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Décisions

Cass. 1re civ., 24 juin 1997, n° 95-11.380

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

M. Aubert

Avocat général :

M. Sainte-Rose

Avocats :

Me Jacoupy, SCP Boré et Xavier

Paris, du 8 nov. 1994

8 novembre 1994

 

Attendu que M. X..., avocat, a rédigé pour MM. Menard et Gillibert une convention, datée du 28 mai 1971, aux termes de laquelle il était convenu que la somme de 177 700 francs due par M. Gillibert à M. Menard serait remboursée dans un délai maximal de 2 ans par fractions mensuelles de 5 000 francs et porterait intérêts au taux de 12,50 % l'an ; qu'il a également établi une reconnaissance de dette, datée du 1er juin 1971, selon laquelle M. Gillibert s'engageait à rembourser la somme de 177 700 francs sous les mêmes conditions et au bas de laquelle figurait la mention manuscrite " bon pour une reconnaissance de dette de 177 700 francs " ; que, par un arrêt du 25 avril 1990, passé en force de chose jugée après rejet du pourvoi en cassation, il a été jugé que, faute pour M. Gillibert d'avoir inscrit de sa main la mention du taux d'intérêt, son obligation se limitait au paiement de la somme mentionnée avec intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 1987, date de la mise en demeure ; que, reprochant à M. X... d'avoir commis une faute dans l'accomplissement de sa mission de rédacteur d'acte, M. Menard l'a assigné en réparation du dommage résultant pour lui de la perte des intérêts conventionnels ; que l'arrêt attaqué à condamné M. X... à réparer le préjudice consistant dans la différence entre les intérêts au taux conventionnel calculés sur la période du 24 juillet 1987 au 31 janvier 1989 et les intérêts au taux légal pendant le même laps de temps ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident, formé par M. X..., pris en ses trois branches, qui est préalable :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir retenu la responsabilité de l'avocat, rédacteur des actes, alors que, d'une part, en considérant que M. X... avait commis une faute en omettant de faire inscrire par M. Gillibert la mention manuscrite des intérêts au taux conventionnel, la cour d'appel aurait violé l'article 1326 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 12 juillet 1980 ; que, d'autre part, en considérant que l'acte du 28 mai 1971 ne constituait pas un contrat synallagmatique mais un contrat unilatéral portant obligation à la seule charge de M. Gillibert, la cour d'appel aurait violé l'article 1134 du Code civil ; qu'enfin, en considérant que M. Gillibert n'était pas tenu au paiement des intérêts conventionnels et en retenant de ce chef la responsabilité de l'avocat, la cour d'appel n'aurait pas tiré les conséquences légales de ses constatations, selon lesquelles M. Gillibert avait reconnu sa dette tant en capital qu'en intérêts par des actes dont chacun pouvait constituer le complément de preuve par écrit manquant à l'autre, au regard des articles 1326, 1347 et 1382 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, que c'est par une exacte application de l'article 1326 que l'arrêt, qui se prononce expressément en considération de la rédaction de ce texte antérieure à la loi du 12 juillet 1980, après avoir relevé que la mention manuscrite portée à l'acte du 28 mai 1971 exprimait seulement la connaissance que le souscripteur avait de la nature et de l'étendue de son obligation sans référence à un taux d'intérêt, et que la reconnaissance de dette du 1er juin 1971 ne comportait aucune référence à un taux d'intérêt de sorte qu'elle ne pouvait engager M. Gillibert au paiement des intérêts conventionnels, énonce que, en ne veillant pas à ce que ces actes comportent l'ensemble des mentions manuscrites indispensables à leur pleine efficacité juridique, M. X... a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle de rédacteur d'acte ; qu'ensuite, c'est à bon droit qu'ayant relevé que la convention précisait dans quel contexte elle intervenait par un exposé d'où ne pouvait être déduite la preuve de l'existence d'obligations réciproques, et que cette convention ne faisait peser aucune obligation sur M. Menard au profit de M. Gillibert, la cour d'appel, qui a ainsi estimé que l'acte litigieux ne contenait pas d'engagements réciproques de la part des parties, a exclu la qualification d'acte synallagmatique ; qu'enfin, M. X... ayant fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la convention du 28 mai 1971 ne pouvait s'analyser en un commencement de preuve par écrit et qu'il était évidemment impossible qu'un contrat daté du 1er juin 1971 puisse être complété par un acte antérieurement établi, il n'est pas recevable à présenter un grief contraire à ses propres écritures ; que le moyen est donc mal fondé en ses deux premières branches et irrecevable en sa troisième ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, formé par M. Menard, pris en se deux branches :

Vu les articles 1134, 1147 et 1149 du Code civil ;

Attendu que pour décider que M. Menard ne pouvait inclure dans son préjudice la perte des intérêts au taux conventionnel du 1er juin 1971 au 24 juillet 1987, l'arrêt énonce que, n'ayant fait sommation de payer que le 24 juillet 1987, il ne saurait faire supporter par M. X... les conséquences de sa propre inaction ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la mise en demeure n'est pas une condition du droit aux intérêts conventionnels, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi incident :

REJETTE le pourvoi incident formé par M. X... ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que le préjudice subi par M. Menard résidait dans la seule différence entre les intérêts au taux conventionnel calculés sur la période du 24 juillet 1987 au 31 janvier 1989 et les intérêts au taux légal pendant le même laps de temps, l'arrêt rendu le 8 novembre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.