CJUE, gr. ch., 3 septembre 2014, n° C-201/13
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Johan Deckmyn, Vrijheidsfonds VZW
Défendeur :
Helena Vandersteen, Christiane Vandersteen, Liliana Vandersteen, Isabelle Vandersteen, Rita Dupont, Amoras II CVOH, WPG Uitgevers België,
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. M. Ilešič, L. Bay Larsen, A. Borg Barthet et M. Safjan, présidents de chambre, MM. A. Rosas, G. Arestis, D. Šváby, Mme A. Prechal (rapporteur), MM. C. Vajda et S. Rodin, juges
ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
3 septembre 2014 (*)
«Renvoi préjudiciel – Directive 2001/29/CE – Droit d’auteur et droits voisins – Droit de reproduction – Exceptions et limitations – Notion de ʻparodieʼ – Notion autonome du droit de l’Union»
Dans l’affaire C 201/13,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le hof van beroep te Brussel (Belgique), par décision du 8 avril 2013, parvenue à la Cour le 17 avril 2013, dans la procédure
Johan Deckmyn,
Vrijheidsfonds VZW
contre
Helena Vandersteen,
Christiane Vandersteen,
Liliana Vandersteen,
Isabelle Vandersteen,
Rita Dupont,
Amoras II CVOH,
WPG Uitgevers België,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. M. Ilešič, L. Bay Larsen, A. Borg Barthet et M. Safjan, présidents de chambre, MM. A. Rosas, G. Arestis, D. Šváby, Mme A. Prechal (rapporteur), MM. C. Vajda et S. Rodin, juges,
avocat général: M. P. Cruz Villalón,
greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 janvier 2014,
considérant les observations présentées:
– pour M. Deckmyn, par Me B. Siffert, advocaat,
– pour le gouvernement belge, par M. J. C. Halleux et Mme C. Pochet, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mme J. Samnadda ainsi que par MM. F. Wilman et T. van Rijn, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 mai 2014,
rend le présent
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 3, sous k), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO L 167, p. 10).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Deckmyn et le Vrijheidsfonds VZW (ci-après le «Vrijheidsfonds»), association sans but lucratif, à différents héritiers de M. Vandersteen, auteur des bandes dessinées Suske en Wiske (en langue française Bob et Bobette), ainsi qu’aux titulaires des droits associés à ces œuvres (ci-après «Vandersteen e.a.»), au sujet de la distribution par M. Deckmyn d’un calendrier dans lequel a été reproduit un dessin (ci-après le «dessin en cause au principal») ressemblant à un dessin figurant sur la couverture de l’un des albums de la série Suske en Wiske.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Le considérant 3 de la directive 2001/29 énonce:
«L’harmonisation envisagée contribuera à l’application des quatre libertés du marché intérieur et porte sur le respect des principes fondamentaux du droit et notamment de la propriété, dont la propriété intellectuelle, et de la liberté d’expression et de l’intérêt général.»
4 Aux termes du considérant 31 de cette directive:
«Il convient de maintenir un juste équilibre en matière de droits et d’intérêts entre les différentes catégories de titulaires de droits ainsi qu’entre celles-ci et les utilisateurs d’objets protégés. [...]»
5 L’article 5 de ladite directive, intitulé «Exceptions et limitations», prévoit à son paragraphe 3:
«Les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations aux droits prévus aux articles 2 et 3[, intitulés respectivement ʻDroit de reproductionʼ et ʻDroit de communication d’œuvres au public et droit de mettre à la disposition du public d’autres objets protégésʼ,] dans les cas suivants:
[...]
k) lorsqu’il s’agit d’une utilisation à des fins de caricature, de parodie ou de pastiche;
[...]»
Le droit belge
6 L’article 22, paragraphe 1, de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins (Belgisch Staatsblad, 27 juillet 1994, p. 19297) dispose:
«Lorsque l’œuvre a été licitement publiée, l’auteur ne peut interdire:
[...]
6° la caricature, la parodie ou le pastiche, compte tenu des usages honnêtes;
[...]»
Le litige au principal et les questions préjudicielles
7 M. Deckmyn est membre du Vlaams Belang, alors que le Vrijheidsfonds a un objet statutaire dénué de tout but lucratif, consistant à soutenir financièrement et matériellement ce parti politique.
8 Lors de la réception organisée le 9 janvier 2011, par la ville de Gand (Belgique), à l’occasion du nouvel an, M. Deckmyn a distribué des calendriers de l’année 2011 portant la mention selon laquelle il en était l’éditeur responsable. Sur la page de garde de ces calendriers figurait le dessin en cause au principal.
9 Ce dessin ressemblait à celui représenté sur la couverture de l’album de bandes dessinées Suske en Wiske, intitulé «De Wilde Weldoener» (Le bienfaiteur sauvage), réalisé au cours de l’année 1961 par M. Vandersteen et dont la version en langue française porte le titre «La tombe hindoue». Ce dernier dessin représentait l’un des personnages principaux de cet album, revêtu d’une tunique blanche et jetant des pièces de monnaie à des personnes essayant de les ramasser. Dans le dessin en cause au principal, ce personnage a été remplacé par le bourgmestre de la ville de Gand et les personnes ramassant les pièces de monnaie ont été remplacées par des personnes voilées et de couleur.
10 Estimant que le dessin en cause au principal et sa communication au public empiétaient sur leurs droits d’auteur respectifs, Vandersteen e.a. ont introduit un recours contre M. Deckmyn et le Vrijheidsfonds devant le rechtbank van eerste aanleg te Brussel (tribunal de première instance de Bruxelles), lequel a condamné ces derniers à cesser, sous peine d’astreinte, tout usage de ce dessin.
11 Devant la juridiction de renvoi saisie d’un appel contre la décision rendue en première instance, M. Deckmyn et le Vrijheidsfonds ont notamment fait valoir que le dessin en cause au principal constitue une caricature politique, qui relève de la parodie admise en vertu de l’article 22, paragraphe 1, point 6°, de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins.
12 Vandersteen e.a. contestent cette interprétation, dès lors que, selon eux, la parodie doit répondre à certaines conditions, non remplies en l’espèce, à savoir remplir une fonction critique, faire preuve elle-même d’originalité, témoigner d’un esprit humoristique, viser à railler l’œuvre originale et ne pas emprunter à cette dernière un nombre d’éléments figuratifs supérieur à celui qui est strictement nécessaire pour réaliser la parodie. Dans ce contexte, ils reprochent également au dessin en cause au principal de transmettre un message discriminatoire, dès lors que les personnages qui, dans l’œuvre originale, ramassent les pièces de monnaie jetées, ont été remplacés dans celui-ci par des personnes voilées et de couleur.
13 Dans ces conditions, le hof van beroep te Brussel a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) La ʻparodieʼ est-elle une notion autonome de droit de l’Union?
2) Si la première question appelle une réponse affirmative, une parodie doit elle remplir les conditions suivantes ou répondre aux caractéristiques suivantes:
– présenter un caractère original propre (originalité);
– présenter ce caractère de manière telle que la parodie ne puisse raisonnablement être attribuée à l’auteur de l’œuvre originale;
– viser à faire de l’humour ou à railler, sans qu’il importe que la critique éventuellement émise à ce titre touche l’œuvre originale ou bien quelque chose ou quelqu’un d’autre;
– mentionner la source de l’œuvre parodiée?
3) Une œuvre doit-elle encore remplir d’autres conditions ou répondre à d’autres caractéristiques pour pouvoir être qualifiée de parodie?»
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
14 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union européenne, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (arrêt Padawan, C 467/08, EU:C:2010:620, point 32 et jurisprudence citée).
15 Il résulte de cette jurisprudence que la notion de «parodie», qui figure dans une disposition faisant partie d’une directive qui ne comporte aucun renvoi aux droits nationaux, doit être considérée comme une notion autonome du droit de l’Union et être interprétée de manière uniforme sur le territoire de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt Padawan, EU:C:2010:620, point 33).
16 Cette interprétation n’est pas infirmée par le caractère facultatif de l’exception visée à l’article 5, paragraphe 3, sous k), de la directive 2001/29. En effet, une interprétation selon laquelle les États membres qui ont introduit cette exception seraient libres d’en préciser les paramètres de manière non harmonisée, susceptible de varier d’un État membre à l’autre, serait contraire à l’objectif de ladite directive (voir, en ce sens, arrêts Padawan, EU:C:2010:620, point 36, et ACI Adam e.a., C 435/12, EU:C:2014:254, point 49).
17 Il convient, par conséquent, de répondre à la première question que l’article 5, paragraphe 3, sous k), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens que la notion de «parodie» figurant à cette disposition constitue une notion autonome du droit de l’Union.
Sur les deuxième et troisième questions
18 Par ses deuxième et troisième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la façon dont il convient de comprendre l’exception pour parodie, prévue à l’article 5, paragraphe 3, sous k), de la directive 2001/29. En particulier, elle demande si la notion de parodie dépend de la présence de certaines conditions qu’elle énumère dans sa deuxième question.
19 Il y a lieu de rappeler que, en l’absence de toute définition, dans la directive 2001/29, de la notion de parodie, la détermination de la signification et de la portée de ce terme doit être établie, selon une jurisprudence constante de la Cour, conformément au sens habituel de celui-ci dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel il est utilisé et des objectifs poursuivis par la réglementation dont il fait partie (voir, en ce sens, arrêt Diakité, C 285/12, EU:C:2014:39, point 27 et jurisprudence citée).
20 S’agissant du sens habituel du terme «parodie» dans le langage courant, il est constant, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 48 de ses conclusions, que la parodie a pour caractéristiques essentielles, d’une part, d’évoquer une œuvre existante, tout en présentant des différences perceptibles par rapport à celle-ci, et, d’autre part, de constituer une manifestation d’humour ou une raillerie.
21 Il ne ressort ni du sens habituel du terme «parodie» dans le langage courant, ni d’ailleurs, ainsi que le font observer à bon droit le gouvernement belge et la Commission européenne, du libellé de l’article 5, paragraphe 3, sous k), de la directive 2001/29 que cette notion soit soumise aux conditions, évoquées par la juridiction de renvoi dans sa deuxième question, selon lesquelles la parodie devrait présenter un caractère original propre, autre que celui de présenter des différences perceptibles par rapport à l’œuvre originale parodiée, devrait pouvoir raisonnablement être attribuée à une personne autre que l’auteur de l’œuvre originale lui-même, devrait porter sur l’œuvre originale elle-même ou devrait mentionner la source de l’œuvre parodiée.
22 Cette interprétation n’est pas remise en cause par le contexte de l’article 5, paragraphe3, sous k), de la directive 2001/29, qui énonce une exception aux droits prévus aux articles 2 et 3 de cette directive et qui doit, dès lors, faire l’objet d’une interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêt ACI Adam e.a., EU:C:2014:254, point 23).
23 En effet, l’interprétation de la notion de parodie doit, en tout état de cause, permettre de sauvegarder l’effet utile de l’exception ainsi établie et de respecter sa finalité (voir, en ce sens, arrêt Football Association Premier League e.a., C 403/08 et C 429/08, EU:C:2011:631, point 163).
24 Le fait que l’article 5, paragraphe 3, sous k), de la directive 2001/29 constitue une exception n’a donc pas pour conséquence de réduire le champ d’application de cette disposition par des conditions, telles que celles énoncées au point 21 du présent arrêt, qui ne ressortent ni du sens habituel du terme «parodie» dans le langage courant, ni du libellé de cette disposition.
25 S’agissant de l’objectif visé à l’article 5, paragraphe 3, sous k), de la directive 2001/29, il y a lieu de rappeler les objectifs poursuivis par cette directive en général, parmi lesquels figure, ainsi qu’il ressort du considérant 3 de cette dernière, celui consistant à procéder à une harmonisation qui contribue à l’application des quatre libertés du marché intérieur et qui porte sur le respect des principes fondamentaux du droit et notamment de la propriété, dont la propriété intellectuelle, et de la liberté d’expression et de l’intérêt général. Or, il est constant que la parodie constitue un moyen approprié pour exprimer une opinion.
26 En outre, ainsi qu’il ressort du considérant 31 de la directive 2001/29, les exceptions aux droits énoncés aux articles 2 et 3 de cette directive, que prévoit l’article 5 de celle-ci, visent à maintenir un «juste équilibre» entre, notamment, les droits et les intérêts des auteurs, d’une part, et ceux des utilisateurs d’objets protégés, d’autre part (voir, en ce sens, arrêts Padawan, EU:C:2010:620, point 43, et Painer, C 145/10, EU:C:2011:798, point 132).
27 Il s’ensuit que l’application, dans une situation concrète, de l’exception pour parodie, au sens de l’article 5, paragraphe 3, sous k), de la directive 2001/29, doit respecter un juste équilibre entre, d’une part, les intérêts et les droits des personnes visées aux articles 2 et 3 de cette directive et, d’autre part, la liberté d’expression de l’utilisateur d’une œuvre protégée se prévalant de l’exception pour parodie, au sens de cet article 5, paragraphe 3, sous k).
28 Afin de vérifier si, dans une situation concrète, l’application de l’exception pour parodie, au sens de l’article 5, paragraphe 3, sous k), de la directive 2001/29, respecte ce juste équilibre, il y a lieu de tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce.
29 Ainsi, s’agissant du litige dont est saisie la juridiction de renvoi, il y a lieu de relever que, selon Vandersteen e.a., dès lors que, dans le dessin en cause au principal, les personnages qui, dans l’œuvre originale, ramassaient les pièces de monnaie jetées ont été remplacés par des personnes voilées et de couleur, ce dessin transmet un message discriminatoire ayant pour effet d’associer l’œuvre protégée à un tel message.
30 Si tel est effectivement le cas, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, il y a lieu de rappeler l’importance du principe de non-discrimination fondée sur la race, la couleur et les origines ethniques, ainsi que ce principe a été concrétisé par la directive 2000/43/CE du Conseil, du 29 juin 2000, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique (JO L 180, p. 22), et confirmé, notamment, à l’article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
31 Or, dans ces conditions, des titulaires de droits prévus aux articles 2 et 3 de la directive 2001/29, tels que Vandersteen e.a., ont, en principe, un intérêt légitime à ce que l’œuvre protégée ne soit pas associée à un tel message.
32 Il appartient, par conséquent, à la juridiction de renvoi d’apprécier, en tenant compte de toutes les circonstances de l’affaire au principal, si l’application de l’exception pour parodie, au sens de l’article 5, paragraphe 3, sous k), de la directive 2001/29, à supposer que le dessin en cause au principal réponde aux caractéristiques essentielles énoncées au point 20 du présent arrêt, respecte le juste équilibre auquel il est fait référence au point 27 de cet arrêt.
33 Par conséquent, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 5, paragraphe 3, sous k), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens que la parodie a pour caractéristiques essentielles, d’une part, d’évoquer une œuvre existante, tout en présentant des différences perceptibles par rapport à celle-ci, et, d’autre part, de constituer une manifestation d’humour ou une raillerie. La notion de «parodie», au sens de cette disposition, n’est pas soumise à des conditions selon lesquelles la parodie devrait présenter un caractère original propre, autre que celui de présenter des différences perceptibles par rapport à l’œuvre originale parodiée, devrait pouvoir raisonnablement être attribuée à une personne autre que l’auteur de l’œuvre originale lui-même, devrait porter sur l’œuvre originale elle-même ou devrait mentionner la source de l’œuvre parodiée.
34 Cela étant, l’application, dans une situation concrète, de l’exception pour parodie, au sens de l’article 5, paragraphe 3, sous k), de la directive 2001/29, doit respecter un juste équilibre entre, d’une part, les intérêts et les droits des personnes visées aux articles 2 et 3 de cette directive et, d’autre part, la liberté d’expression de l’utilisateur d’une œuvre protégée se prévalant de l’exception pour parodie, au sens de cet article 5, paragraphe 3, sous k).
35 Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, en tenant compte de toutes les circonstances de l’affaire au principal, si l’application de l’exception pour parodie, au sens de l’article 5, paragraphe 3, sous k), de la directive 2001/29, à supposer que le dessin en cause au principal réponde auxdites caractéristiques essentielles de la parodie, respecte ce juste équilibre.
Sur les dépens
36 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :
1) L’article 5, paragraphe 3, sous k), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, doit être interprété en ce sens que la notion de « parodie » figurant à cette disposition constitue une notion autonome du droit de l’Union.
2) L’article 5, paragraphe 3, sous k), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens que la parodie a pour caractéristiques essentielles, d’une part, d’évoquer une œuvre existante, tout en présentant des différences perceptibles par rapport à celle-ci, et, d’autre part, de constituer une manifestation d’humour ou une raillerie. La notion de « parodie », au sens de cette disposition, n’est pas soumise à des conditions selon lesquelles la parodie devrait présenter un caractère original propre, autre que celui de présenter des différences perceptibles par rapport à l’œuvre originale parodiée, devrait pouvoir raisonnablement être attribuée à une personne autre que l’auteur de l’œuvre originale lui-même, devrait porter sur l’œuvre originale elle-même ou devrait mentionner la source de l’œuvre parodiée.
Cela étant, l’application, dans une situation concrète, de l’exception pour parodie, au sens de l’article 5, paragraphe 3, sous k), de la directive 2001/29, doit respecter un juste équilibre entre, d’une part, les intérêts et les droits des personnes visées aux articles 2 et 3 de cette directive et, d’autre part, la liberté d’expression de l’utilisateur d’une œuvre protégée se prévalant de l’exception pour parodie, au sens de cet article 5, paragraphe 3, sous k).
Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, en tenant compte de toutes les circonstances de l’affaire au principal, si l’application de l’exception pour parodie, au sens de l’article 5, paragraphe 3, sous k), de la directive 2001/29, à supposer que le dessin en cause au principal réponde auxdites caractéristiques essentielles de la parodie, respecte ce juste équilibre.