Cass. 2e civ., 7 décembre 2006, n° 04-17.322
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
M. Besson
Avocat général :
M. Kessous
Avocats :
SCP Defrenois et Levis, Me Blondel, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Delaporte, Briard et Trichet, Me Le Prado, Me Odent, SCP Parmentier et Didier, SCP Piwnica et Molinié
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un entrepôt loué à la société RDB par Mme X... a été dévasté par un incendie qui s'est déclaré à l'occasion de l'exécution par M. Y..., sous-traitant, de travaux de réfection que la bailleresse avait confiés à la société Couvertures et charpentes réunies (la société CCR) ; que l'incendie, provoqué par M. Y..., qui utilisait un chalumeau, s'est propagé aux locaux voisins loués par Mme X... à la société d'ébénisterie et d'agencement (la SEA), assurée auprès de la société Generali assurances IARD, venant aux droits de la société Generali France assurances (la société Generali), et à la société Les Makhloufines, assurée auprès de la Mutuelle assurances des travailleurs mutualistes (la Matmut) ; que la société RDB, assurée auprès de la SMABTP, a demandé au tribunal de grande instance de condamner in solidum Mme X... et son mandataire, la société Capricorne cabinet Guérin, ainsi que la société CCR et son assureur, la société GAN incendie accidents, à l'indemniser de ses préjudices matériels et immatériels ; que la SEA et la société Generali ont demandé à être indemnisées par M. Y..., la société CCR, Mme X..., la société Capricorne cabinet Guérin et leurs assureurs respectifs ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Generali et de la SEA, tel que reproduit en annexe :
Attendu que la société Generali et la SEA font grief à l'arrêt de les avoir déboutées de leurs demande de condamnation dirigée contre Mme X... et la société Capricorne cabinet Guérin ;
Mais attendu que le moyen ne tend, sous le couvert du grief non fondé de défaut de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, qu'à remettre en question l'appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve par la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une demande fondée sur l'existence d'une obligation de résultat ou d'une présomption de responsabilité incombant au bailleur ou à son mandataire, et qui a pu en déduire l'absence de faute de Mme X... et de la société Capricorne cabinet Guérin de nature à engager leur responsabilité ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, qui est recevable comme étant de pur droit :
Vu l'article 1153 du code civil ;
Attendu que la personne tenue au paiement d'une somme envers une autre ne lui en doit les intérêts qu'après avoir été mise en demeure ;
Attendu que la cour d'appel a condamné les sociétés CCR, GAN eurocourtage IARD et GAN incendie accidents, in solidum avec M. Y... et la MAAF, à payer différentes sommes à la Matmut, la SMABTP et la société Generali, avec intérêts au taux légal à compter de la date ou de la signature de quittances subrogatives ;
En quoi la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident de la société RDB :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que, pour fixer respectivement à 83 065 euros et 54 881 euros, la réparation due à la société RDB, au titre de ses dommages matériels et immatériels, après indemnisation par son assureur, la SMABTP, l'arrêt énonce que les dommages de la société RDB ont été arrêtés contradictoirement et à l'amiable entre les experts des assureurs des responsables et l'expert de l'entreprise et de son assureur, selon procès-verbal du 3 octobre 2001, versé aux débats ; que la SMABTP a justifié par les quittances subrogatives effectivement produites du paiement de la somme de 270 296,98 euros, dont 117 456,48 euros au titre du dommage direct et 152 841 euros, au titre des pertes d'exploitation; qu'il reste dû à la société RDB au titre de son dommage matériel, compte tenu des versements opérés par la SMABTP dans les limites de son plafond contractuel de garantie et après rectification d'une erreur matérielle, la somme de 83 065 euros pour une indemnisation en valeur à neuf qui seule répond à l'exigence de la réparation intégrale du préjudice ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu une indemnisation valeur à neuf ; qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a accordé seulement douze mois de perte d'exploitation alors qu'il résulte clairement de l'annexe au procès-verbal contradictoire signé par tous les experts et daté du 3 octobre 2001, et notamment par les experts de la MAAF et du GAN, que les pertes d'exploitation ont été estimées au-delà de douze mois jusqu'à fin décembre 2001, soit sur une période totale de vingt-quatre mois ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, qu'elle retenait l'indemnisation en valeur à neuf du préjudice matériel de la société RDB telle qu'arrêtée entre les parties aux termes du procès-verbal du 3 octobre 2001, qui fixait l'indemnité due de ce chef à la somme de 1 986 334 francs, soit 302 814,66 euros, et qu'elle constatait que cette société n'avait reçu de son assureur que la somme de 117 456,48 euros au titre de ce préjudice, et alors, d'autre part, qu'elle ne réformait le jugement entrepris ayant statué sur le préjudice immatériel que du chef de l'évaluation que celui-ci avait faite du préjudice d'exploitation, et non en sa disposition ayant accordé l'indemnisation des frais d'expertise acquittés par la société RDB, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi incident de la société Generali et de la Société d'ébénisterie et d'agencement ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné les sociétés CCR, GAN eurocourtage IARD et GAN incendie accidents in solidum avec M. Y... et la MAAF à payer différentes sommes à la Matmut, la SMABTP et la société Generali, subrogées dans les droits de leurs assurés, avec intérêts au taux légal à compter de la date ou de la signature de quittances subrogatives, et en ce qu'il a fixé les sommes dues à la société RDB au titre de l'indemnisation de ses préjudices matériels et immatériels, l'arrêt rendu le 4 juin 2004 entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.