résidence du Frandon » ;

- condamné la SARL Métallerie R. à payer au syndicat des copropriétaires « Résidence du Frandon » la somme de 3 500 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SARL Métallerie R. à payer à la SA Generali IARD la somme totale de 2 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la SA l'Auxiliaire et la SAS PAJ de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SARL Métallerie R. aux dépens de l'instance, comprenant les frais d'expertise judiciaire de M. P., avec distraction au profit de Me G., sur son affirmation de droit ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration au greffe en date du 25 septembre 2020, la SARL Métallerie R. a interjeté appel de ce jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 décembre 2020 à 23h18, la SARL Métallerie R. demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris ;

Statuer à nouveau,

- dire que les désordres relevés par l'expert M. P. revêtent un caractère décennal ;

- dire que la SA Generali IARD doit garantir son assurée, la SARL Métallerie R., de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au titre sa garantie décennale ;

- voir condamner tout succombant à régler à la SARL Métallerie R. la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance.

Elle expose les principaux éléments suivants au soutien de ses écritures :

- les désordres revêtent un caractère décennal ;

- ils entraînent la mobilisation de la garantie de la SA Generali ;

- les désordres de type corrosion sont généralisés, et ont porté atteinte à la solidité de l'ouvrage dans le délai d'épreuve ;

- ces désordres généralisés qui affectent un élément essentiel de la sécurité des occupants rendent l'immeuble impropre à sa destination et relèvent donc de la garantie décennale.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 janvier 2021, la SA Generali IARD demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté la mobilisation des garanties de la SA Generali et qu'il n'a prononcé aucune condamnation à l'encontre de la concluante laissant à la charge de la seule SARL Métallerie R., le poids des condamnations au titre de la responsabilité décennale ;

Dans l'hypothèse où la cour de céans infirmait le jugement et devait considérer que la garantie décennale de Generali était mobilisable par principe,

- dire et juger la SA Generali bien fondée à opposer à son assuré une déchéance de garantie pour déclaration tardive, celle-ci lui ayant incontestablement causé un préjudice important, à savoir l'impossibilité de contester l'impropriété à destination des désordres portant sur les garde-corps ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu'en vertu de l'autorité de la chose jugée conférée par le jugement du 19 juin 2014, l'impropriété à destination de l'ouvrage était acquise et non contestable pour la SA Generali ;

Statuant de nouveau,

- dire et juger que l'autorité de la chose jugée concernant le caractère décennal des désordres ne pouvait avoir d'effet de droit à l'encontre de la SA Generali dès lors qu'elle n'était pas partie à la procédure ayant donné lieu au jugement du 19 juin 2014 ;

- dire et juger que la garantie décennale des sous-traitants n'a pas vocation à être mobilisée compte tenu de la nature des désordres constatés sur les garde-corps par M. P., expert judiciaire, lesquels ne portent pas atteinte à la sécurité des personnes ou à la destination de l'ouvrage ;

- mettre hors de cause la SA Generali IARD.

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la SA Generali, dans l'hypothèse d'une condamnation, sera bien fondée à exercer un appel en garantie sur le fondement de l'article 1240 du code civil et de l'article L. 124-3 du code des assurances à l'encontre de la SAS C. et de son assureur l'Auxiliaire, pour les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, dans une proportion que la juridiction déterminera.

En toute hypothèse,

- dire et juger que la SA Generali IARD sera déclarée bien fondée à opposer erga omnes sa franchise contractuelle ;

- voir condamner tout succombant à verser à la SA Generali IARD une indemnité de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- voir condamner tout succombant aux entiers frais et dépens de l'instance, lesquels comprendront le coût de l'expertise judiciaire de M. P..

Elle expose les principaux éléments suivants au soutien de ses écritures :

- les garanties ne sont pas mobilisables ;

- subsidiairement, elle entend opposer à son assuré une déchéance de garantie pour déclaration tardive, celle-ci lui ayant incontestablement causé un préjudice important à savoir l'impossibilité de contester l'impropriété à destination des désordres portant sur les garde-corps ;

- par ailleurs, elle entend contester l'impropriété à destination des désordres, l'autorité de la chose jugée concernant le caractère décennal des désordres retenu par le tribunal judiciaire ne pouvant avoir d'effet de droit à son encontre dès lors qu'elle n'était pas partie à la procédure ayant donné lieu au jugement du 19 juin 2014 ;

- un premier jugement du 19 juin 2014 a considéré que les désordres sur les garde-corps étaient de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ;

- c'est en considération de ce premier jugement que le tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu, dont appel, a estimé qu'en vertu de l'autorité de la chose jugée, il n'était plus possible de contester la nature décennale des désordres ;

- l'article L. 113-2, 4° du code des assurances met à la charge de l'assuré l'obligation de déclarer à son assureur toute circonstance de nature à constituer un sinistre au sens du contrat d'assurance, et ce, dans un délai prévu dans le contrat qui ne peut toutefois être inférieur à 5 jours ;

- cette exigence légale est logique dans la mesure où c'est bien l'assureur qui supportera in fine le poids financier du sinistre ;

- la déchéance est une sanction qui frappe l'assuré pour le non-respect des obligations mises à sa charge après le sinistre ;

- les désordres concernant les garde-corps n'ont pas été déclarés au moment de l'assignation en référé et au fond, procédure ayant abouti au jugement du 19 juin 2014 ;

- la chose jugée n'a qu'une autorité relative en ce sens qu'elle n'a lieu que dans les rapports des parties au procès et ne joue donc pas à l'égard des tiers, comme l'est en l'espèce Generali ;

- le jugement de 2014 ne peut créer de droits ou d'obligations à l'encontre de ceux qui n'ont été ni parties, ni représentés ;

- les désordres ne sont pas de nature décennale ;

- concernant l'incidence des désordres, l'expert précise que les désordres « esthétiques à ce jour », sont cependant évolutifs et pourraient porter à plus ou moins long terme, atteinte à la solidité de l'ouvrage et à la sécurité des personnes ;

- les désordres sont esthétiques et ne portent nullement atteinte à la solidité de l'ouvrage ;

- si l'expert judiciaire estime qu'à terme la solidité de l'ouvrage allait être atteinte, cette affirmation péremptoire ne repose sur aucune investigation technique de type essais d'arrachement ou analyses de l'état actuel des ferraillages, lesquelles justifieraient que ceux-ci soient particulièrement corrodés ;

- en résumé, les désordres de type corrosion ne sont pas généralisés, ils sont exclusivement de nature esthétique et n'ont pas porté atteinte à la solidité de l'ouvrage dans le délai d'épreuve, de sorte que la garantie décennale de la SA Generali n'a nullement vocation à être mobilisée, comme croit pouvoir l'affirmer l'appelant s'appuyant sur la seule décision du 19 juin 2014 et sans procéder à l'analyse du rapport de M. P. ;

- elle appelle éventuellement en garantie l'entreprise C. qui a sous-traité ;

- elle rappelle au besoin l'existence d'une franchise.

Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 20 mars 2021, la SAS Entreprise C. et la SA l'Auxiliaire demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le syndicat des copropriétaires « Résidence du Frandon » et la SA Generali IARD de leurs demandes contre la SAS C. et la SA l'Auxiliaire ;

- condamner la SARL Métallerie R., le syndicat des copropriétaires « Résidence du Frandon » et la SA Generali IARD à verser à la SA l'Auxiliaire et à la SAS C. la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'Article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SARL Métallerie R., le syndicat des copropriétaires « Résidence du Frandon » et la SA Generali IARD aux dépens de première instance et d'appel.

Elles exposent les principaux éléments suivants au soutien de leurs écritures :

- il y a une irrecevabilité des demandes à l'encontre de la société C., dont l'absence de responsabilité décennale a été consacrée par jugement du 19 juin 2014 assorti de l'autorité de la chose jugée ;

- par jugement du 19 juin 2014, le tribunal avait retenu la nature décennale des désordres affectant les garde-corps « Il y a donc lieu de considérer que la dégradation des garde-corps qui justifie la mise en place de tôles nouvelles constitue un désordre de nature décennale, les désordres de ces éléments entraînant une impropriété de l'immeuble à destination » ;

- le tribunal a en conséquence condamné la SARL Métallerie R., seule, à verser au syndicat des copropriétaires « Résidence du Frandon » la somme de 27 978,60 euros, outre actualisation selon l'indice du coût de la construction, « pour la reprise de l'ensemble des garde-corps » ;

- l'action en responsabilité décennale du syndicat des copropriétaires à l'encontre de la société C. au titre de ces garde-corps, et l'action en garantie formée à ce même titre par la société R., ont été rejetées ;

- ni le syndicat des copropriétaires, ni la SARL R. n'ont formé un recours à l'encontre de ce jugement, lequel est désormais assorti de l'autorité de la chose jugée ;

- pour retenir l'autorité de la chose jugée, le tribunal a vérifié que les critères cumulatifs exigés par le texte étaient bien réunis :

* que la chose demandée soit la même,

* que la demande soit fondée sur la même cause,

* que la demande soit entre les mêmes parties

* que la demande soit formée par elles et contre elles en la même qualité ;

- la chose demandée est bien la même, il s'agit de la réparation des désordres affectant de manière généralisée les garde-corps de la « Résidence du Frandon » ;

- la demande est bien fondée sur la même cause, à savoir les travaux de construction de la « Résidence du Frandon » et les responsabilités pouvant en découler pour les locateurs d'ouvrage et leurs assureurs ;

- la demande est formulée exactement entre les mêmes parties que celles du jugement du 19 juin 2014 ;

- est irrecevable l'action en responsabilité intentée à l'encontre d'un locateur d'ouvrage à la fois sur le fondement de sa responsabilité décennale et, de façon cumulative, sur celui de sa responsabilité contractuelle ;

- en outre, en vertu du principe de concentration des moyens, il appartenait au syndicat des copropriétaires de soulever en temps utile, dans le cadre de l'instance RG n°11/00266, l'ensemble des moyens qu'il estimait de nature à fonder sa demande indemnitaire à l'encontre de la société C., parmi lesquels la responsabilité contractuelle, pour vice intermédiaire ;

- pour tenter d'obtenir la condamnation de la société C. et de l'assureur l'Auxiliaire, le syndicat des copropriétaires a nouvellement allégué d'une défaillance de la société C. dans le cadre d'une mission de maîtrise d'œuvre d'exécution qui lui aurait été prétendument confiée ;

- la réalité de cet engagement contractuel n'est cependant pas démontrée par le syndicat des copropriétaires, alors que la preuve lui en incombe, en vertu de l'article 1353 du code civil ;

- le tribunal a retenu cette absence de preuve en indiquant « Si l'expert ajoute que la société C. semble avoir assuré elle-même le rôle de maîtrise d'œuvre d'exécution, cela n'est pas justifié et l'est d'autant moins qu'elle a été mise hors de cause pour les désordres initiaux » ;

- en l'espèce, la SARL Métallerie R. est intervenue sur le chantier en qualité de sous-traitante de la SAS C. ;

- elle a exécuté ses travaux en toute indépendance et non sous la maîtrise d'œuvre de la SAS C..

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 mars 2021, la SAS PAJ demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la SAS PAJ de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre du syndicat des copropriétaires « Résidence du Frandon » ;

Et, statuant de nouveau,

- condamner le syndicat des copropriétaires « Résidence du Frandon » à payer à la SAS PAJ une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ensuite de cette procédure abusive et injustifiée ;

- condamner le syndicat des copropriétaires « Résidence du Frandon » à payer à la SAS PAJ une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner tout succombant aux entiers dépens de l'instance, ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Elle expose les principaux éléments suivants au soutien de ses écritures :

- dans sa décision du 19 juin 2014, le tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu a eu l'occasion de qualifier la nature des désordres affectant la « Résidence du Frandon » , en indiquant qu'ils relevaient de la garantie décennale (page 11 du jugement du 19/06/2014) et que seule la responsabilité de la SARL Métallerie R. pouvait être retenue à ce titre ;

- or ces désordres pour lesquels une décision définitive a été rendue sont tout à fait identiques à ceux relevés par M. P. au terme de son rapport d'expertise, celui-ci indiquant expressément que les désordres de coulures constatés sur les façades avaient pour origine les désordres affectant les ouvrages métalliques, garde-corps et lisses, de telle sorte que la réfection putative des façades ne ressortissait nullement de la responsabilité de la SAS PAJ, mais avait pour seule origine les fautes commises par l'entreprise R. (p 9 du rapport d'expertise point 6) ;

- l'action initiée le 4 septembre 2018 par le syndicat des copropriétaires à l'encontre notamment des sociétés PAJ et C. se heurtait donc à l'autorité de chose jugée ;

- la cour ne pourra que confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a parfaitement tiré les conséquences légales de l'autorité de chose jugée découlant du précédent jugement de 2014 et partant a débouté le syndicat des copropriétaires de ses demandes formées à l'encontre des sociétés PAJ et C..

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 janvier 2021, le syndicat des copropriétaires « Résidence du Frandon » demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris du 30 juillet 2020 en ce qu'il a jugé que les désordres étaient de nature décennale et qu'aucune autorité de chose jugée ne peut être opposée au syndicat des copropriétaires au titre de l'aggravation de ces désordres ;

A titre incident,

- dire et juger que la responsabilité décennale des constructeurs est susceptible d'être engagée ;

- dire et juger que les désordres présentent des défauts de préparation et de mise en œuvre imputables à la SARL Métallerie R. ;

- dire et juger que la SAS Entreprise C. en tant que maître d'œuvre d'exécution devait assurer le contrôle des travaux ;

- dire et juger que la société PAJ venant aux droits de la SCCV Centre Village devait livrer au syndicat un ouvrage exempt de désordres affectant la sécurité de ses usagers ;

- dire et juger que la SARL Métallerie R. est couverte au titre des désordres de nature décennale dans le cadre de l'exécution de son activité de sous-traitante ;

- infirmer le jugement du 30 Juillet 2020 en ce qu'il a condamné la SARL Métallerie R. à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 92 741 euros TTC au titre de la reprise des désordres, outre actualisation par la variation de l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE entre juin 2016 et la date du jugement ;

Statuant à nouveau,

- rappeler que la déchéance de garantie dont se prévaut la SA Generali IARD n'est pas opposable au tiers lésé que constitue le syndicat des copropriétaires ;

- condamner la SAS PAJ venant aux droits de la SCCV Centre Village in solidum avec la SAS Entreprise C. et son assureur la SA l'Auxiliaire et la SARL Métallerie R. et son assureur la SA Generali à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 92 741 euros TTC au titre de la reprise des désordres, outre actualisation par la variation de l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE entre juin 2016 et la date de l'arrêt à intervenir ;

Dans tous les cas,

- condamner les constructeurs et leurs assureurs respectifs solidairement à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance, dont distraction faite au profit de Maître Audrey G., avocat au barreau de Bourgoin-Jallieu, sur son affirmation de droit ;

- rejeter toute demande contraire ou plus ample.

Il expose les principaux éléments suivants au soutien de ses écritures :

- le tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu a relevé à bon droit que les désordres nouvellement constatés ne différaient des désordres initiaux que dans leur ampleur « seule leur généralisation est retenue, laquelle ne saurait être remise en cause alors que l'expert précise avoir fait ce constat depuis le bas de l'immeuble, et non pas seulement par des visites de quelques appartements » ;

- contrairement à ce que croit pouvoir avancer la SA Generali dans ses écritures, le caractère décennal ne fait donc aucun doute puisqu'il résulte tant du jugement du 19 juin 2014 que du rapport de M. P. qui a conclu à une généralisation des désordres sur cette copropriété, généralisation dont le tribunal se plaît à rappeler qu'elle est intervenue dans le délai décennal de sorte qu'elle ne saurait être prescrite ;

- le caractère généralisé des désordres ne fait aucun doute puisqu'il résulte non seulement des constats réalisés chez certains copropriétaires mais aussi des constatations visuelles opérées depuis le bas de l'immeuble en présence de tous ;

- la théorie des désordres évolutifs doit trouver à s'appliquer ;

- la responsabilité de la SARL Métallerie R. est indéniable et n'est, d'ailleurs, pas contestée par cette dernière qui a interjeté appel afin d'obtenir la garantie de son assureur, la SA Generali ;

- la SARL Métallerie R. dispose aussi d'une garantie facultative couvrant la responsabilité civile décennale susceptible d'être engagée dans le cadre de son activité de sous-traitant ;

- la SA Generali ne peut dénier la mobilisation de sa garantie dès lors que les désordres de nature décennale sont imputés à l'action de son assuré, la SARL Métallerie R. qui a souscrit une garantie la couvrant dans le cadre de son activité de sous-traitance ;

- pour l'expert, la société C. « devait donc contrôler la bonne exécution des travaux et le respect des préconisations de l'entreprise » ;

- celle-ci ne peut donc dénier l'indéniable part de responsabilité devant lui être imputée au titre des désordres de nature décennale ;

- les conditions pour l'application stricte de l'article 1355 du code civil ne sont, à l'évidence, pas remplies ;

- dans le cadre du rapport de M. P., seule sa mission de maître d'œuvre d'exécution est stigmatisée dans le contrôle de l'exécution de l'entreprise ;

- ce n'est donc pas la mission d'entreprise générale qui est en cause mais bien celle spécifique ;

consistant à contrôler la bonne réalisation des travaux par les entreprises exécutantes ;

- par surcroît, l'autorité de chose jugée opposée à la victime se heurte à la jurisprudence constante qui considère que l'entrepreneur principal est responsable à l'égard du maître de l'ouvrage ou des propriétaires successifs de l'ouvrage des fautes de ses sous-traitants à l'origine des désordres.

La clôture de l'instruction est intervenue le 1er septembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'autorité de chose jugée et ses conséquences :

Aux termes de l'article 1355 nouveau du code civil (anciennement 1351), « l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ».

Il convient de rappeler que la garantie décennale couvre les conséquences futures de désordres résultant de vices dont la réparation a été judiciairement demandée au cours de la période de garantie.

1) L'effet positif de l'autorité de chose jugée :

En application du texte susvisé et en vertu de l'effet positif de l'autorité de chose jugée, la victime qui invoque l'aggravation ultérieure des désordres constatés par une décision de justice devenue irrévocable peut s'appuyer sur l'autorité de la chose ainsi jugée pour obtenir réparation des dommages liés à l'aggravation, quelle que soit la date d'apparition des nouveaux désordres affectant le même ouvrage et ayant la même cause.

En l'espèce, l'expert judiciaire, M. P., a constaté une généralisation des corrosions des tôles perforées des garde-corps, lesquelles tôles sont soudées sur les montants du garde-corps, ainsi que des corrosions sur les lisses des balcons et fenêtres.

Il a confirmé également les constats dressés par Me A., huissier de justice, à savoir la présence de coulures de rouille au droit de certains balcons et quelques zones de décollement en partie basse des murs et au droit des fissurations.

Dans le cadre de la procédure judiciaire ayant donné lieu au jugement rendu le 19 juin 2014, jugement désormais irrévocable, les désordres initiaux sont décrits par l'expert G. selon lequel l'ensemble des tôles perforées de remplissage des garde-corps est rouillé, tôles en outre soudées aux potelets. Cet expert avait constaté également des coulures de rouille en façade.

Ainsi, force est d'admettre que les désordres nouvellement constatés ne diffèrent des désordres initiaux que dans leur ampleur.

Aucune autre différence n'existant par ailleurs, seule leur généralisation est retenue, laquelle ne saurait être remise en cause alors que l'expert précise avoir fait ce constat depuis le bas de l'immeuble, et non pas seulement par des visites de quelques d'appartements.

En outre, dans les deux procédures, les désordres ont été imputés directement au manque de préparation des tôles avant peinture s'agissant de leur nettoyage et dégraissage.

Les tôles étant soudées aux potelets, leurs champs n'avaient pas été traités et peints, ce qui n'a pas permis à l'eau de pouvoir s'écouler facilement et a aggravé le phénomène.

Enfin, le jugement de 2014 concerne les mêmes parties que dans la présente procédure, les assureurs des sociétés C. et Métallerie R. que sont la SA l'Auxiliaire et la SA Generali IARD étant leur coobligés potentiels et ne pouvant être considérés comme des parties nouvelles.

Or, en 2014, le tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu avait relevé l'impropriété à destination des garde-corps destinés à la protection des personnes du fait des désordres de rouille constatés.

Ce jugement ayant autorité de chose jugée, la généralisation de ces désordres conduit à considérer qu'ils répondent aux exigences de l'article 1792 du code civil.

De plus, cette généralisation a été constatée pendant le délai décennal.

En effet, en cas d'interruption du délai décennal de l'article 1792-4-1 du code civil par la désignation d'un expert, un nouveau délai commence à courir à compter de cette désignation, soit en l'espèce à compter du 10 novembre 2015, en sorte que la réparation de l'aggravation des désordres a été demandée par le syndicat des copropriétaires dans le délai décennal.

Il n'est donc pas nécessaire de faire appel à la théorie des désordres évolutifs, laquelle suppose une aggravation intervenue après expiration de ce délai.

De même, selon l'expert, M. P., il s'agit de désordres encore esthétiques mais qui sont évolutifs et qui, à terme, allaient porter atteinte à la solidité des ouvrages garde-corps et lisses, destinés à la sécurité des personnes.

Au regard de la théorie des désordres futurs, le caractère décennal des désordres est confirmé, même si l'autorité de chose jugée suffirait à la retenir.

En conséquence, les demandes formées par le syndicat des copropriétaires sont parfaitement recevables de même que l'appel en garantie formé par la SA Generali IARD.

2) L'effet négatif de l'autorité de chose jugée :

En vertu de l'effet négatif de l'autorité de chose jugée, dès lors que l'imputabilité aux sociétés C. et PAJ des désordres initialement constatés n'a pas été retenue, elles ne peuvent se voir imputer la généralisation de ces désordres identiques dans leur nature, leur cause et leurs conséquences et n'en différant que par leur ampleur.

Seule la SARL Métallerie R. , en qualité de sous-traitante, tiers au maître d'ouvrage, est responsable de l'aggravation des désordres, au titre de sa responsabilité délictuelle à l'égard du syndicat des copropriétaires, en application des dispositions de l'article 1792-1 du code civil. Sa faute (quand bien même elle est de nature contractuelle dans le cadre de la sous-traitance) est la cause des désordres subis par le propriétaire de l'immeuble.

De plus, selon l'expert, le mode d'exécution relatif aux garde-corps est contraire au CCTP du lot Serrurerie où il est préconisé une métallisation et un laquage au four de l'acier pour garantir la pérennité des garde-corps, CCTP dont l'entreprise R. avait connaissance.

Si l'expert ajoute que la SAS Entreprise C. semble avoir assuré elle-même le rôle de maîtrise d'oeuvre d'exécution, cela n'est pas justifié et l'est d'autant moins qu'elle été mise hors de cause pour les désordres initiaux.

De même, rien ne permet de mettre en cause la SAS PAJ, laquelle est de toute façon empêchée du fait de l'autorité de chose jugée en 2014.

Les sociétés C. et PAJ seront donc mises hors de cause et le syndicat des copropriétaires sera débouté de ses demandes à leur encontre ainsi qu'à l'égard de la SA l'Auxiliaire, assureur de la société C., de même que la SA Generali sera déboutée de son appel en garantie contre la société C. et son assureur la SA l'Auxiliaire.

Le jugement entrepris sera confirmé de l'ensemble de ces chefs.

Sur l'indemnisation des préjudices :

L'expert a préconisé la reprise de la totalité des ouvrages avec les précisions suivantes :

- dépose des garde-corps, avec mise en place de garde-corps provisoires,

- reprise des traitements et peintures en atelier,

- reprise des tôles perforées soit par modification des tôles avec reprise du mode de fixation + traitement + peinture, soit par leur remplacement,

- repose des garde-corps.

Il a chiffré les travaux de reprise à la somme de 84 310 euros HT soit 92 741 euros TTC.

Ce chiffrage sera retenu et la SARL Métallerie R. sera condamnée à payer cette somme, outre actualisation par la variation de l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE entre juin 2016 et la date du jugement, ou la date de l'arrêt, si des sommes restent encore dues malgré l'exécution provisoire du jugement.

Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs indemnitaires.

Sur l'appels en garantie de la SA Generali IARD :

Cet appel en garantie ne saurait prospérer, en ce que la responsabilité délictuelle de la SARL Métallerie R. est certes engagée mais non garantie par le contrat souscrit auprès de la SA Generali IARD.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts :

Agir en justice est un droit qui peut néanmoins dégénérer en abus lorsque l'action en justice est exercée de mauvaise foi ou, à tout le moins, sans aucun fondement sérieux.

En l'espèce, la SAS PAJ sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive en ce qu'elle ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui résultant de son implication dans la présente procédure, lequel relève des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et qui sera examiné ci-dessous.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La SARL Métallerie R., dont l'appel est rejeté, supportera les dépens d'appel avec distraction, ceux de première instance étant confirmés.

Pour la même raison, il ne sera pas fait droit à sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge du syndicat des copropriétaires « Résidence du Frandon » les frais engagés pour la défense de ses intérêts en cause d'appel. La SARL Métallerie R. sera condamnée à lui payer la somme complémentaire de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA Generali IARD les frais engagés pour la défense de ses intérêts en cause d'appel. La SARL Métallerie R. sera condamnée à lui payer la somme complémentaire de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA l'Auxiliaire et de la SAS Entreprise C. les frais engagés pour la défense de leurs intérêts en cause d'appel. La SARL Métallerie R. sera condamnée à leur payer la somme unique de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SAS PAJ les frais engagés pour la défense de ses intérêts en cause d'appel. La SARL Métallerie R. sera condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirmes-en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL Métallerie R. à payer au syndicat des copropriétaires « Résidence du Frandon » la somme complémentaire de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la SARL Métallerie R. à payer à la SA Generali IARD la somme complémentaire de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la SARL Métallerie R. à payer à la SA l'Auxiliaire et à la SAS Entreprise C. la somme unique de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la SARL Métallerie R. à payer à la SAS PAJ la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la SARL Métallerie R. aux dépens, avec application, au profit des avocats qui en ont fait la demande, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.