Décisions
CE, 6e et 1re sous-sect. réunies, 2 décembre 2015, n° 386090
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Rapporteur public :
Mme Suzanne von Coester
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er décembre 2014, 2 mars et 26 août 2015, la société Bourse Direct demande au Conseil d'Etat :
1°) à titre principal, d'annuler la décision du 1er octobre 2014 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers lui a infligé une sanction pécuniaire de 250 000 euros et, à titre subsidiaire, de la réformer en réduisant le montant de la sanction prononcée à son encontre ;
2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code monétaire et financier ;
- le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de la société Bourse Direct et à la SCP Vincent, Ohl, avocat de l'Autorité des marchés financiers ;
1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du troisième alinéa du I de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'article 6 de la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière : " Un membre du collège, ayant examiné le rapport d'enquête ou de contrôle et pris part à la décision d'ouverture d'une procédure de sanction, est convoqué à l'audience. Il y assiste sans voix délibérative. Il peut être assisté ou représenté par les services de l'Autorité des marchés financiers. Il peut présenter des observations au soutien des griefs notifiés et proposer une sanction. " ; que la faculté ainsi ouverte à un membre du collège ayant pris part à la phase d'instruction préalable à l'instance disciplinaire de présenter des observations et de proposer une sanction doit être regardée comme celle d'émettre un avis, qui ne lie la commission des sanctions ni quant au principe même du prononcé d'une sanction, ni quant au quantum de celle-ci ; qu'eu égard au caractère et aux modalités de la procédure suivie devant la commission des sanctions ainsi qu'à la possibilité offerte aux personnes poursuivies de s'exprimer en dernier lieu, ni le caractère contradictoire de la procédure ni le principe des droits de la défense rappelés par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'implique, contrairement à ce qui est soutenu, que la proposition de sanction formulée lors de l'audience par le membre du collège fasse l'objet d'un rapport et soit communiquée préalablement aux personnes poursuivies ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la procédure aurait été irrégulière faute de communication au requérant, préalablement à l'audience, des observations du membre du collège, doit être écarté ;
2. Considérant, en deuxième lieu, que, d'une part, le principe d'impartialité, rappelé par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne fait pas obstacle à ce que le collège de l'Autorité des marchés financiers, doté de pouvoirs d'enquête et de contrôle pour les besoins de ses missions en vertu de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier, apprécie lui-même, au vu en particulier des résultats de l'instruction qu'il a diligentée, l'opportunité d'engager des poursuites disciplinaires en saisissant la commission des sanctions sur le fondement de l'article L. 621-15 du même code ; que, d'autre part, ce même principe exige, comme le prévoit le sixième alinéa de l'article L. 621-4 du même code, que tout membre de l'Autorité des marchés financiers s'abstienne de participer à une délibération lorsqu'il a un intérêt personnel à l'affaire qui en est l'objet ; que si la société Bourse Direct estime que l'Autorité des marchés financiers a commis, dans l'exercice de sa mission de contrôle, une faute en ne l'avertissant pas des agissements de l'un de ses clients et de la lettre d'avertissement adressée à ce dernier, une telle circonstance, à la supposer établie, ne saurait être regardée comme conférant aux membres du collège de l'AMF un intérêt personnel à l'affaire ; qu'elle n'était, en tout état de cause, pas de nature à faire obstacle à l'engagement, par le collège de l'AMF, de la procédure de sanction litigieuse ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité ne peut qu'être écarté ;
3. Considérant, en troisième lieu, que, selon l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, si le collège " décide l'ouverture d'une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées " ; qu'en vertu de l'article R. 621-39 du même code, lorsque le rapporteur désigné par le président de la commission des sanctions estime que les griefs doivent être complétés ou qu'ils sont susceptibles d'être notifiés à une ou plusieurs personnes autres que celles mises en cause, le rapporteur saisit le collège, qui procède à une nouvelle notification de griefs ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la notification des griefs, qui ouvre la procédure disciplinaire et en délimite les contours, doit énoncer les griefs retenus afin de permettre à la personne mise en cause de faire valoir sa défense en présentant ses observations ; qu'en revanche, ces dispositions non plus qu'aucun principe ne s'opposent à ce que la commission des sanctions se fonde sur des circonstances de fait qui ne figuraient pas dans la notification des griefs, dès lors qu'elles se rattachent aux griefs régulièrement notifiés ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la lettre de notification des griefs du 9 avril 2013 indiquait à la société Bourse Direct que le rapport de la direction des enquêtes et de la surveillance faisait apparaître qu'elle ne disposait pas des ressources adéquates, tant en termes de moyens informatiques disponibles que de personnel, pour être en mesure de repérer les interventions susceptibles de constituer des manipulations de cours comme celles initiées par un investisseur client de la société sanctionné pour de telles manipulations par la commission des sanctions ; que cette lettre détaillait notamment l'insuffisance des outils informatiques pour analyser les nombreuses alertes ; que la commission des sanctions a estimé, de façon globale, et par une motivation particulièrement étayée, que la société Bourse Direct ne disposait ni des outils informatiques ni des moyens humains nécessaires au traitement efficace des alertes relatives à l'identification de signaux de manipulation de cours ; qu'il suit de là qu'en relevant, parmi d'autres éléments, qu'il n'existait pas de paramétrage historique des " reportings ", de sorte qu'une répétition d'alerte, sur un même compte, à plusieurs jours, semaines ou mois d'intervalle, ne déclenchait pas, par elle-même, une alerte, la commission des sanctions, loin d'avoir excédé le champ couvert par la notification des griefs, a au contraire retenu une circonstance de fait de nature à caractériser le grief identifié par cette notification ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 3 ainsi que des garanties découlant de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'au nombre des obligations professionnelles, mentionnées au II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, pesant sur le prestataire de services d'investissement, figure la règle énoncée à l'article L. 621-17-2 de ce code, en vigueur à la date des faits, qui lui impose de déclarer les opérations susceptibles de constituer des opérations d'initiés ou des manipulations de cours ; que l'article 315-44 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers précise cette obligation en disposant que les prestataires de service d'investissement " se dotent d'une organisation et de procédures permettant de répondre aux prescriptions des articles L. 621-17-2 à L. 621-17-7 du code monétaire et financier et des articles 315-42 et 315-43. / Cette organisation et ces procédures ont notamment pour objet, en tenant compte des recommandations formulées par le Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières, d'établir et de mettre à jour une typologie des opérations suspectes permettant de déceler celles qui doivent donner lieu à notification. " ; qu'enfin, aux termes de l'article 313-1 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le prestataire de services d'investissement établit et maintient opérationnelles des politiques, procédures et mesures adéquates visant à détecter tout risque de non-conformité aux obligations professionnelles mentionnées au II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ainsi que les risques en découlant et à minimiser ces risques. " ; que l'article 313-3 du même règlement général dispose que : " Afin de permettre à la fonction de conformité de s'acquitter de ses missions de manière appropriée et indépendante, le prestataire de services d'investissement veille à ce que les conditions suivantes soient remplies : / 1° La fonction de conformité dispose de l'autorité, des ressources et de l'expertise nécessaires et d'un accès à toutes les informations pertinentes. (...) " ;
7. Considérant que les obligations de surveillance et de contrôle incombant, en vertu de ces dispositions, aux prestataires de service d'investissement s'imposent à la société Bourse Direct indépendamment des agissements de ses clients ; qu'après avoir relevé que la réglementation n'impose pas de recourir obligatoirement à des contrôles automatisés, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a néanmoins retenu l'insuffisance des outils informatiques de la requérante ; que, dès lors qu'elle a porté une appréciation sur les moyens techniques et humains mis en place et sur la capacité de la société à repérer des opérations suspectes, conformément aux exigences de l'article L. 621-17-2 du code monétaire et financier et de l'article 315-44 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, la commission des sanctions n'a pas entaché sa décision d'une contradiction de motifs ou d'une insuffisance de motivation ; qu'elle n'a pas davantage entaché sa décision de tels vices en reprochant à la société l'absence de suivi historique des alertes ainsi que l'embauche tardive d'une personne supplémentaire fin 2011 pour assurer la fonction de contrôle permanent ;
8. Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte des dispositions citées au point 6 et qui, contrairement à ce qui est soutenu, posent des obligations suffisamment précises, qu'il appartient au prestataire de services d'investissement de mettre en oeuvre une politique et des moyens de contrôle suffisants de nature à permettre efficacement de détecter des opérations suspectes susceptibles de constituer des manipulations de cours et entrant, le cas échéant, dans le cadre de l'obligation de déclaration ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la commission des sanctions n'a pas exigé que le prestataire de services d'investissement mette systématiquement en place des alertes sur les opérations réalisées par les clients de la société mais a seulement apprécié, comme il lui appartenait de le faire, si la politique de conformité mise en oeuvre répondait aux obligations résultant des dispositions citées ci-dessus ;
9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier : " (...) Le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements.(...) " ; que les manquements retenus par la commission des sanctions révèlent une carence de la société Bourse Direct dans son organisation, indépendamment des agissements de l'investisseur en cause, dont la gravité doit être appréciée notamment au regard tant du caractère structurel de cette carence que de la croissance rapide de la société qui exigeait une adaptation de son organisation ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en infligeant à la société Bourse Direct une sanction pécuniaire d'un montant de 250 000 euros, la commission des sanctions ait, dans les circonstances de l'espèce, retenu une sanction disproportionnée au regard de la gravité des manquements commis ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Bourse Direct n'est pas fondée à demander l'annulation ni la réformation de la décision qu'elle attaque ;
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Bourse Direct la somme de 3 000 euros à verser à l'Autorité des marchés financiers, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Autorité des marchés financiers qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de la société Bourse Direct est rejetée.
Article 2 : La société Bourse Direct versera à l'Autorité des marchés financiers une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Bourse Direct et à l'Autorité des marchés financiers.
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er décembre 2014, 2 mars et 26 août 2015, la société Bourse Direct demande au Conseil d'Etat :
1°) à titre principal, d'annuler la décision du 1er octobre 2014 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers lui a infligé une sanction pécuniaire de 250 000 euros et, à titre subsidiaire, de la réformer en réduisant le montant de la sanction prononcée à son encontre ;
2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code monétaire et financier ;
- le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de la société Bourse Direct et à la SCP Vincent, Ohl, avocat de l'Autorité des marchés financiers ;
1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du troisième alinéa du I de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'article 6 de la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière : " Un membre du collège, ayant examiné le rapport d'enquête ou de contrôle et pris part à la décision d'ouverture d'une procédure de sanction, est convoqué à l'audience. Il y assiste sans voix délibérative. Il peut être assisté ou représenté par les services de l'Autorité des marchés financiers. Il peut présenter des observations au soutien des griefs notifiés et proposer une sanction. " ; que la faculté ainsi ouverte à un membre du collège ayant pris part à la phase d'instruction préalable à l'instance disciplinaire de présenter des observations et de proposer une sanction doit être regardée comme celle d'émettre un avis, qui ne lie la commission des sanctions ni quant au principe même du prononcé d'une sanction, ni quant au quantum de celle-ci ; qu'eu égard au caractère et aux modalités de la procédure suivie devant la commission des sanctions ainsi qu'à la possibilité offerte aux personnes poursuivies de s'exprimer en dernier lieu, ni le caractère contradictoire de la procédure ni le principe des droits de la défense rappelés par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'implique, contrairement à ce qui est soutenu, que la proposition de sanction formulée lors de l'audience par le membre du collège fasse l'objet d'un rapport et soit communiquée préalablement aux personnes poursuivies ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la procédure aurait été irrégulière faute de communication au requérant, préalablement à l'audience, des observations du membre du collège, doit être écarté ;
2. Considérant, en deuxième lieu, que, d'une part, le principe d'impartialité, rappelé par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne fait pas obstacle à ce que le collège de l'Autorité des marchés financiers, doté de pouvoirs d'enquête et de contrôle pour les besoins de ses missions en vertu de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier, apprécie lui-même, au vu en particulier des résultats de l'instruction qu'il a diligentée, l'opportunité d'engager des poursuites disciplinaires en saisissant la commission des sanctions sur le fondement de l'article L. 621-15 du même code ; que, d'autre part, ce même principe exige, comme le prévoit le sixième alinéa de l'article L. 621-4 du même code, que tout membre de l'Autorité des marchés financiers s'abstienne de participer à une délibération lorsqu'il a un intérêt personnel à l'affaire qui en est l'objet ; que si la société Bourse Direct estime que l'Autorité des marchés financiers a commis, dans l'exercice de sa mission de contrôle, une faute en ne l'avertissant pas des agissements de l'un de ses clients et de la lettre d'avertissement adressée à ce dernier, une telle circonstance, à la supposer établie, ne saurait être regardée comme conférant aux membres du collège de l'AMF un intérêt personnel à l'affaire ; qu'elle n'était, en tout état de cause, pas de nature à faire obstacle à l'engagement, par le collège de l'AMF, de la procédure de sanction litigieuse ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité ne peut qu'être écarté ;
3. Considérant, en troisième lieu, que, selon l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, si le collège " décide l'ouverture d'une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées " ; qu'en vertu de l'article R. 621-39 du même code, lorsque le rapporteur désigné par le président de la commission des sanctions estime que les griefs doivent être complétés ou qu'ils sont susceptibles d'être notifiés à une ou plusieurs personnes autres que celles mises en cause, le rapporteur saisit le collège, qui procède à une nouvelle notification de griefs ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la notification des griefs, qui ouvre la procédure disciplinaire et en délimite les contours, doit énoncer les griefs retenus afin de permettre à la personne mise en cause de faire valoir sa défense en présentant ses observations ; qu'en revanche, ces dispositions non plus qu'aucun principe ne s'opposent à ce que la commission des sanctions se fonde sur des circonstances de fait qui ne figuraient pas dans la notification des griefs, dès lors qu'elles se rattachent aux griefs régulièrement notifiés ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la lettre de notification des griefs du 9 avril 2013 indiquait à la société Bourse Direct que le rapport de la direction des enquêtes et de la surveillance faisait apparaître qu'elle ne disposait pas des ressources adéquates, tant en termes de moyens informatiques disponibles que de personnel, pour être en mesure de repérer les interventions susceptibles de constituer des manipulations de cours comme celles initiées par un investisseur client de la société sanctionné pour de telles manipulations par la commission des sanctions ; que cette lettre détaillait notamment l'insuffisance des outils informatiques pour analyser les nombreuses alertes ; que la commission des sanctions a estimé, de façon globale, et par une motivation particulièrement étayée, que la société Bourse Direct ne disposait ni des outils informatiques ni des moyens humains nécessaires au traitement efficace des alertes relatives à l'identification de signaux de manipulation de cours ; qu'il suit de là qu'en relevant, parmi d'autres éléments, qu'il n'existait pas de paramétrage historique des " reportings ", de sorte qu'une répétition d'alerte, sur un même compte, à plusieurs jours, semaines ou mois d'intervalle, ne déclenchait pas, par elle-même, une alerte, la commission des sanctions, loin d'avoir excédé le champ couvert par la notification des griefs, a au contraire retenu une circonstance de fait de nature à caractériser le grief identifié par cette notification ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 3 ainsi que des garanties découlant de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'au nombre des obligations professionnelles, mentionnées au II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, pesant sur le prestataire de services d'investissement, figure la règle énoncée à l'article L. 621-17-2 de ce code, en vigueur à la date des faits, qui lui impose de déclarer les opérations susceptibles de constituer des opérations d'initiés ou des manipulations de cours ; que l'article 315-44 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers précise cette obligation en disposant que les prestataires de service d'investissement " se dotent d'une organisation et de procédures permettant de répondre aux prescriptions des articles L. 621-17-2 à L. 621-17-7 du code monétaire et financier et des articles 315-42 et 315-43. / Cette organisation et ces procédures ont notamment pour objet, en tenant compte des recommandations formulées par le Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières, d'établir et de mettre à jour une typologie des opérations suspectes permettant de déceler celles qui doivent donner lieu à notification. " ; qu'enfin, aux termes de l'article 313-1 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le prestataire de services d'investissement établit et maintient opérationnelles des politiques, procédures et mesures adéquates visant à détecter tout risque de non-conformité aux obligations professionnelles mentionnées au II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ainsi que les risques en découlant et à minimiser ces risques. " ; que l'article 313-3 du même règlement général dispose que : " Afin de permettre à la fonction de conformité de s'acquitter de ses missions de manière appropriée et indépendante, le prestataire de services d'investissement veille à ce que les conditions suivantes soient remplies : / 1° La fonction de conformité dispose de l'autorité, des ressources et de l'expertise nécessaires et d'un accès à toutes les informations pertinentes. (...) " ;
7. Considérant que les obligations de surveillance et de contrôle incombant, en vertu de ces dispositions, aux prestataires de service d'investissement s'imposent à la société Bourse Direct indépendamment des agissements de ses clients ; qu'après avoir relevé que la réglementation n'impose pas de recourir obligatoirement à des contrôles automatisés, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a néanmoins retenu l'insuffisance des outils informatiques de la requérante ; que, dès lors qu'elle a porté une appréciation sur les moyens techniques et humains mis en place et sur la capacité de la société à repérer des opérations suspectes, conformément aux exigences de l'article L. 621-17-2 du code monétaire et financier et de l'article 315-44 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, la commission des sanctions n'a pas entaché sa décision d'une contradiction de motifs ou d'une insuffisance de motivation ; qu'elle n'a pas davantage entaché sa décision de tels vices en reprochant à la société l'absence de suivi historique des alertes ainsi que l'embauche tardive d'une personne supplémentaire fin 2011 pour assurer la fonction de contrôle permanent ;
8. Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte des dispositions citées au point 6 et qui, contrairement à ce qui est soutenu, posent des obligations suffisamment précises, qu'il appartient au prestataire de services d'investissement de mettre en oeuvre une politique et des moyens de contrôle suffisants de nature à permettre efficacement de détecter des opérations suspectes susceptibles de constituer des manipulations de cours et entrant, le cas échéant, dans le cadre de l'obligation de déclaration ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la commission des sanctions n'a pas exigé que le prestataire de services d'investissement mette systématiquement en place des alertes sur les opérations réalisées par les clients de la société mais a seulement apprécié, comme il lui appartenait de le faire, si la politique de conformité mise en oeuvre répondait aux obligations résultant des dispositions citées ci-dessus ;
9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier : " (...) Le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements.(...) " ; que les manquements retenus par la commission des sanctions révèlent une carence de la société Bourse Direct dans son organisation, indépendamment des agissements de l'investisseur en cause, dont la gravité doit être appréciée notamment au regard tant du caractère structurel de cette carence que de la croissance rapide de la société qui exigeait une adaptation de son organisation ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en infligeant à la société Bourse Direct une sanction pécuniaire d'un montant de 250 000 euros, la commission des sanctions ait, dans les circonstances de l'espèce, retenu une sanction disproportionnée au regard de la gravité des manquements commis ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Bourse Direct n'est pas fondée à demander l'annulation ni la réformation de la décision qu'elle attaque ;
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Bourse Direct la somme de 3 000 euros à verser à l'Autorité des marchés financiers, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Autorité des marchés financiers qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de la société Bourse Direct est rejetée.
Article 2 : La société Bourse Direct versera à l'Autorité des marchés financiers une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Bourse Direct et à l'Autorité des marchés financiers.