CE, 6e et 1re sous-sect. réunies, 28 mars 2011, n° 319327
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. de Casanova
Rapporteur :
M. Chambon
Rapporteur public :
M. Guyomar Mattias
Avocats :
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez
Vu, 1° sous le n° 319327, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 août et 5 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE D'EPARGNE DE NORMANDIE, dont le siège est au 43 bis, rue Jeanne d'Arc à Rouen (76000) ; la CAISSE D'EPARGNE DE NORMANDIE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 5 juin 2008 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en tant qu'elle a, d'une part, prononcé à son encontre une sanction pécuniaire d'un montant de 50 000 euros, au titre de la méconnaissance de son obligation d'information relative aux conditions dans lesquelles l'engagement du client a été recueilli à l'occasion de la souscription de titres subordonnés remboursables, d'autre part, ordonné la publication de cette décision au Bulletin des annonces légales obligatoires, ainsi que sur le site internet et dans la revue de l'Autorité des marchés financiers ;
2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2° sous le n° 319328, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 août et 5 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE D'EPARGNE D'AQUITAINE-POITOU-CHARENTES, dont le siège est au 61, rue du Château d'eau à Bordeaux (33076 Cedex) ; la CAISSE D'EPARGNE D'AQUITAINE-POITOU-CHARENTES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la même décision du 5 juin 2008 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en tant qu'elle a, d'une part, prononcé à son encontre une sanction pécuniaire d'un montant de 160 000 euros, au titre des manquements constatés au sein de la Caisse d'Epargne d'Aquitaine Nord, tirés du dépassement des périodes de souscription de titres subordonnés remboursables et de la méconnaissance de son obligation d'information relative aux conditions dans lesquelles l'engagement du client a été recueilli ainsi qu'au titre des manquements constatés au sein de la Caisse d'Epargne de Poitou-Charentes, tirés de la méconnaissance de son obligation d'information relative aussi bien aux conditions dans lesquelles l'engagement du client a été recueilli qu'à l'information des souscripteurs sur les caractéristiques des titres, d'autre part, ordonné la publication de cette décision au Bulletin des annonces légales obligatoires, ainsi que sur le site internet et dans la revue de l'Autorité des marchés financiers ;
2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu, 3° sous le n° 319329, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 août et 5 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE D'EPARGNE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE, dont le siège est au 1, rond point de la nation à Dijon (21000) ; la CAISSE D'EPARGNE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la même décision du 5 juin 2008 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en tant qu'elle a, d'une part, prononcé à son encontre une sanction pécuniaire d'un montant de 50 000 euros, au titre d'un manquement tiré du dépassement des périodes de souscription de titres subordonnés remboursables, d'autre part, ordonné la publication de cette décision au Bulletin des annonces légales obligatoires, ainsi que sur le site internet et dans la revue de l'Autorité des marchés financiers ;
2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu, 4° sous le n° 319330, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 août et 5 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE D'EPARGNE DE RHONE-ALPES, dont le siège est au 42, boulevard Eugène Deruelle à Lyon (69003) ; la CAISSE D'EPARGNE DE RHONE-ALPES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la même décision du 5 juin 2008 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en tant qu'elle a, d'une part, prononcé à son encontre une sanction pécuniaire d'un montant de 160 000 euros, au titre des manquements, constatés au sein de la Caisse d'Epargne des Alpes, tirés du dépassement des périodes de souscription de titres subordonnés remboursables et de la méconnaissance de son obligation d'information relative à l'information des souscripteurs sur les caractéristiques des titres et au titre des manquements, constatés au sein de la Caisse d'Epargne de Rhône-Alpes Lyon, tirés du dépassement des périodes de souscription de titres subordonnés remboursables et de la méconnaissance de son obligation d'information relative aux conditions dans lesquelles l'engagement du client a été recueilli, d'autre part, ordonné la publication de cette décision au Bulletin des annonces légales obligatoires, ainsi que sur le site internet et dans la revue de l'Autorité des marchés financiers ;
2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu, 5° sous le n° 319331, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 août et 5 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE D'EPARGNE D'ILE DE FRANCE, dont le siège est au 19, rue du Louvre à Paris (75001) ; la CAISSE D'EPARGNE D'ILE DE FRANCE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la même décision du 5 juin 2008 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en tant qu'elle a, d'une part, prononcé à son encontre une sanction pécuniaire d'un montant de 320 000 euros, au titre des manquements constatés au sein de chacune des caisses d'épargne d'Ile-de-France Nord et d'Ile-de-France Paris, tirés du dépassement des périodes de souscription de titres subordonnés remboursables et de la méconnaissance de son obligation d'information relative aussi bien aux conditions dans lesquelles l'engagement du client a été recueilli qu'à l'information des souscripteurs sur les caractéristiques des titres, d'autre part, ordonné la publication de cette décision au Bulletin des annonces légales obligatoires, ainsi que sur le site internet et dans la revue de l'Autorité des marchés financiers ;
2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu, 6° sous le n° 319332, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 août et 5 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE D'EPARGNE DE COTE D'AZUR, dont le siège est au 455, Promenade des Anglais à Nice (06205 Cedex 03) ; la CAISSE D'EPARGNE DE COTE D'AZUR demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la même décision du 5 juin 2008 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en tant qu'elle a, d'une part, prononcé à son encontre une sanction pécuniaire d'un montant de 60 000 euros, au titre d'un manquement tiré du dépassement des périodes de souscription de titres subordonnés remboursables et de la méconnaissance de son obligation d'information relative aux conditions dans lesquelles l'engagement du client a été recueilli, d'autre part, ordonné la publication de cette décision au Bulletin des annonces légales obligatoires, ainsi que sur le site internet et dans la revue de l'Autorité des marchés financiers ;
2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu, 7° sous le n° 319333, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 août et 5 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE D'EPARGNE DE PROVENCE ALPES CORSE, dont le siège est place Estrangin Pastré à Marseille (13006) ; la CAISSE D'EPARGNE DE PROVENCE ALPES CORSE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la même décision du 5 juin 2008 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en tant qu'elle a, d'une part, prononcé à son encontre une sanction pécuniaire d'un montant de 160 000 euros, au titre des manquements tirés du dépassement des périodes de souscription de titres subordonnés remboursables, de l'absence d'évaluation préalable de la compétence et du profil des souscripteurs et de la méconnaissance de son obligation d'information relative aussi bien aux conditions dans lesquelles l'engagement du client a été recueilli qu'à l'information des souscripteurs sur les caractéristiques des titres, d'autre part, ordonné la publication de cette décision au Bulletin des annonces légales obligatoires, ainsi que sur le site internet et dans la revue de l'Autorité des marchés financiers ;
2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 mars 2011, présentée sous les n° 319327, 319328, 319329, 319330 et 319331 pour l'Autorité des marchés financiers ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Raphaël Chambon, Auditeur,
- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la CAISSE D'EPARGNE DE NORMANDIE et autres et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de l'Autorité des marchés financiers,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la CAISSE D'EPARGNE DE NORMANDIE et autres et à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de l'Autorité des marchés financiers,
Considérant que la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, organe central du groupe Caisses d'épargne, a émis, entre juin 2002 et septembre 2005, douze emprunts sous la forme de titres subordonnés remboursables à taux fixes ; que toutes ces émissions ont fait l'objet d'une prise ferme par les caisses d'épargne, qui ont placé l'essentiel des titres auprès de leur clientèle particulière ; que, par la décision attaquée, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a infligé à la CAISSE D'EPARGNE DE NORMANDIE, la CAISSE D'EPARGNE D'AQUITAINE-POITOU-CHARENTES, la CAISSE D'EPARGNE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE, la CAISSE D'EPARGNE DE RHONE-ALPES, la CAISSE D'EPARGNE D'ILE-DE-FRANCE, la CAISSE D'EPARGNE DE COTE D'AZUR et la CAISSE D'EPARGNE DE PROVENCE ALPES CORSE des sanctions pécuniaires d'un montant variant de 50 000 à 320 000 euros et ordonné la publication de cette décision au Bulletin des annonces légales obligatoires, ainsi que sur le site internet et dans la revue de 1'AMF, au titre de manquements à leurs obligations professionnelles, tirés de la méconnaissance de l'obligation de privilégier l'intérêt du client, de l'absence d'évaluation préalable de la compétence et du profil des souscripteurs et de la méconnaissance de leur obligation d'information relative aussi bien aux conditions dans lesquelles l'engagement du client a été recueilli qu'à l'information des souscripteurs sur les caractéristiques des titres ; que les requêtes de ces sept caisses d'épargne dirigées contre cette décision présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 533-4 du code monétaire et financier, dans sa version alors applicable : / Les prestataires de services d'investissement (...) sont tenus de respecter des règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations. / Ces règles sont établies par l'Autorité des marchés financiers. / (...) Elles obligent notamment à : / 1. Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ; / 2. Exercer leur activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ; (...) / 4. S'enquérir de la situation financière de leurs clients, de leur expérience en matière d'investissement et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés ; / 5. Communiquer, d'une manière appropriée, les informations utiles dans le cadre des négociations avec leurs clients ; (...) / 7. Se conformer à toutes les réglementations applicables à l'exercice de leurs activités de manière à promouvoir au mieux les intérêts de leurs clients et l'intégrité du marché. / Les règles énoncées au présent article doivent être appliquées en tenant compte de la compétence professionnelle, en matière de services d'investissement, de la personne à laquelle le service d'investissement est rendu ;
En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de l'obligation de privilégier l'intérêt du client :
Considérant qu'aux termes de l'article 321-24 du règlement général de l'AMF, dans sa rédaction alors applicable : (...) Les services mentionnés à l'article 311-l sont exercés avec diligence, loyauté, équité, dans le respect de la primauté des intérêts des clients et de l'intégrité du marché. Les prestataires habilités s'efforcent d'éviter les conflits d'intérêt et lorsque ces derniers ne peuvent être évités, veillent à ce que leurs clients soient traités équitablement (...) ; qu'aux termes de l'article 321-42 du même règlement général également dans sa rédaction alors applicable : La réception et transmission d'ordres, l'exécution d'ordres pour le compte de tiers et le placement sont assurées en privilégiant l'intérêt du client (...) ;
Considérant, en premier lieu, que le principe de légalité des délits et des peines, lorsqu'il est appliqué à des sanctions qui n'ont pas le caractère de sanctions pénales, ne fait pas obstacle à ce que les infractions soient définies par référence aux obligations auxquelles est soumise une personne en raison de l'activité qu'elle exerce, de la profession à laquelle elle appartient ou de l'institution dont elle relève, ainsi que le rappellent les dispositions du II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, selon lesquelles la commission des sanctions peut infliger une sanction aux personnes manquant à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'AMF ; qu'il résulte des dispositions rappelées ci-dessus que, parmi les obligations auxquelles sont soumis les prestataires de services d'investissement, figure l'obligation de privilégier le meilleur intérêt du client ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la CAISSE D'EPARGNE DE COTE D'AZUR, la CAISSE D'EPARGNE DE PROVENCE ALPES CORSE, les Caisses d'épargne de Bourgogne, de Franche-Comté, d'Ile-de-France Nord, d'Ile-de-France Paris, d'Aquitaine Nord, des Alpes et de Rhône-Alpes Lyon ont proposé à leurs clients de souscrire à des titres subordonnés remboursables après l'expiration de la période de souscription, à des conditions moins favorables que celles prévalant sur le marché secondaire, sur lequel, contrairement à ce qui est soutenu, s'échangeaient au même moment des titres issus de la même émission ; qu'il y a donc eu coexistence entre un marché primaire et un marché secondaire ; que, dès lors, la commission des sanctions n'a entaché sa décision ni d'erreur de fait, ni d'erreur de droit en estimant que les opérations effectuées par ces caisses d'épargne étaient constitutives d'une méconnaissance de l'obligation de primauté des intérêts du client ; que, s'il est soutenu qu'aucun texte précis n'incrimine le dépassement des périodes de souscription des titres subordonnés remboursables, la commission des sanctions n'a pas sanctionné ce dépassement en lui-même mais la méconnaissance de l'obligation de privilégier le meilleur intérêt du client induite par ce dépassement ; que cette obligation résultait de façon suffisamment précise des dispositions combinées, citées ci-dessus, de l'article L. 533-4 du code monétaire et financier et des articles 321-24 et 321-42 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers ; qu'à la date des faits litigieux, la règle en cause était suffisamment claire, de sorte qu'il apparaissait de façon raisonnablement prévisible par les professionnels concernés, eu égard aux textes définissant leurs obligations professionnelles, que le comportement litigieux constituait un manquement à ces obligations, susceptible comme tel d'être sanctionné en application de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ; que, par suite, la commission des sanction n'a pas, contrairement à ce qui est soutenu, méconnu le principe de légalité des délits et des peines ;
Considérant, en deuxième lieu, que s'il est soutenu que la décision attaquée méconnaîtrait le principe de la personnalité des peines, dès lors qu'elle sanctionne les caisses d'épargne citées ci-dessus à raison d'un retard dans l'enregistrement des souscriptions qui est imputable à la société Gestitres, à laquelle la gestion technique de l'enregistrement des souscriptions était déléguée, la commission des sanctions n'a pas sanctionné le retard dans l'enregistrement des opérations en lui-même, mais la méconnaissance par ces caisses d'épargne de leurs obligations professionnelles, au nombre desquelles figure la préservation du meilleur intérêt du client ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction qu'en principe, en application des procédures internes élaborées par la Caisse nationale, il est procédé à l'enregistrement des souscriptions au plus tard le dernier jour de la période de souscription ; qu'en estimant que, si des difficultés d'ordre technique peuvent conduire à ce qu'une souscription, même intervenue pendant la période de souscription, soit enregistrée postérieurement au terme de cette période, il appartenait aux caisses intéressées de justifier de l'existence de telles difficultés et qu'en l'absence d'élément de nature à apporter une telle justification, la constatation d'un enregistrement postérieur à la clôture de la période de souscription était de nature à établir que la souscription était elle-même intervenue après cette clôture, la commission des sanctions n'a ni méconnu le principe de présomption d'innocence ni fait peser à tort la charge de la preuve sur les caisses d'épargne auxquelles un tel grief avait été notifié ;
En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de l'obligation d'évaluation préalable de la compétence des clients :
Considérant qu'aux termes de l'article 321-46 du règlement général de l'AMF, dans sa rédaction alors applicable : Le prestataire habilité évalue la compétence professionnelle du client s'agissant de la maîtrise des opérations envisagées et des risques que ces opérations peuvent comporter. Cette évaluation tient compte de la situation financière du client, de son expérience en matière d'investissement et de ses objectifs en ce qui concerne les services demandés. / Le prestataire habilité informe le client des caractéristiques des instruments financiers dont la négociation est envisagée, des opérations susceptibles d'être traitées et des risques particuliers qu'elles peuvent comporter. / L'information fournie est adaptée en fonction de l'évaluation de la compétence professionnelle du client (...) ; qu'aux termes de l'article 321-47 du même règlement général, également dans sa rédaction alors applicable : Le prestataire habilité met périodiquement à jour (...) les éléments relatifs à la situation financière du client pris en compte dans le cadre de l'article 321-46 (...) ; qu'aux termes de l'article 321-48 du même règlement général, également dans sa rédaction alors applicable : Lorsqu'un client envisage d'effectuer une opération sur instruments financiers qui ne s'inscrit pas par sa nature, par les instruments concernés ou par les montants en cause dans le cadre des opérations que le client traite habituellement, le prestataire habilité s'enquiert des objectifs de l'opération en cause. / Lorsque, en réponse, le client précise ses objectifs, le prestataire habilité lui communique les informations utiles à la compréhension de l'opération envisagé et des risques qu'elle comporte. / L'information fournie par le prestataire habilité est adaptée en fonction de l'évaluation de la compétence professionnelle du client mentionnée à l'article 321-46 (...) ; qu'il résulte nécessairement de ces dispositions, et notamment de l'obligation de mise à jour périodique des éléments liés à la situation financière du client permettant d'évaluer sa compétence professionnelle, que les prestataires de services d'investissement doivent être en mesure de justifier par tout moyen de leur diligence quant au respect des prescriptions qu'elles contiennent ;
Considérant que, pour retenir le grief tiré de la méconnaissance de l'obligation d'évaluation préalable de la compétence des clients, la commission des sanctions a estimé que l'absence de tout élément, quel qu'il soit, au sein des dossiers clients , de nature à établir qu'une évaluation de la compétence du client et a fortiori une quelconque mise à jour aient été assurées, révélait nécessairement une méconnaissance de l'obligation d'évaluation préalable de la compétence des clients ; que, ce faisant, la commission des sanctions n'a pas mis à la charge des personnes sanctionnées une obligation nouvelle qui ne résulterait d'aucun texte ni restreint les modes de preuve de l'exécution de l'obligation d'évaluation mise à leur charge ; que contrairement à ce qui est soutenu, elle n'a pas davantage méconnu le principe de légalité des délits et des peines ni, en tout état de cause, le principe d'interprétation stricte de la loi pénale ;
En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de l'obligation d'information des souscripteurs au moment de la souscription :
Considérant qu'il résulte des dispositions citées ci-dessus du 5 de l'article L. 533-4 du code monétaire et financier et de l'article 321-46 du règlement général de 1'AMF que les caisses d'épargne devaient informer leurs clients des caractéristiques des titres subordonnés remboursables auxquels elles leur proposaient de souscrire, et notamment des risques qu'une telle souscription pouvait comporter ;
Considérant, en premier lieu, qu'en exigeant que le consentement des souscripteurs sur les conditions de l'opération envisagée résulte d'un document, et notamment du bulletin d'inscription, la commission des sanctions n'a pas non plus ajouté aux textes législatifs et réglementaires une condition qu'ils ne prévoient pas ni restreint les moyens permettant aux prestataires de services d'investissement de prouver l'exécution de l'obligation d'information de leurs clients pesant sur eux ; qu'elle n'a pas davantage méconnu les principes de légalité des délits et des peines et de liberté de la preuve ;
Considérant, en second lieu, que contrairement à ce qui est soutenu, la commission des sanctions, qui a imputé aux caisses d'épargne de Poitou-Charentes, des Alpes, d'Ile-de-France Nord et d'Ile-de-France Paris, des lacunes dans l'information qui a été délivrée par les chargés de clientèle à leurs clients au moment de la souscription, a suffisamment motivé sa décision et mis les caisses en mesure de connaître les manquements qui leur étaient reprochés en indiquant, dans sa décision, que les lacunes en cause étaient relatives notamment au risque que comportait l'investissement projeté et aux conséquences patrimoniales d'une revente du titre avant échéance ;
En ce qui concerne la sanction appliquée à certaines des caisses d'épargne requérantes à raison de manquements imputables à des caisses d'épargne qu'elles ont absorbées :
Quant à la sanction financière :
Considérant qu'eu égard à la mission de régulation dont est investie l'AMF, et alors qu'il n'est pas contesté qu'à la suite d'opérations de fusion entre caisses d'épargne intervenues après la fin de la période concernée par les manquements constatés, la caisse d'épargne de Basse-Normandie, les caisses d'épargne d'Aquitaine-Nord et de Poitou-Charentes, les caisses d'épargne de Bourgogne et de Franche-Comté, les caisses d'épargne de Rhône-Alpes Lyon et des Alpes et les caisses d'épargne d'Ile-de-France Nord et d'Ile-de-France Paris ont été absorbées intégralement par, respectivement, la CAISSE D'EPARGNE DE NORMANDIE, la CAISSE D'ÉPARGNE D'AQUITAINE POITOU-CHARENTES, la CAISSE D'ÉPARGNE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE, la CAISSE D'ÉPARGNE DE RHONE-ALPES et la CAISSE D'ÉPARGNE D'ILE-DE-FRANCE, ces dernières pouvaient faire l'objet d'une sanction pécuniaire sans que soit méconnu le caractère personnel qui s'attache, y compris pour les personnes morales, aux responsabilités susceptibles d'être mises en cause par la commission des sanctions ;
Quant à la publication de la décision de sanction :
Considérant que, dans le délai de recours contentieux, les requérantes, à l'appui de leurs conclusions dirigées contre la sanction pécuniaire qui leur a été infligée et la sanction complémentaire de publication, ont mis en cause tant la régularité que le bien-fondé de la décision attaquée de la commission des sanctions ; qu'ainsi, la CAISSE D'EPARGNE DE NORMANDIE, la CAISSE D'ÉPARGNE D'AQUITAINE POITOU-CHARENTES, la CAISSE D'ÉPARGNE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE, la CAISSE D'ÉPARGNE DE RHONE-ALPES et la CAISSE D'ÉPARGNE D'ILE-DE-FRANCE étaient recevables, contrairement à ce que soutient l'Autorité des marchés financiers, à soulever, dans un mémoire enregistré après l'expiration de ce délai, le moyen tiré de ce que la publication de la décision les sanctionnant à raison de manquements imputables à des caisses d'épargne qu'elles ont absorbées méconnaîtrait le principe de personnalité des peines ;
Considérant que, si les exigences d'intérêt général relatives au bon fonctionnement du marché, à la transparence des opérations et à la protection des épargnants peuvent justifier que la sanction pécuniaire infligée à une société soit assortie d'une publication, afin de porter à la connaissance de toutes les personnes intéressées les irrégularités qui ont été commises, le principe de responsabilité personnelle fait obstacle, au regard de la portée propre de cette sanction complémentaire de publication, à ce que l'autorité disciplinaire ordonne la publication de la sanction pécuniaire infligée à une société en raison des manquements commis par une autre société qu'elle a entre temps absorbée ; que, ne pouvant légalement procéder à la publication d'une décision comportant la sanction de faits reprochés aux caisses absorbantes, en raison de manquements commis, avant leur absorption, par les caisses d'épargne de Basse-Normandie, d'Aquitaine-Nord, de Poitou-Charentes, de Bourgogne, de Franche-Comté, de Rhône-Alpes Lyon, des Alpes, d'Ile-de-France Nord et d'Ile-de-France Paris, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers avait l'obligation, soit de statuer par une décision distincte non publiée sur les griefs articulés à l'encontre de la CAISSE D'EPARGNE DE NORMANDIE, la CAISSE D'EPARGNE D'AQUITAINE POITOU-CHARENTES, la CAISSE D'ÉPARGNE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE, la CAISSE D'ÉPARGNE DE RHONE-ALPES et la CAISSE D'ÉPARGNE D'ILE-DE-FRANCE, soit, en cas de décision unique, de prévoir des modalités de publication de sa décision ne comportant pas de référence directe ou indirecte relative aux griefs reprochés à ces caisses d'épargne, en tant que personnes morales propres, ainsi qu'aux sanctions qui leur ont été infligées ; qu'en tant qu'elle ne l'a pas fait, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a entaché sa décision d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CAISSE D'EPARGNE DE COTE D'AZUR et la CAISSE D'EPARGNE DE PROVENCE ALPES CORSE ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision attaquée ; qu'en revanche, la CAISSE D'EPARGNE DE NORMANDIE, la CAISSE D'ÉPARGNE D'AQUITAINE POITOU-CHARENTES, la CAISSE D'ÉPARGNE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE, la CAISSE D'ÉPARGNE DE RHONE-ALPES et la CAISSE D'ÉPARGNE D'ILE-DE-FRANCE sont fondées à en demander l'annulation, en tant seulement qu'elle n'a pas prévu de modalités de publication ne comportant pas de référence directe ou indirecte relative aux griefs leur étant reprochés, en tant que personnes morales propres, ainsi qu'aux sanctions qui leur ont été infligées ; qu'en pareille hypothèse et dans les cas où la décision attaquée a déjà fait l'objet d'une publication, il appartient à l'Autorité des marchés financiers de prévoir la publication de la décision du Conseil d'Etat dans les mêmes conditions que celles de la décision annulée, y compris sur son site internet, dès lors que, contrairement à ce qu'elle soutient en défense, il résulte de l'instruction que la décision attaquée y figure encore ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-l du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la CAISSE D'EPARGNE DE COTE D'AZUR et la CAISSE D'EPARGNE DE PROVENCE ALPES CORSE sur le fondement de cet article ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacune de ces deux requérantes le versement de la somme de 2 000 euros à l'Autorité des marchés financiers ;
Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-l du code de justice administrative par la CAISSE D'EPARGNE DE NORMANDIE, la CAISSE D'ÉPARGNE D'AQUITAINE POITOU-CHARENTES, la CAISSE D'ÉPARGNE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE, la CAISSE D'ÉPARGNE DE RHONE-ALPES et la CAISSE D'ÉPARGNE D'ILE-DE-FRANCE ainsi que par l'Autorité des marchés financiers dans les affaires n° 319327, 319328, 319329, 319330 et 319331 ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 5 juin 2008 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers est annulée, en ce qu'elle n'a pas prévu de modalités de publication ne comportant pas de référence directe ou indirecte relative aux griefs reprochés à la CAISSE D'ÉPARGNE DE NORMANDIE, la CAISSE D'ÉPARGNE D'AQUITAINE POITOU-CHARENTES, la CAISSE D'ÉPARGNE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE, la CAISSE D'ÉPARGNE DE RHONE-ALPES et la CAISSE D'ÉPARGNE D'ILE-DE-FRANCE, en tant que personnes morales propres, en raison des manquements commis, avant leur absorption, par les caisses d'épargne de Basse-Normandie, d'Aquitaine-Nord, de Poitou-Charentes, de Bourgogne, de Franche-Comté, de Rhône-Alpes Lyon, des Alpes, d'Ile-de-France Nord et d'Ile-de-France Paris.
Article 2 : Les requêtes n° 319332 et 3319333 et le surplus des requêtes n° 319327, 319328, 319329, 319330 et 319331 sont rejetés.
Article 3 : La CAISSE D'EPARGNE DE COTE D'AZUR et la CAISSE D'EPARGNE DE PROVENCE ALPES CORSE verseront chacune à l'Autorité des marchés financiers une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la CAISSE D'ÉPARGNE DE NORMANDIE, de la CAISSE D'ÉPARGNE D'AQUITAINE POITOU-CHARENTES, de la CAISSE D'ÉPARGNE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE, de la CAISSE D'ÉPARGNE DE RHONE-ALPES et de la CAISSE D'ÉPARGNE D'ILE-DE-FRANCE tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-l du code de justice administrative sont rejetées, ainsi que celles présentées par l'Autorité des marchés financiers au même titre sous les n° 319327, 319328, 319329, 319330 et 319331.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la CAISSE D'EPARGNE DE NORMANDIE, à la CAISSE D'EPARGNE D'AQUITAINE-POITOU-CHARENTES, à la CAISSE D'EPARGNE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE, à la CAISSE D'EPARGNE DE RHONE-ALPES, à la CAISSE D'EPARGNE D'ILE-DE-FRANCE, à la CAISSE D'EPARGNE DE COTE D'AZUR, à la CAISSE D'EPARGNE DE PROVENCE ALPES CORSE et à l'Autorité des marchés financiers.