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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 1, 7 septembre 2018, n° 16/08909

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Droit chypriote Légende GLOBAL (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Palau

Conseillers :

Mme Lelievre, Mme Lauer

TGI Nanterre, du 10 nov. 2016

10 novembre 2016

Vu le jugement rendu le 10 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a statué comme suit :

- déboute la société Légende Global et Mme Diana D. L. de l'ensemble de leurs demandes,

- condamne in solidum la société Légende Global et Mme Diana D. L. à verser à la société O.T.K et à M. Julien S. la somme de 5 000 euros, à chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejette toute autre demande plus ample et contraire,

- condamne la société Légende Global et Mme Diana D. L. aux entiers dépens,

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.

Vu l'appel de ce jugement interjeté le 15 décembre 2016 par Madame D. L. et la société Légende Global et leur dernières conclusions notifiées le 14 mars 2018 par lesquelles elles prient la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 10 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Nanterre uniquement en ce qu'il a reconnu le caractère original de la photographie d'Ernesto "Che" Guevara intitulée "Guérillero Héroïco", mondialement connue sous le titre "Che au Béret et à l'Etoile", prise le 5 mars 1960 à La Havane par le photographe Alberto D. G., plus connu sous le nom de « K. » ; et uniquement en ce qu'il a ainsi admis le bénéfice de la protection de la photo au titre du droit d'auteur,

- infirmer toutes les autres dispositionsdu jugement rendu le 10 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Nanterre,

Et, statuant à nouveau,

In limine litis,

- constater l'absence d'intervention d'un expert-comptable indépendant et de communication, dans le délai imparti, par les intimés de tous éléments ordonnés ayant une force probante de nature à apprécier l'ensemble des mouvements comptables engendrés par l'achat, la fabrication et la commercialisation du T-shirt « Che Red », conformément à l'ordonnance en date du 2 juin2017 (pièces n°52 et 53),

- constater en conséquence la violation des termes de l'ordonnance prononcée par le conseiller de la mise en état dela 1ère chambre - 1ère section de la cour d'appel de Versailles dans son ordonnance du 2 juin2017, par laquelle il était ordonné la communication des bilans, comptes de résultat, journaux grand livre et comptabilité des stocks, comptabilité analytique, certifiés par expert-comptable indépendant, permettant d'apprécier l'ensemble des mouvements comptables engendrés par l'achat, la fabrication et la commercialisation du T-shirt « Che Red » sous astreinte de 60 euros par jour de retard à courir dans un délai de 15 jours suivant le prononcé de l'ordonnance, pour la période allant du 19 juin 2017 (soit 15 jours suivant le prononcé de l'ordonnance) au 9 avril 2018 (soit 294 jours) et par conséquent, liquider l'astreinte prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 2 juin 2017 à hauteur de 17 640 euros,

A titre principal,

- dire et juger madame D. L. et la société Légende Global recevables et bien fondées en leurs demandes,

- dire et juger que monsieur Julien S. a commis des fautes intentionnelles, particulièrement graves, incompatibles avec l'exercice normal de ses fonctions sociales, de sorte qu'il engage sa responsabilité personnelle à l'égard des appelantes conformément à l'article L.223-22 du code de commerce et de sorte qu'il est tenu solidairement avec la société O.T.K à la réparation intégrale des préjudices subis par les appelantes,

- dire et juger que les intimés se sont rendus coupables de contrefaçon de la photographie originale du « Che au béret et à l'étoile » dont K. est l'auteur, portant ainsi atteinte aux droits moraux, patrimoniaux et moraux commerciaux français des appelantes, en leur causant un préjudice que la diffusion, la distribution, l'exploitation et la publicité des tee-shirts sur lesquels est reproduite, représentée et dénaturée la photographie originale prise par K., via le site internet, via leurs nombreux revendeurs et via les réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter, ont rendu considérable en France et à l'étranger (pièces n°19, 21, 20A et B, 22A, B, C, D, 23, 24A, 24B, 45, 46, 47, 48 et 53),

Par conséquent,

- condamner in solidum la société O.T.K et monsieur Julien S. à verser à Madame D. L. la somme de 25 000 euros, à titre de provision si besoin, en raison de l'atteinte grave portée à son droit moral en France et à l'étranger (droit à la paternité et droit au respect de l'intégrité de l'oeuvre),

- condamner in solidum la société O.T.K et monsieur Julien S. à verser à la société Légende Global la somme de 25 000 euros, à titre de provision si besoin, en raison de l'atteinte grave portée à son droit patrimonial en France et à l'étranger,

- condamner in solidum la société O.T.K et monsieur Julien S. à verser à la société Légende Global la somme de 20 000 euros, à titre de provision si besoin, en raison de l'atteinte grave portée à son droit moral commercial français et étranger subi du fait de la vente, de la diffusion, de l'exploitation, de la publicité, de la commercialisation des tee-shirts sur lesquels est reproduite, représentée et dénaturée la photographie originale prise par K.,

- faire interdiction à la société O.T.K et à monsieur Julien S. d'avoir à reproduire, représenter, exploiter, utiliser, dénaturer sous quelque forme et de quelque manière que ce soit la photographie originale prise par K., sous astreinte de 750 euros par jour pour chaque infraction constatée à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- condamner in solidum la société O.T.K et monsieur Julien S. à la publication, à leurs seuls frais, du jugement à intervenir dans cinq (5) journaux de publication nationale ou internationale au choix de Madame D. L. et de la société Légende Global, le coût global de ces publications ne pouvant excéder 6 000 euros H.T. chacune ; pour cela, les intimés disposeront d'un délai de huit (8) jours pour verser à Madame D. L. et à la société Légende Global le prix T.T.C, sur simple présentation par ces dernières du devis relatifs auxdites publications,

- condamner in solidum la société O.T.K et monsieur Julien S. à faire publier et diffuser à leurs seuls frais le dispositif du jugement à intervenir, sur la page d'accueil du site internet ou sur tout autre site servant à vendre le même type de produits par les intimés, directement ou indirectement par personne interposée, de manière visible à l'ouverture de la page d'accueil à l'écran sans qu'il soit besoin d'utiliser l'onglet déroulant (en police times new roman, noire taille 16, majuscules, gras et sur fond rouge), ce sous quinze (15) jours à compter du prononcé du jugement à intervenir, pendant une durée de douze (12) mois, aux seuls frais des intimés et sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir,

En tout état de cause,

- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes, moyens, prétentions,

- se réserver la liquidation des astreintes précitées,

- condamner in solidum la société O.T.K et monsieur Julien S. à verser collectivement aux appelantes la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la société O.T.K et monsieur Julien S. aux entiers dépens, y compris les frais relatifs aux significations des actes extrajudiciaires afférant à la présente action, ainsi qu'aux frais de constat d'huissier, dont distraction au profit de maître Y., conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir.

Vu les dernières conclusions notifiées le 21 mars 2018 par M. Julien S. et la société O.T.K qui prient la cour de :

In limine litis,

- débouter la société Légende Global et Mme D. L. de leur demande de liquidation de l'astreinte cette dernière étant totalement infondée dès lors que les intimés ont produit tous les éléments comptables pertinents permettant d'apprécier l'ensemble des mouvements comptables engendrés par l'achat, la fabrication et la commercialisation du T-shirt Che Red,

A titre principal,

- dire et juger que les pièces adverses 19, 20A, 20B, 22A, 22B, 22C, 22D, 22E, 24A, 24B, 27, 47 et 48 sont dénuées de tout caractère probant,

- dire et juger que la société Légende Global et Mme D. L. n'établissent pas la matérialité des prétendus actes de contrefaçon reprochés à la société O.T.K et à M. S.,

En conséquence,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 10 novembre 2016 (1ère chambre),

- débouter la société Légende Global et Mme D. L. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire, au cas où par impossible, la cour infirmerait le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre,

- dire et juger que la photographie revendiquée est dépourvue de toute originalité,

- dire et juger que le tee-shirt litigieux fabriqué par O.T.K répond de l'exception de parodie prévue par l'article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle,

En conséquence,

- débouter la société Légende Global et Mme D. L. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

A titre encore plus subsidiaire, au cas où par impossible, la cour retiendrait l'acte de contrefaçon,

- constater la carence absolue des appelantes dans la preuve de leur prétendu préjudice,

- constater le caractère exorbitant et non justifié des dommages et intérêts sollicités par Madame D. L. et la société Légende Global,

- dire et juger que Madame D. L. et la société Légende Global ne rapportent pas la preuve d'un quelconque préjudice tant dans son principe que dans son quantum,

- dire et juger que le montant des condamnations ne peut excéder la somme de 5 886 euros tous préjudices confondus,

- dire et juger que Monsieur S. n'engage pas sa responsabilité personnelle en sa qualité de gérant sur le fondement de l'article L.223-22 alinéa 1er du code de commerce,

- dire et juger que la demande de publication est inopportune et totalement disproportionnée,

En tout état de cause,

- débouter la société Légende Global et Mme D. L. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner in solidum Madame D. L. et la société Légende Global à payer à la société O.T.K et à Monsieur Julien S., à chacun d'eux, la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum Madame D. L. et la société Légende Global aux entiers dépens.

FAITS ET PROCÉDURE

M. Alberto D. G. dit K. est l'auteur de la photographie d'Ernesto "Che" Guevara intitulée "Guerillero Heroïco" connue sous le titre "Che au béret et à l'étoile", cliché pris le 5 mars 1960 à La Havane à Cuba.

A la suite du décès de K. le 25 mai 2001, sa fille Mme Diana D. L. a, par testament du 5 février 1999, été désignée comme légataire universelle.

Par acte sous seing privé en date du 26 mai 2008, Mme D. L. a cédé à la société Légende Global à titre exclusif et pour le monde entier l'ensemble des droits d'exploitation relatifs à la photographie ci-avant mentionnée.

La société O.T.K, dont le gérant est M. Julien S., commercialise sous le nom commercial Otaku des vêtements sur lesquels sont apposées diverses images en lien avec les jeux vidéo et la culture "geek".

Mme D. L. et la société Légende Global estimant que la société O.T.K vendait sur son site internet otaku.fr, ainsi que par l'intermédiaire de revendeurs mentionnés sur ce site, des tee-shirt sur lesquels était reproduite la photographie du Che en cause, ce cliché étant par ailleurs selon eux dénaturé, ont par actes en date du 30 avril2013 fait assigner la société O.T.K ainsi que son gérant M. S. en contrefaçon de droit d'auteur et en indemnisation.

Par le jugement dont appel ils ont été déboutés de leurs demandes.

SUR CE, LA COUR

Sur le caractère original de la photo

Considérant que M. Julien S. et la SARL O.T.K contestent le caractère original de la photo ; qu'ils prétendent que l'oeuvre revendiquée n'est ni plus ni moins que la photographie du Che Guevara et laisse penser à une photographie d'identité totalement banale et pour laquelle il n'est pas possible de caractériser un effort personnalisé ; que les appelantes estiment l'oeuvre photographiée originale en ce sens qu'elle est essentiellement caractérisée par la captation par K. de la rage et la détermination mêlée de souffrance contenue dans le regard du « Che » ; que par de telles affirmations, ils démontrent que la photographie revendiquée est en réalité d'une banalité affligeante ; qu'en effet, si le personnage traité par la photographie est immensément célèbre, de par les valeurs qu'il véhicule, et que la photographie jouit d'une popularité importante, K. n'a pas enpreint cette photographie de sa personnalité par des choix créatifs ; que la détermination, la rage ou la souffrance mentionnée par les appelantes ne résultent pas de choix délibérément pris par K. mais sont uniquement des caractéristiques propres au personnage photographié ; que d'ailleurs les citations de K. reprises par les appelantes dans leurs conclusions, illustrent parfaitement l'idée selon laquelle ladite photographie n'est pas la résultante de choix créatifs de l'auteur ; que la seule personnalité qui est reflétée à travers cette photographie est celle de son personnage, le Che Guevara ; qu'au demeurant, il a été possible de retrouver le cliché original de K. ; que la comparaison avec la photographie revendiquée par les appelantes laisse clairement apparaître que l'intervention de K. se résume à avoir supprimé le profil de gauche et le palmier sur la droite ;

Considérant que Mme Diana D. L. et la SARL Légende Global, s'appuyant sur les motifs de celui-ci, sollicitent la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu l'originalité de la photographie et par conséquent son caractère protégeable au titre du droit d'auteur ; qu'ils observent en particulier que la puissance créatrice de cette oeuvre et le génie de K. ont permis de faire de celle-ci une des plus importantes du XXème siècle ; qu'il ne s'agit pas d'une scène anodine mais d'un moment historique ; que la photo a capté toute l'intensité du moment ; que l'on sent en effet dans le regard du Che Guevara une grande colère contenue, liée à l'événement ; que l'empreinte de la personnalité de K. sur la photo est évidente ; que l'originalité de celle-ci est reconnue par une jurisprudence constante ; que, sur le plan juridique, le principe d'assimilation posée par la Convention de Berne de 1886, les titulaires de droits ainsi que leurs oeuvres peuvent être protégés en droit français ; que l'auteur et ses ayants droits sont protégés par le droit cubain ; que depuis le 20 février 1997, Cuba a adhéré à la Convention de Berne ; qu'en conséquence Mme D. L. est bien fondée à invoquer l'application des dispositions du code français de la propriété intellectuelle pour faire protéger la photo sur le territoire français et en tirer toutes les conséquences légales qui s'imposent ; qu'il en est de même de la société Légende global ;

Mais considérant qu'il résulte des dispositions des articles L 111-1, L12-1 et L 112-2 9 du code de la propriété intellectuelle que l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, et que ce droit est conféré à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination'; que sont considérées comme des oeuvres de l'esprit, les oeuvres photographiques et celles réalisées à l'aide de techniques analogues à la photographie ;

Considérant que le tribunal a exactement rappelé que l'originalité d'une oeuvre s'entend du reflet de la personnalité de son créateur ; qu'il appartient à celui qui invoque la protection au titre du droit d'auteur d'établir et de caractériser l'originalité de l'oeuvre ; qu'il appartient donc à Mme Diana D. L. et la SARL Légende Global d'établir en quoi la photographie laisse transparaître l'empreinte de la personnalité de K. qui en est l'auteur, ce qui peut résulter du choix du sujet, de la mise en scène de l'objet photographié, de sa composition, de modification qu'il a apportée après la prise du cliché, de parti pris qui traduisent une démarche propre et une recherche esthétique, révélant ses compétences et sa sensibilité personnelles ;

Considérant que le tribunal note exactement que la photographie en cause est un portrait du Che Guevara, de face, coiffé d'un béret, ce cliché ayant été pris à La Havane en mars 1960 lors d'une manifestation organisée à l'occasion de l'enterrement des victimes de la Coubre où étaient présents des milliers de personnes ;

Considérant qu'il est tout aussi exact que les demandeurs font pertinemment valoir que le cliché a certes été pris sur le vif au moment de l'arrivée de Che Guevara à la tribune où se trouvaient notamment Fidel Castro, Jean-Paul Sartre ou Simone de Beauvoir mais que néanmoins des choix ont été effectués par K. quant au sujet photographié'; qu'il a en effet délibérément opté pour Che Guevara parmi les autres personnalités présentes en raison de son regard intense embrassant la foule ; que la prise de vue en contre-plongées permet d'accentuer l'aspect messianique du portrait ; que la composition par le recadrage du sujet choisi permet de faire ressortir l'émotion et l'intemporalité du moment ; que ces éléments révèlent une recherche esthétique et un apport personnel du photographe qui va au-delà du simple savoir-faire mettant en valeur l'intensité du personnage, ce indépendamment de la personne de Che Guevara et imprégnant le cliché de la personnalité de son acteur ; que c'est donc à juste titre que le tribunal a considéré que cette photographie devait être considérée comme originale et bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur ; qu'il suffit d'ajouter qu'en cause d'appel, M. Julien S. et la SARL O.T.K ne justifient d'aucun moyen justifiant d'infirmer le jugement sur ce point, lequel sera donc confirmé ;

Sur la matérialité des actes suspectés de contrefaçon

Considérant que Mme Diana D. L. et la SARL Légende Global reprochent au tribunal d'avoir estimé qu'elles n'apportaient pas la preuve des actes qu'elles reprochent aux intimés ; qu'elles exposent que les éléments fournis suite à l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 2 juin 2017, en dépit des réserves qu'elles formulent à leur encontre, confirment bien l'exploitation des produits litigieux par la société O.T.K en venant s'ajouter aux nombreux éléments probants qu'elles avaient déjà communiqués ; que, de plus par courrier du 27 septembre 2012, les intimés ont été mis en demeure d'avoir à cesser toute exploitation contrefaisante de la photo objet du litige et de fournir des informations comptables et financières sur l'exploitation des produits litigieux ; que, le 22 octobre 2012, le conseil de la société O.T.K leur a répondu que « la reproduction sur un T-shirt de la photographie du « Che au béret » par la société O.T.K ne constitue pas un acte de contrefaçon » ; qu'il estimait toutefois que l'exploitation des produits litigieux était justifiée par des fins parodiques ; que, par conséquent en vertu de l'article 1383 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige, l'aveu judiciaire du conseil des intimés constitue en elle seule une preuve suffisante de la matérialité de la contrefaçon et donc de la faute ; que, de plus leur conseil a acheté l'un des produits litigieux sur le site internet www.otaku.fr le 20 septembre 2012 ; que cette commande, enregistrée sous le numéro 1477, s'est opérée depuis le territoire français avec un paiement réalisé en ligne grâce à une carte bleue française ainsi qu'elles en justifient ; qu'elles rappellent que les faits juridiques se prouvent par tout moyen ; que cet achat ne constitue pas un procédé déloyal ; que ce moyen de preuve a été soumis au débat contradictoire des parties ; que la seule circonstance qu'il ait été acheté par le conseil des appelantes ne suffit pas à écarter cette preuve des débats ; qu'en outre, elles en produisent la facture ; que celle-ci fait précisément référence à l'oeuvre litigieuse ; qu'elle constitue donc l'élément qui permet d'établir l'offre à la vente des produits argués de contrefaçon ; que la décision attaquée évoque des « constatations » opérées par le conseil alors qu'un simple achat ne relève ni de constatations, ni de constats, ni d'attestations ; qu'il s'agit d'un simple achat sans constatation subjective ou objective ; que les jurisprudences citées par la partie adverse sont sans lien avec la présente espèce et concernent des mesures opérées par un huissier de justice ; qu'en l'espèce, leur conseil a pu agir au contraire comme un client lambda ; qu'ainsi, tous les éléments qu'elles communiquent se confortent les uns les autres ; que dès lors écarter cette preuve reviendrait à prendre le risque de violer le principe du procès équitable et d'égalité des armes, qui constitue lui-même, un motif de cassation ; qu'en effet, la jurisprudence rappelle qu'aucune preuve d'achat ne peut être écartée des débats au simple motif que ledit achat a été effectué par une personne liée aux appelantes dès lors que la preuve a été constituée sans abus, artifice ou fraude manifeste ; que le courant jurisprudentiel invoqué par les intimés date de 2010 et concerne l'appréciation du caractère probant des impressions d'écran alors qu'il ne faut pas confondre les captures d'écran et l'achat d'un produit ou encore le constat d'achat d'un simple achat par un tiers ; qu'en l'espèce, la commande a été passée le 20 septembre 2012 et n'a donné lieu à aucun constat d'achat ou capture d'écran ; que les développements des intimés sur ce point sont donc totalement inopérants ; qu'estimer que leur conseil a manqué de décliner sa profession et sa qualité opère encore une fois un fâcheux amalgame avec ce à quoi est contraint l'huissier de justice, officier ministériel lorsqu'il opère des constatations des achats ; qu'en outre, il est patent qu'aucun doute sur la commande passée ne peut davantage prospérer en raison du lien évident entre la commande passée le 20 septembre 2012 sur le site www.otaku.fr et le produit litigieux ; qu'au demeurant l'ensemble des informations relatives à cette commande est corroboré par la réception d'une enveloppe émanant de O.T.K contenant le produit litigieux ; que de plus, des éléments supplémentaires confirment la matérialité de la preuve que constitue l'achat du 20 septembre 2012 ; que le produit litigieux lui-même est communiqué, accompagné de la facture se trouvant dans le pli Colissimo corroborant la commande du 20 septembre 2012, le prix payé par carte bancaire, la référence du produit acheté, à savoir « TS CHE couleur RED taille M » et le recours au transporteur Colissimo pour livrer le produit litigieux ; qu'en conséquence, cet achat, dont il n'est ni allégué, ni démontré qu'il comporterait un défaut de fiabilité ou d'authenticité, est corroboré par un nombre important de pièces qui confirment l'authenticité de l'achat effectué ; qu'au vu de la jurisprudence, ces éléments constituent des preuves tout à fait recevables et de nature à confirmer l'existence de la matérialité de la contrefaçon ; qu'enfin, ils communiquent un constat d'huissier du 17 février 2017 qui remplit toutes les exigences techniques et légales imposées par la loi et la jurisprudence en matière de constat internet et qui permet de constater l'exploitation des produits litigieux sur le site www.otaku.fr le 6 décembre 2012, le 4 mars 2013, le 22 juin 2013 et le 1er juillet 2013, soit postérieurement à la mise en demeure du 27 septembre 2012 ; que ces constatations sont opérées grâce à l'utilisation d'Internet Archive Wayback Machine ; qu'Internet Archive est une organisation à but non lucratif ; que la jurisprudence admet désormais les preuves tirées de celle-ci ; que celle produite par les intimés est antérieure et donc obsolète ; que le constat du 17 février 2017 possède ainsi une valeur et une force probante évidente et permet de confirmer la matérialité des actes opérés par les intimés depuis le site internet www.otaku.fr ; que de plus, par attestation du 22 février 2017, Mme Aubéri F. est venue confirmer qu'elle avait constaté la présence du produit au jour de la date des captures d'écran du 19 avril 2013 ; que si le premier juge a constaté qu'elle ne décrivait pas le produit dans une attestation antérieure, elle complète désormais son témoignage ; que, s'agissant des reproches faits par le tribunal à l'encontre des impressions d'écran qu'ils avaient communiquées en première instance, ils répliquent que la recevabilité de la preuve de la contrefaçon n'est pas conditionnée par l'exigence d'un constat d'huissier dès lors que la preuve d'un fait peut être rapportée par tout moyen ; qu'en vertu de la jurisprudence de la cour d'appel de Versailles elle-même, si aucune preuve du défaut de fiabilité ou d'authenticité n'est rapportée, alors les impressions d'écran sont déclarées recevables et admissibles comme preuve ; qu'en définitive, les longs développements des intimés sur l'irrecevabilité des captures d'écran et sur l'obligation d'avoir recours à une huissier de justice pour opérer constat et achat sont totalement inopérants d'autant qu'ils n'indiquent pas en quoi ces captures seraient selon eux suspectes ; qu'en conséquence, les impressions d'écran constituent un commencement de preuve non négligeable soumis à l'appréciation souveraine des juges du fond ;

Considérant que M. Julien S. et la SARL O.T.K répliquent que les pièces produites par les appelantes établissant selon elles la prétendue contrefaçon sont dépourvues de caractère probant ; que ces soi-disant preuves reposent exclusivement sur des impressions d'écran du site internet de la société O.T.K, de son compte Facebook et de son compte Twitter réalisées dans des conditions totalement ignorées ; qu'au contraire la preuve de la contrefaçon notamment sur internet obéit à des règles essentielles qui ont été dégagées au fil des années par la jurisprudence ; qu'ainsi une simple copie d'écran, réalisée par le plaideur lui-même, n'a aucune valeur probante ; qu'aucune intervention d'un huissier de justice ou d'un tiers assermenté n'a été sollicitée ; que la jurisprudence exige constamment de l'huissier ou du tiers assermenté qu'il limite ses interventions à celle d'un simple constatant passif ; qu'en l'espèce, il est patent que c'est l'avocat des appelantes, qui ne présente aucune garantie d'impartialité, qui a adopté une démarche active en ouvrant un compte sur le site de la société O.T.K et en passant une commande d'un T-shirt ; que les appelantes ont donc manifestement violé les règles fondamentales posées par la jurisprudence ; que celle-ci admet à titre de preuve les constatations sur internet sous réserve du respect de conditions techniques préalables permettant de s'assurer du caractère loyal et de la fiabilité des constatations ; que tel n'est pas le cas des pièces communiquées par les appelantes ; qu'outre le non-respect des exigences techniques, celles-ci ont totalement dévoyé la procédure de saisie contrefaçon et ont donc commis des opérations de saisies contrefaçons déguisées ; que le conseil des appelantes a eu l'outrecuidance de passer commande d'un T-shirt sans décliner sa profession et sa qualité pour les besoins de la cause ; qu'un tel moyen de preuve est gravement déloyal et donc totalement irrecevable ; que la jurisprudence est aujourd'hui claire à ce sujet ; qu'en effet les constats d'achat sur internet (en dehors de toute autorisation du juge) doivent être frappés de nullité du fait d'un défaut de loyauté dans la procédure et d'un détournement de procédure ; que plus précisément, la jurisprudence assimile ces constats d'achat à une saisie contrefaçon et estime qu'il y a détournement de procédure puisque pour obtenir le droit de réaliser une saisie contrefaçon, le justiciable doit obtenir l'ordonnance de saisie définissant notamment la mission de l'huissier ; que la Cour de cassation elle-même est venue affirmer avec force la nullité de telles opérations ; que s'agissant du constat dressé le 17 février 2017, soit quatre ans après le début de la procédure, il a été réalisé sur un site internet d'archives et non pas sur le site internet de la société O.T.K lui-même ; que la jurisprudence, en particulierun arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 juillet2010, ne reconnaît pas la valeur probante des constats réalisés sur le site internet Archive.org ; que, s'agissant de la communication des intimés du 19 juin 2017 en suite de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 2 juin 2017, les appelantes indiquent qu'elles constituent la preuve irréfutable de la matérialité des actes de contrefaçon ; qu'en adoptant une telle position, les appelantes ont grossièrement trompé la religion du conseiller de la mise en état ; qu'en définitive les appelantes échouent à prouver les prétendus actes de contrefaçon ;

Considérant ceci exposé que la contrefaçon étant un fait, elle se prouve par tous les moyens ; que la présentation au juge de l'objet contrefaisant acheté dans un commerce constitue une preuve valable dès lors qu'elle est accompagnée d'une facture qui ne puisse prêter à contestation sur son origine ;

Considérant qu'en l'espèce les appelantes communiquent en pièce numéro 45 un T-shirt rouge sur lequel est figurée une étoile blanche sur laquelle est reproduite la célèbre photographie du « Che au béret » réalisée par K., ce que les intimés ne mettent pas en doute ; que le visage de Che Guevara se détache en noir sur le fond blanc de l'étoile ; qu'au centre du béret figure la marque O.T.K, une manette de jeu étant symbolisée à l'intérieur de la lettre O ; que le personnage de Che Guevara tient dans son poing fermé une manette de jeu ; qu'en dessous du buste du personnage est apposée l'inscription « Che was a gamer » en lettres capitales entourées de noir et se dégageant du fond rouge du T-shirt ; qu'à l'intérieur du col est présente une étiquette rouge en tissu portant la marque Otaku en lettres blanches avec également le symbole de la manette de jeux sur la lettre O ; qu'au bord de l'une des manches courtes est également cousue une petite étiquette en tissu rouge plus clair que le T-shirt portant la marque O.T.K en lettres blanches avec le symbole de la manette de jeux sur la lettre O ; qu'est également accrochée au moyen d'une épingle à nourrice une étiquette en papier glacé portant la marque Otaku dans un rectangle rouge d'un visuel identique à celui de l'étiquette de l'intérieur du col ; qu'à cette étiquette en papier est également accrochée une seconde étiquette rectangulaire rouge portant la marque O.T.K ;

Considérant qu'à l'intérieur de l'enveloppe bulle contenant le T-shirt se trouve une facture numéro FA001473 datée du 20 septembre 2012, établie sur papier à en-tête « Otaku the original GameWear » portant pour adresse de livraison et de facturation l'adresse de Randy Y.[...] ; que la facture fait référence à un numéro de commande 001477 ; que la description du produit'est': « TS CHE - Couleur RED, Taille : M », ce qui correspond, sans contestation possible au T-shirt contenu dans l'enveloppe ; que le prix facturé est de 35 euros ;

Considérant que cette facture corrobore donc l'impression d'écran relative à la commande numéro 001477 ;

Considérant par ailleurs que, mis en demeure de cesser la commercialisation du produit litigieux le 27 septembre 2012, le conseil de M. Julien S. et de la SARL O.T.K a répondu le 22 octobre 2012 (pièce numéro 4 des intimés) : « en ma qualité de conseil habituel de M. Julien S. et de la SARL O.T.K, je fais suite à votre dernier courrier du 27 septembre 2012 dans lequel vous estimez que ma cliente aurait commis des actes de contrefaçon en diffusant un article textile représentant la photographie originale du Che au béret et à l'étoile. Il apparaît pourtant que votre position est totalement erronée et cela pour les raisons ci-après exposées. Comme vous le savez, l'article L122-5 du code de la propriété intellectuelle aménage certaines exceptions au droit exclusif de l'auteur. Cet article prévoit notamment en son point 4 que lorsque que l'oeuvre a été divulguée l'auteur ne peut interdire « la parodie, la pastiche et la caricature compte tenu des lois du genre » ; que plus loin il ajoute : « en conséquence, la reproduction sur un T-shirt de la photographie du Che au béret par la société O.T.K ne constitue pas un acte de contrefaçon et répond à l'exception de parodie prévue à l'article L 122-5 du code de la propriété intellectuelle, les éléments d'adjonction apportés par O.T.K témoignant d'une intention humoristique indéniable excluant tout risque de confusion avec l'oeuvre originale » ;

Considérant en conséquence que si M. Julien S. et la SARL O.T.K contestent la valeur probante des éléments matériels communiqués par les appelantes, la preuve de la matérialité des faits incriminés est néanmoins rapportée par un achat d'un exemplaire du produit litigieux lui-même accompagné d'une facture en bonne forme et par la reconnaissance par le conseil des appelantes de la reproduction de la photographie sur un T-shirt commercialisé par la société O.T.K, celui-ci faisant cependant valoir que cette reproduction n'est pas contrefaisante dès lors qu'il invoque l'exception de parodie ;

Considérant que les autres éléments de preuve, quelles que soient leurs imperfections éventuelles ne font que corroborer cette preuve majeure apportée par l'achat du produit et l'absence de contestation de la reproduction litigieuse, l'authenticité du produit acheté et celle de la facture n'ayant en elles-mêmes jamais été mises en cause ;

Considérant par ailleurs qu'en rien ces éléments de preuve n'ont été obtenus de manière déloyale ou frauduleuse ; qu'il n'est pas contesté que la commande a été traitée comme n'importe quelle autre commande ; que la circonstance que le produit ait été acheté par le conseil des appelants n'est pas en soi déloyale dès lors que la preuve s'attache à la seule matérialité de la reproduction litigieuse ;

Considérant que la preuve est administrée par un achat, soit un simple acte matériel qui ne saurait être confondu avec un constat d'achat ou une saisie contrefaçon déguisée ; qu'il est donc vain pour les intimés d'invoquer les règles techniques et juridiques qui encadrent de tels constats ; qu'en effet aucune constatation n'est réalisée par le conseil des appelantes qui s'est contenté d'acheter le produit et de le verser aux débats dûment accompagné de sa facture, elle-même en bonne et due forme ;

Considérant en conséquence que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a décidé que les actes suspectés de contrefaçon n'étaient pas établis ;

Sur l'exception de parodie

Considérant qu'à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la matérialité des actes serait retenue, M. Julien S. et la SARL O.T.K invoquent l'exception de parodie prévue à l'article L 122-5 du code de la propriété intellectuelle ; qu'ils soulignent que la société O.T.K commercialise des articles textiles sur lesquels sont apposées des images présentant un lien avec les jeux vidéo et la culture « geek » ; que c'est ainsi qu'ils commercialisent une ligne de T-shirts totalement décalés et humoristiques représentant des personnages bibliques et historiques avec des accessoires de jeux vidéo et cela sous le slogan « was a gamer » ; que le produit litigieux fait partie de cette ligne ; qu'il met ainsi en opposition le personnage politique « Che Guevara », icône des mouvements révolutionnaires du monde entier, et une manette d'une console de jeux vidéo, bien connue des geeks ; que des modifications ont été apportées à la photographie initiale puisque les traits de Che Guevara sont beaucoup moins graves que la photographie initiale de K. ; qu'a également été apposée une cerne bien accentuée au niveau de l''il gauche ; que celle-ci caractérise les joueurs de jeux vidéo et les geeks qui s'adonnent à leur passion avec certains excès provoquant une fatigue importante ; que ces arrangements ont été apportés dans le but indéniable de faire rire ou sourire ; que, conformément à la loi, ces adjonctions démarquent le personnage parodié de l'original ; que le T-shirt litigieux ne s'adresse bien évidemment pas au même public que celui de la photographie initiale ; que cette intention humoristique ne comporte aucune intention de nuire à l'oeuvre initiale ; qu'au demeurant, selon la jurisprudence, cette exception est l'un des aspects du principe à valeur constitutionnelle de la liberté d'expression qui puise ses racines dans la liberté de caricature conquise de haute lutte dans les années 1830 ; qu'en outre, conformément à la seconde loi du genre, il n'existe aucun risque de confusion avec l'oeuvre initiale ; qu'en réplique, ils remarquent que la commercialisation du produit litigieux après la mise en demeure n'est pas de nature à les priver de la possibilité de se prévaloir de l'exception de parodie ; qu'en conséquence, la reproduction sur un T-shirt de la photographie du « Che au béret » ne constitue pas un acte de contrefaçon selon eux ;

Considérant que Mme Diana D. L. et la SARL Légende Global leur opposent que les conditions prévues par l'article L 122-5 4° du code de la propriété intellectuelle ne sont pas réunies ; que le but des intimés n'est pas de faire rire mais est avant tout commercial et donc lucratif ; qu'ils soutiennent que, loin de toute volonté de burlesque, de parodie ou de caricature, la seule motivation de M. Julien S. et la SARL O.T.K à porter leur choix sur une reproduction grossièrement dénaturée de la photo est de nature purement et exclusivement commerciale ; que si, certes, rien ne s'oppose à l'exploitation commerciale d'une oeuvre parodiante, quand celle-ci a été créée spécifiquement dans un but commercial, comme c'est le cas lorsque l'on parodie pour fixer la parodie sur un T-shirt à l'unique fin de commercialisation, l'exploitation purement commerciale devient litigieuse ; qu'ils invoquent une jurisprudence selon laquelle le tribunal de grande instance de Paris a relevé que la parodie supposait l'intention d'amuser sans nuire alors que les photographies litigieuses étaient accompagnées de légendes à caractère dénigrant et attentatoire à l'image des éditeurs du magazine plaignant ; que le tribunal a donc estimé que le site publiant les photographies litigieuses avait été créé non pas pour faire rire de la revue plaignante mais pour promouvoir un système d'exploitation auprès d'internautes féminines de sorte que l'exception de parodie ne pouvait pas trouver à s'appliquer ; qu'or, en l'espèce, l'intention de nuire à l'auteur de la photo est incontestable ; qu'en effet, en apposant la mention « Che was a gamer » sous-entendant que le Che était un joueur, et ce, alors que la vie de Che Guevara n'avait rien d'un jeu, ses convictions l'ayant conduit à sacrifier sa vie pour son pays, les intimés ont clairement voulu renverser le symbole que représente la photo pour en faire un produit commercial, dénué de tout le sens que l'auteur a voulu donner à son oeuvre ;

Considérant ceci exposé qu'en vertu de l'article 9.2 de la convention de Berne du 9 septembre 1886, la reproduction des oeuvres peut être autorisée dans certains cas spéciaux, pourvu qu'une telle reproduction ne porte pas atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur ;

Considérant qu'en application de l'article L 122-5-4° du code de la propriété intellectuelle, lorsque l'oeuvre a été divulguée l'auteur ne peut interdire la parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre ;

Considérant que cette exception est fondée sur la liberté d'expression, principe à valeur constitutionnelle ;

Considérant en l'espèce que le T-shirt litigieux utilise la photographie de K., dénommée « Che au béret » en reproduisant le visage et le buste du Che détourés en noir sur un fond blanc contrastant avec la couleur rouge du T-shirt ; que cette reproduction transforme la photographie en un dessin ; que la tête du Che s'inscrit au-dessus d'une étoile également de couleur blanche en écho avec l'étoile située au milieu du béret de Che Guevara représenté sur la photographie originale ; qu'a également été apposée une cerne bien accentuée au niveau de l''il gauche'; que, sur la reproduction litigieuse, cette étoile est remplacée par la marque « O.T.K » ; que, dans son poing fermé, le Che tient une manette de jeux vidéo qui est également accompagnée d'une inscription « Che was a gamer » juste en dessous du buste ;

Considérant que ces adjonctions constituent des modifications essentielles destinées à démarquer la reproduction critiquée de la photographie originale ; qu'elles excluent ainsi tout risque de confusion possible avec celle-ci ; que la reproduction litigieuse ne porte donc pas atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre de K. ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur ; qu'il n'est pas établi qu'en attribuant à la reproduction ces caractéristiques, essentiellement destinées à faire sourire un public amateur de jeux vidéo, la société O.T.K a eu l'intention de nuire à l'auteur de la photographie initiale alors que tel était le cas dans la jurisprudence citée par les appelantes ;

Considérant que le décalage existant entre la figure du révolutionnaire photographiée par K. et la reproduction litigieuse participe des lois du genre de la parodie sans dénaturer ni ridiculiser l'oeuvre initiale et dans le seul but de faire sourire ; que ce produit s'inscrit également dans toute une ligne de produits commercialisés par la société O.T.K qui transposent d'autres icônes à l'univers des jeux vidéo ; qu'ainsi, cette société commercialise également un T-shirt «Jésus was a gamer'» et un T-shirt « Mary was a gamer » représentant la vierge Marie ; que cette volonté de désacraliser les icônes procède également des lois du genre dès lors que, comme en l'espèce, elle est exclusive de toute volonté de nuire ;

Considérant que les appelantes admettent dans leurs écritures que rien ne s'oppose à l'exploitation commerciale de l'oeuvre parodiante ; qu'en l'espèce, celle-ci n'est pas exclusive de l'intention humoristique révélée par les éléments ci-dessus analysés et fondement de l'exception prévue à l'article L 122-5 4° du code de la propriété intellectuelle ;

Considérant en conséquence que la reproduction de la photographie de K. dénommée « Che au béret et à l'étoile » sur le T-shirt commercialisé par la société O.T.K ne porte ni atteinte au droit moral de l'auteur dont est investie Mme D. L. ni à son droit patrimonial dont est investie la société Légende Global ; qu'elle n'est donc pas contrefaisante ;

Considérant que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il les a déboutés de toutes leurs demandes ;

Considérant par ailleurs que la communication de pièces ordonnée par le conseiller de la mise en état le 2 juin 2017 était destinée à évaluer le préjudice des appelantes en tant que de besoin ; que celles-ci étant déboutées de toutes leurs demandes, la demande de liquidation de l'astreinte prévue par l'ordonnance d'incident du 2 juin 2017 est sans objet ; qu'il n'y a donc pas lieu de statuer de ce chef ;

Sur les demandes accessoires

Considérant que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a exactement statué sur les dépens ainsi que sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que, succombant en leur appel et comme tels tenus aux dépens, Mme Diana D. L. et la SARL Légende Global seront déboutés de leurs propres demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en revanche, ils verseront à M. Julien S. et la SARL O.T.K a ce même titre la somme complémentaire de 5 000 euros en indemnisation de leurs frais irrépétibles d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Confirme le jugement rendu le 10 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Nanterre sauf en ce qu'il a dit que la matérialité des actes suspectés de contrefaçon n'était pas établie,

Et, statuant à nouveau de ce seul chef,

Dit que M. Julien S. et la SARL O.T.K ont reproduit sur des T-shirts commercialisés par la société O.T.K la photographie de K. intitulée « Che au béret et à l'étoile »,

Dit que cette reproduction n'est pas contrefaisante,

Et, y ajoutant,

Dit que la demande de liquidation de l'astreinte prévue par l'ordonnance d'incident du 2 juin 2017 est sans objet,

Déboute Mme Diana D. L. et la SARL Légende Global de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamne à payer à ce titre à M. Julien S. et la SARL O.T.K une indemnité complémentaire de 5 000 euros,

Condamne Mme Diana D. L. et la SARL Légende Global aux dépens d'appel.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.