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Décisions

CJUE, 3e ch., 12 janvier 2023, n° C-883/19 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

HSBC Holdings plc, HSBC Bank plc, HSBC Continental Europe, Crédit agricole SA, Crédit agricole Corporate and Investment Bank, JPMorgan Chase & Co., JPMorgan Chase Bank

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Jürimäe (rapporteure)

Juges :

M. Safjan, M. Piçarra, M. Jääskinen, M. Gavalec

Avocat général :

M. Emiliou

Avocats :

Me Angeli, Mme Bacon, M. Bailey, Mme Demetriou, Me Giner, M. Simpson, Me Jourdan, Me Lemonnier, Me Sieffert-Xuriguera, Me Tran Thiet, Me Das, Me Frey, Me Heaton, Mme Holroyd, M. Hunt, Mme Rose, Mme Tormey

Comm. UE, du 7 déc. 2016

7 décembre 2016

LA COUR (troisième chambre),

1 Par leur pourvoi, HSBC Holdings plc, HSBC Bank plc et HSBC Continental Europe, anciennement HSBC France (ci-après, ensemble, les « sociétés HSBC »), demandent l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission (T 105/17, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:675), par lequel celui-ci a annulé l’article 2, sous b), de la décision C(2016) 8530 final de la Commission, du 7 décembre 2016, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire AT.39914 – Euro Interest Rate Derivatives) (ci-après la « décision litigieuse »), et a rejeté leur recours pour le surplus.

Les antécédents du litige

2 Les faits à l’origine du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 29 de l’arrêt attaqué. Pour les besoins de la présente procédure, ils peuvent être résumés de la manière suivante.

3 Par la décision litigieuse, la Commission européenne a constaté que les sociétés HSBC avaient enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’« accord EEE »), en prenant part, du 12 février au 27 mars 2007, à une infraction unique et continue ayant eu pour objet l’altération du cours normal de fixation des prix sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en euros [Euro Interest Rate Derivatives (EIRD)] liés à l’« Euro Interbank Offered Rate » (Euribor) et/ou à l’« Euro Over-Night Index Average » (EONIA) et leur a infligé de manière solidaire une amende d’un montant de 33 606 000 euros.

4 Le groupe HSBC (ci-après « HSBC ») est un groupe bancaire dont l’une des activités est la banque d’investissement, de financement et de marché. HSBC Holdings, société faîtière d’HSBC, est la société mère de HSBC France, devenue HSBC Continental Europe, celle-ci étant elle-même la société mère de HSBC Bank. HSBC France et HSBC Bank étaient en charge de la négociation des EIRD. HSBC France était responsable des soumissions de taux au panel de l’Euribor.

5 Le 14 juin 2011, le groupe bancaire Barclays, regroupant Barclays plc, Barclays Bank plc, Barclays Directors Ltd, Barclays Group Holding Ltd, Barclays Capital Services Ltd et Barclays Services Jersey Ltd (ci-après « Barclays ») a saisi la Commission d’une demande d’octroi d’un marqueur au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17), en l’informant de l’existence d’un cartel dans le secteur des EIRD et en exprimant son souhait de coopérer avec cette institution. Le 14 octobre 2011, Barclays s’est vu accorder une immunité conditionnelle.

6 Entre le 18 et le 21 octobre 2011, la Commission a procédé à des inspections dans les locaux d’un certain nombre d’établissements financiers à Londres (Royaume-Uni) et à Paris (France), dont ceux des sociétés HSBC.

7 Les 5 mars et 29 octobre 2013, en application de l’article 11, paragraphe 6, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), la Commission a engagé une procédure d’infraction à l’encontre des sociétés HSBC, de Barclays, de Crédit agricole SA et Crédit agricole Corporate and Investment Bank (ci-après, prises ensemble, les « sociétés du Crédit agricole »), de Deutsche Bank AG, de Deutsche Bank Services (Jersey) Ltd et de DB Group Services (UK) Ltd (ci-après, prises ensemble, « Deutsche Bank »), de JP Morgan Chase & Co., de JP Morgan Chase Bank, National Association et de JP Morgan Services LLP (ci-après, prises ensemble, les « sociétés JP Morgan Chase »), de Royal Bank of Scotland plc et de the Royal Bank of Scotland Group plc (ci-après, prises ensemble, « RBS ») et de la Société générale.

8 Barclays, Deutsche Bank, la Société générale et RBS ont souhaité participer à une procédure de transaction en application de l’article 10 bis du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission, en application des articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18). Les sociétés HSBC, les sociétés du Crédit agricole et les sociétés JP Morgan Chase ont décidé de ne pas participer à cette procédure de transaction.

9 Le 4 décembre 2013, la Commission a adopté à l’égard de Barclays, de Deutsche Bank, de la Société générale et de RBS la décision C(2013) 8512 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE [Affaire AT.39914, Euro Interest Rate Derivatives (EIRD) (Settlement)] (ci-après la « décision de transaction »), par laquelle elle a conclu que ces entreprises avaient enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant à une infraction unique et continue ayant eu pour objet l’altération du cours normal de fixation des prix sur le marché des EIRD.

La procédure administrative

10 Le 19 mars 2014, la Commission a adressé aux sociétés HSBC, aux sociétés du Crédit agricole et aux sociétés JP Morgan Chase une communication des griefs.

11 Les sociétés HSBC ont pu consulter sur DVD les parties accessibles du dossier de la Commission et leurs représentants ont bénéficié d’un accès supplémentaire au dossier dans les locaux de la Commission. Elles ont également eu accès à la communication des griefs adressée aux parties ayant transigé, aux réponses de ces parties ainsi qu’à la décision de transaction.

12 Le 14 novembre 2014, les sociétés HSBC ont présenté leurs observations écrites à la suite de la communication des griefs et se sont exprimées lors de l’audition qui s’est déroulée du 15 au 17 juin 2015.

13 Le 6 avril 2016, la Commission a rectifié la décision de transaction en ce qui concerne la détermination du montant de l’amende infligée à la Société générale. Les sociétés HSBC ont eu accès à cette décision rectificative ainsi qu’à la correspondance sous-jacente et aux données financières corrigées soumises par la Société générale.

La décision litigieuse

14 Le 7 décembre 2016, la Commission a adopté la décision litigieuse. L’article 1er, sous b), et l’article 2, sous b), de cette décision sont ainsi libellés :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 [TFUE] et l’article 53 de l’accord EEE en prenant part, durant les périodes indiquées, à une infraction unique et continue concernant des produits dérivés de taux d’intérêt en euros. Cette infraction, qui s’étendait à l’ensemble de l’[Espace économique européen (EEE)], a consisté en des accords et/ou des pratiques concertées ayant pour objet de fausser le cours normal des composantes des prix dans le secteur des produits dérivés de taux d’intérêt en euros :

[...]

b) [les sociétés HSBC] du 12 février 2007 au 27 mars 2007 [...]

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article 1er :

[...]

b) [les sociétés HSBC], solidairement responsables : 33 606 000 EUR. »

Produits en cause

15 Les infractions en cause portent sur les EIRD, c’est-à-dire des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en euros indexés sur l’Euribor ou sur l’EONIA.

16 L’Euribor est un ensemble de taux d’intérêt de référence visant à refléter le coût des prêts interbancaires fréquemment utilisés sur les marchés internationaux de capitaux. Il est défini comme un index du taux auquel les dépôts interbancaires à terme en euros sont offerts d’une banque de premier plan à une autre banque de premier plan au sein de la zone euro. L’Euribor se calcule sur la moyenne des prix offerts quotidiennement par un panel, composé pendant la période concernée par la décision litigieuse de 47 banques de premier plan – dont les banques mentionnées au point 7 du présent arrêt –, adressés à Thomson Reuters en tant qu’agent de calcul de la Fédération bancaire européenne (FBE) entre 10 h 45 et 11 h 00 du matin. Les banques fournissent des contributions pour les 15 taux d’intérêts différents de l’Euribor, qui varient, selon leur terme, d’une semaine à 12 mois. L’EONIA remplit une fonction équivalente à l’Euribor, mais en ce qui concerne des taux quotidiens. Il est calculé par la Banque centrale européenne (BCE) sur la base d’une moyenne des taux pour les dépôts interbancaires en blanc (« unsecured ») du même panel de banques que celui utilisé pour la fixation de l’Euribor.

17 Les EIRD les plus fréquents sont les accords de taux futurs (« forward rate agreements »), les swaps de taux d’intérêt (« interest rate swaps »), les options sur taux d’intérêt et les contrats à terme (« futures ») de taux d’intérêt.

Comportements reprochés aux sociétés HSBC

18 Au considérant 113 de la décision litigieuse, la Commission a décrit le comportement reproché aux banques mentionnées au point 7 du présent arrêt de la manière suivante :

« Barclays, Deutsche Bank, [les sociétés JP Morgan Chase], [la] Société générale, [les sociétés du Crédit agricole], [les sociétés HSBC] et RBS ont participé à une série de contacts bilatéraux dans le secteur des EIRD, qui consistait essentiellement en les pratiques suivantes entre les différentes parties :

a) à certaines occasions, certains traders employés par différentes parties ont communiqué et/ou reçu des informations sur les préférences quant au choix de taux d’intérêt inchangés, bas ou élevés pour certaines échéances Euribor ; ces préférences dépendaient de leurs expositions/positions de trading ;

b) à certaines occasions, certains traders de différentes parties ont communiqué et/ou reçu l’un de l’autre des informations détaillées, non publiquement connues/disponibles, sur les positions de trading ou les intentions concernant de futures soumissions Euribor pour certaines échéances d’au moins une de leurs banques respectives ;

c) à certaines occasions, certains traders ont également exploré les possibilités d’aligner leurs positions de trading sur des EIRD sur la base d’informations telles que celles décrites [sous] a) ou b) ;

d) à certaines occasions, certains traders ont également exploré les possibilités d’aligner au moins une des futures soumissions Euribor de leurs banques sur la base d’informations telles que celles décrites [sous] a) ou b) ;

e) à certaines occasions, au moins un des traders impliqués dans de telles discussions a contacté les responsables des soumissions Euribor de la banque concernée, ou a déclaré qu’un tel contact serait établi, afin de demander qu’ils soumettent à l’agent de calcul de la FBE des taux dans une certaine direction ou à un niveau spécifique ;

f) à certaines occasions, au moins un des traders impliqués dans de telles discussions a déclaré qu’il rendrait compte ou avait rendu compte de la réponse du responsable des soumissions avant l’heure quotidienne de la soumission des taux Euribor à l’agent de calcul ou, dans les cas où ce trader avait déjà discuté de ce point avec le responsable des soumissions, a communiqué cette information reçue de ce dernier au trader d’une autre partie ;

g) à certaines occasions, au moins un trader d’une partie a divulgué à un trader d’une autre partie d’autres informations détaillées et sensibles sur la stratégie de trading ou de fixation du prix des EIRD de sa banque. »

19 Au considérant 114 de la décision litigieuse, la Commission a ajouté que, « [e]n outre, à certaines occasions, certains traders employés par différentes parties ont discuté du résultat du fixing des taux Euribor, y compris les soumissions de banques spécifiques, après le fixing et la publication des taux Euribor du jour ».

20 La Commission a estimé que ces comportements constituaient une infraction unique et continue.

21 Afin de justifier cette qualification, la Commission a retenu, en premier lieu, que lesdits comportements poursuivaient un objectif économique unique, constitué par la réduction des flux de trésorerie que les participants auraient à payer au titre des EIRD ou par l’augmentation de ceux qu’ils devaient recevoir. En deuxième lieu, elle a estimé que les différents comportements relevaient d’un schéma de comportement commun, dès lors qu’un groupe stable de personnes était impliqué dans l’entente, que les parties avaient suivi un schéma très similaire dans leurs activités anticoncurrentielles et que les diverses discussions entre les parties couvraient des sujets identiques ou qui se recoupaient et avaient donc un contenu identique ou partiellement identique. En troisième lieu, elle a estimé que les traders participant aux échanges anticoncurrentiels étaient des professionnels qualifiés et connaissaient ou auraient dû avoir connaissance de la portée générale et des caractéristiques essentielles de l’entente dans son ensemble.

22 Elle a considéré que les sociétés HSBC avaient participé à cette infraction unique et continue tout en soulignant que les échanges bilatéraux avec Barclays étaient en eux-mêmes constitutifs d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

23 En ce qui concerne la durée de cette participation, la Commission a pris comme point de départ, à l’égard des sociétés HSBC, le 12 février 2007 et comme date de fin le 27 mars 2007.

Calcul du montant de l’amende

– Montant de base de l’amende

24 S’agissant, en premier lieu, de la détermination de la valeur des ventes des banques ayant participé à l’entente, dans la mesure où les EIRD ne génèrent pas de ventes au sens usuel du terme, la Commission a déterminé la valeur des ventes par au moyen d’une valeur de remplacement. En outre, au vu des circonstances de l’espèce, elle a estimé qu’il était préférable de ne pas prendre en compte la valeur de remplacement annualisée, mais de se fonder sur la valeur de remplacement correspondant aux mois de participation des banques à l’infraction. Elle a rappelé qu’elle n’était pas tenue d’appliquer une formule mathématique et qu’elle disposait d’une marge d’appréciation lorsqu’elle détermine le montant de chaque amende.

25 La Commission a estimé approprié de prendre comme valeur de remplacement les recettes en numéraire générées par les flux de trésorerie que chaque banque a obtenus de son portefeuille d’EIRD liés à toute échéance Euribor et/ou EONIA et conclus avec des contreparties établies dans l’EEE auxquelles a été appliqué un facteur de réduction uniforme de 98,849 %.

26 C’est ainsi que la Commission a pris comme valeur des ventes à l’égard des sociétés HSBC le montant de 192 081 799 euros.

27 En ce qui concerne, en deuxième lieu, la gravité de l’infraction, la Commission a pris en compte un facteur de gravité de 15 % dans la mesure où l’infraction a porté sur la coordination des prix et des accords de fixation de prix. Elle a ajouté un facteur de gravité de 3 % en se référant à la circonstance que l’entente avait concerné l’ensemble de l’EEE et avait porté sur des taux pertinents pour l’ensemble des EIRD et que ces taux, portant sur l’euro, revêtaient une importance fondamentale pour l’harmonisation des conditions financières sur le marché intérieur et pour les activités bancaires dans les États membres.

28 Pour ce qui est, en troisième lieu, de la durée de l’infraction, la Commission a souligné avoir pris en compte la durée de la participation de chaque participant à l’entente en « nombre de mois arrondis vers le bas et au prorata », ce qui a conduit à l’application aux sociétés HSBC d’un coefficient multiplicateur de 0,08 %.

29 En quatrième lieu, la Commission a ajouté un montant supplémentaire de 18 % de la valeur des ventes, qualifié de « droit d’entrée », dans la mesure où l’infraction a consisté en une fixation horizontale des prix, afin de dissuader les entreprises de participer à de telles pratiques, indépendamment de la durée de l’infraction.

30 La Commission a, dès lors, fixé le montant de base de l’amende des sociétés HSBC à 37 340 000 euros.

– Montant final de l’amende

31 La Commission a retenu que les sociétés HSBC avaient joué un rôle plus marginal ou mineur dans l’infraction qui ne saurait être comparé à celui des acteurs principaux et leur a accordé une réduction de 10 % du montant de base de l’amende. En conséquence, à l’article 2, sous b), de la décision litigieuse, elle a infligé à ces sociétés une amende d’un montant final de 33 606 000 euros.

Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

32 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 février 2017, les sociétés HSBC ont introduit un recours tendant à l’annulation partielle de la décision litigieuse.

33 Dans le cadre de leur recours, les sociétés HSBC ont présenté à la fois des conclusions en annulation de l’article 1er et de l’article 2, sous b), de la décision litigieuse ainsi que, à titre subsidiaire, des conclusions en réformation du montant de l’amende infligée par cet article 2, sous b).

34 En premier lieu, à l’appui de leur demande d’annulation de l’article 1er de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, de l’article 1er, sous b), de cette décision, les sociétés HSBC ont avancé cinq moyens.

35 Ces moyens concernaient, respectivement :

– la qualification d’infraction par objet retenue par la Commission (premier moyen) ;

– la qualification d’infraction unique et continue retenue par la Commission (deuxième à quatrième moyens), en particulier la conclusion de celle-ci selon laquelle les accords collusoires établis par les sociétés HSBC et les autres parties s’inscrivaient dans un plan d’ensemble poursuivant un objectif unique (deuxième moyen), l’intention des sociétés HSBC de contribuer à cet objectif (troisième moyen) et leur connaissance du comportement des autres participants à l’infraction (quatrième moyen), et

– la violation de la présomption d’innocence et du droit à une bonne administration ainsi que des droits de la défense des sociétés HSBC, en ce que la décision litigieuse avait été adoptée postérieurement à une décision de transaction dans laquelle la Commission avait déjà pris position sur la participation de ces sociétés à l’infraction en cause (cinquième moyen).

36 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’ensemble desdits moyens.

37 S’agissant du premier moyen, portant sur la qualification d’infraction par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, le Tribunal a rejeté la première branche de ce moyen, contestant cette qualification appliquée à la manipulation de l’Euribor du 19 mars 2007. À cet égard, aux points 93 et 94 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la Commission n’avait commis aucune erreur de droit ou d’appréciation en relevant que l’ensemble des comportements décrits au considérant 392 de la décision litigieuse, en ce compris la manipulation du 19 mars 2007, restreignait la concurrence par la création d’une asymétrie d’information entre les acteurs du marché, dès lors que les participants à l’infraction, d’une part, étaient mieux placés pour savoir à l’avance avec une certaine précision le niveau auquel l’Euribor serait fixé ou devait l’être par leurs concurrents agissant en collusion et, d’autre part, savaient si l’Euribor était fixé ou non à un niveau artificiel.

38 En ce qui concerne la seconde branche dudit moyen, portant sur la qualification d’infraction par objet appliquée aux autres comportements reprochés aux sociétés HSBC, le Tribunal a examiné, dans un premier temps, le bien-fondé de cette qualification relative aux échanges sur les prix médians et a jugé que la Commission n’avait pas commis d’erreur en relevant que ces échanges contenus dans les discussions des 14 et 16 février 2007 disposaient d’un objet restrictif de concurrence. Dans un second temps, il a examiné le grief contestant le bien-fondé de la qualification de restriction par objet appliquée aux échanges sur des positions de trading. Le Tribunal a jugé, en substance, que la grande majorité des discussions sur les positions de trading auxquelles les traders des sociétés HSBC avaient participé, à savoir celles des 12, 13 et 28 février ainsi que celle du 19 mars 2007, présentaient un lien avec la manipulation de l’Euribor du 19 mars 2007, de telle sorte que la Commission avait à bon droit retenu la qualification de restriction de concurrence par objet à leur égard. En revanche, le Tribunal a considéré que les discussions des 9 et 14 mars 2007, individuellement ou conjointement, ne pouvaient être considérées comme ayant un objet restrictif de concurrence, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, dans la mesure où, d’une part, ces discussions n’avaient pas eu lieu dans la perspective de la manipulation de l’Euribor du 19 mars 2007 et, d’autre part, n’avaient pas atténué ou supprimé le degré d’incertitude sur le marché d’une manière telle que la Commission pouvait en déduire une incidence sur le cours normal des composantes des prix dans le secteur des EIRD, sans avoir à examiner leurs effets.

39 En ce qui concerne les deuxième à quatrième moyens, portant sur la qualification d’infraction unique et continue appliquée par la Commission, le Tribunal a, tout d’abord, rejeté le deuxième moyen, contestant l’existence d’un « plan d’ensemble » disposant d’un objectif unique. Ensuite, il a examiné le quatrième moyen, contestant la connaissance, par les sociétés HSBC, du comportement infractionnel des autres participants. À cet égard, le Tribunal a opéré une distinction entre, d’une part, la manipulation du 19 mars 2007 et l’éventualité de sa réitération et, d’autre part les autres comportements pris en compte par la Commission au titre de l’infraction unique et continue. Au point 273 de l’arrêt attaqué, il a conclu que la participation des sociétés HSBC à une infraction unique et continue ne pouvait être retenue qu’à l’égard, d’une part, de leurs comportements propres au titre de cette infraction et, d’autre part, des comportements des autres banques s’inscrivant dans le cadre de la manipulation du 19 mars 2007 et de son éventuelle réitération. Enfin, le Tribunal a rejeté le troisième moyen, relatif à l’intention des sociétés HSBC de participer à l’infraction unique et continue, étant donné que, s’agissant de la manipulation du 19 mars 2007 et de sa réitération, l’intention de participer à une infraction unique et continue ressortait clairement des éléments de preuve avancés par la Commission.

40 En ce qui concerne le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit et d’une violation des formes substantielles eu égard au déroulement de la procédure, le Tribunal l’a rejeté comme étant inopérant aux points 283 à 293 de l’arrêt attaqué.

41 En second lieu, les sociétés HSBC ont formulé un moyen visant à contester la légalité de l’article 2, sous b), de la décision litigieuse par lequel la Commission leur a imposé une amende du fait de leur participation à l’infraction unique et continue. Le Tribunal a estimé que ce moyen pouvait être divisé en quatre branches, dès lors que ces sociétés contestaient, premièrement, l’utilisation des recettes en numéraire actualisées afin de déterminer la valeur des ventes, deuxièmement, le facteur de gravité appliqué, troisièmement, le montant additionnel appliqué et, quatrièmement, l’appréciation des circonstances atténuantes. Lesdites sociétés sollicitaient, à titre principal, l’annulation de l’article 2, sous b), de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, une réduction du montant de l’amende qui leur avait été infligée.

42 Dans le cadre de la première branche de ce moyen, les sociétés HSBC reprochaient à la Commission d’avoir fondé la valeur des ventes sur la base des recettes en numéraire au titre des EIRD reçues par celles-ci au cours de la période infractionnelle, auxquelles avait été appliqué un facteur de 98,849 %. Le Tribunal a estimé que cette branche pouvait être divisée en trois griefs, tirés, le premier, du caractère erroné du recours aux recettes en numéraire actualisées, le deuxième, du caractère erroné de la prise en compte des recettes en numéraire découlant de contrats conclus avant le début de la participation des sociétés HSBC à l’infraction et, le troisième, du caractère insuffisamment motivé du facteur de réduction de 98,849 % appliqué par la Commission.

43 Le Tribunal a rejeté les premier et deuxième griefs de ladite branche. En revanche, il a accueilli le troisième grief de la même branche, tiré du caractère insuffisamment motivé du facteur de réduction de 98,849 % appliqué par la Commission et, par conséquent, a annulé l’article 2, sous b), de la décision litigieuse et rejeté le recours pour le surplus.

La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

44 Par leur pourvoi, les sociétés HSBC demandent à la Cour :

– d’annuler le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué ;

– d’annuler l’article 1er, sous b), de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, cet article 1er, sous b), en ce qu’il évoque la participation des sociétés HSBC à une infraction unique et continue après le 19 mars 2007, et

– de condamner la Commission aux dépens exposés dans le cadre des procédures devant le Tribunal et la Cour.

45 La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner les sociétés HSBC à supporter l’intégralité des dépens.

46 Par ordonnances du président de la Cour du 16 juillet 2020, HSBC Holdings e.a./Commission (C 883/19 P, EU:C:2020:561), et HSBC Holdings e.a./Commission (C 883/19 P, non publiée, EU:C:2020:601), les demandes des sociétés du Crédit agricole et des sociétés JP Morgan Chase visant à être admises à intervenir au soutien des conclusions des sociétés HSBC ont été accueillies.

47 Par ordonnance de la présidente de la troisième chambre de la Cour du 12 août 2022, JP Morgan Services LLP, en liquidation, a été radiée de sa qualité de partie intervenante au litige. À partir de cette date, les « sociétés JP Morgan Chase » doivent être comprises comme désignant uniquement JP Morgan Chase & Co. et JP Morgan Chase Bank, National Association.

 Sur la demande de réouverture de la phase orale

48 À la suite du prononcé des conclusions de M. l’avocat général, les sociétés HSBC ont, par lettre du 8 juillet 2022, demandé la réouverture de la phase orale de la procédure. À l’appui de leur demande, ces sociétés font valoir que ces conclusions contiennent des erreurs factuelles ou portent sur certains aspects de la présente affaire nécessitant d’être débattus afin que la Cour puisse se prononcer définitivement dans cette affaire.

49 Il convient de rappeler que, conformément à l’article 83 du règlement de procédure de la Cour, cette dernière peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée, ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties ou les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

50 Or, en l’occurrence, la Cour considère qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer et que ces éléments ont fait l’objet d’un débat entre les parties.

51 Quant à l’argument des sociétés HSBC selon lequel les conclusions de M. l’avocat général contiendraient des erreurs factuelles, il convient de rappeler que le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure de la Cour ne prévoient pas la possibilité, pour les parties, de présenter des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général (arrêt du 8 mars 2017, Viasat Broadcasting UK/Commission, C 660/15 P, EU:C:2017:178, point 13 et jurisprudence citée).

52 En outre, il résulte de l’article 252, second alinéa, TFUE que l’avocat général a pour rôle de présenter publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui requièrent son intervention, étant entendu que la Cour n’est liée ni par ces conclusions ni par leur motivation. Par conséquent, le désaccord d’une partie avec lesdites conclusions ne peut, quelles que soient les questions examinées dans celles-ci, constituer en soi un motif justifiant la réouverture de la phase orale de la procédure (arrêt du 8 mars 2017, Viasat Broadcasting UK/Commission, C 660/15 P, EU:C:2017:178, point 14 et jurisprudence citée).

53 Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour, l’avocat général entendu, estime qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.

Sur le pourvoi

54 Au soutien de leur pourvoi, les sociétés HSBC, soutenues par les parties intervenantes, invoquent six moyens, tirés, en substance, le premier, d’une erreur de droit en ce qui concerne les effets de la violation par la Commission de la présomption d’innocence ainsi que des principes de bonne administration et de respect des droits de la défense, le deuxième, d’une erreur de droit dans la qualification de l’objet de la manipulation du 19 mars 2007 d’infraction par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, le troisième, d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a regardé les deux discussions sur les prix médians des 14 et 16 février 2007 comme des infractions par objet, le quatrième, d’une dénaturation des éléments de preuve en ce qu’il a analysé les deux discussions des 12 et 16 février 2007 comme des infractions par objet sans avoir vérifié le propos de celles-ci, le cinquième, d’erreurs de droit dans l’appréciation selon laquelle les différents comportements identifiés par la Commission poursuivent un objectif unique et, le sixième, d’une erreur de droit dans l’appréciation selon laquelle les sociétés HSBC ont participé à une infraction unique et continue comprenant des comportements que la décision litigieuse n’a pas qualifiée d’infractionnels.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

55 Les sociétés HSBC, soutenues par les parties intervenantes, font valoir que le Tribunal a commis, aux points 287 à 292 de l’arrêt attaqué, une erreur de droit dans le cadre de l’appréciation de leur cinquième moyen d’annulation, tiré, en substance, du fait que la décision de transaction a été adoptée en violation de la présomption d’innocence, de leur droit à une bonne administration et de leurs droits de la défense, notamment, de leur droit d’être entendues.

56 Les sociétés HSBC expliquent que la procédure échelonnée suivie par la Commission a conduit, sans doute possible, à préjuger de leur responsabilité et a ainsi porté irrémédiablement atteinte à leur droit d’être entendues. Pour ce motif, le Tribunal aurait dû annuler l’article 1er, sous b), de la décision litigieuse.

57 Or, en jugeant, au point 289 de l’arrêt attaqué, que les irrégularités procédurales invoquées par les sociétés HSBC ne pouvaient entraîner l’annulation de la décision litigieuse que s’il était établi que, en l’absence de ces irrégularités, cette décision aurait eu un contenu différent, le Tribunal aurait appliqué un critère erroné.

58 En effet, conformément à la jurisprudence issue de l’arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service (C 265/17 P, EU:C:2019:23, point 56), le Tribunal aurait dû vérifier si le manque d’impartialité objective de la Commission impliquait que les sociétés HSBC avaient perdu une chance, même réduite, de mieux assurer leur défense. Ce même critère aurait dû être appliqué pour examiner si la présomption d’innocence et le droit à une bonne administration, consacrés à l’article 41, paragraphe 1, à l’article 47, paragraphe 1, et à l’article 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), avaient été respectés.

59 De plus, le droit pour une entreprise de voir ses affaires traitées impartialement exigerait que la Commission examine avec soin et impartialité tous les éléments de l’espèce. Si le Tribunal avait correctement appliqué ledit critère dans la présente espèce, il en aurait déduit que le manque d’impartialité objective de la Commission durant la procédure administrative avait eu une influence décisive sur la décision litigieuse. Ainsi, le Tribunal aurait commis une erreur de droit aux points 289 et 292 de l’arrêt attaqué.

60 En outre, contrairement à ce qu’il ressortirait du point 291 de l’arrêt attaqué, le critère appliqué au point 289 de cet arrêt ne trouverait aucun appui dans la jurisprudence issue de l’arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission (40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, ci-après l’« arrêt Suiker Unie », EU:C:1975:174).

61 À titre subsidiaire, les sociétés HSBC estiment que, à supposer même que le Tribunal ait appliqué le bon critère à la présente espèce, la décision litigieuse aurait eu un contenu différent en l’absence des irrégularités procédurales alléguées. Cela ressortirait des points 165 à 195 et 263 à 274 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal aurait jugé que la Commission avait commis des erreurs matérielles dans la décision litigieuse. Ces erreurs auraient dû le conduire à annuler l’article 1er, sous b), de cette décision.

62 La Commission fait valoir que le présent moyen de pourvoi doit être rejeté comme étant non fondé.

63 Premièrement, le Tribunal aurait correctement appliqué le principe d’impartialité objective lorsqu’il a rejeté le cinquième moyen d’annulation des sociétés HSBC comme étant inopérant.

64 Le Tribunal aurait conclu à juste titre, au point 287 de l’arrêt attaqué, que la question de savoir si un éventuel défaut d’impartialité objective de la Commission et une éventuelle violation de la présomption d’innocence à l’égard des sociétés HSBC en raison des déclarations publiques du commissaire alors en charge de la politique de concurrence ou de l’adoption de la décision de transaction auraient pu avoir une incidence sur la légalité de la décision litigieuse « se confond[ait] avec la question de savoir si les constatations opérées dans ladite décision [étaient] dûment étayées par les éléments de preuve que la Commission a produits ».

65 En conséquence, ainsi que le Tribunal l’aurait correctement jugé au point 289 de cet arrêt, une irrégularité concernant l’impartialité objective n’était de nature à entraîner l’annulation de la décision « que s’il était établi que, en l’absence de cette irrégularité, cette décision aurait eu un contenu différent ».

66 Tout d’abord, ces conclusions seraient conformes aux principes issus des points 90 et 91 de l’arrêt Suiker Unie et aucun motif ne justifierait de s’écarter de ces principes. Ainsi, seul le contenu des déclarations publiques du commissaire alors en charge de la politique de concurrence compterait et non leur forme. Par conséquent, le fait que ces déclarations aient été formulées par ce commissaire ou dans le cadre de la décision de transaction ne serait pas pertinent.

67 Ensuite, contrairement à ce qu’affirment les sociétés HSBC, l’arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service (C 265/17 P, EU:C:2019:23), ne serait pas pertinent en l’espèce. Les sociétés HSBC confondraient la violation de l’impartialité objective et l’existence d’un droit distinct des entreprises à être entendues préalablement à l’adoption d’une décision finale les affectant. En l’espèce, les droits de la défense des sociétés HSBC auraient été pleinement respectés, dans la mesure où il ne serait pas contesté que la Commission leur a adressé une communication des griefs, qu’elles ont eu pleinement accès au dossier et qu’elles ont été en mesure de faire connaître leur point de vue préalablement à l’adoption de la décision litigieuse.

68 Enfin, contrairement à ce que les sociétés HSBC font valoir, la question de savoir si la décision litigieuse aurait été différente en l’absence de la décision de transaction serait une question factuelle qui ne serait pas pertinente pour apprécier si le Tribunal a appliqué le bon critère juridique aux fins de déterminer les conséquences d’un prétendu défaut d’impartialité objective. Ainsi, la conclusion figurant au point 289 de l’arrêt attaqué serait une constatation factuelle qui ne pourrait pas être remise en cause au stade du pourvoi, de sorte que les griefs formulés par les sociétés HSBC à l’égard de cette conclusion seraient irrecevables. En outre, la Commission est d’avis que, en tout état de cause, la décision litigieuse n’aurait pas été différente en l’absence de la décision de transaction.

69 Deuxièmement, la Commission aurait respecté tant son obligation d’impartialité objective que la présomption d’innocence des sociétés HSBC lorsqu’elle a adopté la décision de transaction préalablement à l’adoption de la décision litigieuse.

70 En premier lieu, une procédure « hybride » ne serait pas, en tant que telle, prohibée par le principe de présomption d’innocence, ce que les sociétés HSBC accepteraient explicitement dans leur pourvoi. Ce constat serait, en outre, confirmé par la législation applicable et la jurisprudence pertinente de la Cour et du Tribunal. Au demeurant, la décision de transaction ne contiendrait aucune constatation de responsabilité ni aucun élément faisant grief aux sociétés HSBC.

71 En second lieu, les références aux sociétés HSBC dans la décision de transaction devraient être appréciées à la lumière des garanties procédurales offertes à un stade ultérieur de la procédure. Or, ces sociétés auraient bénéficié de toutes les garanties suffisantes, dont la présomption d’innocence, ainsi que d’un procès équitable, préalablement à l’adoption de la décision litigieuse.

Appréciation de la Cour

72 Par leur premier moyen, les sociétés HSBC, soutenues par les intervenantes, font valoir que le Tribunal a commis, aux points 287 à 292 de l’arrêt attaqué, une erreur de droit en rejetant comme étant inopérant leur moyen tiré d’une violation de la présomption d’innocence ainsi que du droit à une bonne administration et du respect des droits de la défense.

73 En particulier, les sociétés HSBC soutiennent que le Tribunal a appliqué un critère juridique erroné en jugeant, notamment au point 289 de cet arrêt, que les irrégularités alléguées, en particulier celles liées à un prétendu défaut d’impartialité objective de la Commission, étaient susceptibles d’entraîner l’annulation de la décision litigieuse que s’il était établi que, en l’absence de ces irrégularités, cette décision aurait eu un contenu différent.

74 À titre liminaire, il convient de rejeter les arguments de la Commission tirés de l’irrecevabilité de certains arguments soulevés à l’appui du présent moyen en ce que ceux-ci viseraient à contester des appréciations factuelles du Tribunal. En effet, il ressort clairement de la formulation de ce moyen ainsi que de l’ensemble des arguments soulevés à son appui que les sociétés HSBC visent à contester le critère juridique que le Tribunal a appliqué pour rejeter leur cinquième moyen d’annulation, ce qui constitue une question de droit.

75 S’agissant de ce cinquième moyen d’annulation, il y a lieu de rappeler que, par celui-ci, les sociétés HSBC faisaient valoir devant le Tribunal que la décision litigieuse devait encourir l’annulation en raison du fait que la décision de transaction avait été adoptée par la Commission en violation, d’une part, de la présomption d’innocence et, d’autre part, du droit à une bonne administration ainsi que des droits de la défense.

76 À cet égard, il convient de rappeler que la Commission est tenue de respecter, au cours de la procédure administrative, les droits fondamentaux des entreprises concernées. À ce titre, le principe d’impartialité, qui relève du droit à une bonne administration, doit être distingué de la présomption d’innocence (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2021, Pometon/Commission, C 440/19 P, EU:C:2021:214, points 58 et 59).

77 Le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte, prévoit que toute personne a le droit, notamment, de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union européenne. Cette exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée qui est en charge de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2021, Pometon/Commission, C 440/19 P, EU:C:2021:214, point 58 et jurisprudence citée).

78 Quant à la présomption d’innocence, celle-ci constitue un principe général du droit de l’Union, qui est énoncé à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte. Ce principe s’applique, eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2021, Pometon/Commission, C 440/19 P, EU:C:2021:214, points 59 et 60 ainsi que jurisprudence citée).

79 Conformément à l’article 48 de la Charte, lu à la lumière de l’article 6, paragraphes 2 et 3, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), dont il convient de tenir compte, en vertu de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, aux fins de l’interprétation de cet article 48, la présomption d’innocence se trouve méconnue lorsqu’une décision judiciaire ou une déclaration officielle concernant un prévenu contient une déclaration claire, faite en l’absence de condamnation définitive, selon laquelle la personne concernée a commis l’infraction en question. Dans ce contexte, il convient de souligner l’importance du choix des termes employés par les autorités judiciaires ainsi que des circonstances particulières dans lesquelles ceux-ci ont été formulés et de la nature et du contexte de la procédure en question (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2021, Pometon/Commission, C 440/19 P, EU:C:2021:214, points 61 et 62 ainsi que jurisprudence citée).

80 Dans les procédures pénales complexes où sont mis en cause plusieurs suspects ne pouvant être jugés ensemble, il arrive que la juridiction compétente doive impérativement, pour apprécier la culpabilité des prévenus, faire mention de la participation de tiers qui seront peut-être jugés séparément par la suite. Toutefois, si des faits relatifs à l’implication de tiers doivent être introduits, la juridiction concernée devrait éviter de communiquer plus d’informations qu’il n’est nécessaire à l’analyse de la responsabilité juridique des personnes passant en jugement devant elle. En outre, la motivation de décisions judiciaires doit être formulée en des termes qui sont de nature à éviter un jugement prématuré potentiel relatif à la culpabilité des personnes tierces concernées, susceptible de compromettre l’examen équitable des charges retenues contre celles-ci dans le cadre d’une procédure distincte (arrêt du 18 mars 2021, Pometon/Commission, C 440/19 P, EU:C:2021:214, point 63 et jurisprudence citée).

81 En l’occurrence, aux points 283 à 286 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé, en substance, le principe de la présomption d’innocence et le droit à une bonne administration, conformément à la jurisprudence reprise aux points 77 et 78 du présent arrêt.

82 Au point 287 de l’arrêt attaqué, il a considéré que la question de savoir si un éventuel défaut d’impartialité objective de la Commission, qui aurait pu découler d’une violation de la présomption d’innocence à l’égard des sociétés HSBC à l’occasion de l’adoption de la décision de transaction, avait pu avoir une incidence sur la légalité de la décision litigieuse se confondait avec la question de savoir si les constatations opérées dans cette dernière décision étaient dûment étayées par les éléments de preuve que la Commission avait produits.

83 Dans ce contexte, aux points 289 et 291 de cet arrêt, le Tribunal a jugé, en se référant notamment à l’arrêt Suiker Unie, que l’irrégularité tenant à un éventuel défaut d’impartialité objective de la Commission ne pouvait conduire à l’annulation de la décision litigieuse que s’il était établi que, en l’absence de cette irrégularité, cette décision aurait eu un contenu différent.

84 Au point 289 dudit arrêt, il a considéré que, en l’espèce, dans le cadre de l’exercice d’un contrôle entier des motifs pertinents de ladite décision, à l’exception des aspects mentionnés au point 288 de l’arrêt attaqué, la Commission avait établi à suffisance de droit la participation des sociétés HSBC à l’infraction en cause. Par conséquent, il a conclu que rien ne laissait supposer que, en l’absence de l’adoption de la décision de transaction préalablement à l’adoption de la décision litigieuse, le contenu de cette dernière aurait été différent et a rejeté le moyen résumé au point 75 du présent arrêt comme étant inopérant.

85 Toutefois, un tel raisonnement est entaché d’une double erreur de droit.

86 D’une part, le Tribunal a méconnu la distinction, rappelée au point 76 du présent arrêt, qu’il convient d’opérer entre la présomption d’innocence et le droit à une bonne administration, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort des points 287 et suivants de l’arrêt attaqué, il a envisagé l’argumentation des sociétés HSBC tirés de la violation de la présomption d’innocence sous le seul angle du défaut d’impartialité objective de la Commission. Or, ainsi qu’il ressort du point 77 du présent arrêt, l’exigence d’impartialité objective constitue seulement l’un des aspects du droit à une bonne administration.

87 D’autre part, le Tribunal a également commis une erreur de droit en considérant, en substance, que les irrégularités relatives à la présomption d’innocence dans le cadre de l’adoption de la décision de transaction ne pouvaient entraîner l’annulation de la décision litigieuse que s’il était établi que, en l’absence de ces irrégularités, la décision litigieuse aurait eu un contenu différent.

88 En effet, la présomption d’innocence, interprétée dans le sens rappelé aux points 79 et 80 du présent arrêt, trouve également à s’appliquer lorsque la Commission adopte, au sujet d’une seule et même entente, successivement deux décisions ayant des destinataires différents à la suite de deux procédures distinctes, à savoir, d’une part, une décision prise à l’issue d’une procédure de transaction et destinée aux entreprises ayant transigé et, d’autre part, une décision prise au terme d’une procédure ordinaire et adressée aux autres entreprises ayant participé à l’entente (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2021, Pometon/Commission, C 440/19 P, EU:C:2021:214, point 64).

89 Dans un tel cas, qualifié de procédure « hybride », qui conduit à l’adoption de décisions successives, il peut, en effet, être objectivement nécessaire que la Commission aborde, dans la décision mettant fin à la procédure de transaction, certains faits et comportements concernant des participants à l’entente alléguée qui font l’objet de la procédure ordinaire. Il incombe toutefois à la Commission de veiller, dans la décision mettant un terme à la procédure de transaction, à préserver la présomption d’innocence des entreprises qui ont refusé de transiger et qui font l’objet d’une procédure ordinaire (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2021, Pometon/Commission, C 440/19 P, EU:C:2021:214, point 65).

90 Ainsi, afin de contrôler le respect de la présomption d’innocence par la Commission, il appartient au juge de l’Union d’analyser une décision mettant un terme à la procédure de transaction et sa motivation dans son ensemble et à la lumière des circonstances particulières dans lesquelles celle-ci a été adoptée. En effet, toute référence explicite, dans certains passages de cette décision, à l’absence de responsabilité des autres participants à l’entente alléguée serait vidée de son sens si d’autres passages de ladite décision étaient susceptibles d’être compris comme une expression prématurée de leur responsabilité (arrêt du 18 mars 2021, Pometon/Commission, C 440/19 P, EU:C:2021:214, point 66).

91 Il s’ensuit que, dès lors que les sociétés HSBC invoquaient devant lui une violation de la présomption d’innocence du fait de l’adoption de la décision de transaction, le Tribunal ne pouvait se limiter à rejeter ces arguments comme étant inopérants au motif qu’il n’était pas établi que, en l’absence des irrégularités alléguées, la décision litigieuse aurait eu un contenu différent.

92 Compte tenu de ce qui a été rappelé au point 90 du présent arrêt, le Tribunal était donc tenu d’analyser la décision mettant fin à la procédure de transaction et sa motivation dans son ensemble, et ce, à la lumière des circonstances particulières dans lesquelles celle-ci avait été adoptée, afin de contrôler si, comme le faisaient valoir les sociétés HSBC, cette décision était susceptible d’être comprise comme une expression prématurée de leur responsabilité.

93 Partant, en considérant que les irrégularités relatives à la présomption d’innocence dans le cadre de l’adoption de la décision de transaction ne pouvaient entraîner l’annulation de la décision litigieuse que s’il était établi que, en l’absence de ces irrégularités, la décision litigieuse aurait eu un contenu différent, le Tribunal a appliqué un critère erroné qui l’a conduit à ne pas procéder à l’examen du point de savoir si l’adoption de la décision de transaction avait porté atteinte au respect de la présomption d’innocence dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision litigieuse.

94 À cet égard, la Commission ne saurait soutenir que l’approche suivie par le Tribunal dans l’arrêt attaqué était conforme à la jurisprudence de la Cour issue notamment de l’arrêt Suiker Unie.

95 En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 60 à 62 de ses conclusions, une violation, par la Commission, du principe d’impartialité et de la présomption d’innocence dans le cadre de la procédure « hybride » en cause en l’espèce constitue une violation suffisamment grave qui est susceptible de vicier l’ensemble de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision litigieuse. Une telle irrégularité qui a pour effet de méconnaître les droits fondamentaux des entreprises concernées garantis dans le cadre de cette procédure ne saurait être comparée au type d’erreurs dont la gravité est susceptible de n’avoir que peu d’influence sur la décision finale, comme celle qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Suiker Unie, laquelle ne concernait au demeurant pas une procédure « hybride ».

96 Ainsi, sauf à priver la présomption d’innocence de tout contenu, le Tribunal ne pouvait se soustraire à l’obligation de procéder à l’examen de la décision de transaction afin de déterminer si cette décision était conforme à ce principe au motif qu’il n’était pas établi que la décision litigieuse aurait eu un contenu différent en l’absence de la décision de transaction.

97 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen de pourvoi.

Sur le deuxième moyen

Argumentation des parties

98 Les sociétés HSBC, soutenues par les parties intervenantes, font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant que la tentative de manipulation de l’échéance Euribor de trois mois (Euribor 3M), le 19 mars 2007, relevait de la définition de l’infraction par objet, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

99 En particulier, au regard de la jurisprudence de la Cour, le Tribunal aurait erronément jugé, aux points 101 et 102 de l’arrêt attaqué, que la simple possibilité que les parties à cette manipulation proposent de meilleures conditions que leurs concurrents suffisait à conclure que ladite manipulation présentait un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence donnant lieu à une infraction par objet. L’asymétrie d’information à laquelle le Tribunal ferait référence n’aurait pu restreindre ou fausser le jeu normal de la concurrence sur les taux fixes et/ou variables des EIRD que si cette information donnait aux traders la capacité et la volonté de proposer des taux plus compétitifs. La capacité théorique de proposer des taux plus compétitifs n’établirait pas que la manipulation du 19 mars 2007 était en soi nuisible au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence dans le secteur des EIRD.

100 La Commission n’aurait ainsi examiné, ni dans la communication des griefs ni dans la décision litigieuse, la question de savoir si la connaissance de la manipulation du 19 mars 2007 avait incité les traders à proposer des taux plus compétitifs que leurs concurrents.

101 Les sociétés HSBC auraient présenté un élément de preuve à cet égard, à savoir le rapport d’expertise des sociétés HSBC, qui n’aurait pas été contesté par la Commission. La constatation effectuée par le Tribunal au point 101 de l’arrêt attaqué, selon laquelle cet élément ne contiendrait que des considérations générales, constituerait une distorsion manifeste dudit élément de preuve. En tout état de cause, le Tribunal ne disposerait d’aucun élément de preuve établissant ou même suggérant que les traders impliqués dans la manipulation du taux Euribor-3M étaient incités à proposer des taux plus compétitifs. Le Tribunal semblerait présumer, au point 103 de l’arrêt attaqué, qu’il suffisait de conclure qu’il était dans l’intérêt des traders participants de modifier leur position de trading à la lumière de leur connaissance de cette manipulation. Or, au contraire, les traders n’auraient pas été incités à ajuster leurs prix pour refléter ladite manipulation.

102 Par conséquent, le Tribunal aurait commis une erreur de droit, au point 111 de l’arrêt attaqué, en constatant que la manipulation du 19 mars 2007 constituait une restriction par objet.

103 La Commission estime que ce moyen est inopérant.

Appréciation de la Cour

104 À titre liminaire, il convient de rejeter l’argument de la Commission selon lequel le présent moyen serait inopérant. Certes, ce moyen vise essentiellement les points 101 et 102 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a rejeté certains des arguments formulés par les sociétés HSBC pour contester la qualification de restriction de concurrence par objet appliquée à la manipulation de l’Euribor du 19 mars 2007. Toutefois, ledit moyen porte plus largement sur le point de savoir si le Tribunal était en droit de considérer, au terme de son appréciation figurant aux points 85 et suivants de cet arrêt, que cette manipulation présentait un degré de nocivité suffisant à l’égard de la concurrence, compte tenu de la circonstance invoquée par les sociétés HSBC que les traders concernés ne disposaient d’aucun intérêt à proposer des taux plus compétitifs que leurs concurrents.

105 Par le deuxième moyen, les sociétés HSBC font donc valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en confirmant la qualification d’infraction par objet retenue par la Commission en ce qui concerne cette manipulation.

106 À ce titre, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, le critère juridique essentiel pour déterminer si un accord comporte une restriction de concurrence « par objet » réside dans la constatation qu’un tel accord présente, en lui-même, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour considérer qu’il n’y a pas lieu d’en rechercher les effets (arrêts du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C 345/14, EU:C:2015:784, point 20, ainsi que du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C 228/18, EU:C:2020:265, point 37).

107 Afin d’apprécier si un accord entre entreprises ou une décision d’association d’entreprises présente un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être considéré comme une restriction de concurrence « par objet », au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il convient de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. Dans le cadre de l’appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question (arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C 228/18, EU:C:2020:265, point 51 ainsi que jurisprudence citée).

108 En l’occurrence, il ressort des constatations de fait effectuées par le Tribunal aux points 85 à 90 de l’arrêt attaqué que la manipulation du 19 mars 2007 consistait dans la présentation de soumissions basses au titre de l’Euribor-3M en vue de diminuer ce taux à cette date, dans l’objectif d’obtenir un gain financier sur une catégorie d’EIRD, à savoir les contrats à terme (« future ») de taux d’intérêts indexés sur l’Euribor 3M. Selon ces constatations, qui ne sont pas contestées par les sociétés HSBC, cette manipulation consistait à prendre de manière progressive une exposition très importante « acheteuse », c’est-à-dire pour laquelle la banque reçoit un taux fixe et paie le taux variable, en faisant baisser le niveau du taux variable à la date d’échéance au moyen d’une action concertée.

109 Aux points 92 et 93 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a tenu compte, conformément à la jurisprudence rappelée au point 107 du présent arrêt, des constatations effectuées par la Commission dans la décision litigieuse relatives au fonctionnement du marché des EIRD et à la détermination des flux de trésorerie sur ce marché. Il a ainsi relevé que le taux de l’Euribor, sur lequel avait porté la manipulation du 19 mars 2007, déterminait directement les flux de trésorerie dus au titre de la « jambe variable » des EIRD et qu’il était également pertinent pour la détermination des flux de trésorerie dus au titre de la « jambe fixe » des EIRD.

110 Il découle de ces points de l’arrêt attaqué que la qualification d’infraction par objet retenue par la Commission à l’égard de ladite manipulation résidait essentiellement dans une restriction de la concurrence engendrée par une asymétrie d’information entre les acteurs du marché, dès lors que les participants à ladite manipulation, d’une part, étaient mieux placés pour savoir à l’avance avec une certaine précision le niveau auquel l’Euribor serait fixé ou devrait l’être par leurs concurrents agissant en collusion et, d’autre part, savaient si l’Euribor à une date spécifique était fixé ou non à un niveau artificiel.

111 Il y a lieu de constater que le Tribunal était en droit de conclure que, pour ces motifs, la qualification de restriction par objet pouvait être retenue à l’égard de la manipulation du 19 mars 2007.

112 En effet, il découle des points 59 à 67 de l’arrêt attaqué que le Tribunal s’est fondé, à juste titre, sur la jurisprudence de la Cour relative aux échanges d’informations entre concurrents.

113 Aux termes de cette jurisprudence, les critères de coordination et de coopération constitutifs d’une pratique concertée doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché intérieur (arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C 286/13 P, EU:C:2015:184, point 119 ainsi que jurisprudence citée).

114 Si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou attendu de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement qu’il a décidé de tenir sur ce marché ou qu’il a envisagé d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C 286/13 P, EU:C:2015:184, point 120 ainsi que jurisprudence citée).

115 La Cour a ainsi jugé que l’échange d’informations entre concurrents est susceptible d’être contraire aux règles de la concurrence lorsqu’il atténue ou supprime le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises (arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C 286/13 P, EU:C:2015:184, point 121 ainsi que jurisprudence citée).

116 En particulier, il y a lieu de considérer comme ayant un objet anticoncurrentiel un échange d’informations susceptible d’éliminer des incertitudes dans l’esprit des intéressés quant à la date, à l’ampleur et aux modalités de l’adaptation du comportement sur le marché que les entreprises concernées vont mettre en œuvre (arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C 286/13 P, EU:C:2015:184, point 122 ainsi que jurisprudence citée).

117 En l’espèce, ainsi que l’a jugé le Tribunal aux points 95 à 97 de l’arrêt attaqué, l’asymétrie d’information résultant de la manipulation du 19 mars 2007 ne correspondait pas aux conditions normales du marché en cause en ce qu’elle portait sur une variable essentielle à la concurrence sur le marché des EIRD, à savoir le taux variable pertinent pour la détermination des flux de trésorerie sur ce marché. Cette manipulation a ainsi conduit à éliminer des incertitudes dans l’esprit des participants à l’entente quant à la date, à l’ampleur et aux modalités de l’adaptation de leur comportement sur ce marché, et ce au détriment de leurs concurrents qui n’étaient pas informés de cette manipulation. Le Tribunal a relevé, à cet égard, s’agissant en particulier des sociétés HSBC, que, lorsque les traders ont négocié la « jambe fixe » des contrats en cause, ils étaient en position de le faire en sachant que le taux variable serait bas.

118 Ladite manipulation a ainsi atténué ou supprimé le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises, de telle sorte que c’est à bon droit que le Tribunal a pu considérer qu’elle présentait un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être qualifiée d’infraction par objet.

119 Une telle conclusion n’est pas remise en cause par l’argument des sociétés HSBC selon lequel, contrairement à ce que le Tribunal a constaté au point 96 de l’arrêt attaqué, il n’était pas dans l’intérêt des participants à l’entente de proposer des taux plus compétitifs que ceux des concurrents lorsqu’ils avaient connaissance que les flux de trésorerie liés aux contrats en cause étaient positifs.

120 À cet égard, ainsi qu’il découle de la jurisprudence de la Cour, une pratique concertée peut avoir un objet anticoncurrentiel bien qu’elle n’ait pas de lien direct avec les prix à la consommation. En effet, le libellé de l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne permet pas de considérer que seules seraient interdites les pratiques concertées ayant un effet direct sur le prix acquitté par les consommateurs finaux. Au contraire, il ressort dudit article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE qu’une pratique concertée peut avoir un objet anticoncurrentiel si elle consiste à « fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction » (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C 286/13 P, EU:C:2015:184, points 123 et 124 ainsi que jurisprudence citée).

121 En tout état de cause, l’article 101 TFUE vise, à l’instar des autres règles de concurrence énoncées dans le traité, à protéger non pas uniquement les intérêts directs des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle. Dès lors, la constatation de l’existence de l’objet anticoncurrentiel d’une pratique concertée ne saurait être subordonnée à celle d’un lien direct de celle-ci avec les prix à la consommation (voir, par analogie, arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C 286/13 P, EU:C:2015:184, point 125 ainsi que jurisprudence citée).

122 Or, en l’occurrence, il n’est pas contesté par les sociétés HSBC que, comme le Tribunal l’a constaté aux points 100 et 101 de l’arrêt attaqué, le flux de trésorerie sur le marché des EIRD résulte de la compensation des paiements dus au titre de la « jambe fixe » et de la « jambe variable » des EIRD. Ainsi, c’est à bon droit qu’il a considéré que le fait de bénéficier d’informations privilégiées sur le taux variable s’appliquant aux dates pertinentes mettait les traders des banques participantes à l’infraction dans la position de déterminer le taux fixe qui leur convenait pour leur garantir la rentabilité des EIRD.

123 Au regard de la jurisprudence de la Cour rappelée notamment au point 116 du présent arrêt, un tel constat suffisait à conclure à l’existence d’un comportement relevant de l’altération même du processus concurrentiel sur le marché des EIRD, sans qu’il soit, à cet égard, pertinent de déterminer si les traders concernés avaient un intérêt commercial à déterminer le taux variable à un niveau particulier.

124 En effet, il ressort des constations du Tribunal non contestées par les sociétés HSBC que, au vu du fonctionnement du marché des EIRD, la fixation à la baisse du taux variable s’expliquait uniquement par l’intérêt commercial des traders concernés à ne pas se livrer à une concurrence par les mérites. En s’entendant sur le niveau d’une variable susceptible de déterminer le taux fixe des EIRD, ils ont ainsi sciemment substitué une coopération pratique entre eux au risque de la concurrence, ce qui relève de la qualification de restriction par objet.

125 Partant, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’argument d’une dénaturation par le Tribunal des éléments de preuve avancés par les sociétés HSBC, il y a lieu de constater que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en jugeant, au point 111 de l’arrêt attaqué, que la manipulation du 19 mars 2007 constituait une restriction par objet, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

126 Par conséquent, le deuxième moyen de pourvoi doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

127 Par leur troisième moyen, les sociétés HSBC, soutenues par les parties intervenantes, contestent l’appréciation effectuée par le Tribunal aux points 149 à 160 de l’arrêt attaqué des conversations sur les prix médians (« mids ») ayant eu lieu les 14 et 16 février 2007.

128 Le Tribunal aurait commis une erreur de droit, notamment aux points 154 et 157 à 160 de l’arrêt attaqué, en examinant leurs arguments relatifs aux effets proconcurrentiels des échanges d’informations sur ces prix à la lumière de la doctrine dite des « restrictions accessoires ». En effet, le Tribunal aurait plutôt dû se référer à la jurisprudence relative à la notion de « restriction par objet », ce qui l’aurait conduit à analyser lesdits arguments dans le contexte économique et juridique du comportement en cause.

129 Ni les sociétés HSBC ni la Commission n’auraient invoqué devant le Tribunal cette doctrine qui ne serait pas pertinente en l’espèce. Ladite doctrine renverrait plutôt à un comportement qui s’inscrit dans le cadre d’une opération ou d’une activité commerciale particulière sur un marché, comme la vente d’une entreprise ou la conclusion d’un contrat de franchise. En outre, la même doctrine ne constituerait pas le seul cas dans lequel il serait possible d’apprécier un argument tiré du caractère proconcurrentiel d’un comportement donné.

130 Dans leur mémoire en réplique, les sociétés HSBC font valoir que, après l’introduction du pourvoi, la Cour a confirmé, dans les arrêts du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C 307/18, EU:C:2020:52, point 103), et du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a. (C 228/18, EU:C:2020:265, points 74, 75, 81 et 82), que, lorsque les parties à un accord se prévalent d’effets proconcurrentiels attachés à cet accord, ces effets doivent être dûment pris en compte, en tant qu’élément du contexte dudit accord, aux fins de sa qualification de restriction par objet.

131 Ainsi, les sociétés HSBC reprochent au Tribunal de ne pas avoir tenu compte des effets proconcurrentiels des discussions sur les prix médians en tant qu’élément pertinent du contexte, dans la mesure où il a erronément considéré que ces effets étaient dépourvus de pertinence dans le cadre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, sauf dans le cadre de la doctrine dite des « restrictions accessoires ».

132 Or, le rapport d’expertise des sociétés HSBC aurait démontré les effets proconcurrentiels des discussions concernées. Cet élément de preuve répondrait aux exigences issues de l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C 307/18, EU:C:2020:52, point 103), de sorte que ce serait à tort que le Tribunal ne l’a pas examiné. En outre, le Tribunal n’aurait identifié aucun autre élément prouvant une expérience solide et fiable afin de démontrer que les échanges sur les prix médians étaient, par nature, suffisamment dommageables à la concurrence.

133 La Commission soutient que le Tribunal a confirmé à juste titre que les échanges sur les prix médians constituent une infraction par objet, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. L’argumentation des sociétés HSBC reposerait sur une lecture partielle et erronée de l’arrêt attaqué.

134 Aux points 128 à 139 de cet arrêt, le Tribunal aurait répondu aux arguments des sociétés HSBC selon lesquels les échanges sur les prix médians auraient des effets proconcurrentiels et confirmé le constat effectué par la Commission que ces prix représenteraient la perception individuelle que se ferait le trader du prix du marché. Ensuite, aux points 128 à 148 de l’arrêt attaqué, lesquels ne seraient pas contestés par les sociétés HSBC, le Tribunal aurait examiné dans quelle mesure les prix médians étaient pertinents pour la fixation des prix dans le secteur des EIRD et les raisons pour lesquelles les échanges en cause, notamment ceux des 14 et 16 février 2007, constituaient des infractions par objet. Dans ce contexte, aux points 154 et 157 à 160 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait évalué ces échanges au regard de la doctrine dite des « restrictions accessoires », après avoir constaté que lesdits échanges tombaient dans le champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Les sociétés HSBC ne contesteraient pas ce raisonnement.

135 Les arguments des sociétés HSBC selon lesquels le Tribunal aurait commis une erreur de droit en ne tenant pas compte, dans le cadre de son appréciation du contexte économique et juridique, des éléments proconcurrentiels des échanges litigieux seraient en tout état de cause dénués de fondement. En effet, ces arguments ne seraient pas de nature à faire raisonnablement douter que ces échanges avaient un caractère suffisamment nocif pour la concurrence pour être qualifiés de restriction de la concurrence par objet.

136 Dans son mémoire en duplique, la Commission soutient que les arrêts du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C 307/18, EU:C:2020:52), et du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a. (C 228/18, EU:C:2020:265), ne sont pas de nature à étayer la thèse des sociétés HSBC. De plus, ces dernières se référeraient en vain à leur rapport d’expertise, dans la mesure où la pertinence de ce rapport aurait été écartée à bon droit au point 101 de l’arrêt attaqué. En outre, contrairement à ce que ces sociétés feraient valoir, la Commission ne procéderait pas à une requalification des échanges litigieux, mais se fonderait sur la jurisprudence de la Cour relative aux pratiques qui sont susceptibles de supprimer le degré d’incertitude des concurrents sur le marché. Enfin, même si la Cour devait conclure que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des effets proconcurrentiels, cette conclusion ne pourrait entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué. En effet, l’argument des sociétés HSBC selon lequel les échanges sont proconcurrentiels ne permettrait pas de raisonnablement douter du constat de la Commission que les échanges visaient à fausser la concurrence.

Appréciation de la Cour

137 S’agissant des échanges sur les prix médians, qui font l’objet du présent moyen, le Tribunal a jugé, au point 138 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait commis aucune erreur en relevant que les échanges contenus dans les discussions des 14 et 16 février 2007 disposaient d’un objet restrictif de concurrence.

138 Par le présent moyen, les sociétés HSBC font valoir que le Tribunal a appliqué un critère erroné afin d’écarter leurs arguments tirés de l’existence d’effets proconcurrentiels de ces échanges, susceptibles de remettre en cause la qualification de restriction par objet à leur égard. Elles reprochent, en substance, au Tribunal de s’être fondé sur la doctrine dite des « restrictions accessoires », issue notamment des arrêts du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission (42/84, EU:C:1985:327), et du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission (C 382/12 P, EU:C:2014:2201).

139 À cet égard, la Cour a jugé que, lorsque les parties à un accord se prévalent d’effets proconcurrentiels attachés à celui-ci, ceux-ci doivent, en tant qu’éléments du contexte de cet accord, être dûment pris en compte aux fins de sa qualification de « restriction par objet », dans la mesure où ils sont susceptibles de remettre en cause l’appréciation globale du degré suffisamment nocif de la pratique collusoire concernée à l’égard de la concurrence et, en conséquence, sa qualification de « restriction par objet » [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C 307/18, EU:C:2020:52, point 103].

140 La prise en compte de ces effets proconcurrentiels ayant pour objet non pas d’écarter la qualification de « restriction de concurrence », au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, mais simplement d’appréhender la gravité objective de la pratique concernée et, en conséquence, d’en définir les modalités de preuve, elle ne se heurte aucunement à la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle le droit européen de la concurrence ne connaît pas de « règle de raison », en vertu de laquelle il devrait être procédé à une mise en balance des effets pro et anticoncurrentiels d’un accord à l’occasion de sa qualification de « restriction de concurrence », au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C 307/18, EU:C:2020:52, point 104 ainsi que jurisprudence citée].

141 Il découle de cette jurisprudence que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 154 de l’arrêt attaqué, que, à l’exception des restrictions accessoires à une opération principale, ce n’est que dans le seul cadre de l’appréciation de l’article 101, paragraphe 3, TFUE que d’éventuels effets proconcurrentiels peuvent être pris en compte.

142 Ce faisant, le Tribunal a fait application d’un critère erroné en jugeant, au point 155 de l’arrêt attaqué, qu’il appartenait, dès lors, aux sociétés HSBC soit de démontrer que les discussions sur les prix médians étaient directement liées et nécessaires au fonctionnement du marché des EIRD, soit qu’elles répondaient aux conditions de l’article 101, paragraphe 3, TFUE.

143 Une telle erreur l’a conduit à ne pas examiner les arguments des sociétés HSBC tirés de l’existence d’effets proconcurrentiels attachés aux échanges sur les prix médians alors que ces derniers avaient été invoqués par ces sociétés afin de remettre en cause la qualification de restriction par objet retenue à l’égard de ces échanges.

144 Partant, il y a lieu d’accueillir le troisième moyen.

Sur le quatrième moyen

Argumentation des parties

145 Par ce moyen, les sociétés HSBC critiquent le point 164 de l’arrêt attaqué dans lequel le Tribunal a jugé que la discussion du 12 février 2007 s’inscrivait dans le cadre de la manipulation du 19 mars 2007 et participait donc d’une infraction à l’article 101 TFUE, tout comme la discussion du 16 février 2007 pour autant qu’elle consistait en un échange sur les prix médians. En se fondant sur ce seul motif pour conclure qu’il n’était pas nécessaire de vérifier si les discussions des 12 et 16 février 2007 relevaient également de la qualification d’infraction par objet, le Tribunal aurait manifestement dénaturé des éléments de preuve présentés devant lui.

146 Ainsi, les sociétés HSBC font valoir que la discussion du 12 février 2007 recouvrait deux conversations distinctes entre les deux traders concernés, raison pour laquelle ces sociétés auraient, dans leur recours en annulation, distingué ces deux conversations. Si le Tribunal avait correctement traité la première conversation comme étant distincte de la seconde, il aurait nécessairement conclu que cette première conversation ne constituait pas une violation de l’article 101 TFUE.

147 S’agissant de la discussion du 16 février 2007, le Tribunal aurait commis une erreur de droit et d’appréciation similaire à celle évoquée au point précédent, dans la mesure où deux conversations distinctes se seraient tenues ce jour-là, à savoir, d’une part, une première sur les prix moyens et, d’autre part, une seconde sur une transaction passée isolée et une position de trading actuelle. Ainsi que le Tribunal l’aurait lui-même reconnu au point 124 de l’arrêt attaqué, la première conversation aurait fait l’objet du premier grief invoqué dans le cadre de la seconde branche du premier moyen d’annulation et la seconde conversation aurait été contestée dans le cadre du deuxième grief de cette branche. Pour les raisons figurant dans le recours en annulation, cette seconde discussion ne serait pas de nature à restreindre ou à fausser la concurrence.

148 La Commission estime que le présent moyen est inopérant et, en tout état de cause, dénué de fondement.

Appréciation de la Cour

149 Par le présent moyen, les sociétés HSBC critiquent le point 164 de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a jugé, en substance, que les discussions des 12 et 16 février 2007 présentaient un lien avec la manipulation du 19 mars 2007 ou portaient sur les prix médians, ce qui justifiait le fait que la Commission ait retenu à bon droit la qualification de restriction par objet à l’égard de ces discussions. Elles font valoir que cette conclusion est entachée d’une dénaturation des éléments de preuve.

150 À cet égard, il y a lieu de constater que, comme le soutient la Commission, le présent moyen est inopérant.

151 En effet, à supposer même que, comme le font valoir les sociétés HSBC, les discussions des 12 et 16 février 2007 devraient être appréhendées comme ayant couvert plusieurs sujets dont certains ne portaient pas sur la manipulation du 19 mars 2007 ou sur les prix médians, ces sociétés ne contestent pas que ces discussions avaient, à tout le moins en partie, un objet anticoncurrentiel en lien avec cette manipulation.

152 Par conséquent, ce moyen ne saurait conduire à l’annulation de l’arrêt attaqué et doit donc être rejeté comme étant inopérant.

Sur le cinquième moyen

Argumentation des parties

153 Par ce moyen, les sociétés HSBC, soutenues par les parties intervenantes, contestent les points 214 à 229 de l’arrêt attaqué dans lesquels le Tribunal a considéré que les différents comportements identifiés par la Commission poursuivaient un objectif unique.

154 Les sociétés HSBC conviennent que, comme le Tribunal l’aurait correctement jugé au point 216 de cet arrêt, la notion d’« objectif unique » ne saurait être déterminée par une référence générale à la distorsion de la concurrence dans un secteur donné, dès lors qu’une telle interprétation priverait la notion d’« infraction unique et continue » d’une partie de son sens. De même, les sociétés HSBC ne contestent pas le constat figurant au point 217 dudit arrêt, selon lequel seules des restrictions de concurrence à l’égard desquelles il a été démontré qu’elles avaient pour objet de fausser le cours normal soit du taux fixe, soit du taux variable des EIRD peuvent relever de l’objectif unique retenu par la Commission.

155 Néanmoins, le Tribunal aurait erronément apprécié la question de savoir si le comportement des sociétés HSBC lié à la manipulation du 19 mars 2007, en ce que cette manipulation portait sur les soumissions à l’Euribor, les autres échanges sur les positions de trading ainsi que les intentions et la stratégie en matière de prix des EIRD poursuivaient un objectif unique.

156 Premièrement, si la Cour devait accueillir le deuxième moyen du présent pourvoi, il en découlerait que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant, aux points 219 et 220 de l’arrêt attaqué, que la manipulation du 19 mars 2007 poursuivait l’objectif anticoncurrentiel unique identifié par le Tribunal au point 217 de cet arrêt.

157 Deuxièmement, en tout état de cause, le Tribunal aurait commis une erreur de droit aux points 221 à 225 dudit arrêt, en considérant que l’objet anticoncurrentiel de la discussion du 27 mars 2007 n’était pas contesté.

158 En effet, les sociétés HSBC n’auraient jamais admis un tel objet anticoncurrentiel et la Commission n’aurait pas non plus effectué une telle constatation dans la décision litigieuse. Au contraire, la seule partie de la discussion du 27 mars 2007 que cette décision aurait identifiée comme faisant partie de l’infraction unique et continue serait l’échange d’informations sur la taille de la position de trading du trader de Barclays en vue de la manipulation du 19 mars 2007. Ainsi, même si le Tribunal a considéré à juste titre, au point 225 de l’arrêt attaqué, que différentes manipulations des taux de référence peuvent, en principe, relever d’un même objectif unique, il aurait substitué sa motivation à celle de la Commission et ainsi excédé les limites de son contrôle en considérant que la discussion du 27 mars 2007 poursuivait cet objectif unique.

159 Troisièmement, en ce qui concerne les échanges sur les positions de trading ainsi que sur les intentions et la stratégie en matière de prix, le Tribunal aurait considéré à tort, au point 228 de l’arrêt attaqué, que les discussions des 14 et 16 février 2007, qui portaient sur les prix médians, avaient pour objectif commun de fausser le cours normal du taux fixe ou variable des EIRD. En effet, rien dans les points 139 à 161 de l’arrêt attaqué n’indiquerait que les discussions sur les prix médians poursuivaient un tel objectif. Si, contrairement à ce que les sociétés HSBC font valoir dans le cadre du troisième moyen de pourvoi, le Tribunal a eu raison de considérer que l’objet de ces discussions était anticoncurrentiel, l’objectif de ces dernières n’aurait pas été celui d’une distorsion du cours normal du taux fixe ou variable des EIRD, comme il a été décrit au point 217 de l’arrêt attaqué. Le mécanisme décrit aux points 139 à 161 de cet arrêt renverrait à une situation différente de celle consistant à fausser les prix des EIRD.

160 Selon les sociétés HSBC, le point 228 de l’arrêt attaqué repose donc sur une erreur de droit. Le Tribunal aurait dû conclure que, si les deux discussions sur les prix médians devaient être regardées comme restrictives de la concurrence par leur objet, ce que ces sociétés contestent dans le troisième moyen de pourvoi, ces discussions auraient néanmoins poursuivi un objectif différent de celui de la manipulation du 19 mars 2007.

161 La Commission soutient que le présent moyen doit être rejeté comme étant irrecevable, car il revient à demander à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve. En tout état de cause, selon la Commission, pris individuellement, les arguments des sociétés HSBC au soutien dudit moyen sont soit irrecevables, soit inopérants, soit non fondés.

Appréciation de la Cour

162 Par le présent moyen, les sociétés HSBC remettent en cause les appréciations du Tribunal qui l’ont amené à conclure que certains de leurs comportements relevaient de l’objectif unique retenu par la Commission, tel que décrit au point 217 de l’arrêt attaqué, en tant qu’élément constitutif d’une infraction unique et continue.

163 En premier lieu, s’agissant de la discussion du 27 mars 2007 relative à la possibilité d’une future manipulation des taux de référence, les sociétés HSBC estiment, d’une part, que le Tribunal s’est fondé sur une prémisse erronée au point 222 de l’arrêt attaqué, en affirmant que l’objet restrictif de concurrence poursuivi par cette discussion n’était pas contesté par ces sociétés.

164 Au stade du présent pourvoi, les sociétés HSBC se limitent à soutenir qu’elles n’ont jamais admis que ladite discussion avait eu un tel objet. Toutefois, comme l’a relevé le Tribunal au point 222 de l’arrêt attaqué, il est constant qu’elles n’ont formulé aucun moyen d’annulation visant à contester la circonstance que la fin de la période infractionnelle retenue à leur égard avait été fixée au 27 mars 2007, c’est-à-dire à la date de la discussion litigieuse. Or, au vu des considérations du Tribunal figurant aux points 216 et 217 de cet arrêt, lesquels ne sont pas contestés par les sociétés HSBC, un tel constat impliquait nécessairement que cette discussion poursuivait un objectif restrictif de concurrence.

165 À cet égard, il convient de relever que des moyens nouveaux, non contenus dans le recours, ne peuvent pas être présentés lors du pourvoi, ainsi qu’il découle de l’article 127, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 190 de ce règlement, de telle sorte que l’argumentation des sociétés HSBC est irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2000, British Steel/Commission, C 1/98 P, EU:C:2000:644, point 47 et jurisprudence citée).

166 D’autre part, en soutenant, par leur argumentation, que la conclusion figurant au point 222 de l’arrêt attaqué va à l’encontre des constatations figurant dans la décision litigieuse, les sociétés HSBC font en substance grief au Tribunal d’avoir procédé à une dénaturation de cette décision.

167 Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, lorsqu’il allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, un requérant doit, en application de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation. Par ailleurs, une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C 486/15 P, EU:C:2016:912, point 99 ainsi que jurisprudence citée).

168 En l’espèce, il n’apparaît pas de manière manifeste des éléments avancés par les sociétés HSBC que le Tribunal aurait procédé, au point 222 de l’arrêt attaqué, à une dénaturation des considérants 339, 358 et 491 de la décision litigieuse.

169 Partant, l’argumentation des sociétés HSBC relative à la discussion du 27 mars 2007 est irrecevable.

170 En second lieu, s’agissant des discussions des 14 et 16 février 2007 relatives aux prix médians, il convient de constater que, par leur argumentation, les sociétés HSBC contestent les appréciations factuelles que le Tribunal a effectuées à l’égard de l’objectif poursuivi par ces discussions.

171 Or, une telle argumentation est irrecevable au stade du pourvoi.

172 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen comme étant irrecevable.

Sur le sixième moyen

Argumentation des parties

173 Par ce moyen, les sociétés HSBC contestent le constat du Tribunal figurant aux points 255 à 262 de l’arrêt attaqué, selon lequel ces sociétés savaient qu’elles participaient à une infraction unique et continue qui englobait non seulement la manipulation du 19 mars 2007 mais également les discussions des 19 et 27 mars 2007 sur la possibilité de réitérer cette manipulation.

174 Elles précisent que ledit moyen, dont le traitement ne dépendrait pas entièrement de celui réservé au cinquième moyen, porterait sur la connaissance que ces sociétés avaient d’une infraction unique et continue se poursuivant jusqu’au 27 mars 2007, indépendamment du point de savoir si la discussion relative à la réitération d’une manipulation à cette date poursuivait l’objectif unique identifié par le Tribunal.

175 Compte tenu des principes applicables à la notion d’« infraction unique et continue » qui, selon les sociétés HSBC, ont été rappelés à bon droit aux points 198, 260 et 261 de l’arrêt attaqué, la conclusion du Tribunal selon laquelle ces sociétés ont participé à une infraction unique et continue se poursuivant jusqu’au 27 mars 2007 reposerait sur la prémisse que la référence faite le 27 mars 2007 à la perspective de réitérer la manipulation constituerait elle-même, d’une part, une infraction au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et, d’autre part, une « mesure positive particulière » au sens de la jurisprudence invoquée par le Tribunal.

176 Or, la décision n’indiquerait nulle part qu’une quelconque discussion sur l’« éventuelle réitération » de la manipulation du 19 mars 2007 devait être considérée comme un comportement infractionnel au sens de l’article 101, paragraphe 1, du TFUE.

177 Dans ce contexte, de l’avis des sociétés HSBC, le Tribunal ne pouvait conclure, sans substituer illégalement sa propre motivation à celle de la Commission, que leur participation à l’infraction unique et continue se serait poursuivie jusqu’au 27 mars 2007, sur la seule base de la référence, faite dans le cadre de la réunion qui s’est tenue à cette date, à la perspective de réitérer la manipulation.

178 En outre, l’échange d’informations du 27 mars 2007 concernant les positions de trading ne pourrait pas non plus être considéré comme une « mesure positive particulière », au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission (T 180/15, EU:T:2017:795, point 223), justifiant de considérer que l’infraction s’est déroulée au-delà du 19 mars 2007. Bien que cet échange d’informations ait eu lieu le 27 mars 2007, il n’aurait eu aucun autre effet que ceux de la manipulation du 19 mars 2007.

179 Il s’ensuivrait que la conclusion figurant au point 273 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la participation des sociétés HSBC à une infraction unique et continue pourrait être retenue à l’égard des comportements des autres banques s’inscrivant dans le cadre de la manipulation du 19 mars 2007 et de son éventuelle réitération, reposerait sur une erreur de droit.

180 De plus, cette conclusion s’appuierait sur une division et une méconnaissance, non permise par la jurisprudence de la Cour, des conclusions de la décision litigieuse, ce qui constituerait, en soi, une erreur de droit.

181 La Commission considère que le traitement du présent moyen dépend entièrement du traitement du cinquième moyen et que le présent moyen doit donc être rejeté pour les mêmes motifs.

Appréciation de la Cour

182 Par le présent moyen, les sociétés HSBC critiquent les appréciations du Tribunal figurant aux points 255 à 262 de l’arrêt attaqué, relatives à la discussion du 27 mars 2007.

183 Dans leur mémoire en réplique, elles précisent que ce moyen ne porte pas sur le point de savoir si cette discussion poursuivait l’objectif unique identifié par le Tribunal.

184 Toutefois, il y a lieu de constater que l’argumentation que les sociétés HSBC développent au soutien dudit moyen tend, en substance, à faire valoir que le Tribunal a erronément considéré que cette discussion poursuivait un objet anticoncurrentiel.

185 Partant, il y a lieu de considérer que le présent moyen est irrecevable pour les mêmes motifs que ceux ayant justifié l’irrecevabilité du cinquième moyen.

Conclusion sur le pourvoi

186 Les premier et troisième moyens du pourvoi ayant été accueillis, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué en ce qu’il rejette, au point 2 de son dispositif, le recours des sociétés HSBC tendant à l’annulation de l’article 1er de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, de l’article 1er, sous b), de cette décision. L’arrêt attaqué subsiste toutefois en ce qu’il annule, au point 1 de ce dispositif, l’article 2, sous b), de ladite décision.

Sur le recours devant le Tribunal

187 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

188 Ainsi qu’il ressort du point 42 de l’arrêt attaqué, dans le cadre de leur recours, les sociétés HSBC ont présenté, d’une part, des conclusions en annulation de l’article 1er de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, de l’article 1er, sous b), de cette décision. D’autre part, elles ont formulé des conclusions en annulation de l’article 2, sous b), de ladite décision ainsi que des conclusions en réformation du montant de l’amende infligée au titre de cet article.

189 S’agissant des demandes d’annulation de l’article 1er de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, de l’article 1er, sous b), de cette décision, les sociétés HSBC avancent, ainsi que l’a résumé le Tribunal aux points 48 à 51 de l’arrêt attaqué, cinq moyens concernant :

– la qualification d’infraction par objet retenue par la Commission (premier moyen) ;

– la qualification d’infraction unique et continue retenue par la Commission (deuxième à quatrième moyens) ;

– la violation de la présomption d’innocence, du droit à une bonne administration et des droits de la défense (cinquième moyen).

190 Au vu, notamment, de la circonstance que ces moyens ont fait l’objet d’un débat contradictoire devant le Tribunal et que leur examen ne nécessite d’adopter aucune mesure supplémentaire d’organisation de la procédure ou d’instruction, la Cour estime que le recours dans l’affaire T 105/17 est en état d’être jugé en ce qui concerne ces moyens et qu’il y a lieu de statuer définitivement sur celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C 362/19 P, EU:C:2021:169, point 108).

Sur le premier moyen, portant sur la qualification d’infraction par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE

Sur la première branche du moyen, contestant la qualification de restriction de concurrence par objet appliquée à la manipulation de l’Euribor du 19 mars 2007

191 Pour les mêmes motifs que ceux figurant aux points 85 à 114 de l’arrêt attaqué, que la Cour entend faire siens, et compte tenu des points 104 à 126 du présent arrêt, il y a lieu de rejeter cette première branche.

Sur la seconde branche du moyen, portant sur la qualification d’infraction par objet appliquée aux autres comportements reprochés aux sociétés HSBC

192 Ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 124 de l’arrêt attaqué, l’argumentation des sociétés HSBC peut être divisée en deux griefs selon qu’elle porte sur le bien-fondé de la qualification de restriction par objet appliquée par la Commission aux discussions qu’elle a décrites, d’une part, comme des échanges sur les prix médians et, d’autre part, comme des échanges sur des positions de trading.

– Sur le grief contestant le bien-fondé de la qualification de restriction par objet appliquée aux échanges sur les prix médians

193 Les sociétés HSBC contestent le bien-fondé de la qualification de restriction par objet appliquée aux échanges sur les prix médians, à savoir aux discussions des 14 et 16 février 2007. En effet, d’une part, ces échanges ne restreindraient pas la concurrence, dans la mesure où les prix médians ne constituent pas le prix ou une composante d’un prix d’un dérivé d’un taux d’intérêt. D’autre part, ces échanges permettraient de proposer des conditions plus favorables aux clients. La décision litigieuse serait, à cet égard, entachée d’erreurs manifestes d’appréciation et d’un défaut de motivation.

194 La Commission conclut au rejet du présent grief.

195 S’agissant des arguments relatifs à l’absence de restriction de concurrence des échanges sur les prix médians eu égard à la nature de ces prix, la Cour, faisant siens les motifs figurant aux points 139 à 148 de l’arrêt attaqué, considère que la Commission n’a pas commis d’erreur en relevant que ces échanges poursuivaient un objectif restrictif de concurrence.

196 S’agissant de l’argumentation tirée du caractère prétendument proconcurrentiel desdits échanges, il découle des points 139 et 140 du présent arrêt que la prise en compte des effets proconcurrentiels d’une pratique donnée n’a pas pour objet d’écarter la qualification de « restriction de concurrence », au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. De tels effets doivent néanmoins être dûment pris en compte en tant qu’élément du contexte de cette pratique aux fins de sa qualification de « restriction par objet », dans la mesure où ils sont susceptibles de remettre en cause l’appréciation globale du degré suffisamment nocif de la pratique collusoire concernée à l’égard de la concurrence.

197 Toutefois, la Cour a jugé que cette prise en compte suppose que les effets proconcurrentiels soient non seulement avérés et pertinents, mais également propres à l’accord concerné. De plus, la seule présence de tels effets proconcurrentiels ne saurait, en tant que telle, conduire à écarter la qualification de « restriction par objet ». À les supposer avérés, pertinents et propres à l’accord concerné, ces effets proconcurrentiels doivent être suffisamment importants, de telle sorte qu’ils permettent de raisonnablement douter du caractère suffisamment nocif à l’égard de la concurrence de l’accord concerné et, partant, de son objet anticoncurrentiel [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C 307/18, EU:C:2020:52, points 105 à 107].

198 À cet égard, il convient de relever que l’argumentation des sociétés HSBC repose sur l’affirmation qu’il est dans l’intérêt des clients d’une banque qui est teneur de marché que celle-ci réduise l’incertitude quant au niveau du « mid » du marché afin de resserrer l’écart acheteur/vendeur. Une telle réduction de l’incertitude permettrait ainsi aux traders de proposer des prix plus favorables à ces clients.

199 Or, à la supposer avérée, une telle affirmation est insuffisante pour permettre de raisonnablement douter du caractère suffisamment nocif à l’égard de la concurrence des échanges en cause.

200 En effet, les sociétés HSBC reconnaissent elles-mêmes que les « mids » reflètent les négociations bilatérales et privées entre les teneurs du marché et que la réduction de l’incertitude sur les prix médians qui en résulte permet de réduire les risques que les traders prennent du fait de leur activité de tenue de marché.

201 Au considérant 395 de la décision litigieuse, la Commission a souligné, à cet égard, que les échanges en cause allaient bien au-delà d’un échange d’informations relevant du domaine public et avaient pour objectif d’accroître la transparence entre les parties et, partant, de réduire sensiblement les incertitudes normales inhérentes au marché au profit des parties et au détriment des autres opérateurs du marché. Elle a considéré que les banques participant à l’entente s’étaient ainsi dévoilé des informations relatives aux aspects fondamentaux de leur stratégie et de leur comportement sur le marché, ce qui aurait réduit de façon significative les incertitudes inhérentes à un marché sur lequel la gestion du risque et des incertitudes constitue l’un des paramètres clés de la concurrence.

202 Or, ainsi qu’il a été rappelé aux points 113 et 114 du présent arrêt, l’exigence d’autonomie inhérente à l’article 101 TFUE s’oppose rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement qu’il a décidé de tenir sur ce marché ou qu’il a envisagé d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause.

203 Partant, conformément à la jurisprudence rappelée au point 116 du présent arrêt, un échange d’informations susceptible d’éliminer des incertitudes dans l’esprit des intéressés quant à la date, à l’ampleur et aux modalités de l’adaptation du comportement sur le marché que les entreprises concernées vont mettre en œuvre doit être considéré comme poursuivant un objet anticoncurrentiel indépendamment des effets directs sur les prix acquittés par les consommateurs finaux.

204 Dans la mesure où la Commission a constaté que les échanges sur les prix médians ont réduit de façon significative les incertitudes inhérentes à un marché sur lequel la gestion du risque et des incertitudes constitue l’un des paramètres clés de la concurrence, ce constat suffisait à reconnaître que ces échanges emportaient une restriction de concurrence par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

205 Dans ce contexte, l’argument des sociétés HSBC selon lequel ces échanges auraient permis de proposer des prix plus favorables aux clients des banques concernées ne permet pas de raisonnablement douter du caractère nocif de ces échanges à l’égard de la concurrence sur le marché concerné.

206 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le grief contestant le bien-fondé de la qualification de restriction par objet appliquée aux échanges sur les prix médians.

– Sur le grief contestant le bien-fondé de la qualification de restriction par objet appliquée aux échanges sur des positions de trading

207 Pour les mêmes motifs que ceux figurant aux points 162 à 164 de l’arrêt attaqué et compte tenu des points 151 et 152 du présent arrêt, il convient de rejeter les arguments des sociétés HSBC relatifs à la qualification, d’une part, des discussions des 13 et 28 février, ainsi que du 19 mars 2007 et, d’autre part, des 12 et 16 février 2007.

208 Les points 165 à 195 de l’arrêt attaqué n’ayant pas été contestés dans le cadre du présent pourvoi, il y a lieu de considérer que les appréciations du Tribunal concernant ce grief ont acquis l’autorité de la chose jugée.

Sur les deuxième à quatrième moyens, portant sur la qualification d’infraction unique et continue appliquée par la Commission

209 Il convient d’examiner les deuxième à quatrième moyens dans le même ordre que celui choisi par le Tribunal dans l’arrêt attaqué.

210 Le deuxième moyen par lequel les sociétés HSBC contestent l’existence d’un « plan d’ensemble » disposant d’un objectif unique doit être rejeté pour les mêmes motifs que ceux figurant aux points 209 à 237 de l’arrêt attaqué et compte tenu des points 162 à 172 du présent arrêt.

211 S’agissant du quatrième moyen par lequel les sociétés HSBC contestent la connaissance par ces dernières du comportement infractionnel des autres participants, il y a lieu, à l’instar du Tribunal au point 247 de l’arrêt attaqué, de distinguer entre, d’une part, la manipulation du 19 mars 2007 et l’éventualité de sa réitération et, d’autre part, les autres comportements pris en compte par la Commission au titre de l’infraction unique et continue.

212 En premier lieu, les arguments des sociétés HSBC relatifs à la manipulation du 19 mars 2007 et à l’éventualité de sa réitération doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux figurant aux points 248 à 262 de l’arrêt attaqué et compte tenu des points 182 à 185 du présent arrêt.

213 En second lieu, les motifs figurant aux points 263 à 274 de l’arrêt attaqué n’ayant pas été contestés dans le cadre du présent pourvoi, il y a lieu de considérer que les appréciations du Tribunal concernant la connaissance par les sociétés HSBC de la participation d’autres banques aux autres comportements relevant de l’infraction unique et continue ont acquis l’autorité de la chose jugée.

214 S’agissant, enfin, du troisième moyen, relatif à l’intention des sociétés HSBC de participer à l’infraction unique et continue, les motifs figurant aux points 275 à 280 de l’arrêt attaqué n’ont pas été contestés dans le cadre du présent pourvoi et ont, par conséquent, acquis l’autorité de la chose jugée.

Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de la présomption d’innocence, du droit à une bonne administration et des droits de la défense

Argumentation des parties

215 Les sociétés HSBC soutiennent que la décision de transaction a préjugé de la responsabilité de HSBC et a irrémédiablement porté atteinte à leur droit d’être entendues. Elles en déduisent que la décision litigieuse devrait être annulée du fait d’une violation, d’une part, de la présomption d’innocence et, d’autre part, des principes de bonne administration et du respect des droits de la défense. Elles se réfèrent également aux déclarations du commissaire alors en charge de la politique de la concurrence au sujet des résultats de l’enquête portant sur les EIRD et antérieures à l’adoption de la décision litigieuse. Elles soulignent également qu’elles n’ont pas eu la possibilité de présenter des observations sur la communication des griefs adressée aux parties ayant décidé de transiger.

216 La Commission conclut au rejet du présent moyen.

Appréciation de la Cour

– Sur la violation de la présomption d’innocenceet des droits de la défense

217 Les sociétés HSBC font valoir que l’adoption de la décision de transaction dans le cadre de la procédure hybride a conduit à une violation de la présomption d’innocence dans la mesure où cette décision a préjugé de leur responsabilité et irrémédiablement porté atteinte à leur droit d’être entendues.

218 Ainsi qu’il a été rappelé au point 90 du présent arrêt, afin de contrôler le respect de la présomption d’innocence par la Commission dans le cadre d’une procédure hybride, il appartient au juge de l’Union d’analyser une décision mettant un terme à la procédure de transaction et sa motivation dans son ensemble et à la lumière des circonstances particulières dans lesquelles celle-ci a été adoptée.

219 Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 79 et 80 du présent arrêt, il y a lieu de vérifier, d’une part, si la Commission a pris les précautions rédactionnelles suffisantes dans la décision de transaction afin d’éviter un jugement prématuré quant à la participation des sociétés HBSC à l’entente et, d’autre part, si les références à ces sociétés figurant dans cette décision étaient nécessaires.

220 En premier lieu, s’agissant des précautions rédactionnelles que la Commission était tenue de prendre, la décision de transaction comportait, comme l’a d’ailleurs relevé la Commission au considérant 529 de la décision litigieuse, diverses réserves explicites afin d’éviter d’établir une quelconque responsabilité des parties n’ayant pas conclu de transaction, en particulier des sociétés HSBC.

221 Ainsi, au considérant 3 de la décision de transaction, la Commission a précisé que cette décision était fondée sur les faits reconnus uniquement par les parties à la transaction à ce stade de la procédure et que ladite décision n’établissait pas la responsabilité des parties n’ayant pas conclu de transaction pour toute participation à une violation du droit de l’Union de la concurrence dans l’affaire en cause. Une telle précision a été réitérée au considérant 40 de la même décision.

222 De même, dans la note de bas de page 4 de la décision de transaction, la Commission a indiqué que les comportements visés dans cette décision qui concernaient les parties n’ayant pas conclu la transaction étaient exclusivement évoqués pour établir la responsabilité des parties ayant conclu une transaction pour la violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE.

223 Au vu de ces éléments, il y a lieu de considérer que la Commission a pris des précautions rédactionnelles suffisantes en mettant en évidence le fait qu’elle n’était pas appelée à statuer sur la participation des sociétés HSBC à l’entente alléguée.

224 Ce faisant, la Commission a évité tout préjugé délibéré, voire définitif, relatif à la responsabilité de ces sociétés. De même, conformément à la jurisprudence rappelée au point 80 du présent arrêt, elle s’est abstenue d’exprimer tout préjugé, fût-il potentiel, portant sur cette responsabilité (voir, par analogie, arrêt du 18 mars 2021, Pometon/Commission, C 440/19 P, EU:C:2021:214, point 76).

225 En deuxième lieu, s’agissant du point de savoir si les références faites aux sociétés HSBC dans la décision de transaction étaient nécessaires, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure hybride conduisant à l’adoption de décisions successives, la Commission doit, sous le contrôle du juge de l’Union, éviter de communiquer plus d’informations relatives à l’implication d’un tiers qu’il n’est nécessaire à la qualification de la responsabilité des destinataires de cette décision (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2021, Pometon/Commission, C 440/19 P, EU:C:2021:214, point 77 et jurisprudence citée).

226 À cet égard, il découle des considérants 3, 36, 37 et 40 ainsi que de la note de bas de page 4 de la décision de transaction que la description des événements figurant dans cette décision a limité la mention des parties n’ayant pas conclu de transaction à ce qui était strictement nécessaire aux besoins de la bonne compréhension des faits de l’espèce.

227 De même, dans l’appréciation juridique, aucune référence individuelle n’a été faite aux parties n’ayant pas conclu de transaction, individuellement ou conjointement. En outre, compte tenu des précautions rédactionnelles prises par la Commission, la décision de transaction n’a formulé aucune conclusion en ce qui concerne ces parties.

228 Comme la Commission l’a souligné au considérant 533 de la décision litigieuse, dans ce contexte, les rares références faites dans la décision de transaction à la participation d’intervenants autres que les parties à la transaction ne sauraient permettre d’aboutir à quelque conclusion que ce soit concernant les parties n’ayant pas conclu de transaction.

229 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que ces références étaient strictement nécessaires à la compréhension et à l’établissement des faits, de telle sorte qu’elles étaient compatibles avec la présomption d’innocence.

230 Un tel constat n’est pas remis en cause par les arguments des sociétés HSBC tirés du fait que, à la note de bas de page 4 de la décision de transaction, la Commission a défini le terme « parties » comme « toutes les entreprises faisant l’objet de la procédure » et que celle-ci s’est référée, notamment au considérant 36 de cette décision, aux contacts bilatéraux entre Barclays et ces sociétés dans la description des pratiques en cause.

231 En effet, les références aux parties n’ayant pas transigé, y compris aux sociétés HSBC, sont peu nombreuses et, contrairement à ce que suggèrent ces dernières, n’apparaissent pas dans la section 5 de la décision de transaction, intitulée « appréciation juridique ». De plus, ainsi qu’il ressort des considérations énoncées notamment au point 226 du présent arrêt, ces références n’ont qu’un caractère descriptif et n’emportent aucune appréciation, explicite ou implicite, de la situation juridique de ces sociétés. Dans le cadre d’une procédure hybride ayant conduit à l’adoption successive de deux décisions, lesdites références apparaissent comme étant objectivement nécessaires afin d’établir la responsabilité des parties à la transaction.

232 Partant, il y a lieu de rejeter les arguments des sociétés HSBC tirés du fait que la décision de transaction contient des éléments qui ont conduit à une violation de la présomption d’innocence.

233 Il y a lieu également d’écarter les arguments tirés du fait que cette décision aurait porté atteinte aux droits de la défense de ces sociétés, dans la mesure où il n’est pas contesté que la Commission leur a adressé une communication des griefs, qu’elles ont eu accès au dossier et qu’elles ont été en mesure de faire connaître leur point de vue préalablement à l’adoption de la décision litigieuse.

– Sur la violation du droit à une bonne administration

234 En premier lieu, les sociétés HSBC soutiennent que les déclarations publiques du commissaire alors en charge de la politique de concurrence faites au cours des années 2012 et 2014 ont conduit à une violation, par la Commission, du droit à une bonne administration.

235 À cet égard, il convient de rappeler que les institutions, les organes et les organismes de l’Union sont tenus de respecter les droits fondamentaux garantis par le droit de l’Union, parmi lesquels figure le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte. Le premier paragraphe de cet article énonce notamment que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions, les organes et les organismes de l’Union.

236 L’exigence d’impartialité vise à garantir l’égalité de traitement qui est à la base de l’Union. Cette exigence vise, notamment, à éviter des situations de conflits d’intérêts éventuels dans le chef de fonctionnaires et d’agents agissant pour le compte des institutions, des organes et des organismes. Compte tenu de l’importance fondamentale de la garantie d’indépendance et d’intégrité en ce qui concerne tant le fonctionnement interne que l’image extérieure des institutions, des organes et des organismes de l’Union, l’exigence d’impartialité couvre toutes circonstances que le fonctionnaire ou l’agent amené à se prononcer sur une affaire doit raisonnablement comprendre comme étant de nature à apparaître, aux yeux des tiers, comme susceptibles d’affecter son indépendance en la matière (arrêt du 27 mars 2019, August Wolff et Remedia/Commission, C 680/16 P, EU:C:2019:257, point 26 ainsi que jurisprudence citée).

237 Ainsi qu’il a été rappelé au point 77 du présent arrêt, il incombe aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union de se conformer à l’exigence d’impartialité dans ses deux composantes que sont, d’une part, l’impartialité subjective, en vertu de laquelle aucun membre de l’institution concernée qui est en charge de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, conformément à laquelle cette institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé.

238 Dans la mesure où les sociétés HSBC mettent en cause les déclarations publiques du commissaire alors en charge de la politique de la concurrence, il y a lieu de considérer que leur grief porte essentiellement sur la première composante du principe d’impartialité.

239 À cet égard, il convient de distinguer entre les déclarations effectuées au cours de l’année 2012, intervenues avant l’adoption de la décision de transaction, et celles effectuées au cours de l’année 2014, intervenues postérieurement à l’adoption de celle-ci.

240 S’agissant, d’une part, des déclarations effectuées au cours de l’année 2012, il y a lieu de constater que ces déclarations sont restées générales de sorte qu’elles ne sauraient être considérées comme l’expression d’un parti pris ou d’un préjugé de culpabilité du commissaire alors en charge de la politique de la concurrence vis-à-vis des sociétés HSBC.

241 S’agissant, d’autre part, des déclarations effectuées au cours de l’année 2014, les sociétés HSBC font valoir que le commissaire alors en charge de la politique de la concurrence a publiquement tenu des propos laissant entendre qu’il serait déjà parvenu à une conclusion avant la clôture de l’enquête.

242 Certes, certaines de ces déclarations témoignent d’un langage qui ne correspond pas à la circonspection qui aurait été attendue du membre de la Commission en charge de la politique de la concurrence dans le cadre d’une affaire en cours. Toutefois, ces déclarations ne sont pas de nature à faire naître un doute sur l’impartialité avec laquelle la Commission a mené son enquête sur l’infraction en cause. Partant, lesdites déclarations ne vicient pas, à elles seules, la légalité de la décision litigieuse adoptée par le collège des membres de la Commission.

243 En effet, il ressort de ces déclarations que le commissaire alors en charge de la politique de la concurrence s’est limité à renseigner le public sur une enquête en cours en indiquant que cette affaire se poursuivait après l’adoption de la décision de transaction. Dans ce contexte, lesdites déclarations ne divulguaient pas d’informations qui ne figuraient pas dans cette décision. Le fait que ces déclarations révélaient que la Commission préparait une communication des griefs à l’égard des parties n’ayant pas transigé ne permet pas de conclure, eu égard à la nature provisoire de ce document, que la Commission était parvenue à une conclusion quant à leur responsabilité avant la clôture de l’enquête. Elle n’est pas davantage de nature à suggérer l’existence, dans le chef de ce commissaire, d’un parti pris ou d’un préjugé de culpabilité vis-à-vis des sociétés HSBC.

244 Enfin, il y a lieu d’écarter l’argument des sociétés HSBC selon lequel le Médiateur européen a constaté un cas de mauvaise administration concernant le commissaire alors en charge de la politique de la concurrence du fait des déclarations publiques visées au point 234 du présent arrêt.

245 En effet, il convient de rappeler que les conclusions du Médiateur constatant l’existence d’un « acte de mauvaise administration » ne lient pas le juge de l’Union et ne peuvent constituer qu’un simple indice de la violation, par l’institution concernée, du principe de bonne administration. En effet, la procédure devant le Médiateur, lequel n’a pas le pouvoir de prendre des décisions contraignantes, est une voie alternative extrajudiciaire pour les citoyens de l’Union à celle du recours devant le juge de l’Union, qui répond à des critères spécifiques et n’a pas nécessairement le même objectif que celui d’un recours en justice (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2007, Komninou e.a./Commission, C 167/06 P, non publié, EU:C:2007:633, point 44).

246 Or, compte tenu des motifs figurant aux points 240 à 243 du présent arrêt, les conclusions du Médiateur relatives aux déclarations publiques visées au point 234 de cet arrêt ne sont pas susceptibles, par elles-mêmes ou appréciées conjointement avec les autres éléments du dossier, d’établir l’existence d’une violation du droit à une bonne administration.

247 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les arguments des sociétés HSBC tirés d’une violation du droit à une bonne administration et, par suite, le cinquième moyen.

Conclusion sur le recours devant le Tribunal

248 Le recours des sociétés HSBC, en ce qu’il tend à l’annulation de l’article 1er de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, de l’article 1er, sous b), de cette décision, est rejeté.

Sur les dépens

249 Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

250 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’article 138, paragraphe 3, dudit règlement précise que, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

251 En l’occurrence, les sociétés HSBC ont conclu à la condamnation de la Commission aux dépens afférents aux procédures de première instance et de pourvoi et celle-ci a succombé en ses conclusions au stade du pourvoi ainsi que, partiellement, en ses conclusions en première instance. Les sociétés HSBC ont succombé partiellement en leurs conclusions en première instance.

252 Dans ces conditions, il y a lieu de condamner la Commission aux dépens afférents au pourvoi. Quant aux dépens afférents au recours devant le Tribunal, chacune des parties supportera ses propres dépens.

253 Par ailleurs, en vertu des dispositions combinées de l’article 140, paragraphe 3, et de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement de procédure, la Cour peut décider qu’une partie intervenante supportera ses propres dépens.

254 Les sociétés du Crédit agricole et les sociétés JP Morgan Chase, en leur qualité de parties intervenantes au pourvoi, supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête :

1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission (T 105/17, EU:T:2019:675), est annulé en tant qu’il rejette, au point 2 de son dispositif, le recours introduit dans l’affaire T 105/17 par HSBC Holdings plc, HSBC Bank plc et HSBC France, devenue HSBC Continental Europe, tendant à l’annulation de l’article 1er de la décision C(2016) 8530 final de la Commission, du 7 décembre 2016, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire AT.39914 – Euro Interest Rate Derivatives), et, à titre subsidiaire, de l’article 1er, sous b), de cette décision.

2) Le recours introduit dans l’affaire T 105/17 par HSBC Holdings plc, HSBC Bank plc et HSBC France, devenue HSBC Continental Europe, tendant à l’annulation de l’article 1er de la décision C (2016) 8530 final et, à titre subsidiaire, de l’article 1er, sous b), de cette décision est rejeté.

3) La Commission européenne est condamnée à supporter ses propres dépens et ceux de HSBC Holdings plc, de HSBC Bank plc et de HSBC Continental Europe, anciennement HSBC France, afférents au pourvoi ainsi qu’à supporter ses propres dépens relatifs à la procédure de première instance.

4) HSBC Holdings plc, HSBC Bank plc et HSBC Continental Europe, anciennement HSBC France, sont condamnées à supporter leurs propres dépens relatifs à la procédure de première instance.

5) Crédit agricole SA et Crédit agricole Corporate and Investment Bank supportent leurs propres dépensafférents au pourvoi.

6) JP Morgan Chase & Co. et JP Morgan Chase Bank, National Association, supportent leurs propres dépens afférents au pourvoi.