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Décisions

AMF, 27 novembre 2009, n° SAN-2009-33

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Membres :

M. Hassan, Mme Cohen-Branch, M. Ferri, M. Jalenques de Labeau, M. Lasserre, M. Hanus, M. Thouvenel, M. Surzur

Président :

M. Labetoulle

AMF n° SAN-2009-33

26 novembre 2009

La Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (« AMF ») réunie en séance plénière,
Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 621-14 et L. 621-15 ainsi que ses
articles R. 621-5 à R. 621-7 et R. 621-38 à R. 621-40 ;

Vu le décret n° 2008-893 du 2 septembre 2008 relatif à la Commission des sanctions de l’Autorité
des marchés financiers, notamment son article 2 ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 222-2 devenu 223-1, 222-3 devenu
223-2, 621-1, 622-1, 622-2 et 632-1;

Vu les notifications de griefs en date du 8 avril 2008 adressées à MM. A, B, C, D, E, F, G, H, I J, K, L,
M, N, O, P et R ainsi qu’aux sociétés EADS NV, Lagardère SCA et Daimler AG ;

Vu la décision du 28 mai 2008 du Président de la Commission des sanctions désignant
M. Antoine Courteault, Membre de la Commission des sanctions, en qualité de Rapporteur ;

Vu les observations du 15 juillet 2008 de Maîtres Frédéric Peltier, Thomas Baudesson et
Thierry Schoen pour le compte de la société EADS NV ;

Vu les observations du 10 septembre 2008 de :

- Maîtres Diane Pasturel et Eric Dezeuze pour le compte de M. J ;

- Maîtres Alain Maillot, Jean Veil et Emmanuel Rosenfeld pour le compte de la société
Lagardère SCA ;

- Maîtres Thomas Baudesson, Thierry Schoen et Diego de Lammerville pour le compte de
MM. H et A ;

- Maîtres Jean-Alain Michel, Olivier Gutkès et Lina Mroueh-Lefèvre pour le compte de M. I ;

- M. le Bâtonnier Mario Stasi et Maître Mario-Pierre Stasi pour le compte de M. N ;

- Maître Georges Terrier pour le compte de M. B ;

- Maître Jean-Yves Garaud pour le compte de M. E ;

- Maîtres Michel Beaussier et Isabelle Fenayrou pour le compte de M. D ;

La Commission des sanctions

 
 

Vu les observations du 19 septembre 2008 de Maîtres Yves Schmidt, Maxime Salle et
Francis Triboulet pour le compte de M. L ;

Vu les observations du 22 septembre 2008 de :

- Maîtres Cyrille Niedzielski, Christian Guilluy, Olivier Metzner et Dr Jochem Reichert pour le
compte de la société Daimler AG ;

- Maîtres Thomas Baudesson, Thierry Schoen et Diego de Lammerville pour le compte de
M. P ;

- Maîtres Bruno Quentin et Jean-Guillaume de Tocqueville d’Hérouville pour le compte de
M. G ;

- Maîtres Thierry Gontard et Eric Boillot pour le compte de M. R ;

- Maîtres Nicolas Morvilliers et Michel Givry pour le compte de M. K ;

Vu les observations du 25 septembre 2008 de M. le Bâtonnier Francis Teitgen et
Maître Bernard Casanova pour le compte de M. C ;

Vu les observations du 10 octobre 2008 de Maîtres Martine Samuelian et Antoine Tchekhoff pour le
compte de M. F ;

Vu les observations du 14 octobre 2008 de :

- Maître Patrick Bernard pour le compte de M. M ;

- Maître Antoine Kirry pour le compte de M. O ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 16 octobre 2008 informant les
mis en cause, en application de l’article 2 du décret du 2 septembre 2008, de ce qu’ils disposaient
de la faculté de demander la récusation du Rapporteur dans un délai d’un mois ;

Vu les auditions par le Rapporteur de :

- la société EADS NV, représentée par M. [...], puis par M. [...] (assisté d’un interprète en
langue anglaise), le 18 novembre 2008 ;

- M. K, assisté d’une interprète en langue allemande, le 25 novembre 2008 ;

- M. C, le 28 novembre 2008 ;

- M. P, assisté d’une interprète en langue anglaise, le 2 décembre 2008 ;

- M. N, le 4 décembre 2008 ;

- M. H, le 12 décembre 2008 ;

- M. D, le 16 décembre 2008 ;

- M. F, assisté d’un interprète en langue anglaise, le 16 décembre 2008 ;

- M. G, assisté d’un interprète en langue anglaise, le 19 décembre 2008 ;

- M. L, assisté d’un interprète en langue anglaise, le 6 janvier 2009 ;

- la société Lagardère SCA, représentée par M. [...], le 9 janvier 2009 ;

- M. I, le 13 janvier 2009 ;

- M. J, les 16 janvier et 9 février 2009 ;

- M. B, le 20 janvier 2009 ;

 
 

- la société Daimler AG, représentée par MM. [...] et [...], assistés d’une interprète en langue
allemande, les 23 janvier et 2 février 2009 ;

- M. R, assisté d’un interprète en langue anglaise, le 27 janvier 2009 ;

- M. M, assisté d’un interprète en langue anglaise, les 30 janvier et 18 mars 2009 ;

- M. E, le 6 février 2009 ;

- M. A, le 10 février 2009 ;

- M. O, assisté d’une interprète en langue allemande, le 17 mars 2009 ;

Vu les observations complémentaires déposées par MM. I, P, H, A, E, R, G, O, J, M et les sociétés
Lagardère SCA et EADS NV, entre les 15 janvier et 16 juin 2009 ;

Vu le rapport de M. Antoine Courteault en date du 22 juillet 2009 ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception ou remises contre récépissés,
portant convocation à la séance de la Commission des sanctions, datées du 28 juillet 2009,
auxquelles était annexé le rapport signé du Rapporteur, adressées à MM. A, B, C, D, E, F, G, H, I
J, K, L, M, N, O, P et R ainsi qu’aux sociétés EADS NV, Lagardère SCA et Daimler AG ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 1 er octobre 2009 informant
MM. A, B, C, D, E, F, G, H, I J, K, L, M, N, O, P et R ainsi que les sociétés EADS NV, Lagardère
SCA et Daimler AG de la composition de la commission des sanctions lors de la séance et de
leur faculté de demander la récusation de l’un des membres de cette commission ;

Vu les observations en réponse au rapport du Rapporteur présentées par :

- Maître Jean Veil pour Lagardère SCA, le 1 er octobre 2009 ;

- Maître Jean-Yves Garaud pour M. E, le 1 er octobre 2009 ;

- Maîtres Yves Schmidt, Maxime Salle et Francis Triboulet pour M. L, le 1 er octobre 2009 ;

- Maîtres Cyrille Niedzielski, Christian Guilluy, Olivier Metzner et Aurélien Hamelle pour
Daimler AG, le 2 octobre 2009 ;

- Maîtres Thierry Schoen et Frédéric Peltier pour EADS NV, le 5 octobre 2009 ;

- Maîtres Thierry Schoen, Thomas Baudesson et Frédéric Peltier pour M. P, le 5 octobre
2009 ;

- Maîtres Thomas Baudesson, Diego de Lammerville et Frédéric Peltier pour M. A, le
5 octobre 2009 ;

- Maîtres Thomas Baudesson, Diego de Lammerville et Frédéric Peltier pour M. H, le
5 octobre 2009 ;

- Maître Antoine Kirry pour M. O, le 5 octobre 2009 ;

- Maître Patrick Bernard pour M. M, le 5 octobre 2009 ;

- Maîtres Diane Pasturel et Eric Dezeuze pour M. J, le 5 octobre 2009 ;

- Maîtres Thierry Gontard et Eric Boillot pour M. R, le 5 octobre 2009 ;

- Maîtres Michel Beaussier et Isabelle Fenayrou-Degas pour M. D, le 5 octobre 2009 ;

- Maîtres Jean-Guillaume de Tocqueville d’Hérouville et Bruno Quentin pour M. G, le
5 octobre 2009 ;

 
 

- M. le Bâtonnier Francis Teitgen et Maître Bernard Casanova pour M. C, le 5 octobre 2009 ;
- Maîtres Georges Terrier et Loïc Henriot pour M. B, le 5 octobre 2009 ;

- M. le Bâtonnier Mario Stasi et Maître Mario-Pierre Stasi pour M. N, le 5 octobre 2009 ;

- Maîtres Jean-Alain Michel, Olivier Gutkès et Lina Mroueh-Lefèvre pour M. I, le 5 octobre
2009 ;

- Maîtres Martine Samuelian et Antoine Tchekhoff pour M. F, le 8 octobre 2009 ;

- Maîtres Susanne Salerno et Nicolas Morvilliers pour M. K, le 8 octobre 2009 ;

Vu le courrier de M. I en date du 19 novembre 2009 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance du 23 au 27 novembre 2009 :

- M. Antoine Courteault en son rapport ;

- M. Hubert Gasztowtt, Commissaire du Gouvernement, qui a indiqué ne pas avoir
d’observations à formuler ;

- M. Olivier Douvreleur, représentant le Collège de l’AMF ;

- M. A et ses conseils, Maîtres Frédéric Peltier, Diego de Lammerville et Thomas Baudesson ;

- M. B et son conseil, Maître Loïc Henriot ;

- M. C et ses conseils, M. le Bâtonnier Francis Teitgen et Maître Bernard Casanova ;

- M. D et ses conseils, Maîtres Michel Beaussier et
Isabelle Fenayrou-Degas ;

- M. E et son conseil, Maître Jean-Yves Garaud ;

- M. F et son conseil, Maître Martine Samuelian ;

- M. G et ses conseils, Maîtres Jean-Guillaume de Tocqueville d’Hérouville et Bruno Quentin ;

- M. I et ses conseils, Maîtres Jean-Alain Michel et Olivier Gutkès ;

- M. H et ses conseils, Maîtres Frédéric Peltier, Thomas Baudesson et
Diego de Lammerville ;

- M. J et ses conseils, Maîtres Diane Pasturel et Eric Dezeuze ;

- M. K et son conseil, Maître Nicolas Morvilliers ;

- M. L et ses conseils, Maître Yves Schmidt et Maxime Salle ;

- M. M et son conseil, Maître Patrick Bernard ;

- M. N et ses conseils, M. le Bâtonnier Mario Stasi et Maître Mario-Pierre Stasi ;

- M. O et son conseil, Maître Antoine Kirry ;

- M. P et ses conseils, Maîtres Frédéric Peltier, Thierry Schoen et Thomas Baudesson ;

- M. R et ses conseils, Maîtres Thierry Gontard et Eric Boillot ;

- la société Daimler AG, représentée par M. [...], Assistant General Counsel de Daimler AG,
en vertu d’un pouvoir signé par MM. [...] et [...], respectivement désignés comme membre 
du directoire et vice-Président et Chief Compliance Officer de Daimler AG, et ses conseils,
Maîtres Cyrille Niedzielski et Olivier Metzner ;

- la société EADS NV, représentée par son président exécutif, M. [...], assisté de MM. [...],
secrétaire général d’EADS NV et [...], directeur juridique d’EADS NV, et ses conseils,
Maîtres Frédéric Peltier, Thomas Baudesson,
Jean-Yves Dupeux, Diego de Lammerville, Thierry Schoen et Laurence Wynaendts ;

- la société Lagardère SCA, représentée par son gérant commandité, M. [...], assisté de
M. [...], directeur financier de Lagardère SCA, et son conseil, Maître Alain Maillot ;

- M. [...], directeur financier d’EADS NV, sur décision du Président de la Commission des
sanctions, en application du II de l’article R. 621-40 du code monétaire et financier ;

- M. [...], associé-gérant de Rothschild & Cie, sur décision du Président de la Commission
des sanctions à la requête de Maîtres Eric Dezeuze et Diane Pasturel pour le compte de M.
J, en application du II de l’article R. 621-40 du code monétaire et financier ;

en présence de Mmes Tasmine Fernando-Schost, Ingrid Kikel, Camille Mercier-Sanders,
Claudine Pierson, Christiana Vahsen, Sabine Wamsganz et de MM. William Gibbon, Clive Richardson et
Nicolas Schneider, interprètes en langues allemande et anglaise, désignés par l’AMF ;

Les personnes mises en cause ayant pris la parole en dernier.

FAITS ET PROCÉDURE

La société EADS NV (ci-après « EADS ») est une société de droit néerlandais dont les titres sont négociés
sur les bourses de Paris (NYSE Euronext) et Francfort et les bourses espagnoles de Madrid, Bilbao,
Barcelone et Valence.

A l’époque des faits visés par les notifications de griefs, EADS était dirigée par deux co-présidents
exécutifs (MM. I et G), responsables de la direction de la société. Son conseil d’administration était présidé
par deux présidents non exécutifs (MM. [...] et [...]) et composé de onze membres, parmi lesquels :

- quatre membres exécutifs (les deux co-présidents exécutifs et les deux directeurs généraux
- MM. [...] et J à l’époque des faits - qui, tous les quatre, formaient ensemble le « Top 4 ») ;

- sept membres non exécutifs (parmi lesquels les deux présidents non exécutifs précités).

EADS était également dotée d’un comité exécutif, dans lequel siégeaient :

-
les deux co-présidents exécutifs (MM. I et G) ;
- les deux directeurs généraux (MM. [...] et J) ;

- les cinq dirigeants de divisions (M. C pour Eurocopter, M. [...] pour MTA, M. R pour Defense
& Security, M. B pour Astrium et M. K pour Airbus), le dirigeant d’EADS North America
(M. F.) et le directeur des ressources humaines d’EADS (M. L).

Jusqu’en octobre 2006, la société Airbus était détenue à hauteur de 80 % par EADS et à hauteur de 20%
par BAe Systems (ci-après « BAe »). La société Airbus était présidée par un président entouré d’un
comité exécutif. A l’époque des faits, les membres de ce comité exécutif étaient : MM. K (président), D(responsable du programme A380, directeur général délégué), M (directeur commercial, directeur général
délégué), O (directeur financier), N (directeur des ressources humaines), [...] (responsable des
opérations), H (responsable des centres d’excellence), E (responsable des achats), A (responsable de la
stratégie et de la coopération), P (responsable des programmes) et Juan Carlos Martinez Saiz
(responsable des programmes militaires).


Le 4 avril 2006, après la clôture du marché, les groupes Lagardère et Daimler ont annoncé leur décision
de céder, chacun et de concert, 7,5 % du capital d’EADS, ramenant ainsi leurs participations respectives à
environ 7,5 % et 22,5 %. Entre le 4 et le 5 avril 2006, le cours du titre EADS a enregistré une baisse de
4,4 %, passant de 34,25 € à la clôture le 4 avril 2006 à 32,73 € à la clôture le 5 avril 2006.

Au cours du mois de mars 2006, le service de la surveillance des marchés de l’Autorité des marchés
financiers (ci-après « AMF ») a identifié de nombreuses cessions d’actions EADS, consécutives à la levée
d’options par certains des dirigeants d’EADS. Au vu de ces constatations, le secrétaire général de l’AMF a
décidé, le 22 mai 2006, d’ouvrir une enquête sur le marché du titre EADS à compter du 31 janvier 2006.

Le 13 juin 2006, après la clôture, Airbus a annoncé un décalage du calendrier de livraison de l’A380, en
raison de difficultés industrielles de gestion de montée en cadence de la production. EADS a publié le
même jour un avertissement sur résultats. Le 14 juin 2006, le cours du titre EADS a enregistré une baisse
de plus de 26 %, passant de 25,42 €, le 13 juin 2006 en clôture à 18,73 €, le
14 juin 2006 en clôture.

Le secrétaire général de l’AMF a, le 15 juin 2006, décidé d’étendre l’enquête à l’examen de l’information
financière délivrée par EADS depuis le 31 janvier 2006, puis, le 22 décembre 2006, d’étendre à nouveau
l’enquête au marché du titre et à l’information financière délivrée par EADS à compter du 1 er mai 2005.

Le 4 septembre 2007, alors que l’enquête était en cours, la direction des enquêtes et de la surveillance
des marchés de l’AMF (ci-après « DESM ») a transmis au Collège de l’AMF une « note préliminaire
relative à l’enquête sur le marché du titre et l’information financière délivrée par EADS », livrant une
synthèse sur (i) les transactions réalisées sur le marché du titre EADS ayant conduit à la hausse
significative du cours du titre antérieurement à l’annonce du désengagement partiel des groupes
Lagardère et Daimler du capital d’EADS et (ii) les cessions directes ou indirectes d’actions EADS par les
actionnaires de contrôle, les dirigeants et salariés du groupe entre le 1 er mai 2005 et le 13 juin 2006. Lors
de sa séance du 4 septembre 2007, le Collège a décidé de transmettre cette « note préliminaire » au
Procureur de la République.

Après l’achèvement, le 11 mars 2008, du rapport d’enquête, celui-ci a, conformément à l’article L. 621-15
du code monétaire et financier, été examiné par le Collège de l’AMF, lors de sa séance du 31 mars 2008.

Au vu du rapport d’enquête et sur décision du Collège, le président de l’AMF a, par lettres recommandées
avec demandes d’avis de réception datées du 8 avril 2008, ou remises contre récépissés datés du même
jour, notifié les griefs qui leur étaient reprochés à MM. A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P et R
ainsi qu’aux sociétés EADS, Lagardère SCA (ci-après « Lagardère ») et Daimler AG
(ci-après « Daimler »).

 
 

En substance, il était fait grief :
• à MM. B, C, D, E, F, G, K, L, P et R d’avoir, entre les 9 novembre 2005 et 24 mars 2006, cédé
des actions EADS, alors qu’ils étaient en possession d’une information privilégiée relative aux
objectifs de marge et de résultats opérationnels d’Airbus et du groupe EADS, tels qu’exprimés
dans le plan d’affaires 2006-2008/2010 (Operative planning, ci-après « OP ») d’EADS ;

• à MM. A, H, I, J, M, N, O d’avoir, entre les 9 novembre 2005 et 21 mars 2006, cédé des actions
EADS alors qu’ils étaient en possession de trois informations privilégiées relatives (i) aux
objectifs de marge et de résultats opérationnels d’Airbus et du groupe EADS, tels qu’exprimés
dans l’OP 2006-2008/2010 d’EADS, (ii) à la révision du programme de livraison de l’A380, (iii) à
l’accroissement significatif des coûts de développement du programme A350, conduisant à la
constatation d’une valeur actuelle nette négative ;

• à Daimler et Lagardère d’être respectivement intervenues sur le titre EADS les 6 et 10 avril 2006,
alors qu’elles étaient en possession de deux informations privilégiées relatives (i) aux objectifs de
marge et de résultats opérationnels d’Airbus et du groupe EADS, tels qu’exprimés dans
l’OP 2006-2008/2010 d’EADS, (ii) à l’accroissement significatif des coûts de développement du
programme A350, conduisant à la constatation d’une valeur actuelle nette négative.

Les notifications de griefs précisent que ces faits, contraires aux dispositions des articles 621-1,
622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF, pourraient donner lieu à l’encontre des personnes
mises en cause, à une sanction sur le fondement des dispositions des articles L. 621-14 et
L. 621-15 du code monétaire et financier ;

• à EADS :

i) d’avoir, en violation des articles 223-1 et 632-1 du règlement général de l’AMF,
communiqué au public le 8 mars 2006 des informations inexactes imprécises ou
trompeuses sur (a) la poursuite par le groupe d’un objectif de marge opérationnelle
de 10% et (b) sa prévision de résultat opérationnel au titre de l’exercice 2006 ;

ii) de ne pas avoir, en violation du II de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF,
à compter du 9 décembre 2005 et du 1er mars au 12 avril 2006, mis en œuvre en
interne les mesures pouvant l’autoriser à différer, afin de ne pas porter atteinte à
ses intérêts légitimes, la communication de l’information privilégiée relative :

a) aux objectifs de marge et de résultats opérationnels d’Airbus et du groupe
EADS, tels qu’exprimés dans le plan d’affaires 2006-2008/2010 d’EADS ;

b) à l’augmentation significative des coûts de développement du programme A350
conduisant à constater sa valeur actuelle nette négative ;

iii) d’avoir, en violation du I de l’article 222-3 devenu 223-2 du règlement général de
l’AMF, entre le 1 er mars et le 16 mai 2006, manqué à son obligation d’informer dès
que possible le public de ce que le programme de livraison de l’A380 ne pourrait
être respecté.

Copies de ces notifications de griefs ont été transmises au président de la Commission des sanctions le
8 avril 2008, conformément à l’article R. 621-38 du code monétaire et financier.

Par décision du président de la Commission des sanctions du 28 mai 2008, M. Antoine Courteault a été
désigné en qualité de Rapporteur, ce dont les conseils des personnes mises en cause ont été informés
par lettres recommandées avec demandes d’avis de réception du président de la Commission datées du
même jour. Le Rapporteur a, par lettres recommandées avec demandes d’avis de réception du
18 juin 2008, informé chacune des personnes mises en cause de sa désignation, en leur rappelant la
faculté d’être entendues, conformément à l’article R. 621-39-I du code monétaire et financier.

Par courrier daté du 15 juillet 2008, Maîtres Frédéric Peltier, Thomas Baudesson et Thierry Schoen ont fait
parvenir des observations en réponse pour le compte d’EADS.

 
 

Par courriers datés du 10 septembre 2008, reçu le même jour :
- Maîtres Diane Pasturel et Eric Dezeuze ont fait parvenir des observations en réponse pour
le compte de M. J ;

- Maîtres Alain Maillot, Jean Veil et Emmanuel Rosenfeld ont fait parvenir des observations
en réponse pour le compte de Lagardère ;

- Maîtres Thomas Baudesson, Thierry Schoen et Diego de Lammerville ont fait parvenir des
observations séparées en réponse pour le compte de MM. H et A ;

- Maîtres Jean-Alain Michel, Olivier Gutkès et Lina Mroueh-Lefèvre ont fait parvenir des
observations en réponse pour le compte de M. I ;

- M. le Bâtonnier Mario Stasi et Maître Mario-Pierre Stasi ont fait parvenir des observations en
réponse pour le compte de M. N ;

- Maître Georges Terrier a fait parvenir des observations en réponse pour le compte de M. B ;

- Maître Jean-Yves Garaud a fait parvenir des observations en réponse pour le compte de
M. E ;

- Maîtres Michel Beaussier et Isabelle Fenayrou ont fait parvenir des observations en réponse
pour le compte de M. D.

Par courrier daté du 19 septembre 2008, reçu le même jour, Maîtres Yves Schmidt, Maxime Salle et
Francis Triboulet ont fait parvenir des observations en réponse pour le compte de M. L.

Par courrier daté du 22 septembre 2008, reçu le même jour,

- Maîtres Cyrille Niedzielski, Christian Guilluy, Olivier Metzner et Dr Jochem Reichert ont fait
parvenir des observations en réponse pour le compte de Daimler ;

- Maîtres Thomas Baudesson, Thierry Schoen et Diego de Lammerville ont fait parvenir des
observations pour le compte de M. P ;

- Maîtres Bruno Quentin et Jean-Guillaume de Tocqueville d’Hérouville ont fait parvenir des
observations pour le compte de M. G ;

- Maîtres Thierry Gontard et Eric Boillot ont fait parvenir des observations en réponse pour le
compte de M. R.

Par courrier daté du 22 septembre 2008, reçu le 24 septembre 2008, Maîtres Nicolas Morvilliers et
Michel Givry ont fait parvenir des observations pour le compte de M. K.

Par courrier daté du 25 septembre 2008, reçu le même jour, M. le Bâtonnier Francis Teitgen et
Maître Bernard Casanova ont fait parvenir les observations pour le compte de M. C.

Par courrier daté du 10 octobre 2008, reçu le même jour, Maîtres Martine Samuelian et Antoine Tchekhoff
ont fait parvenir des observations en réponse pour le compte de M. F.

Par courriers datés du 14 octobre 2008 :

- Maître Patrick Bernard a fait parvenir des observations en réponse pour le compte de M. M
(courrier reçu le 15 octobre 2008) ;

- Maître Antoine Kirry a fait parvenir des observations en réponse pour le compte de M. O.

 
 

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception datée du 16 octobre 2008, les personnes
mises en cause ont été informées de leur faculté de demander la récusation du Rapporteur, dans les
conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier, dans le délai
d’un mois suivant la réception de cette lettre.

Toutes les personnes mises en cause ont été entendues par le Rapporteur de la Commission des
sanctions :

- EADS, représentée par M. [...], puis par M. [...] (assisté d’un interprète en langue anglaise),
le 18 novembre 2008 ;

- M. K, assisté d’une interprète en langue allemande, le 25 novembre 2008 ;

- M. C, le 28 novembre 2008 ;

- M. P, assisté d’une interprète en langue anglaise, le 2 décembre 2008 ;

- M. N, le 4 décembre 2008 ;

- M. H, le 12 décembre 2008 ;

- M. D, le 16 décembre 2008 ;

- M. F, assisté d’un interprète en langue anglaise, le 16 décembre 2008 ;

- M. G, assisté d’un interprète en langue anglaise, le 19 décembre 2008 ;

- M. L, assisté d’un interprète en langue anglaise, le 6 janvier 2009 ;

- Lagardère, représentée par M. [...], le 9 janvier 2009 ;

- M. I, le 13 janvier 2009 ;

- M. J, les 16 janvier et 9 février 2009 ;

- M. B, le 20 janvier 2009 ;

- Daimler, représentée par MM.
[...] et [...], assistés d’une interprète en langue allemande, les
23 janvier et 2 février 2009 ;

- M. R, assisté d’un interprète en langue anglaise, le 27 janvier 2009 ;

- M. M, assisté d’un interprète en langue anglaise, les 30 janvier et 18 mars 2009 ;

- M. E, le 6 février 2009 ;

- M. A, le 10 février 2009 ;

- M. O, assisté d’une interprète en langue allemande, le 17 mars 2009.

Certaines des personnes mises en cause ont fait parvenir des éléments complémentaires à la suite de
leur audition :

- Maîtres Olivier Gutkès et Lina Mroueh-Lefèvre pour le compte de M. I le 15 janvier 2009 ;

- Maîtres Frédéric Peltier et Diego de Lammerville pour le compte, respectivement, de MM. P,
le 22 janvier 2009, et H, le 28 janvier 2009 ;

- Maître Jean Veil pour le compte de Lagardère le 10 février 2009 ;

- Maîtres Thomas Baudesson et Diego de Lammerville pour le compte de M. A, le
13 février 2009 ;

- Maître Jean-Yves Garaud, pour le compte de M. E, le 16 février 2009 ;

 
 

- Maître Eric Boillot, pour le compte de M. R, le 17 février 2009 ;
- Maîtres Bruno Quentin et Jean-Guillaume de Tocqueville d’Hérouville, pour le compte de
M. G, le 19 mars 2009 ;

- Maître Patrick Bernard, pour le compte de M. M, le 27 avril 2009.

Par lettres recommandées avec demandes d’avis de réception datées du 10 février 2009, les personnes
mises en cause ont été informées par le Rapporteur de ce que « le secrétaire général de l’AMF a[vait]
transmis des pièces conservées jusqu’alors à la DESM, qui [étaient] désormais au dossier », et qu’en
conséquence, un délai supplémentaire de deux mois à compter de la réception de cette lettre leur était
accordé « aux fins de leur permettre de faire état des arguments nouveaux que la consultation de ces
pièces pourrait éventuellement susciter ».

Par lettre du 13 mars 2009, Maîtres Alain Maillot et Jean Veil ont fait parvenir des observations
complémentaires pour le compte de Lagardère.

Par télécopie et lettre recommandée avec demande d’avis de réception datées du 6 avril 2009 et reçues
respectivement les 7 et 9 avril 2009, Maîtres Bruno Quentin et Jean-Guillaume de Tocqueville d’Hérouville
ont fait parvenir des observations complémentaires pour le compte de M. G.

Par courrier daté du 8 avril 2009, reçu le 9 avril 2009, Maître Antoine Kirry a fait parvenir des observations
complémentaires pour le compte de M. O.

Par courrier daté du 10 avril 2009, reçu le 15 avril 2009, Maître Frédéric Peltier a fait parvenir des
observations complémentaires pour le compte d’EADS.

Par courrier daté du 27 avril 2009, reçu le même jour, Maîtres Diane Pasturel et Eric Dezeuze ont fait
parvenir des observations complémentaires pour le compte de M. J.

Par courrier daté du 27 avril 2009, reçu le 28 avril 2009, Maître Patrick Bernard a fait parvenir des
observations complémentaires pour le compte de M. M.

Par télécopie et courrier reçus respectivement les 15 et 16 juin 2009, Maître Olivier Gutkès et Lina Mroueh
ont fait parvenir des observations complémentaires pour le compte de M. I.

M. Antoine Courteault a déposé son rapport le 22 juillet 2009. Celui-ci a été joint aux lettres en date du
28 juillet 2009 adressées à chaque personne mise en cause et portant convocation à la séance de la
Commission des sanctions devant se tenir du 23 au 27 novembre 2009. Par lettre du 1er octobre 2009, les
personnes mises en cause ont été avisées de la composition de la Commission des sanctions et de leur
possibilité de récuser, dans un délai de quinze jours, un ou plusieurs de ses Membres, dans les conditions
prévues aux articles R. 621-39-2 et suivants du Code monétaire et financier.

Des observations en réponse au rapport du Rapporteur ont été présentées en date du :

- 1 er octobre 2009 par Maître Jean Veil pour Lagardère SCA, Maître Jean-Yves Garaud pour
M. E, Maîtres Yves Schmidt, Maxime Salle et Francis Triboulet pour
M. L ;

- 2 octobre 2009 par Maîtres Cyrille Niedzielski, Christian Guilluy, Olivier Metzner et
Aurélien Hamelle pour Daimler AG ;

- 5 octobre 2009 par Maîtres Thierry Schoen et Frédéric Peltier pour EADS NV,
Maîtres Thierry Schoen, Thomas Baudesson et Frédéric Peltier pour M. P, Maîtres Thomas
Baudesson, Diego de Lammerville et Frédéric Peltier pour, d’une part, M. A, d’autre part,
M. H, Maître Antoine Kirry pour M. O, Maître Patrick Bernard pour M. M, Maîtres Diane 
Pasturel et Eric Dezeuze pour M. J, Maîtres Thierry Gontard et Eric Boillot pour
M. R, Maîtres Michel Beaussier et Isabelle Fenayrou-Degas pour
M. D, Maîtres Jean-Guillaume de Tocqueville d’Hérouville et Bruno Quentin pour M. G,
M. le Bâtonnier Francis Teitgen et Maître Bernard Casanova pour M. C, Maîtres Georges
Terrier et Loïc Henriot pour M. B, M. le Bâtonnier Mario Stasi et Maître Mario-Pierre Stasi
pour M. N, Maîtres Jean-Alain Michel, Olivier Gutkès et Lina Mroueh-Lefèvre pour M. I ;

- 8 octobre 2009 par Maîtres Martine Samuelian et Antoine Tchekhoff pour
M. F, Maîtres Susanne Salerno et Nicolas Morvilliers pour M. K.

Par courrier en date du 19 novembre 2009, M. I a fait parvenir une pièce complémentaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. SUR LES EXCEPTIONS RELATIVES À LA COMPÉTENCE DE L’AMF ET À LA PROCÉDURE

1. Sur la compétence de l’AMF pour connaître des griefs, notifiés à EADS, tirés de la
méconnaissance de l’article 222-3, devenu 223-2, du règlement général de l’AMF

Considérant qu’EADS et M. K soutiennent que l’AMF ne serait pas compétente pour connaître du grief
relatif au défaut de publication d’une information privilégiée notifié à EADS et tiré de la méconnaissance
de l’article 222-3, devenu 223-2, du règlement général de l’AMF, selon lequel « I. tout émetteur doit, dès
que possible, porter à la connaissance du public toute information privilégiée (...) qui le concerne
directement » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 6 §1 de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du
Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché (ci-après « directive
abus de marché »), « les Etats membres veillent à ce que les émetteurs d’instruments financiers rendent
publiques, dès que possible, les informations privilégiées qui concernent directement lesdits émetteurs
(...) » ; qu’aux termes de l’article 10 de la même directive, « chaque Etat membre applique les interdictions
et obligations prévues par la présente directive : a) aux actes accomplis sur son territoire ou à l’étranger
concernant des instruments financiers admis à la négociation sur un marché réglementé situé ou opérant
sur son territoire (...) » ; qu’aux termes de l’article 11 de la même directive, « sans préjudice des
compétences des autorités judiciaires, chaque Etat membre désigne une autorité administrative unique
compétente en vue d’assurer l’application des dispositions adoptées conformément à la présente
directive », « l’autorité compétente », selon l’article 12, étant « investie de tous les pouvoirs de surveillance
et d’enquête nécessaires à l’exercice de ses fonctions » ;

Considérant que si la société EADS est une société de droit néerlandais, ses instruments financiers sont
négociés, notamment, sur le marché réglementé français ; qu’ainsi, en application des dispositions
précitées, l’AMF, « autorité compétente » de l’Etat français, est compétente pour « appliquer les
interdictions et obligations » prévues par la directive abus de marché, et, notamment poursuivre et
sanctionner la transgression de l’obligation pesant sur les émetteurs de rendre publiques, dès que
possible, les informations privilégiées qui les concernent directement ; qu’il s’ensuit que la Commission
des sanctions de l’AMF est compétente pour connaître du grief fondé sur ce que la société EADS n’aurait
pas porté, dès que possible, une information privilégiée à la connaissance du public ;

Considérant, il est vrai, qu’EADS et M. K soutiennent que la portée des dispositions de la directive abus de
marché aurait été remise en cause par la directive 2004/109/CE du Parlement européen et du Conseil du
15 décembre 2004 sur l’harmonisation des obligations de transparence concernant l’information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé (ci-après
« directive transparence »), entrée en vigueur le 20 janvier 2007 ;

Mais considérant, d’une part, que les deux directives précitées ne poursuivent pas les mêmes objectifs ;
que, notamment, la directive transparence, qui, selon son article 1 er , « fixe des exigences concernant la
divulgation d’informations périodiques et continues », vise à assurer une plus grande harmonisation des
dispositions de droit national relatives aux obligations « d’information périodiques et continues » et à
fournir une garantie minimale quant à la disponibilité de cette information aux moments adéquats (5 ème et
23 ème considérants), tandis que la directive abus de marché vise à lutter contre les opérations d’initiés et
les manipulations de marché par l’adoption d’un corps de règles communes (12 ème considérant) ;

Considérant, d’autre part, que si la directive transparence définit l’information réglementée en son
article 2,1,k, comme « toute information que l’émetteur (...) est tenu de communiquer en vertu de la
présente directive, de l’article 6 de la directive [abus de marché] ou des dispositions législatives,
réglementaires ou administratives d’un Etat membre adoptées en vertu de l’article 3 §1 de la présente
directive », ce renvoi à l’article 6 de la directive abus de marché tend seulement à assurer des modalités
de dépôt, de publicité et d’accès communes aux différentes informations réglementées, qu’il s’agisse de
l’information spécifiquement visée par la directive transparence, de l’information privilégiée, ou des
éventuelles autres informations faisant l’objet d’une obligation dans les Etats membres (articles 19 à 21),
mais -non plus qu’aucune autre disposition de cette directive- n’a eu ni pour objet ni pour effet de remettre
en cause, en ce qui concerne l’autorité en charge de sanctionner le manquement à l’obligation résultant de
l’article 6 §1 de la directive abus de marché, la règle de compétence fixée par les dispositions précitées du
a) de l’article 10 de la directive abus de marché ; qu’EADS et M. K ne sont dès lors pas fondés à exciper
de l’incompétence de l’AMF pour connaître des griefs, notifiés à EADS, tiré de la méconnaissance de
l’article 222-3, devenu 223-2, du règlement général de l’AMF ;

2. Sur les exceptions de procédure

2.1. En ce qui concerne les moyens relatifs à l’enquête

2.1.1. Sur le moyen tiré de ce que les enquêteurs auraient méconnu les limites de l’enquête
ouverte le 22 mai 2006

Considérant qu’après avoir, le 22 mai 2006, ouvert une enquête « sur le marché du titre EADS à compter
du 31 janvier 2006 », le secrétaire général de l’AMF a, le 22 décembre 2006, étendu cet objet à la période
commençant le 1er mai 2005 ; que si, antérieurement à cette extension, les enquêteurs n’auraient pu
légalement enquêter sur les éventuels manquements qui auraient été commis avant le 31 janvier 2006, il
leur était loisible, contrairement à ce que soutient M. G, de recueillir tous éléments factuels antérieurs à
cette date qui auraient été de nature à établir ou à infirmer l’existence de manquements commis après
celle-ci et qui entreraient ainsi dans le champ de l’enquête ouverte le 22 mai 2006 ; qu’il ne résulte pas du
dossier que les actes accomplis par les enquêteurs antérieurement au 22 décembre 2006 et critiqués par
M. G aient été relatifs à la recherche de manquements commis avant le 31 janvier 2006 ;

2.1.2. Sur le moyen tiré de ce que les enquêteurs se seraient fait remettre des documents en
méconnaissance de l’article L. 621-10 du code monétaire et financier :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-10 du code monétaire et financier : « Les enquêteurs
peuvent, pour les nécessités de l'enquête, se faire communiquer tous documents, quel qu'en soit le
support, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunications dans le
cadre de l'article L. 34-1 du code des postes et télécommunications et les prestataires mentionnés aux
1 et 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie
numérique, et en obtenir la copie. Ils peuvent convoquer et entendre toute personne susceptible de leur 
fournir des informations. Ils peuvent accéder aux locaux à usage professionnel » ; qu’aux termes de
l’article L. 621-12 du même code dans sa version applicable au moment des faits : « Pour la recherche
des infractions définies aux articles L. 465-1 et L. 465-2, le président du tribunal de grande instance dans
le ressort duquel sont situés les locaux à visiter peut, sur demande motivée du secrétaire général de
l'Autorité des marchés financiers, autoriser les enquêteurs de l'Autorité à effectuer des visites en tous lieux
ainsi qu'à procéder à la saisie de documents. L'ordonnance n'est susceptible que d'un pourvoi en
cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale ; ce pourvoi n'est pas suspensif » ;
que si ce n’est que pour la recherche des infractions définies aux articles L. 465-1 et L. 465-2 du code
monétaire et financier que les enquêteurs de l’AMF peuvent, sous réserve d’y avoir été autorisés par le
président du tribunal de grande instance, procéder, sur le fondement de l’article L. 621-12, à des visites
domiciliaires ainsi qu’à la saisie de documents, il ne résulte pas de la combinaison des dispositions
précitées que les pouvoirs prévus à l’article L. 621-10 ne pourraient pas être mis en œuvre pour la
recherche de manquements constitutifs d’infractions définies aux articles L. 465-1 et L. 465-2 ; que, par
ailleurs, il ne ressort ni des procès-verbaux de remise de documents des 20 juin, 12 juillet et 17 juillet 2006
ni d’aucune autre pièce que les enquêteurs aient mis en œuvre les pouvoirs prévus par l’article L. 621-10
dans des conditions irrégulières ; que, notamment, la simple mention, portée sur le procès-verbal de
« remise volontaire de documents », de l’article L. 642-2 du code monétaire et financier, n’implique pas
que les enquêteurs aient méconnu la portée respective des articles L. 621-10 et L. 621-12 du même
code ;

2.1.3. Sur les moyens relatifs à la visite domiciliaire à laquelle il a été procédé dans des locaux
d’EADS en application de l’article L. 621-12 du code monétaire et financier :

Considérant, en premier lieu, que des locaux d’EADS ont fait l’objet d’une visite domiciliaire le 27 juin 2006
autorisée, en application de l’article L. 621-12 du code monétaire et financier, par l’ordonnance du
26 juin 2006 rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris ; que, pour assurer la
conformité à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales de l’article L. 621-12 du code monétaire et financier, l’ordonnance n° 2009-233 du
26 février 2009 a modifié ce dernier en prévoyant désormais la possibilité de former appel de l’ordonnance
par laquelle le président du tribunal de grande instance autorise la visite de locaux et la saisie de
documents ; que le II de l’article 1er de l’ordonnance du 26 février 2009, a, à titre transitoire, ouvert un
recours contre les ordonnances ayant autorisé des visites domiciliaires réalisées durant les trois années
précédant son entrée en vigueur ; qu’EADS, dûment informée par l'AMF de l'existence de ce recours, n'a
pas, dans le délai dont elle disposait, fait usage de la possibilité de former un appel de l’ordonnance du
26 juin 2006 autorisant la visite domiciliaire de ses locaux ; que, dès lors, la validité de cette ordonnance
n’est plus susceptible d’être utilement contestée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 621-9-3 du code monétaire et financier :
« dans le cadre des contrôles et enquêtes mentionnés aux articles L. 621-9 et L. 621-9-1, le secret
professionnel ne peut être opposé à l’AMF (...) sauf par les auxiliaires de justice » ; que MM. P, A et H
n’apportent aucun élément propre à établir l’exactitude matérielle de l’allégation selon laquelle le principe
du secret des correspondances avec les auxiliaires de justice aurait été méconnu à l’occasion de la visite
domiciliaire ;

Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article L. 621-12 du code monétaire et financier : « Le
procès-verbal de visite relatant les modalités et le déroulement de l’opération est dressé sur le champ par
les enquêteurs de l’AMF. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé. Le procès-verbal et
l’inventaire sont signés par les enquêteurs et par l’officier de police judiciaire (...) » ; que, conformément à
ces dispositions, l’inventaire qui a été dressé à l’issue de chacune des visites domiciliaires identifie sans
ambiguïté les pièces et documents saisis lors de celle ci ; qu’ainsi et alors même que le contenu de ces
pièces et documents ne serait pas lui-même détaillé, M. C n’est pas fondé à soutenir que les enquêteurs
n’auraient pas respecté les dispositions leur faisant obligation de dresser un inventaire des pièces et
documents saisis ;

2.1.4. Sur l’absence d’audition de Daimler

 
 
 
 

Considérant que si c’est en leur qualité personnelle de membres du conseil d’administration d’EADS et
non au titre de représentants de Daimler que MM. [...] et [...] ont été entendus par les enquêteurs,
Daimler, prise cette fois en la personne de ses représentants légaux, a été entendue par le Rapporteur de
la Commission des sanctions les 23 janvier et 2 février 2009, puis par la Commission des sanctions lors de
la séance ; que dès lors, et en tout état de cause, la circonstance - aussi regrettable soit-elle - qu’elle s’est
vu notifier des griefs sans avoir été préalablement entendue, est sans incidence sur la validité de la
procédure ;

2.1.5. Sur la retranscription de l’audition de M. K

Considérant que le procès-verbal d’audition par les enquêteurs de M. K – dûment signé par celui-ci, et qui
ne fait état d’aucun incident – mentionne que certaines questions ainsi que les réponses qu’il y a faites
ont, avant d’être retranscrites en français pour l’établissement du procès-verbal, été formulées en anglais ;
que la circonstance que ce procès-verbal ne précise pas les questions qui, à la demande de M. K, ont
donné lieu à cette façon particulière de procéder ne saurait sérieusement être critiquée comme révélant
une absence de loyauté des enquêteurs ;

2.1.6. En ce qui concerne l’emploi de la langue française

Considérant, en premier lieu, que tous les passages du rapport d’enquête soumis à la Commission des
sanctions qui n’étaient pas initialement rédigés en langue française ont fait l’objet d’une traduction qui a
été versée au dossier ; que, par ailleurs, toutes les citations tirées de documents rédigés initialement en
langue étrangère faites par les mis en cause ou le Rapporteur ont donné lieu à traduction dans les
observations ou dans le rapport ; que, dès lors, aucune méconnaissance de l’article 1er de la loi n° 94-665
du 4 août 1994 selon lequel la langue française « est la langue de l’enseignement, du travail, des
échanges et des services publics » ne peut être relevée ;

Considérant, en second lieu, que l’article 6 §3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales, selon lequel « tout accusé a droit notamment à être informé, dans
le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause
de l’accusation portée contre lui » impose seulement que le mis en cause soit mis en mesure de
comprendre, dans une langue qu’il maîtrise, les termes de l’acte d’accusation, c’est-à-dire, s’agissant de la
procédure devant la Commission des sanctions de l’AMF, de la notification de griefs ; que les griefs
formulés à l’encontre de MM. K et O leur ont été notifiés dans leur langue maternelle ; que le rapport
d’enquête ne pouvant être assimilé à un acte destiné à informer son destinataire de la nature et de la
cause de l’accusation portée contre lui, au sens des dispositions précitées, sa notification en langue
française n’est pas constitutive d’une méconnaissance de celles-ci ;

2.1.7. Sur le rapport d’enquête

Considérant que les critiques de divers ordres formulées à l’encontre de la rédaction et du contenu du
rapport d’enquête sont sans incidence sur la validité de la procédure soumise à la Commission des
sanctions par les griefs notifiés ;

2.1.8 En ce qui concerne la présence, dans le dossier au vu duquel le Collège a délibéré, de la
note de M. [...]

Considérant qu’à la suite de son audition par les enquêteurs, M. [...], responsable à l’époque du « service
des relations investisseurs » d’EADS, leur a transmis une note par laquelle il entendait préciser certains
points ; que, si cette réponse ne figure pas dans les « annexes » du rapport d’enquête jointes aux 
notifications de griefs adressées le 8 avril 2008, elle était au nombre des autres pièces du « dossier
d’enquête » (cotes D8198 à D8207) tel que celui-ci a été mis à la disposition, d’abord des membres du
Collège, puis, à partir du 28 avril 2008, des mis en cause ; qu’elle était d’ailleurs expressément évoquée
dans le rapport d’enquête (cote R996) ; qu’ainsi l’affirmation d’EADS selon laquelle le Collège n’en aurait
pas eu connaissance est matériellement inexacte ;

2.1.9. Sur les moyens tirés de la transmission au Parquet d’une « note préliminaire » et de
certaines déclarations postérieures de responsables de l'AMF

Considérant qu’aux termes de l’article 40 du code de procédure pénale : « (...)Toute autorité constituée,
tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un
crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à
ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs » ; qu’aux termes de
l’article L. 621-20-1 du code monétaire et financier dans sa version applicable au moment des faits : « Si,
dans le cadre de ses attributions, l'Autorité des marchés financiers acquiert la connaissance d'un crime ou
d'un délit, elle est tenue d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce
magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs (...) » ;

Considérant, d'une part, qu’alors que l’enquête, ouverte le 22 mai 2006 et étendue le 15 juin 2006, sur le
marché du titre EADS et l’information financière délivrée par cette société, était en cours, le Collège de
l’AMF, saisi d’une « note préliminaire » portant exclusivement sur les transactions réalisées sur le titre par
des actionnaires, des dirigeants et salariés du groupe, a décidé de la transmettre au Parquet ; que dans la
lettre adressée au Procureur de la République en exécution de cette délibération, le Secrétaire général de
l’AMF indiquait en substance transmettre une « synthèse de ses premières constatations sur certaines des
problématiques examinées dans le cadre de ladite enquête », précisant que « l’enquête est toujours en
cours et de nombreuses investigations restent encore à mener », et, en conclusion, « attir[ant son]
attention sur le fait qu’il s’agit d’un document de travail dont les conclusions ne sauraient à ce titre être
considérées comme définitives » ; que la comparaison du rapport d'enquête et de cette « note
préliminaire » révèle que les deux documents n'avaient pas le même contenu – la « note préliminaire » ne
portant pas sur l'information financière délivrée par EADS – et ne définissaient pas de façon identique les
informations privilégiées qu’il était reproché à certaines personnes concernées d’avoir utilisées ; qu'ainsi il
ne saurait être affirmé, contrairement à ce que soutiennent les personnes mises en cause, que la « note
préliminaire » transmise le 12 septembre 2007 comportait une appréciation définitive par les enquêteurs
des griefs notifiés ; que le seul fait que se sont écoulés sept mois entre la transmission de la « note
préliminaire » et la notification de griefs n’est constitutif d’aucune irrégularité ; qu'ainsi et sans qu’il soit
besoin de prendre parti sur la régularité de la procédure par laquelle, le Collège saisi, en cours d’enquête,
d’une « note préliminaire », en a délibéré et a décidé sa transmission, le moyen tiré de ce qu’en
transmettant cette note au Parquet sans procéder dans le même temps à une notification de griefs, le
Collège de l'AMF aurait illégitimement prolongé la phase non contradictoire de la procédure au détriment
des mis en cause en violation de l'article 6 §3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant, d'autre part, que si regrettable qu’ait été la divulgation de la transmission de cette « note
préliminaire » et de son contenu par un article du Figaro du 3 octobre 2007 – repris dans les jours qui ont
suivi par un grand nombre d'organes de presse -, l'AMF est étrangère à la rédaction de ces articles ; que
les propos du secrétaire général de l'AMF, dans un entretien accordé au Figaro le 13 octobre 2007, ne
portaient aucune atteinte à la présomption d’innocence ; que le communiqué de l'AMF publié le
3 octobre 2007 a d'ailleurs expressément rappelé que l'enquête était toujours en cours et que le Collège
ne s'était pas prononcé sur les griefs ; que le moyen tiré de cette divulgation ne peut dès lors être
accueilli ;

 
 
 
 

2.1.10. En ce qui concerne la constitution du dossier de la procédure
Considérant qu’à la suite de l’envoi, le 8 avril 2008, des notifications de griefs, les mis en cause ont été
informés, par lettres datées du 28 avril 2008, de ce que le « dossier relatif à la procédure » était à leur
disposition ; qu’à la suite de divers échanges entre les mis en cause, le Rapporteur de la Commission des
sanctions et le Secrétaire Général de l’AMF, et après restitution à EADS, Airbus, Lagardère Ressources et
Lagardère de certains éléments (« fichiers » contenus dans des matériels informatiques, y compris des
boîtes e-mail, répertoires et agendas...) appréhendés au sein de ces sociétés et qui n’avaient pas été
versés au dossier de la procédure mis à disposition le 28 avril 2008, les autres pièces jusque-là
conservées à la DESM ont été versées au dossier ; que les mis en cause en ont été informés par lettres
du 10 février 2009 qui indiquaient par ailleurs qu’un délai de deux mois, équivalent à celui prévu par
l’article R. 621-38 du code monétaire et financier pour la transmission des observations en réponse à la
notification de griefs, leur était ouvert pour « leur permettre de faire état des arguments nouveaux que la
consultation de ces pièces pourrait éventuellement susciter » ;

Considérant, d’une part, que les pièces du dossier, tel qu’il a été complété et qu’il est aujourd’hui
constitué, ont pu faire l’objet d’un débat contradictoire dans des conditions similaires à celles posées par
l’article R. 621-38 du code monétaire et financier ;

Considérant, d’autre part, qu’il ne ressort pas de l’ensemble de l’instruction que, parmi les pièces
restituées à EADS, Airbus, Lagardère et Lagardère Ressources, certaines aient été de nature à influer sur
l’appréciation des griefs notifiés et, ainsi, auraient dû, pour satisfaire à l’obligation de loyauté, figurer au
dossier soumis à la Commission des sanctions ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’exception relative aux conditions dans lesquelles le
dossier de la procédure a été constitué ne saurait être retenue ;

2.2. Sur les exceptions de procédure relatives aux notifications de griefs

Considérant que M. N soutient que la notification de griefs qui lui a été adressée le 8 avril 2008 ne
mentionnait aucune circonstance relative à sa situation personnelle, en violation du « principe
d’individualisation des poursuites » ; que, toutefois, la notification de griefs adressée à M. N exposait les
griefs qui lui étaient personnellement reprochés, le fondement juridique de ceux-ci ainsi que les éléments
factuels en considération desquels ces griefs auraient été constitués ; que, dès lors, la notification de
griefs, conformément à l’article 6 §3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales, informait correctement la personne mise en cause, et d’une manière
détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre elle ;

Considérant que si M. K fait valoir que les faits reprochés par l’AMF ont également donné lieu à l’ouverture
d’une procédure pénale à son égard, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que la Commission des
sanctions de l’AMF se prononce sur les griefs notifiés ;

2.3. Sur les exceptions de procédure portant sur la période postérieure à la notification des
griefs

Considérant que les propos tenus par le Président de l'AMF le 16 avril 2008 dans un entretien accordé au
journal Le Monde ne portaient aucune atteinte à la présomption d'innocence des personnes mises en
cause, dans la mesure où, s'ils comportaient une évaluation positive de la façon dont les enquêteurs
avaient accompli leur mission, ils ne traduisaient aucune appréciation des griefs notifiés par le Collège le
8 avril 2008 ; qu’au demeurant les propos tenus par le Président de l'AMF ne sauraient affecter la validité
de la procédure suivie devant la Commission des sanctions, autorité distincte et indépendante du Collège
et de son Président et seule compétente pour se prononcer sur les griefs notifiés ;

II. SUR LES GRIEFS LIÉS À UNE INFORMATION PRIVILEGIÉE RELATIVE À LA PERCEPTION
D’UN ÉCART ENTRE LES INDICATIONS DU PLAN D’AFFAIRES 2006-2008/2010 D’EADS ET
LES « ATTENTES DU MARCHÉ »

Considérant qu’aux termes de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, une information privilégiée
est « une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement,
un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle
était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments
financiers concernés ou sur le cours d’instruments financiers qui leur sont liés. / Une information est
réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou
qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de
ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des
instruments financiers qui leur sont liés. / Une information qui si elle était rendue publique, serait
susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours
d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu’un investisseur raisonnable serait
susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version issue de
l’arrêté du 30 décembre 2005 applicable aux faits de l’espèce, « toute personne mentionnée à l’article
622-2 doit s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée qu’elle détient en acquérant ou en cédant, ou en
tentant d’acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement soit
indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments
financiers auxquels ces instruments sont liés » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 222-3 devenu 223-2 du règlement général de l’AMF, « I. tout
émetteur doit, dès que possible, porter à la connaissance du public toute information privilégiée (...) qui le
concerne directement. II. L'émetteur peut, sous sa propre responsabilité, différer la publication d'une
information privilégiée afin de ne pas porter atteinte à ses intérêts légitimes, sous réserve que cette
omission ne risque pas d'induire le public en erreur et que l'émetteur soit en mesure d'assurer la
confidentialité de ladite information en contrôlant l'accès à cette dernière (...) » ;

Considérant, d’une part, que sur le fondement de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF, il est
reproché à MM. A, B, C, D, E, F, G, H, I J, K, L, M, N, O, P et R ainsi qu’aux sociétés Lagardère et Daimler
d’avoir utilisé l’information relative à la perception d’un écart entre d’une part, des perspectives de
dégradation de la rentabilité qui auraient pu être déduites pour les années 2006, 2007 et 2008 des
objectifs de marge et de résultats opérationnels d’EADS contenus dans le plan d’affaires de cette société
(dans la terminologie d’EADS Operative Planning ou « OP ») et d’autre part, les « attentes du marché »
telles qu’exprimées par certains analystes financiers ;

Considérant, d’autre part, que si les notifications de griefs considèrent qu’EADS « paraît avoir été fondée
(...) au regard de ses intérêts légitimes à différer l’information au public des objectifs de marge et de
résultat opérationnels de la société Airbus et du groupe EADS, tels qu’exprimés dans le plan d’affaires
2006-2008/2010 (Operative Planning) du groupe EADS », il est reproché à EADS « de ne pas avoir mis en
œuvre les mesures prévues au II de l’article 222-3, aujourd’hui 223-2 du règlement général, l’autorisant à
différer, afin de ne pas porter atteinte à ses intérêts légitimes, la publication [de cette] information
privilégiée » ;

Considérant qu’il y a lieu pour la Commission des sanctions de rechercher d’abord si l’information ainsi
invoquée par les notifications de griefs revêt les caractères d’une information privilégiée ;

1. Sur le caractère, privilégié ou non, de l’information

Considérant qu’il ressort du rapprochement des termes des notifications de griefs que l’information qu’il
est fait grief à MM. A, B, C, D, E, F, G, H, I J, K, L, M, N, O, P et R ainsi qu’aux sociétés Lagardère et

 
 

Daimler d’avoir utilisée est la perception d’un écart entre d’une part, des perspectives de dégradation de la
rentabilité qui auraient pu être déduites pour les années 2006, 2007 et 2008 des objectifs de marge et de
résultats opérationnels d’EADS contenus dans le plan d’affaires de cette société (dans la terminologie
d’EADS Operative Planning ou « OP ») et d’autre part, les « attentes du marché » telles qu’exprimées par
certains analystes financiers ;

Considérant qu’il y a lieu pour la Commission des sanctions d’examiner successivement chacun des
éléments d’identification de l’information ainsi invoquée ;

Considérant que le plan d’affaires qu’EADS établit chaque année et qui est un outil de planification interne
et d’aide à la décision, n’ayant pas vocation à être rendu public, correspond à l’agrégation d’indications
relatives à chacune des cinq divisions d’EADS ; qu’Airbus, la plus importante de ces divisions - à titre
indicatif, elle assurait environ à l’époque 64 % du chiffre d’affaires et 80 % du résultat d’exploitation
d’EADS - élaborait deux instruments de planification, l’un à usage interne (l’« AOP »), l’autre
traditionnellement plus prudent, exclusivement destiné à être présenté à EADS (l’« OBP ») pour
l’établissement de l’OP d’EADS ; qu’antérieurement ces trois plans étaient établis pour une durée de trois
ans ; que s’agissant des plans en cause rédigés en 2005, ils ajoutent aux indications relatives à 2006,
2007 et 2008, une vision à plus long-terme portant sur deux années supplémentaires, 2009 et 2010 ;

Considérant qu’en raison même de la différence de leur terme, les anticipations à respectivement un, deux
ou trois ans ne peuvent pas avoir le même degré de fiabilité ; que par ailleurs, en raison du caractère
glissant du plan, reconstruit chaque année, les données propres aux exercices autres que le premier
couvert par le plan ont vocation à être revues, mises à jour et modifiées en fonction, d’une part, des
décisions qui seraient prises par les équipes dirigeantes et, d’autre part, de l’évolution des diverses
hypothèses qui sous-tendent le plan et tenant notamment au taux de change dollar/euro et aux coûts de
recherche et développement ainsi que, s’agissant d’Airbus, au prix et au nombre de livraisons d’avions ;
qu’ainsi, en principe, les indications contenues dans un tel plan, autres que celles relatives à la première
année couverte par celui-ci, ne revêtent pas la précision exigée d’une information privilégiée ;

Considérant qu’en l’espèce, ni dans sa version présentée le 14 novembre 2005 aux membres du comité
exécutif d’EADS, ni dans sa version approuvée le 9 décembre 2005 par le conseil d’administration
d’EADS, la présentation de l’OP ne comporte en elle-même l’expression ou la mise en évidence d’une
dégradation ; qu’en vérité, alors même qu’elles étaient fondées sur un taux de change de 1,30 $/€, moins
favorable à EADS que le taux en vigueur (1,18 $/€), que celui retenu par le rapport d’enquête, ou celui pris
en compte par les analystes financiers (1,23 $/€ puis 1,22 $/€), ses indications pour les années 2006 et
2007 dépassaient légèrement celles données pour ces mêmes années par le plan précédent ; que
lorsqu’elles étaient calculées au taux de change retenu par le rapport d’enquête, proche de celui pris en
compte par les analystes financiers, les indications de résultat opérationnel et de marge opérationnelle
figurant dans la présentation marquaient une forte progression entre 2006 et 2010 ;

Considérant également qu’il ressort de la retranscription du procès-verbal de la réunion du comité exécutif
d’EADS du 14 novembre 2005 que, si la version présentée ce jour-là précisait que les indications de l’OP
étaient inférieures aux estimations des analystes, qui portaient sur les années 2006 et 2007, cette
différence a été présentée comme s’expliquant surtout par la prise en compte d’une hypothèse plus
prudente (« conservative ») de taux de change (cote D2109) ;

Considérant que la version de l’OP approuvée le 9 décembre 2005 par le conseil d’administration d’EADS
était assortie de la mention selon laquelle, à hypothèses identiques de taux de change et de contingencies
(réserves non affectées, intégrées aux plans pour se couvrir de l’incidence de la survenance d’aléas,
diminuant d’autant le résultat opérationnel prévisionnel), les indications pour les années 2006 et 2007
dépassaient les attentes des analystes (cote D2716) ;

Considérant que le rapport d’enquête - dont l’analyse sur ce point est reprise au moins implicitement par
les notifications de griefs - fait valoir que même en retraitant le taux de change, le cumul pour les années 
2006, 2007 et 2008 des prévisions et objectifs de résultat opérationnel contenus dans le plan d’affaires
d’EADS était inférieur de plus d’un milliard d’euros au cumul des moyennes des attentes des analystes
retenus par le rapport d’enquête pour ces mêmes années ;

Considérant toutefois que, pour les années 2006 et 2007, l’écart identifié par le rapport d’enquête est d’un
montant comparable à celui des contingencies identifiées par EADS ; qu’il n’est pas établi que les risques
pris en compte par EADS pour la fixation des contingencies l’aient été par les analystes ; que pour l’année
2008, le faible nombre (quatre) des analyses reprises par le rapport d’enquête et leur caractère très
dispersé (les anticipations de résultat opérationnel fluctuant entre 3,5 et 5,5 milliards d’euros) ainsi que la
nature même de l’OP font que la moyenne arithmétique d’opinions divergentes d’analystes financiers
fondées sur des hypothèses hétérogènes n’a pas une pertinence suffisante pour être, à elle seule,
assimilée aux « attentes du marché » et constituer par suite un élément utilement comparable aux
données du plan d’affaires d’EADS ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la perception, invoquée par les notifications de griefs,
d’un écart entre les « attentes du marché » et les « objectifs de marge et de résultats opérationnels
d’Airbus et du groupe EADS, tels qu’exprimés dans le plan d’affaires 2006-2008/2010 » ne constituait pas
un « ensemble de circonstances », dont il aurait été possible de tirer une conclusion quant à son effet
possible sur le cours du titre EADS et qui aurait pu mettre un « investisseur raisonnable » en mesure
d’utiliser cette information « comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement » ; qu’ainsi
cette information ne présentait pas les caractères d’une information privilégiée au sens des dispositions
précitées de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ;

2. Sur les conséquences du caractère non privilégié de l’information

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que tant le grief - notifié à MM. A, B, C, D, E, F, G, H, I J, K, L,
M, N, O, P et R ainsi qu’aux sociétés Lagardère et Daimler - tiré de l’utilisation de l’information en cause
que celui - notifié à la société EADS - tiré de l’absence de mise en œuvre des mesures prévues au II° de
l’article 222-3, aujourd’hui 223-2 du règlement général, qui présupposent l’existence d’une information
privilégiée, doivent être écartés ;

III. SUR LES GRIEFS LIES A UNE INFORMATION PRIVILEGIEE RELATIVE A DES RETARDS
SUR LE PROGRAMME DE LIVRAISONS DE L’A380

Considérant, d’une part, que sur le fondement de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF, il est
reproché à MM. A, H, I, J, M, N et O, d’avoir, à des dates comprises entre le 8 et le 21 mars, utilisé une
information « relative à l’impossibilité pour la société Airbus d’honorer ses engagements de livraison du
programme A380, tels qu’ils étaient en vigueur depuis le mois de juin 2005 » ; que, selon les notifications
de griefs, cette information aurait été transmise à MM. A, H, M, N et O lors d’une présentation relative au
programme A380 intervenue pendant la réunion du comité exécutif du 17 février 2006 à laquelle ils ont
assisté ; que, par ailleurs, elle aurait été transmise à MM. I et J lors de la réunion du comité des
actionnaires d’Airbus du 1 er mars 2006 à laquelle ils étaient présents ;

Considérant, d’autre part, que sur le fondement de l’article 222-3 devenu 223-2 du règlement général de
l’AMF, il est reproché à EADS de n’avoir pas « dès que possible » porté cette même information à la
connaissance du public ;

Considérant qu’il y a lieu pour la Commission des sanctions de rechercher d’abord si l’information ainsi
invoquée par les notifications de griefs revêt les caractères d’une information privilégiée ; que pour
procéder à cette recherche il convient de considérer exclusivement les données existant à la date des faits
reprochés, abstraction faite de celles ayant constitué la matière du communiqué du 13 juin 2006 à la suite
duquel le cours du titre EADS a baissé de 26% ;

 
 
 
 

Considérant que lors de la réunion du comité exécutif d’Airbus du 17 février 2006, pour l’essentiel
consacrée au programme relatif à l’A350, une présentation intitulée « révision du programme A380 » a fait
état de l’existence de retards sur le planning industriel tel que résultant du plan « PPx » arrêté en
mai 2005, et notamment de l’augmentation des travaux restant à effectuer sur les sections d’appareils
arrivant à la chaîne d’assemblage final ; que selon la conclusion de cette présentation, l’impact sur les
livraisons industrielles serait, du fait des mesures prises, partiellement résorbé « mais : [que] les
engagements [de livraison] pris auprès des compagnies clientes étaient impactés par de nouveaux
retards » ; que lors du comité des actionnaires tenu le 1 er mars 2006, le responsable du programme A380
a indiqué qu’il y avait « une haute probabilité qu’il y ait des retards sur les livraisons [devant intervenir] en
2007 » ;

Considérant toutefois que pour apprécier, pour l’application des dispositions précitées de l’article 621-1 du
règlement général de l’AMF, l’exacte portée de ces indications, il y a lieu de relever également :

- qu’il résulte de l’instruction que les difficultés du processus industriel ainsi évoquées, distinctes
– et de bien moindre ampleur - de celles ultérieurement apparues et ayant donné lieu au
communiqué précédemment mentionné du 13 juin 2006, n’apparaissaient pas, lors de ces
réunions des 17 février et 1 er mars 2006, comme étant d’une nature substantiellement différente
de celles usuellement rencontrées en matière aéronautique et susceptibles d’être surmontées par
la mise en œuvre de mesures d’amélioration du processus de production ;

- qu’il ressort notamment du rapprochement de l’ensemble des questions évoquées tant lors de la
réunion du comité exécutif du 17 février 2006 que lors de celle du comité des actionnaires du
1 er mars 2006, que ces retards ou difficultés du processus industriel constituaient alors une
préoccupation habituelle à ce stade de la fabrication et sans commune mesure avec celle,
primordiale car conditionnant l’ensemble du programme de livraison, relative à la nécessité
d’obtenir en temps utile la certification de l’appareil, laquelle est intervenue en décembre 2006
avant la date prévisionnelle de livraison du premier appareil ;

- que si, lors de la réunion du comité des actionnaires du 1 er mars 2006, il a été entendu que des
dispositions appropriées seraient prises pour limiter l’impact des retards industriels sur le
calendrier des livraisons aux compagnies clientes, il n’a pas été envisagé d’évoquer à nouveau
cette question lors de la réunion du conseil d’administration d’EADS prévue pour le 7 mars 2006,
alors même que ces informations figuraient dans le « General Report » présenté à ce conseil
d'administration ;

- que le programme « G1 » - conçu pour adapter à la situation évoquée les 17 février et
1 er mars 2006 le planning de production « PPx » - tel qu’il a été entériné le 27 mars 2006,
maintenait à 26 – contre 27 antérieurement - le nombre des livraisons prévues pour 2006 et
2007, à la différence du plan « H1 » qui a donné lieu au communiqué du 13 juin 2006 et qui ne
prévoyait plus que la livraison de 10 appareils jusqu’à la fin de l’année 2007 ; que, s’agissant du
calendrier des livraisons, le programme « G1 » prévoyait que 7 d’entre elles seraient retardées
de deux mois au plus, les 19 autres étant affectées de délais supplémentaires variant entre 3 et 5
mois ;

Considérant, au total, qu’il ne résulte pas de l’instruction que, dans le contexte existant à la date des faits
reprochés, l’information invoquée par les notifications de griefs ait porté, au sens des dispositions
précitées de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, sur un « ensemble de circonstances »
suffisamment précis pour qu’un investisseur raisonnable l’utilise comme l’un des fondements de ses
décisions d’investissement et qu’elle ait ainsi été susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du
titre EADS ;

 
 

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’information qu’il est reproché aux personnes mises en
cause d’avoir utilisée entre le 8 et le 21 mars ne présentait pas les caractères d’une information
privilégiée ;

Considérant par suite que tant le grief - notifié à MM. A, H, I, J, M, N et O, - tiré de l’utilisation d’une
information privilégiée que celui -notifié à la société EADS – tiré, sur le fondement de l’article 222-3,
aujourd’hui 223-2 du règlement général, de l’absence de communication au public d’une telle information,
doivent être écartés ;

IV. SUR LES GRIEFS LIES A UNE INFORMATION RELATIVE A L'AUGMENTATION
SIGNIFICATIVE DES COUTS DE DEVELOPPEMENT DU PROGRAMME A350

Considérant, d’une part, que sur le fondement de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF, il est
reproché à MM. A, H, I, J, M, N et O, ainsi qu’aux sociétés Lagardère et Daimler d’avoir utilisé l’information
privilégiée « relative à l'augmentation significative des coûts de développement du programme A350
conduisant à constater sa valeur actuelle nette négative » ;

Considérant, d’autre part, que selon la notification de griefs adressée à EADS, si celle-ci était fondée à
n'avoir pas, à l'issue des réunions du comité des actionnaires du 1er mars 2006 et du conseil
d'administration du 7 mars 2006, publié l'information privilégiée relative à l'augmentation significative des
coûts de développement du programme A350 conduisant à constater sa valeur actuelle nette négative,
elle aurait en revanche méconnu les dispositions du II de l'article 223-2 du règlement général de l'AMF en
s’abstenant de prendre « les mesures nécessaires pour préserver la confidentialité de l'information, en
indiquant de manière spécifique aux membres du comité des actionnaires d’Airbus et de son conseil
d'administration qu'ils détenaient une information privilégiée, et qu'il y avait lieu d'en assurer la
confidentialité » ;

Considérant qu’il y a lieu pour la Commission des sanctions de rechercher d’abord si l’information ainsi
invoquée par les notifications de griefs revêt les caractères d’une information privilégiée ;

1. Sur le caractère, privilégié ou non, de l’information

Considérant que l’information privilégiée qu'il est reproché à MM. A, H, N, M, O, J, I, ainsi qu'aux sociétés
Lagardère et Daimler d'avoir utilisée est celle « relative à l'augmentation significative des coûts de
développement du programme A350 conduisant à constater sa valeur actuelle nette négative » ; que
l’augmentation des coûts de développement « de 4,35 à 5,6 milliards d’euros » à laquelle il est
expressément fait référence dans les notifications de griefs correspondait à l’adjonction, à la version
initiale du programme lancé par le conseil d’administration d’EADS le 6 octobre 2005, d’un nouveau
cockpit et d’une nouvelle cabine, hypothèse désignée en interne comme le « scenario 1a) » ; que, selon
les notifications de griefs, cette information aurait été transmise aux personnes mises en cause, compte
tenu de leur présence à ces réunions, lors de la réunion du comité exécutif d'Airbus du 17 février 2006, du
comité des actionnaires d'Airbus du 1er mars 2006, ou du conseil d'administration d'EADS du 7 mars
2006 ;

Considérant que le grief notifié reposait sur certains termes des déclarations aux enquêteurs de MM. A et
M, respectivement ancien responsable des programmes long-courriers et directeur commercial d’Airbus,
lesquels pouvaient donner à penser que la version « en vigueur » du programme A350 avait, au moment
des faits visés par les notifications de griefs, évolué pour faire face de façon efficace à la concurrence du
« Boeing 787 » et correspondait au « scenario 1a) » ; que toutefois il ressort des nouvelles auditions de
ceux-ci et, plus généralement, de l’ensemble des éléments soumis à la Commission des sanctions, d’une
part, qu’au moment des faits visés par les notifications de griefs, aucune proposition commerciale n’avait
été formulée sur la base d’une version nouvelle et, d’autre part, qu’aucune décision du conseil
d’administration d’EADS n'avait été prise de faire évoluer le programme A350, notamment par l’adjonction 
d’un cockpit interactif et d’une nouvelle cabine, d’une façon qui aurait, par l’augmentation des coûts de
développement du programme, conduit à constater sa valeur actuelle nette négative ; que, par suite, la
version du programme A350 en vigueur au moment des faits visés par les notifications de griefs, était celle
lancée par le conseil d’administration d’EADS le 6 octobre 2005, dont il est constant que la valeur actuelle
nette demeurait positive ;

2. Sur les conséquences du caractère non privilégié de l’information

Considérant, d’une part, qu'en l'état des constatations précédentes, il ne peut être considéré que les
personnes mises en cause sont entrées, lors des réunions des 17 février, 1 er et 7 mars 2006 précitées, en
possession d'une information privilégiée relative à l'augmentation significative des coûts de
développement du programme A350 alors en vigueur conduisant à constater sa valeur actuelle nette
négative ; que le grief relatif à l'utilisation d'une information privilégiée doit par suite être écarté ;

Considérant, de même, qu'en l'état des mêmes constatations, aucun grief ne peut être reproché à EADS
sur le fondement du II de l’article 222-3 devenu 223-2 du règlement général de l’AMF ;

V. SUR LES GRIEFS DE FAUSSE INFORMATION AU PUBLIC NOTIFIES A EADS

Considérant qu’il est également fait grief à EADS d’avoir « communiqué au public, le 8 mars 2006, des
informations inexactes, imprécises ou trompeuses sur (a), la poursuite par le groupe d’un objectif de
marge opérationnelle à 10%, et (b), sa prévision de résultat opérationnel au titre de l’exercice 2006,
traduisant ainsi, notamment dans la relation avec les analystes, la préoccupation constante du groupe de
ne pas décevoir l’optimisme des acteurs de marché » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 222-2 du règlement général de l’AMF désormais repris à l’article
223-1 de ce règlement, « l’information donnée au public par l’émetteur doit être exacte, précise et
sincère » et qu’aux termes de l’article 632-1 du règlement précité : « toute personne doit s’abstenir de
communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou
sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments
financiers ( ... ) y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou
trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou
trompeuses (...) » ;

1. Sur l’objectif de marge opérationnelle de 10%

Considérant qu’EADS avait indiqué au public le 13 janvier que le « résultat [opérationnel estimé] (...) trace
la voie vers l’objectif de marge opérationnelle de 10% » puis le 9 mars 2005 que « Nous avons toujours dit
(...) 40 milliards de chiffre d’affaires devrait être une cible pour EADS dès que l’A380 se répercutera
pleinement dans nos comptes, ce qui devrait intervenir, comme vous le savez aux environs de l’année
2007. A ce moment là, nous devrions normalement aussi viser la cible de marge que nous nous sommes
fixée, à savoir les 10% » ; qu’un article publié le 16 juin 2005 dans le Dow Jones Newswire citait les
propos tenus par le directeur financier d’EADS, M. [...] selon lequel « nous devrons attendre probablement
2007 ou une année supplémentaire pour qu’EADS puisse voir une marge opérationnelle à 10% » ;

Considérant que, le 8 mars 2006, au cours d’une conférence de presse tenue à l’occasion de la
publication des résultats de l’exercice 2005 d’EADS, le directeur général d’EADS, M. G, a précisé :
« Rentabilité : premier de la classe. Nous n’avons pas renoncé à cela. L’année dernière, comme vous
avez pu le constater, nous avons fait 8% de marge opérationnelle. C’est un chiffre record (...) pour EADS
en six ans d’existence. Nous allons de l’avant et, au travers de programmes d’amélioration chez Airbus et
dans d’autres secteurs, nous allons obtenir de nouveaux gains de rentabilité. 10% reste l’objectif et nous
pensons que ce n’est pas irréaliste au regard des développements à venir d’Airbus, de l’effet qu’aura
Route 06 sur les bénéfices d’Airbus et de l’augmentation des autres activités » ;

 
 
 
 

Considérant que la délivrance au public de prévisions, et le cas échéant d’objectifs, est susceptible, de
comporter une indication inexacte, imprécise ou trompeuse au sens des dispositions précitées de
l’article 222-2 devenu 223-1 du règlement général de l’AMF ; qu’il en est ainsi notamment lorsque ces
prévisions ou objectifs reposent, au moment où ils sont formulés, sur des données fausses, lorsqu’ils ne
peuvent manifestement être atteints, ou lorsque la façon dont ils sont présentés est susceptible d’induire le
public en erreur ; qu’en revanche, la seule circonstance que ces informations ne se réalisent pas ne suffit
pas, notamment en ce qui concerne les objectifs, à la caractérisation du manquement ; qu’en l’espèce si la
réitération par l’un des dirigeants d’EADS, lors d’une conférence de presse, de l’objectif relatif à une
marge de 10 % n’était pas assortie de l’indication du délai dans lequel cet objectif se réaliserait, alors
qu’un tel délai figurait dans les précédentes déclarations, la réaffirmation de cet objectif n’était pas
irréaliste compte tenu, d’une part, de ce qu’en 2005 une marge de 8 % avait été atteinte et, d’autre part,
de ce qu’en retenant un taux de change à 1,20 $/€, la marge opérationnelle calculée par EADS pour 2010
était de 9,8 % ; qu’ainsi le grief n’est pas caractérisé ;

2. Sur les prévisions de résultat opérationnel pour 2006, comprises entre 3,2 et 3,4 milliards
d’euros sur la base d’un taux de change de 1,30 $/€

Considérant qu’il est également fait grief à EADS d’avoir fait état de ses prévisions de résultat opérationnel
pour 2006, comprises entre 3,2 et 3,4 milliards d’euros, sur la base d’un taux de change de 1,30 $/€ alors
que, selon la notification de griefs, la borne haute de cette fourchette n’était susceptible d’être atteinte que
dans l’hypothèse où aucun des risques pesant sur les prévisions de résultat opérationnel d’Airbus ne se
serait réalisé, et où les opportunités identifiées dans les autres divisions du groupe se seraient
matérialisées, quant à elles, en totalité, de sorte qu’EADS aurait livré au public une information par trop
optimiste pour être sincère, qui n’aurait pu que conforter le marché dans la vision positive qu’il avait à
l’époque de la société, l’induisant ainsi en erreur ;

Considérant cependant qu’il ressort des termes mêmes du rapport d’enquête qu’ « il ne peut être
démontré que le 8 mars 2006 il était impossible pour EADS de réaliser à fin de l’exercice un Ebit compris
entre 3,2 et 3,4 milliards d’euros » ; qu’en l’état de ces constatations et des justifications apportées par
EADS à l’appui du calcul de cette fourchette, le manquement n’est pas constitué ;

VI. SUR LA PUBLICATION

Considérant qu’aux termes du V de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, « la Commission des
sanctions peut rendre publique sa décision (...) à moins que cette publication ne risque de perturber
gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause » ; que,
par ces dispositions, le législateur a entendu permettre à la Commission de tenir compte des exigences
d’intérêt général relatives à la loyauté du marché, à la transparence des opérations et à la protection des
épargnants qui fondent son pouvoir de sanction ainsi que de l’intérêt qui s’attache pour la sécurité
juridique de l’ensemble des opérateurs à ce que ceux-ci puissent, en ayant accès à ses décisions,
connaître son interprétation des règles qu’ils doivent observer ; qu’aucune circonstance de l’espèce n’est
de nature à faire obstacle à ce que la présente décision soit rendue publique ;

PAR CES MOTIFS,
Et après en avoir délibéré sous la présidence de M. Daniel Labetoulle, par Mme Claude Nocquet,
Présidente de la 2 ème Section de la Commission des sanctions, M. Jean-Claude Hassan,
Mme Marielle Cohen-Branche, MM. Alain Ferri, Guillaume Jalenques de Labeau, Pierre Lasserre,
Jean-Claude Hanus, Joseph Thouvenel et Jean-Jacques Surzur, Membres de la Commission des
sanctions, en présence de la Secrétaire de séance,

DÉCIDE DE :

- mettre hors de cause MM. A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P et R ainsi que les
sociétés EADS NV, Lagardère SCA et Daimler AG ;

- publier la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers et dans
le recueil annuel des décisions de la Commission des sanctions.