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Décisions

AMF, 24 septembre 2020, n° SAN-2020-09

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Membres :

Mme Elbaz Rousso, M. Guérin, Mme Schiller

Président :

M. Gaeremynck

AMF n° SAN-2020-09

23 septembre 2020

La 2e section de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après, « AMF ») :

Vu le code monétaire et financier et notamment ses articles L. 532-9, L. 621-15 et R. 621-38 à R. 621-40 ;

Vu le règlement général de l’AMF et notamment ses articles 143-3, 313-1, 313-2, 313-3, 313-6, 313-8, 313-18, 313-21, 314-3 et 314-3-1 ;

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 10 juillet 2020 :

- M. Lucien Millou, en son rapport ;

- Mme Alexa Zimmer représentant le collège de l’AMF ;

- la Société de gestion des fonds d’investissement de Bretagne, représentée par M. Florent de Kersauson, président, et assistée par son conseil Maître Hubert de Vauplane du cabinet Kramer Levin ;

- M. Florent de Kersauson, assisté par son conseil Maître Hubert de Vauplane du cabinet Kramer Levin ;

Les mis en cause ayant eu la parole en dernier.

FAITS

Société de gestion des fonds d’investissement de Bretagne (ci-après, « Nestadio Capital ») est une société de gestion de portefeuille constituée en 2004 sous la forme de société par actions simplifiée.

Nestadio Capital est agréée depuis le 20 octobre 2004. Elle est spécialisée dans la gestion de fonds de capital investissement. Elle investit principalement dans des petites et moyennes entreprises, pour le compte de fonds constitués sous forme de fonds d’investissement de proximité (ci-après, « FIP ») ou de fonds communs de placement dans l’innovation (ci-après, « FCPI »). Au 31 décembre 2017, Nestadio Capital gérait environ 44,3 millions d’euros pour le compte de 21 fonds. Nestadio Capital est présidée depuis sa création par M. Florent de Kersauson. Au 15 janvier 2020, elle était détenue, directement ou indirectement, par ce dernier à hauteur de 75 %.

Elle employait en avril 2017 six salariés et elle a dégagé sur l’exercice 2017 un chiffre d’affaires de 1 554 436 euros pour un résultat net de 16 949 euros.

PROCÉDURE

Le 31 janvier 2018, le secrétaire général de l’AMF a décidé de procéder au contrôle du respect par Nestadio Capital de ses obligations professionnelles.

Ce contrôle a donné lieu à l’établissement d’un rapport en date du 14 septembre 2018.

Ce rapport a été adressé à Nestadio Capital, M. de Kersauson, ainsi qu’au directeur général adjoint de Nestadio Capital à l’époque des faits, par lettres du 21 septembre 2018 les informant qu’ils disposaient d’un délai d’un mois à compter de leur réception pour présenter des observations.

Le 14 octobre 2018, le directeur général adjoint de Nestadio Capital a transmis à l’AMF ses observations en réponse au rapport de contrôle. Par courriel du 12 novembre 2018, Nestadio Capital et M. de Kersauson ont transmis à leur tour des observations communes.

La commission spécialisée n° 2 du collège de l’AMF a décidé, le 21 mars 2019, de notifier des griefs à Nestadio Capital et M. de Kersauson.

Les notifications de griefs ont été adressées à Nestadio Capital et M. de Kersauson par lettres du 8 avril 2019.

Il y est reproché à Nestadio Capital :

- de ne pas avoir mis en place des procédures opérationnelles et suffisantes pour encadrer le dispositif d’investissement, en méconnaissance des dispositions des articles 313-1 et 314-3-1, 6° et 8° du règlement général de l’AMF ;

- de ne pas avoir pris en compte l’intérêt du FIP Nestadio Conviction dans le processus d’investissement dans la société Lalilo, en méconnaissance des dispositions des articles 313-1 et 314-3-1, 6° du règlement général de l’AMF ;

- d’avoir porté atteinte à l’intérêt des porteurs de parts lors de la réalisation d’avances en compte courant et de virements au profit de la société 6s Cosmétiques, en méconnaissance des dispositions de l’article 314-3 du règlement général de l’AMF, et de ne pas être parvenue à gérer de manière effective une situation de conflit d’intérêts identifiée, en méconnaissance des dispositions des articles 313-18 et 313-21 du même règlement général ;

- de ne pas avoir agi avec la diligence, le soin, la compétence et le professionnalisme qui s’imposent pour servir au mieux l’intérêt des porteurs en ne leur distribuant pas les liquidités issues de la liquidation des FIP au fur et à mesure des opérations de désinvestissement, en méconnaissance des dispositions de l’article 314-3 du règlement général de l’AMF ;

- de ne pas s’être dotée d’une procédure efficace et transparente en vue du traitement raisonnable et rapide des réclamations des clients, en méconnaissance des dispositions de l’article 313-8 du règlement général de l’AMF ;

- de ne pas avoir disposé, entre septembre 2017 et avril 2018, d’un responsable de la conformité permettant d’assurer que le contrôle des activités de la société de gestion soit réalisé de manière permanente, en méconnaissance des dispositions des articles 313-2, 313-3 et 313-6 du règlement général de l’AMF, et par ailleurs de ne pas avoir été en mesure d’identifier le caractère inapproprié et non opérationnel des procédures en vigueur, et à tout le moins de n’avoir initié aucune action afin de remédier à ces dysfonctionnements, en méconnaissance des dispositions de l’article 313-2 du règlement général de l’AMF ;

- d’avoir manqué à l’obligation d’apporter son concours aux contrôleurs avec diligence et loyauté, en méconnaissance des dispositions de l’article 143-3 du règlement général de l’AMF.

L’ensemble de ces manquements est également reproché à M. de Kersauson à raison de ses fonctions de président de Nestadio Capital et de dirigeant responsable à l’époque des faits, en application des dispositions des articles L. 532-9, II, 4° du code monétaire et financier et 313-6 du règlement général de l’AMF.

Une copie de la notification de griefs a été transmise le 8 avril 2019 à la présidente de la commission des sanctions, conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier.

Par décision du 11 avril 2019, la présidente de la commission des sanctions a désigné M. Lucien Millou en qualité de rapporteur.

Par lettres du 2 mai 2019, Nestadio Capital et M. de Kersauson ont été informés qu’ils disposaient d’un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation du rapporteur, dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 de ce même code.

Le 10 juillet 2019, après avoir sollicité et obtenu une prolongation du délai de réponse, Nestadio Capital et M. de Kersauson ont déposé des observations en réponse aux notifications de griefs.

Nestadio Capital et M. de Kersauson ont été entendus par le rapporteur le 15 janvier 2020. A la suite de son audition, M. de Kersauson a déposé des documents complémentaires le 17 février 2020.

Le rapporteur, informé par Nestadio Capital de l’existence de mesures prises à l’encontre de cette dernière par l’AMF sur le fondement de l’article L. 621-13-1 du code monétaire et financier parallèlement à la présente procédure de sanction, a sollicité du secrétaire général de l’AMF, conformément aux dispositions de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier, que soit produit au dossier tout document relatif à ces mesures et à leurs suites.

Par courrier du 7 février 2020, le secrétaire général de l’AMF a apporté les réponses suivantes :

- un administrateur provisoire a été nommé le 28 mai 2019 auprès de Nestadio Capital, à l’initiative de l’AMF, au motif que la gestion de cette société ne pouvait plus être assurée dans des conditions normales au sens de l’article L. 621-13-1 du code monétaire et financier. Cette décision a pris effet le 3 juin 2019 et a été confirmée par le collège de l’AMF le 26 juin 2019. La mission de l’administrateur provisoire a été renouvelée le 3 septembre 2019. Il a été mis fin à cette mission le 17 décembre 2019. Cette dernière décision a été notifiée à Nestadio Capital le 14 janvier 2020 ;

- il a été envisagé, au cours de l’année précédente, de saisir le collège de l’AMF afin d’engager à l’encontre de Nestadio Capital la procédure d’injonction prévue au II de l’article L. 621-14 du code monétaire et financier pour des motifs liés à la distribution aux porteurs des liquidités détenues par certains fonds.

A cette fin, une mise en demeure préalable a été adressée à la société de gestion, mais aucune injonction n’a finalement été prononcée ;- ces mesures de police administrative sont distinctes de la présente procédure de sanction.

Le rapporteur a déposé son rapport le 12 février 2020.

Par lettres du 13 février 2020, à laquelle était joint le rapport du rapporteur, Nestadio Capital et M. de Kersauson ont été convoqués à la séance de la commission des sanctions du 3 avril 2020 et informés qu’ils disposaient d’un délai de quinze jours pour présenter des observations en réponse au rapport du rapporteur, conformément au III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par lettres du 6 mars 2020, les mis en cause ont été informés de la composition de la formation de la commission des sanctions appelée à délibérer lors de la séance du 3 avril 2020, ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres.

Le 3 mars 2020, le conseil des mis en cause a sollicité un report de la séance en raison d’un déplacement professionnel à l’étranger. Ce report a été refusé le 6 mars 2020 par le président de la 2ème section de la commission des sanctions.

Les 6 et 9 mars 2020, M. de Kersauson a sollicité à son tour un report de la séance en raison des conséquences de la crise sanitaire liée au coronavirus. Le président de la 2ème section de la commission des sanctions a fait droit à cette demande le 16 mars 2020.

Le 9 mars 2020, après avoir sollicité et obtenu une prolongation du délai de réponse, Nestadio Capital et M. de Kersauson ont déposé des observations communes en réponse au rapport du rapporteur.

Le 20 mars 2020, l’AMF a publié sur son site Internet un communiqué dans lequel elle fait connaître que lors de sa séance du 17 décembre 2019, le Collège de l’AMF a constaté que Nestadio Capital ne respectait plus les conditions de son agrément en qualité de société de gestion de portefeuille et qu’il a par conséquent été décidé, en application de l’article L. 532-10 du code monétaire et financier, de prononcer le retrait de cet agrément. Ce retrait d’agrément prendra effet à la date de transfert de l’ensemble des fonds actuellement gérés par Nestadio Capital à une ou plusieurs autres sociétés de gestion ou, à défaut, à compter de la date à laquelle l’ensemble desdits fonds auront été liquidés, et au plus tard le 1 er juillet 2020, sauf prorogation. Jusqu’à cette date, la société de gestion est placéepar l’AMF sous le contrôle d’un mandataire, afin de s’assurer qu’elle n’effectue pendant cette période que des opérations strictement nécessaires à la préservation des intérêts des porteurs des fonds qu’elle gère. Le communiqué précise que cette décision de retrait d’agrément fait l’objet d’un recours formé par Nestadio Capital devant le Conseil d’Etat.

La séance de la commission ayant été reportée, Nestadio Capital et M. de Kersauson ont été, par lettres du 18 mai 2020, convoqués à une nouvelle séance le 10 juillet 2020.

Par lettres du 18 mai 2020, les mis en cause ont été informés de la composition de la formation de la commission des sanctions appelée à délibérer lors de la séance du 10 juillet 2020, ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander le cas échéant, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur les moyens de procédure

1. Sur la violation de la présomption d’innocence

1. Nestadio Capital et M. de Kersauson soutiennent que la procédure suivie à leur encontre a méconnu le principe de la présomption d’innocence prévu à l’article 6, §2 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales (ci-après, « CSDH »), dans la mesure où le retrait d’agrément prononcé à l’encontre de Nestadio Capital pour non-respect des conditions de son agrément, fait peser sur elle une présomption de culpabilité s’agissant du non-respect, relevé dans la notification griefs, de ses obligations professionnelles.

2. Ils ajoutent que l’existence de deux procédures distinctes (procédure de police administrative et procédure de sanction) relève en l’espèce d’un « artifice procédural », au motif que les manquements relevés au titre de la procédure de police administrative, bien que distincts des griefs notifiés dans le cadre de la procédure de sanction, résultent du même rapport de contrôle en date du 14 septembre 2018.

3. L’article 6, §2 de la CSDH dispose que « Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ».

4. En l’espèce, Nestadio Capital a indiqué dans ses observations en réponse à la notification de griefs puis de manière spontanée lors de son audition par le rapporteur, que des mesures avaient été prises à son encontre par l’AMF sur le fondement de l’article L. 621-13-1 du code monétaire et financier. C’est au vu de ces déclarations que, comme il a été dit ci-dessus, le rapporteur a sollicité du secrétaire général de l’AMF que soit produit au dossier tout document relatif aux mesures en question. Dans ses observations en réponse au rapport du rapporteur, Nestadio Capital a fait état du retrait d’agrément dont elle avait fait l’objet.

5. Il ressort du dossier que les motifs ayant justifié la décision de retrait d’agrément sont distincts des griefs retenus contre la société de gestion dans la notification de griefs. La procédure de retrait d’agrément est motivée par le défaut de respect par l’intéressée des conditions de son agrément et elle n’a ni pour objet, ni pour effet de tirer les conséquences de tout ou partie des manquements relevés dans l’exposé des griefs notifiés à Nestadio Capital dans le cadre de la procédure de sanction. Par ailleurs et en tout état de cause, aucun texte ne fait obstacle à la mise en œuvre concomitante d’une procédure de retrait d’agrément et d’une procédure de sanction. Dès lors, la décision du collège de l’AMF, autorité de poursuite, d’engager une procédure de retrait d’agrément ne saurait être regardée comme faisant peser sur Nestadio Capital une présomption de culpabilité dans le cadre de la présente procédure de sanction.

6. Par conséquent, aucune atteinte à la présomption d’innocence des mis en cause n’étant établie, ce moyen de procédure doit être écarté.

2. Sur le non-respect des principes d’égalité des armes, de procès équitable et de contradictoire

7. Nestadio Capital et M. de Kersauson soutiennent n’avoir eu connaissance ni des travaux de l’administrateur provisoire, ni de ses rapports hebdomadaires, lesquels pourraient contenir des éléments à décharge susceptibles d’être utiles à leur défense. Ils en déduisent une violation des principes d’égalité des armes et de respect du contradictoire, et estiment que la procédure de sanction est irrégulière pour violation du principe du procès équitable prévu à l’article 6, §1 de la CSDH.

8. L’article 6, §1 de la CSDH dispose que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

9. Le principe d’égalité des armes implique que chaque partie se voie offrir la possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de désavantage par rapport à son adversaire.

Ce principe est respecté lorsque les personnes mises en cause ont pu présenter des observations en réponse au rapport de contrôle, qu’elles ont, une fois les griefs notifiés, obtenu la copie de l’intégralité du dossier transmis à la commission des sanctions, qu’elles ont pu être entendues par le rapporteur et qu’elles ont pu présenter des observations à plusieurs stades de la procédure, en dernier lieu lors de la séance de la commission des sanctions.

La circonstance que la société mise en cause, pas plus que la commission des sanctions, n’a pas eu accès à des documents liés à l’activité de l’administrateur provisoire dans le cadre d’une procédure administrative impliquant la mise en cause, distincte de la procédure de sanction, n’est pas de nature à constituer une violation du principe du procès équitable.

3. Sur la compétence de la commission des sanctions

10. Nestadio Capital soulève l’incompétence de la commission des sanctions pour examiner les griefs qui lui ont été notifiés, estimant que la commission ne peut prononcer une sanction qu’à l’encontre de sociétés disposant d’un agrément et que Nestadio Capital ne dispose plus du sien à la suite de la décision précitée du collège de l’AMF du 17 décembre 2019. Nestadio Capital précise que même si cette décision prévoit une prise d’effet à une date postérieure, c’est-à-dire à la date de transfert de l’ensemble des fonds actuellement géré par Nestadio Capital à une ou plusieurs sociétés de gestion ou, à défaut, à la date à laquelle l’ensemble desdits fonds auront été liquidés et au plus tard le 1er juillet 2020, ce retrait est en réalité effectif depuis le 17 décembre 2019, la prise d’effet ne constituant qu’une modalité de ce retrait. Elle conclut en faisant valoir que si la commission s’estimait malgré tout compétente, elle ne pourrait, en raison du retrait d’agrément, prononcer à son encontre qu’une sanction pécuniaire à l’exclusion d’une sanction disciplinaire.

11. L’article L. 532-10 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur au 1 er novembre 2007, non modifiée depuis sur ce point, dispose : « Le retrait d'agrément d'une société de gestion de portefeuille est prononcé par l'Autorité des marchés financiers [...] si la société ne remplit plus les conditions ou les engagements auxquels étaient subordonnés son agrément [...] / Le retrait d'agrément prend effet à l'expiration d'une période dont la durée est déterminée par l'Autorité des marchés financiers. / Pendant cette période : / 1. La société de gestion de portefeuille est soumise au contrôle de l'Autorité des marchés financiers. L'Autorité des marchés financiers peut prononcer les sanctions prévues à l'article L. 621-15 à l'encontre de toute société ayant fait l'objet d'un retrait d'agrément, y compris la radiation ».

12. Il ressort de ces dispositions que la commission des sanctions est compétente pour prononcer une sanction, y compris disciplinaire, à l’encontre de Nestadio Capital, nonobstant le retrait d’agrément dont elle a été l’objet, dès lors que les faits reprochés ont été commis antérieurement à la date de ce retrait. Tel est le cas en l’espèce, les faits reprochés ayant été commis entre novembre 2014 et septembre 2018 alors que le retrait d’agrément a été prononcé le 17 décembre 2019.

II. Sur les griefs notifiés

1. Sur les griefs relatifs au processus d’investissement

1.1. Sur le grief tiré du caractère non opérationnel et insuffisant des procédures mises en place pour encadrer le processus d’investissement

13. Il est fait grief à Nestadio Capital, dont le « logigramme d’investissement » prévoyait la réunion de trois comités avant tout investissement, de ne pas avoir fourni à sa responsable de la conformité et du contrôle interne (ci-après, « RCCI »), pour plus de 40 % des investissements réalisés entre janvier 2015 et septembre 2017, d’élément attestant de la réunion de ces comités, empêchant ainsi de retracer les fondements des décisions d’investissement et, plus particulièrement, le processus de décision visant à apprécier la pertinence de l’investissement au regard de l’intérêt des porteurs.

14. Il est en outre reproché à Nestadio Capital le manque de précisions de son document intitulé « Procédure liée à l’activité d’investissement de Nestadio Capital » quant au processus à suivre, ce qui ne permettait pas de s’assurer que la sélection des investissements était effectuée dans des conditions propres à justifier des diligences réalisées en vue de servir l’intérêt des porteurs.

15. La notification de griefs estime que pour ces motifs Nestadio Capital a manqué aux dispositions de l’articles 313-1 et du 6° et 8° de l’article 314-3-1 du règlement général de l’AMF, dans leur version applicable à l’époque des faits.

16. Nestadio Capital conteste ce grief, au motif notamment que la détermination du caractère non opérationnel d’une procédure est à la seule charge de I’AMF, que les textes visés par l’AMF n’imposent nullement l’établissement d’un compte-rendu écrit des discussions en comité ou des décisions d’investissement, ni même la tenue d’un comité d’investissement en tant qu’organe de gouvernance distinct ou autonome au sein de la société de gestion. Elle précise qu’en l’espèce les décisions d’investissement étaient systématiquement précédées d’une réunion du comité d’investissement et auparavant du comité de pré-investissement et du comité d’engagement.

1.1.1. Textes applicables

17. Les faits reprochés, qui se sont déroulés de janvier 2015 à septembre 2017, doivent être examinés au regard des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive de dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

18. L’article 313-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 octobre 2011 au 2 janvier 2018, dispose que : « Le prestataire de services d'investissement établit et maintient opérationnelles des politiques, procédures et mesures adéquates visant à détecter tout risque de non-conformité aux obligations professionnelles mentionnées au II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ainsi que les risques en découlant et à minimiser ces risques ».

19. L’article 314-3-1, 6° et 8° du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 décembre 2013 au 2 janvier 2018, dispose que : « Pour l'activité de gestion d’un placement collectif mentionné à l'article 311-1 A, le prestataire de services d'investissement : [...] / 6. Veille à ce que la sélection et le suivi continu des investissements soient effectués avec une grande diligence et dans l'intérêt des placements collectifs mentionnés à l'article 311-1 A et de l'intégrité du marché ; [...] 8. Élabore des politiques et des procédures écrites quant à la diligence qu'il exerce et met en place des dispositifs efficaces garantissant que les décisions d'investissement prises pour le compte des placements collectifs mentionnés à l'article 311-1 A sont exécutées conformément aux objectifs, à la stratégie d'investissement et aux limites de risque de ces placements collectifs ; [...] ».

20. Les articles 313-1 et 314-3-1 se trouvaient, dans leur rédaction en vigueur à l’époque des faits, dans le Titre Ier du Livre III du règlement général de l’AMF. Or, à l’époque des faits, Nestadio Capital gérait des FIP et FCPI, c’est-à-dire des fonds d’investissement alternatifs au sens de l’article L. 214-24 du code monétaire et financier, pour un total d’environ 44,3 millions d’euros, soit un montant inférieur aux seuils prévus à l’article R. 532-12-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 31 juillet 2013 au 8 avril 2017. Par ailleurs, il ressort de la grille d’agrément de Nestadio Capital applicable à l’époque des faits que cette dernière n’avait pas opté pour l’application intégrale de la directive 2011/61/UE du 8 juin 2011. Enfin, selon Nestadio Capital, sa clientèle était alors composée uniquement de non-professionnels, de sorte que ne s’appliquait pas à elle l’exception prévue au

3° du III. de l’article L. 214-24 du code monétaire et financier. En conséquence, au regard des dispositions des articles 311-1-A et 316-2 du règlement général de l’AMF, dans leur version en vigueur à l’époque des faits, Nestadio Capital n’était pas soumise aux dispositions du Titre Ier bis du Livre III du règlement général, mais restait soumise aux dispositions du Titre Ier dudit livre. Les dispositions précitées des articles 313-1 et 314-3-1 étaient donc applicables à Nestadio Capital.

21. Dans le cadre de l’adaptation du droit français au règlement (UE) n° 600/2014 du 15 mai 2014, l’arrêté du 20 décembre 2017 portant homologation de modifications du règlement général de l’AMF, entré en vigueur le 3 janvier 2018, a modifié le champ d’application du Titre Ier précité, dont les dispositions sont désormais applicables aux seuls « prestataires de services d'investissement autres que les sociétés de gestion de portefeuille », de sorte que les dispositions précitées des articles 313-1 et 314-3-1 ne sont plus applicables à Nestadio Capital depuis le 3 janvier 2018. Ces dispositions ont toutefois été reprises à droit constant, à compter de cette date, respectivement aux articles 321-30 et 321-101, 6° et 8° du règlement général de l’AMF, qui figurent au sein d’un nouveau Titre Ier ter consacré aux « Sociétés de gestion de portefeuille d’OPCVM ». Or, l’activité exercée par Nestadio Capital à l’époque des faits est aujourd’hui soumise aux dispositions du nouveau Titre Ier quater relatif aux « Autres sociétés de gestion de placements collectifs », mais également, par effet du renvoi prévu à l’article 321-154 du règlement général de l’AMF, aux dispositions du nouveau Titre Ier ter précité. Ces nouvelles dispositions, dès lors qu’elles ne sont pas moins sévères que les anciennes, ne sont pas susceptibles d’application rétroactive en l’espèce.

1.1.2. Examen du grief

22. S’agissant du caractère opérationnel ou non des procédures visant à encadrer le processus d’investissement de Nestadio Capital, il ressort du document intitulé « logigramme d’investissement » que ce processus prévoyait la réunion de trois comités avant tout premier investissement dans une société : un « comité de préinvestissement », un « comité d’engagement d’investissement » et un « comité d’investissement ». Dans le cas d’investissements ultérieurs dans la même société, seule la réunion des deux derniers comités était requise.

23. L’analyse des rapports de conformité au titre des années 2015 à 2017 révèle que 39 des 93 opérations d’investissement réalisées par Nestadio Capital sur cette période, soit environ 42 % de ces opérations, ont été déclarées non conformes par la RCCI en raison de l’absence de pièces justificatives telles que des procès-verbaux de réunions, permettant de s’assurer de la réunion effective des comités susmentionnés.

24. En outre, l’absence de ces pièces empêche de retracer les éléments d’appréciation sur lesquels Nestadio Capital s’est appuyée pour décider des investissements en cause et d’apprécier la pertinence de ces éléments au regard de l’intérêt des porteurs.

25. Pour satisfaire aux exigences de la règlementation sus-rappelée, il appartient à la société mise en cause de produire, non seulement la procédure écrite mentionnée au 8° de l’article 314-3-1 du règlement général, mais encore toute justification utile de nature à attester que cette procédure a été effectivement mise en œuvre, et qu’elle répond aux prescriptions du 6° du même article.

Or, Nestadio Capital ne fournit aucun élément permettant d’attester que, malgré les conclusions précitées de la RCCI, le comité d’investissement était systématiquement réuni. De même, aucun élément du dossier ne démontre la réunion effective, avant tout investissement, du comité de préinvestissement, pas plus que du comité d’engagement d’investissement, alors que ces réunions sont expressément prévues par la « procédure liée à l’activité d’investissement ». M. de Kersauson a d’ailleurs reconnu le caractère très informel des réunions de ces comités, lesquels pouvaient selon lui se limiter à de simples échanges de courriels. Il admet aussi l’existence d’un « décalage possible » entre les règles prévues dans la procédure décrite par le logigramme et la pratique suivie au sein de la société, reconnaissant ainsi, de manière implicite que la procédure pouvait ne pas avoir été respectée.

26. Dans ces conditions, la société mise en cause ne peut être regardée comme ayant établi et maintenu une procédure opérationnelle au sens de l’article 313-1 du même règlement général.

27. Le grief est donc caractérisé, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le caractère suffisant ou non des précisions apportées par le document de procédure ni sur le processus de décision.

1.2. Sur le grief tiré de l’absence de prise en compte de l’intérêt du FIP Nestadio Conviction dans le processus d’investissement dans la société Lalilo

28. Il est fait grief à Nestadio Capital d’avoir procédé, en janvier 2017, pour le compte du FIP Nestadio Conviction qu’elle gérait, à un investissement dans la société Lalilo, sans veiller à effectuer cet investissement dans l’intérêt des porteurs de ce FIP, manquant dès lors aux dispositions des articles 313-1 et 314-3-1, 6° du règlement général de l’AMF dans leurs versions applicables à l’époque des faits.

29. Nestadio Capital conteste ce grief. Elle soutient que ses propos ont été déformés par la poursuite en ce que cette dernière laisserait entendre que l’investissement litigieux ne rentrait pas dans la politique d’investissement des fonds, ce qui serait inexact. Elle ajoute que la poursuite n’indique pas en quoi cet investissement serait contraire aux intérêts des porteurs. Enfin, elle fait valoir que l’engagement pris par son directeur d’investissement a par la suite été régularisé par sa direction, après discussion en comité et au regard uniquement de l’intérêt du projet.

1.2.1. Textes applicables

30. Les faits reprochés, qui se sont déroulés en janvier 2017, doivent être examinés au regard des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive de dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

31. Les dispositions des articles 313-1 et 314-3-1, 6° du règlement général de l’AMF applicables au présent grief sont les mêmes que celles déjà citées à l’occasion de l’examen du précédent grief.

1.2.2. Examen du grief

32. Contrairement à ce qu’indique Nestadio Capital, la notification de griefs ne soutient pas que l’investissement effectué dans la société Lalilo n’était pas conforme, en lui-même, à la politique d’investissement du fonds ou ne répondait pas aux caractéristiques de celui-ci. Elle critique uniquement les conditions dans lesquelles cet investissement a été décidé, Nestadio Capital ne démontrant pas avoir veillé à l’effectuer dans l’intérêt des porteurs du fonds concerné.

33. Il ressort d’échanges de courriels intervenus entre le représentant de la société Lalilo, le directeur d’investissement de Nestadio Capital et M. de Kersauson qu’en décembre 2016 ce directeur d’investissement a signé, pour le compte de la société Zegarage, une filiale de Nestadio Capital, un « BSA AIR » valant engagement d’investissement dans la société Lalilo.

34. Par courriel du 29 décembre 2016, ce directeur d’investissement a écrit à M. de Kersauson « le CEO [de Lalilo] ne m’a pas laissé le temps d’attendre le début d’année pour signer le AIR ; [...] J’ai donc signé pour ne pas passer un tel deal et ne pas bloquer le tour; [...] Peu importe la provenance des 150K pour le virement (ça peut être SGFIB [i.e. Nestadio Capital], fi/fcpi/Zegarage ou même investissement direct d’un de vous deux, ou même fonds amis) pourvu que le dossier soit géré par Nestadio et que j’en sois le directeur d’investissement. C’est le seul engagement que m’a demandé the Ref et Laligo ». Par courriel du 30 décembre 2016, M. de Kersauson a répondu au directeur d’investissement « Tu aurais pu en reparler et nous demander un okay avant de t'engager ». L’analyse de ces courriels révèle que cet engagement a été pris sans que le comité d’investissement de Nestadio Capital ne se soit réuni et ne l’ait préalablement approuvé, ce que d’ailleurs la société de gestion reconnait elle-même dans ses observations.

35. Par ailleurs, le directeur d’investissement a écrit au représentant de la société Lalilo, dans un courriel du 24 janvier 2017 : « Je parlais de vous justement avec Florent Kersauson (FK) notre président hier pour voir comment vous aider au mieux. / On se demandait qu’est ce qui était plus important pour vous, la rapidité du virement ou le respect du véhicule signataire de l’AIR ? : Si c’est la rapidité vous pourrez avoir un virement dans les 48 heures après avoir vu FK sur Paris. S’il faut privilégier la régularité, il faudra attendre un peu car l’AIR a été signé sur un véhicule (Zegarage/Nestadio Ventures) qu’on a privilégié pour être réactif et signer avant Noel mais qui est normalement réservé pour les investissements sur les structures Inc et ça demandera un peu de travail de régularisation interne. » Le 25 janvier 2017, le directeur d’investissement a écrit à M. de Kersauson : « [Le dirigeant de Lalilo] privilégie la rapidité à la conformité. (La marque de fabrique de Nestadio). / Je me rallie donc à la recommandation de Bertrand [i.e. directeur général délégué de Nestadio Capital] d’utiliser Nestadio Conviction pour cet investissement. [...] Bertrand pourra faire le nécessaire pour régulariser après la partie juridique mais c’est tout à fait secondaire ». Ces échanges révèlent que l’engagement d’investissement dans la société Lalilo a été pris sans pré-affectation de cet investissement à un fonds déterminé.

36. D’une manière générale le dossier ne comporte pas de trace d’une quelconque analyse de l’intérêt que cet investissement pouvait représenter pour les porteurs du fonds Nestadio Conviction.

37. Nestadio Capital fait valoir qu’elle ne se considérait pas liée par l’engagement pris par son directeur d’investissement et qu’une nouvelle décision d’investissement a par la suite été prise, après discussion en comité et au regard uniquement de l’intérêt du projet, laquelle aurait eu pour effet de régulariser l’engagement mentionné ci-dessus.

38. Au soutien de cet argument, la société de gestion fournit deux documents :

- le procès-verbal de comité d’investissement du 27 janvier 2017 : mais ce document particulièrement succinct ne fait état ni des critères habituellement utilisés selon Nestadio Capital pour analyser les qualités intrinsèques d’un projet, ni des hésitations évoquées par la société de gestion dans ses observations quant à l’abandon possible de ce projet. Ce procès-verbal indique en outre que cette décision d’investissement est prise « suite et compte tenu de l’engagement pris par [le directeur d’investissement] pour le compte de la société de gestion » et est donc justifié par cet engagement ;

- un extrait d’une analyse « effectuée au moment de l’investissement » par M. de Kersauson, au terme de laquelle ce dernier se dit favorable à l’investissement envisagé dans la société Lalilo. Outre qu’il n’y est jamais fait mention du FIP Nestadio Conviction, ce document n’est ni daté, ni signé. S’agissant de la date, la société de gestion se borne à indiquer dans ses dernières écritures qu’« il est aisé d’en vérifier la date de rédaction sur l’ordinateur de M. de Kersauson », sans apporter elle-même l’information en cause. Aucune précision n’est par ailleurs donnée quant à l’utilisation qui aurait été faite de cette analyse et, notamment sur le point de savoir si elle avait été partagée, en amont du comité d’investissement précité du 27 janvier 2017, avec le directeur général délégué de Nestadio Capital, qui a participé aux côtés de M. de Kersauson à ce comité.

39. Mais aucun de ces documents ne permet de démontrer que Nestadio Capital aurait régularisé cet investissement après s’être dûment assurée qu’il était dans l’intérêt des porteurs de parts du FIP Nestadio Conviction. Il s’infère au contraire des observations de la société de gestion que sa décision d’investissement a été guidée, au moins en partie, par sa volonté de « respecter la parole donnée » par son directeur d’investissement.

40. Il en résulte que le grief tiré de la violation des dispositions des articles 313-1 et 314-3-1, 6° du règlement général de l’AMF est caractérisé à l’encontre de Nestadio Capital.

1.2. Sur le grief tiré de l’atteinte à l’intérêt des porteurs lors de la réalisation d’avances en compte courant et de virements au profit de la société 6s Cosmétiques

41. Il est fait grief à Nestadio Capital d’avoir procédé, au profit de la société 6s Cosmétiques, d’une part entre janvier 2016 et novembre 2017 à des avances en compte courant pour un montant total de 350 000 euros pour le compte de FCPI ou FIP qu’elle gérait et, d’autre part au cours de l’année 2017 à trois virements pour un montant de total de 75 000 euros depuis le compte de la société Greenvest qu’elle dirigeait et qui était détenue à 100% par des fonds gérés par Nestadio Capital, et ce alors que son président, également président-directeur général de la société 6s Cosmétiques, avait connaissance du risque très élevé de non-recouvrement de ces avances et virements du fait des difficultés financières rencontrées par la société 6s Cosmétiques. La notification de griefs reproche à Nestadio Capital d’avoir procédé aux avances précitées sans avoir analysé, sur la base des informations détenues par M. de Kersauson, si ces versements étaient de nature à préserver la valeur d’une participation déjà acquise ou s’ils avaient pour seul objet de prolonger une situation irrémédiablement compromise. Elle ajoute que les mesures prises par la RCCI, à compter du 30 novembre 2015, visant à collecter des informations sur cette situation et à alerter M. de Kersauson sur une atteinte à l’intérêt des fonds n’ont été suivies d’aucun effet. Elle en déduit que

Nestadio Capital a porté atteinte à l’intérêt des porteurs de parts concernés et, partant, a manqué aux dispositions de l’article 314-3 du règlement général de l’AMF dans sa version applicable à l’époque des faits.

42. Il est également fait grief à Nestadio Capital de ne pas avoir défini les mesures à prendre en vue de gérer le conflit d’intérêts identifié entre M. de Kersauson, le président de Nestadio Capital et président de 6s Cosmétiques et les fonds détenant directement ou indirectement une participation dans 6s Cosmétiques et, par conséquent, de ne pas être parvenue à gérer de manière effective cette situation de conflits d’intérêts, manquant ainsi aux dispositions des articles 313-18 et 313-21 du règlement général de l’AMF dans leur version applicable à l’époque des faits.

43. Nestadio Capital conteste chacun de ces griefs. S’agissant des avances et virements consentis à la société 6s Cosmétiques, la société de gestion fait valoir que, bien que tendue, la situation de cette société n’était pas irrémédiablement compromise et qu’il était alors préférable, dans l’intérêt des porteurs de parts, de soutenir la société 6s Cosmétiques plutôt que de laisser la situation se dégrader davantage et risquer de leur faire perdre latotalité de leur investissement. Elle précise que la poursuite ne rapporte pas la preuve de l’existence d’une situation irrémédiablement compromise de la société en cause. Nestadio Capital soutient par ailleurs que l’intervention de M. de Kersauson a permis de réduire les coûts et les frais de 6s Cosmétiques de manière drastique permettant de ramener la société à un EBITDA positif en décembre 2016. Elle affirme enfin que les difficultés de la société avaient été dissimulées par la précédente direction et n’étaient pas connues de Nestadio Capital lors des investissements initiaux. Elle fait enfin valoir que la liquidation de la société 6s Cosmétiques a été la résultante de circonstances externes telles que la décision de la Direction départementale de la protection des populations du Morbihan de bloquer les ventes de certains produits commercialisés par 6s Cosmétiques, ou encore le non-respect par une société tierce de son engagement de participer à une augmentation de capital de 6s Cosmétiques.

44. S’agissant de la gestion effective d’une situation de conflit d’intérêts préalablement identifiée, Nestadio Capital conteste l’existence d’une telle situation au motif qu’un conflit d’intérêts suppose des intérêts divergents et qu’en l’espèce les porteurs de parts des fonds concernés partageaient le même intérêt que 6s Cosmétiques, à savoir le sauvetage de cette société. De plus, elle soutient qu’aucune norme professionnelle ne prohibe la situation de cumul, pour une même personne, des fonctions de dirigeant d’une société de gestion et de dirigeant d’une participation de cette société de gestion.

1.2.1. Textes applicables

45. Les faits reprochés, qui se sont déroulés de janvier 2016 à novembre 2017, doivent être examinés au regard des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive de dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

46. L’article 314-3 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 octobre 2011 au 2 janvier 2018, dispose que : « Le prestataire de services d'investissement agit d'une manière honnête, loyale et professionnelle, avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, afin de servir au mieux l'intérêt des clients et de favoriser l'intégrité du marché ».

47. L’article 313-18 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 décembre 2013 au 2 janvier 2018, dispose que : « Le prestataire de services d'investissement prend toute mesure raisonnable lui permettant de détecter les situations de conflits d'intérêts se posant lors de [...] la gestion d'un placement collectif mentionné à l'article 311-1 A : / 1° Soit entre lui-même, les personnes concernées ou toute personne directement ou indirectement liée au prestataire par une relation de contrôle, d'une part, et ses clients, d'autre part ; / 2°Soit entre deux clients ».

48. Enfin, l’article 313-21 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 décembre 2013 au 2 janvier 2018, dispose que : « I. - La politique en matière de gestion des conflits d'intérêts mise en place conformément à l'article 313-20 doit en particulier : [...] / 2° Définir les procédures à suivre et les mesures à prendre en vue de gérer ces conflits ».

49. Les dispositions précitées des articles 314-3, 313-18 et 313-21, dans leur rédaction en vigueur à l’époque des faits, se trouvaient dans le Titre Ier du Livre III du règlement général de l’AMF. Pour les raisons mentionnées à l’occasion de l’examen des textes applicables au premier grief, ces dispositions étaient donc applicables à Nestadio Capital.

Elles ne le sont plus depuis le 3 janvier 2018, mais elles ont été reprises à droit constant, à compter de cette date, respectivement au sein des actuels articles 321-100, 321-46 et 321-49 du règlement général de l’AMF, figurant au sein du Titre Ier ter du Livre III et par conséquent applicables à Nestadio Capital. Toutefois, dès lors qu’elles ne sont pas moins sévères que les anciennes dispositions, elles ne sont pas susceptibles d’application rétroactive en l’espèce.

1.2.2. Examen du grief

1.2.2.1. Sur les avances en compte courant et virements consentis à la société 6s Cosmétiques

50. Il ressort du dossier que Nestadio Capital a procédé, au profit de la société 6s Cosmétiques, à dix avances en compte courant, pour un montant total de 350 000 euros, pour le compte de cinq fonds qu’elle gérait : quatre avances au cours du premier semestre 2016 (100 000 euros), quatre au cours du deuxième semestre 2016 (200 000 euros), une au cours du premier semestre 2017 (25 000 euros) et une au cours du deuxième semestre 2017 (25 000 euros), ainsi qu’à trois virements au cours de l’année 2017, pour un montant total de 75 000 euros, depuis le compte de la société Greenvest, société immatriculée comme exerçant une activité de production d’électricité mais qui serait, selon les mis en cause, une simple holding d’investissement, dirigée par Nestadio Capital et dans laquelle cinq fonds gérés par cette dernière détenaient, à l’époque des faits, des participations.

51. Il résulte par ailleurs du jugement du tribunal de commerce de Quimper du 3 novembre 2017 et de différents courriels envoyés à M. de Kersauson en 2017 la suite de faits suivante : depuis le 11 mai 2007, la société 6s Cosmétiques faisait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ouverte par le tribunal de commerce de Quimper, ayant donné lieu, le 25 janvier 2008, à l’arrêté d’un plan d’apurement de son passif. En mars 2015, 6s Cosmétiques n’a pas payé ses cotisations patronales auprès de l’Urssaf pour un montant d’environ 84 000 euros (majorations incluses), somme qu’elle n’avait toujours pas régularisée lors de sa liquidation au 3 novembre 2017.

Le 17 avril 2015, le tribunal de commerce de Quimper a autorisé (i) le report du règlement de la 7 ème échéance du plan d’apurement précité, du 31 janvier 2015 (d’un montant d’environ 55 000 euros), sur l’échéance du 31 janvier 2019, ainsi que (ii) la réduction de moitié de la 8ème échéance du 31 janvier 2016 (d’un montant d’environ 119 000 euros) et son report sur celle du 31 janvier 2019. Le 31 janvier 2017, 6s Cosmétiques n’a pas réglé la 9 ème échéance du plan d’apurement (d’un montant d’environ 157 000 euros), malgré les multiples relances effectuées par le mandataire judiciaire. Le 8 février 2017, la RCCI de Nestadio Capital a indiqué à M. de Kersauson et au directeur d’investissement : « Je ne comprends pas et reste surprise de ce versement en compte courant de 25K€ à la société 6S Cosmétiques. [...] Je me permets de réitérer ma question, de combien cette société a-t-elle encore besoin ? / Outre ses difficultés financières, elle rencontre de graves problèmes commerciaux et de normalisation de ses produits. / Nos fonds ne peuvent en supporter davantage. / Ils ont déjà investi plus de 3,6 millions d’euros dans cette société ». Le 31 juillet 2017, une salariée de la société 6s Cosmétiques a averti M. de Kersauson en ces termes : « La situation est grave, nous ne pouvons plus vendre depuis plus d’un mois, nous n’avons que des procédures en cours très lourdes, nous avons besoin de 50 ke de financement tous les mois minimum sans développement ». Elle a précisé, le 2 août 2017, qu’ « aucune procédure de chômage technique ou partiel n’est possible si nous sommes soumis à une sanction administrative. Nous devrons payer les salariés, cela n'allègera pas la structure. La liquidation serait la meilleure solution ». Le 7 août 2017, une autre salariée de la société 6s Cosmétiques a écrit à M. de Kersauson que la propriétaire des locaux de la société souhaitait le rencontrer à la suite de l’impayé du loyer [...] avant de prendre les dispositions qui s’imposent ». Le 12 octobre 2017, l’URSSAF, faisant suite à une rencontre avec M. de Kersauson, l’a informé qu’« en l'état actuel des choses, le non règlement des échéances du plan d'apurement de la dette de la société 6 S cosmétique ne permet pas d'anticiper sur une régularisation de la situation à terme ». Le 19 octobre 2017, l’expert-comptable de la société 6s Cosmétiques a écrit à M. de Kersauson : « J'ai compris que l'actionnaire principal de 6s cosmétiques dont vous êtes le représentant légal avait continué sur 2015, 2016 et 2017 à effectuer des avances de fonds régulières pour assurer les dépenses sachant que la société 6S cosmétiques présente un résultat d'exploitation significativement déficitaire et voit sa continuité d'exploitation toujours compromise. / Je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous indiquer les motivations des avances de fonds consenties ainsi que vos intentions futures ». En octobre 2017, 6s Cosmétiques n’a pas payé ses salariés. Enfin, le 3 novembre 2017, le tribunal de commerce de Quimper a prononcé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société 6s Cosmétiques et a fixé la date de cessation des paiements au 3 mai 2016, soit la limite légale maximale correspondant à 18 mois avant la décision de liquidation.

52. Cet historique fait apparaître que la société 6s Cosmétiques rencontrait à l’époque des faits des difficultés telles que les avances et virements précités, en particulier ceux réalisés postérieurement au 31 janvier 2017, présentaient un risque très élevé de non-recouvrement des sommes en cause, et ce sans qu’il soit besoin d’établir que la situation de la société 6s Cosmétiques était à l’époque des faits « irrémédiablement compromise » au sens du code de commerce.

53. M. de Kersauson, en qualité de président-directeur général de la société 6s Cosmétiques depuis une décision du conseil d’administration du 10 novembre 2015 et en tant que destinataire des courriels listés dans l’historique ci-dessus, ne pouvait raisonnablement ignorer ces informations.

54. D’une manière générale aucun élément présent au dossier, notamment parmi ceux versés par les mis en cause, n’établit que Nestadio Capital a procédé à une véritable analyse de l’intérêt de ces versements pour la préservation des participations existantes des fonds concernés dans 6s Cosmétiques.

55. En particulier, le courriel du 15 juin 2017 produit par Nestadio Capital et relatif à l’engagement, au demeurant non respecté, d’une société tierce de participer à une augmentation de capital de 6s Cométiques à hauteur de

300 000 euros, ne démontre pas à lui seul que les avances et virements précités disposaient, au moment où ils ont été faits, de réelles chances de recouvrement. En tout état de cause, ce courriel est intervenu plusieurs mois après l’essentiel des avances et virements litigieux. De même, Nestadio Capital ne fournit aucun document permettant d’attester l’existence, alléguée par son président d’un EBITDA positif de de la société 6s Cosmétiques en décembre

2016. En particulier, elle n’a pas produit les comptes 2016 de cette société, alors, qu’ils lui ont été demandés à plusieurs reprises.

Au surplus il ressort du dossier que parmi les fonds concernés par les avances litigieuses, le FIP Nestadio Conviction, pour le compte duquel une avance de 120 000 euros a été versée à 6s Cosmétiques au deuxième semestre 2016, ainsi que le FIP Nestadio Croissance VI, actionnaire de Greenvest, ne détenaient à l’époque des faits aucune participation directe dans la société 6s Cosmétiques.

56. Enfin, le fait que les difficultés de la société 6s Cosmétiques aient pu avoir été dissimulées par la précédente direction, sans que Nestadio Capital n’en aient eu connaissance lors des investissements initiaux, ou le fait que la décision de la Direction départementale de la protection des populations du Morbihan de bloquer les ventes de certains produits commercialisés par 6s Cosmétiques aient pu accélérer les difficultés précitées, ne remettent pas en cause, tout au contraire, l’existence de ces difficultés, non plus que la connaissance que M. de Kersauson en avait à l’époque des versements, enfin d’une manière générale l’absence d’analyse de l’intérêt des porteurs.

57. En ce qui concerne les suites données aux mesures prises par la RCCI de Nestadio Capital, le registre des conflits d’intérêts de la société de gestion fait référence à deux reprises à une situation de conflit d’intérêts potentiel d’un degré de « criticité élevée », du fait de la situation de M. Kersauson, qui était à la fois président de Nestadio Capital et président directeur général de 6s Cosmétiques. Ce registre précise que cette situation a donné lieu à une alerte RCCI pour « dysfonctionnements », à la suite notamment de la « réalisation de virements par le dirigeant » de Nestadio Capital, mais il n’apparaît pas que cette alerte ait donné lieu à quelque décision utile en réponse.

58. Au regard du niveau de criticité identifié du conflit d’intérêts et de l’existence d’une alerte de la RCCI, les mesures prises par Nestadio Capital, telles qu’identifiées dans ce registre, consistant en une demande d’informations et en une demande de note, au demeurant non suivies d’effet, ne sauraient constituer des réponses suffisantes et adéquates.

59. Il résulte de ce qui précède qu’en procédant aux avances et virements précités, ainsi qu’en ne donnant aucune suite appropriée à l’identification par la RCCI de conflits d’intérêts en lien avec ces avances et virements, Nestadio Capital n’a pas agi avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, afin de servir au mieux l'intérêt des porteurs de parts des fonds à l’origine de ces avances et virements. Le grief tiré de la violation des dispositions de l’article 314-3 du règlement général de l’AMF est donc caractérisé.

1.2.2.2. Sur la gestion effective d’une situation de conflit d’intérêts identifiée

60. Comme indiqué précédemment, la RCCI de Nestadio Capital a alerté la société de gestion de l’existence d’un conflit d’intérêts potentiel résultant du cumul de fonctions de M. de Kersauson, dirigeant à la fois de Nestadio Capital et de 6s Cosmétiques.

61. Le fait que les porteurs de parts aient intérêt au sauvetage de 6s Cosmétiques n’exclut pas toute éventualité de conflit d’intérêts au titre du cumul de fonctions précité et notamment la possibilité que M. de Kersauson use de tout moyen, même très coûteux, dans l’espoir d’éviter une liquidation judiciaire de 6s Cosmétiques susceptible de générer, entre autres conséquences, une publicité négative non négligeable pour Nestadio Capital. De même, le fait que les associations professionnelles ne prohibent pas un tel cumul de fonctions, n’exclut en aucune manière la possibilité d’un conflit d’intérêts. L’argumentation de Nestadio Capital relative à l’absence de conflit d’intérêts doit donc être écartée.

62. Il résulte par ailleurs de la lecture du registre des conflits d’intérêts que Nestadio Capital, une fois identifiée cette situation de conflit d’intérêts, s’est contentée de procéder à une demande d’information et à une demande de note, sans définir, ni à plus forte raison mettre en œuvre, de mesures à prendre en vue de gérer effectivement cette situation. Il s’ensuit que le grief tiré de la violation des dispositions de l’article 313-21 du règlement général de l’AMF est caractérisé à son encontre.

2. Sur les griefs relatifs au processus de désinvestissement

2.1. Sur le grief tiré de l’insuffisance des diligences réalisées par la société de gestion en vue de la distribution des liquidités disponibles lors de la liquidation des FIP

63. Il est fait grief à Nestadio Capital ne pas avoir procédé à la distribution des liquidités issues des opérations de désinvestissement réalisées pour le compte de deux fonds qu’elle gérait, au fur et à mesure de ces opérations de désinvestissement et ainsi de ne pas avoir agi avec la diligence, le soin, la compétence et le professionnalisme qui s’imposent pour servir au mieux l’intérêt des porteurs, en violation des dispositions de l’article 314-3 du règlement général de l’AMF dans sa version applicable à l’époque des faits.

64. Nestadio Capital conteste ce grief. Elle soutient tout d’abord son absence de fondement légal, dans la mesure où il viole les principes de légalité des peines et de prévisibilité des règles de droit. Elle se réfère notamment à une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme du 10 octobre 2006, d’où elle tire qu’il ne peut être prononcé une sanction sur le fondement d’un texte dont la portée n’est pas claire et faute au minimum d’une interprétation jurisprudentielle accessible et raisonnablement prévisible. Elle ajoute, en s’appuyant sur une décision rendue par le Conseil d’Etat le 20 janvier 2016, que cette exigence de clarté suppose que les professionnels concernés aient pu raisonnablement prévoir à l’époque des faits reprochés, eu égard aux textes définissant leurs obligations professionnelles ainsi qu’à l’interprétation en ayant été donnée jusqu’alors, que le comportement litigieux constituait un manquement à ces obligations. Nestadio Capital fait valoir que l’obligation visée à l’article 314-3 du règlement général de l’AMF est incontestablement imprécise et incomplète puisqu’elle renvoie à des standards de comportement abstraits. En l’espèce, selon elle, il existe un décalage entre le reproche qui lui est fait et cette obligation, dans la mesure où il n’était pas raisonnablement prévisible, en l’absence de toute indication sur ce point dans les textes ou d’interprétation de la part de la commission des sanctions, de prévoir à l’époque des faits que la non-distribution immédiate des liquidités recueillies dans le cadre de la liquidation d’un fonds constituait un manquement aux obligations de l’article 314-3 du règlement général de l’AMF.

65. Nestadio Capital soutient par ailleurs que ni l’article 314-3 précité, ni la doctrine de l’AMF ne précisent les diligences qui doivent être respectées pour satisfaire à l’obligation de distribution des liquidités issues des opérations de désinvestissement, au fur et à mesure de ces opérations. En l’espèce, Nestadio Capital affirme avoir effectué tout ce qui était en son pouvoir pour obtenir la distribution des liquidités des fonds concernés, mais que cette distribution a été empêchée par le dépositaire des fonds qui l’a conditionnée à la fourniture de documents dont les mis en cause ne contrôlaient pas l’obtention.

2.1.1. Textes applicables

66. Les faits reprochés, qui se sont déroulés de novembre 2014 à fin 2017, doivent être examinés au regard des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive de dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

67. Les dispositions de l’article 314-3 du règlement général de l’AMF applicables au présent grief sont les mêmes que celles déjà citées à l’occasion de l’examen du précédent grief.

2.1.2. Examen du grief

68. La commission des sanctions de l’AMF a déjà fait application à de nombreuses reprises de l’article 314-3 du règlement général de l’AMF, y compris avant l’époque des faits, de sorte que cette disposition ne comporte pas, contrairement à ce que soutient la mise en cause, une obligation « incontestablement imprécise et incomplète » et dépourvue de toute application jurisprudentielle. La société mise en cause n’est donc pas fondée à soutenir que ce texte ne peut légalement fonder la caractérisation d’un grief.

69. En l’espèce, si cet article n’a, par nature, pas vocation à énumérer de manière exhaustive l’ensemble des comportements contraires ou non aux exigences qu’il prévoit, le fait de ne pas distribuer aux porteurs de parts concernés le produit des opérations de désinvestissement des fonds en liquidation dès la réalisation de ces opérations, ne peut être regardé en lui-même comme un comportement conforme à l’intérêt de ces porteurs.

70. Par conséquent, même en l’absence de précédent dans lequel la violation de l’article 314-3 du règlement général de l’AMF aurait été reconnue pour des faits identiques à ceux de la présente affaire, il était raisonnablement prévisible pour Nestadio Capital, à l’époque des faits, que l’absence de distribution aux porteurs de parts concernés du produit des opérations de désinvestissement des fonds en liquidation au fur et à mesure de la réalisation de ces opérations était de sa part un comportement contrevenant aux dispositions de l’article en question.

71. Au surplus, l’AMF a publié, le 8 août 2012, soit avant l’époque des faits, une position-recommandation n°2012-11 intitulée « Guide relatif aux OPCVM de capital investissement », dans laquelle est indiqué : « La liquidation est un ensemble d’opérations confiées à un liquidateur visant à réaliser les actifs qui composent le portefeuille et à rembourser les porteurs de parts du fonds. [...] / En principe c’est la société de gestion du fonds qui exerce ces fonctions. [...] / Plusieurs types d’opérations sont réalisés pour liquider le portefeuille du fonds : / [...] 2) au fur et à mesure de la réalisation de ces opérations, [le liquidateur] effectue des distributions aux porteurs de parts en les ayant informés au préalable des modalités de la liquidation et des distributions [...] ».

72. Nestadio Capital soutient qu’elle n’était pas concernée par ce texte, lequel était a priori de nature à l’éclairer, pour la raison qu’en l’espèce elle n’était pas le liquidateur des fonds et que c’était le dépositaire. Mais elle n’apporte aucun élément de nature à corroborer cette allégation.

73. S’agissant de l’appréciation des faits à la base du grief, il ressort des inventaires semestriels des FIP Quart Ouest Capital I et Nestadio Croissance III qu’ils faisaient apparaître au 31 décembre 2017 des liquidités s’élevant respectivement à 531 706 euros et 210 028 euros, lesquelles étaient essentiellement issues d’opérations de désinvestissement survenues entre le 30 juin et le 31 décembre 2017.

74. A la date du 31 décembre 2017, Nestadio Capital n’avait donc pas encore distribué les liquidités issues des opérations de désinvestissement des FIP Quart Ouest Capital I et Nestadio Croissance III. Au surplus, il ressort des observations de Nestadio Capital en réponse au rapport de contrôle qu’au 12 novembre 2018, que cette distribution n’était toujours pas intervenue, et ce malgré la déclaration faite par Nestadio Capital aux contrôleurs le

22 juin 2018 lors de l’audition de restitution des constats selon laquelle « La distribution des sommes est en cours.

[...] D'ici l'été, ces deux fonds seront distribués ».

75. Nestadio Capital énumère dans ses observations en réponse à la notification de griefs un certain nombre de diligences qu’elle affirme avoir effectuées en vue d’obtenir du dépositaire des fonds la distribution des sommes en cause, mais outre que les démarches alléguées ne commencent pas avant le 8 janvier 2019, soit plus d’un an après les opérations de désinvestissement, la société de gestion ne produit au dossier aucun élément de nature à attester la réalité de ces diligences. Le seul document produit par Nestadio Capital est un échange de courriels duquel il ressort que M. de Kersauson a écrit le 4 juin 2019 au dépositaire pour l’informer de la transmission de l’ensemble des documents qui lui avaient été demandés et solliciter la fixation rapide d’une date de distribution des fonds. Mais cet unique document ne suffit pas à justifier que Nestadio Capital a effectué les diligences nécessaires et suffisantes pour obtenir la distribution des liquidités au fur et à mesure de la réalisation des opérations de liquidation, et ce peu important que l’article 314-3 ou la position-recommandation n°2012-11 ne décrive pas plus en détail la nature de ces diligences.

76. A ce titre, Nestadio Capital fait valoir que sauf à renverser la charge de la preuve pesant sur la poursuite et ainsi violer la présomption d’innocence, il appartenait à la poursuite d’apporter les éléments de preuve relatifs à l’absence de diligences effectuées par Nestadio Capital et son dirigeant, ce que les contrôleurs auraient pu faire en exploitant les courriels auxquels ils avaient eu accès.

77. Toutefois, dès lors que le grief était dûment motivé en fait et en droit dans la notification, en partant du fait qu’au 31 décembre 2017, les fonds Quart Ouest Capital I et Nestadio Croissance III disposaient de liquidités significatives qui n’avaient pas été distribuées aux porteurs de parts, c’est à la société mise en cause qu’il appartenait de justifier par tout document tiré de son activité, qu’elle avait déployé les diligences utiles pour satisfaire à l’intérêt des porteurs. Par ailleurs elle ne saurait utilement invoquer l’existence en l’espèce d’une prétendue présomption de culpabilité pesant sur elle et sur son dirigeant, dès lors que les intéressés ont été pleinement mis en mesure de se défendre et l’ont d’ailleurs fait en produisant des observations en réponse à la notification de griefs, puis des observations en réponse au rapport du rapporteur. D’une manière générale, s’il revient à la poursuite d’établir les manquements reprochés, il ne lui appartient pas de fournir les éléments nécessaires à la démonstration des moyens de défense invoqués par les mis en cause.

78. C’est donc sans que soit renversée la charge de la preuve, ni violé le principe de la présomption d’innocence qu’il convient de conclure que Nestadio Capital ne démontre pas que l’absence de distribution des fonds reprochés est en l’espèce exclusivement imputable au dépositaire des fonds.

79. Dans ces conditions, en ne procédant pas, au fur et à mesure des opérations de désinvestissement, à la distribution des liquidités issues de ces opérations, Nestadio Capital n’a pas agi d’une manière honnête, loyale et professionnelle, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent, afin de servir au mieux l’intérêt des clients, en violation des dispositions de l’article 314-3 du règlement général de l’AMF.

2.2. Sur le grief relatif au traitement des réclamations clients résultant principalement de la liquidation des fonds

Sur le grief relatif au traitement des réclamations clients résultant principalement de la liquidation des fon

80. Il est fait grief à Nestadio Capital de ne pas avoir mis en place une procédure efficace et transparente en vue du traitement raisonnable et rapide des réclamations, et ainsi d’avoir manqué aux dispositions de l’article 313-8 du règlement général de l’AMF (i) en n’acceptant que les réclamations adressées par lettre recommandée avec accusé de réception (ci-après, « LRAR ») alors que l’article 313-8 du règlement général de l’AMF prévoit la gratuité du mode de transmission, (ii) en ne mettant en œuvre aucune mesure afin d’informer les clients ayant adressé leur réclamation par courriel, téléphone ou courrier simple que seules les réclamations adressées par LRAR étaient susceptibles d’être traitées et (iii) en ne déployant pas de dispositif permettant de s’assurer qu’une réponse était apportée aux clients et que leurs réclamations étaient traitées.

81. Nestadio Capital soutient tout d’abord que la formulation utilisée par la notification de griefs – « Nestadio Capital n’était pas en mesure [...] » – laisse supposer une absence totale de traitement des réclamations reçues. Elle en déduit qu’ainsi formuler, le grief est infondé en ce qu’il ne correspond en aucune manière à la réalité des faits décrite par les contrôleurs, lesquels ont constaté dans leur rapport que des réclamations étaient bien arrivées chez Nestadio Capital et avaient bien été traitées par cette dernière.

82. Elle fait valoir, par ailleurs, que les conditions d’une procédure « efficace et transparente » au sens de l’article 313-8 du règlement général de l’AMF étaient réunies en l’espèce, que le manquement reproché ne figurait au contraire pas au sein des dispositions de cet article et que le principe de proportionnalité prévu à l’alinéa 7 de cet article n’a pas été respecté.

2.2.1. Textes applicables

83. Les faits reprochés, qui se sont déroulés du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, doivent être examinés au regard des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive de dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

84. L’article 313-8 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 décembre 2013 au 2 janvier 2018, dispose : « I. - Le prestataire de services d'investissement établit et maintient opérationnelle une procédure efficace et transparente en vue du traitement raisonnable et rapide des réclamations adressées par des clients non professionnels, existants ou potentiels. / Ces clients peuvent adresser des réclamations gratuitement au prestataire de services d'investissement. / Le prestataire de services d'investissement répond à la réclamation dans un délai maximum de deux mois à compter de la date de réception de cette réclamation, sauf circonstances particulières dûment justifiées. / Il met en place un dispositif permettant un traitement égal et harmonisé des réclamations des clients non professionnels. Ce dispositif est doté des ressources et de l'expertise nécessaires. / Il enregistre chaque réclamation et les mesures prises en vue de son traitement. Il met en place un suivi des réclamations lui permettant, notamment, d'identifier les dysfonctionnements et de mettre en œuvre les actions correctives appropriées. Les informations sur la procédure de traitement des réclamations sont mises gratuitement à la disposition des clients non professionnels. / La procédure de traitement des réclamations est proportionnée à la taille et à la structure du prestataire de services d'investissement. / II. - Pour les sociétés de gestion de portefeuille, les dispositions du I s'appliquent : / 1° Aux réclamations de l'ensemble des porteurs de parts ou actionnaires d'un placement collectif mentionné à l'article 311-1 A lorsque aucun service d'investissement ne leur est fourni à l'occasion de la

souscription [...] ».

85. A l’époque des faits, cet article se trouvait dans le Titre Ier du Livre III du règlement général de l’AMF. Pour les raisons mentionnées à l’occasion de l’examen des textes applicables au premier grief, ses dispositions étaient donc applicables à Nestadio Capital. Elles ne le sont plus depuis le 3 janvier 2018, mais elles ont été reprises à droit constant, à compter de cette date, au sein de l’actuel article 321-40 du règlement général de l’AMF, figurant au sein du Titre Ier ter du Livre III et par conséquent applicable à Nestadio Capital. Toutefois, dès lors qu’elles ne sont pas moins sévères que les anciennes dispositions, elles ne sont pas susceptibles d’application rétroactive en l’espèce.

2.2.2. Examen du grief

86. Contrairement à ce que soutient la mise en cause, la notification de griefs, qui indique « Il ressort ainsi des investigations réalisées que Nestadio Capital n’était pas en mesure d’identifier les courriers, appels téléphoniques et courriels qui constituent des réclamations, d’assurer un traitement harmonisé des réclamations, d’enregistrer chaque réclamation et enfin de s’assurer de traiter les réclamations », ne lui reproche pas une absence totale de traitement des réclamations reçues, mais seulement une insuffisance des procédures mises en place à cet effet, due à l’absence de prise en compte des réclamations adressées par d’autres moyens que par LRAR.

87. Mais l’alinéa 2 de l’article 313-8 du règlement général de l’AMF – qui prévoit que les clients « peuvent adresser des réclamations gratuitement au prestataire de services d'investissement » – ne doit pas s’entendre comme l’obligation pour le prestataire de service d’investissement de proposer des modes de transmission permettant aux clients d’adresser leur réclamation sans engager aucun frais, y compris ceux susceptibles d’être versés à un tiers tel que La Poste dans le cas d’un envoi en LRAR, mais comme l’interdiction faite à la société de gestion de facturer aux clients les coûts de traitement de la réclamation.

88. A cet égard, l’instruction AMF n° 2012-07 intitulée « Procédure Traitement des Réclamations » indique que « L’accès au dispositif de traitement des réclamations étant gratuit, aucune tarification spécifique ne peut être mise à la charge du client au titre du traitement de sa réclamation ».

89. Dès lors, en restreignant la recevabilité des réclamations des clients aux seules réclamations envoyées par LRAR, Nestadio Capital n’a pas méconnu les dispositions de l’article 313-8, alinéa 2 du règlement général de l’AMF.

90. Le reproche formulé par la notification de griefs portant sur la gratuité de la réclamation est donc infondé.

91. Par ailleurs à compter de 2015, Nestadio Capital a rendu accessible gratuitement sur son site Internet l’information selon laquelle « Toute réclamation peut être transmise gratuitement à la Société de Gestion à l’adresse suivante, par lettre recommandée avec accusé de réception [...] ».

92. Par conséquent, les dispositions de l’alinéa 6 de l’article 313-8 du règlement général de l’AMF, qui prévoient que «

Les informations sur la procédure de traitement des réclamations sont mises gratuitement à la disposition des clients non professionnels », ont bien été respectées en l’espèce.

93. Le reproche portant sur l’information disponible pour les porteurs quant au dispositif de traitement des réclamations et tiré de la violation de ces dispositions est également infondé.

94. S’agissant, enfin, du suivi et du traitement des réclamations, sur les dix-neuf réclamations reçues par Nestadio Capital entre le 5 janvier 2016 et le 11 décembre 2017 et recensées dans son registre des réclamations, la colonne de ce registre intitulée « Prise en compte de la demande » précise pour treize réclamations l’existence d’une réponse apportée au client, avec indication de la date de la réponse et de son mode de transmission, ainsi que dans certains cas l’auteur ou le signataire, et pour six réclamations, essentiellement les plus récentes, la transmission de la réclamation à M. de Kersauson, et dans certains cas la date de cette transmission.

95. L’alinéa 5 de l’article 313-8 précité, qui prévoit que la société de gestion « enregistre chaque réclamation et les mesures prises en vue de son traitement », ne précise pas avec quel degré de détail doit s’effectuer cet enregistrement et en particulier n’impose pas de reproduire dans le registre le contenu exact de la réponse apportée au client.

96. En outre, l’alinéa 7 de cet article prévoit que « La procédure de traitement des réclamations est proportionnée à la taille et à la structure du prestataire de services d'investissement ». Or, Nestadio Capital présentait à l’époque des faits une structure et une taille relativement limitées et elle affirme sans être contredite qu’une personne de son effectif était dédiée au traitement des réclamations.

97. Au vu de ces éléments, les indications figurant sur le registre de suivi des réclamations de Nestadio Capital doivent être considérées comme suffisantes au regard des prescriptions de l’article 313-8, alinéa 5 du règlement général de l’AMF.

98. Il résulte de ce qui précède que le grief formulé à l’encontre de Nestadio Capital et tiré de la violation des dispositions de l’article 313-8 du règlement général de l’AMF en lien avec le traitement des réclamations des clients n’est pas caractérisé.

3. Sur le grief tiré de la défaillance du dispositif de conformité

99. Il est fait grief à Nestadio Capital, d’une part, de n’avoir désigné aucun responsable de la conformité entre septembre 2017 et avril 2018 en remplacement de la RCCI, absente en raison d’un congé personnel au cours de cette période, ce qui a empêché que le contrôle des activités de la société de gestion soit réalisé de manière permanente et a entrainé une violation des dispositions des articles 313-2 (devenu 321-31), 313-3 (devenu 321-32) et 313-6 (devenu 321-35) du règlement général de l’AMF, et d’autre part, de ne pas avoir identifié le caractère inapproprié et non opérationnel des procédures en vigueur, en particulier celles encadrant le processus d’investissement et celle encadrant le traitement des réclamations, et à tout le moins de n’avoir initié aucune action afin de remédier à ce caractère inapproprié et non opérationnel, violant ainsi les dispositions de l’article 313-2 (devenu 321-31) du règlement général de l’AMF.

100. Nestadio Capital conteste chacun de ces griefs. S’agissant de l’absence de désignation d’un responsable de la conformité entre septembre 2017 et avril 2018, elle soutient que l’article 313-6 du règlement général de l’AMF fait référence à la permanence de la fonction de conformité et non à celle de la personne en charge de la conformité.

Or, selon elle, la permanence de la fonction de conformité a été assurée en l’espèce par M. de Kersauson qui a lui-même exercé cette fonction en l’absence de la RCCI. Elle fait également valoir que l’absence prolongée de la RCCI était imprévisible et non anticipée du fait de l’absence de réponse de cette personne aux demandes répétées de son employeur, que le bassin d’emploi dans le Morbihan ne permettait pas de trouver les qualifications nécessaires pour un remplacement temporaire et qu’il n’existait aucune opportunité de faire venir une personne de Paris pour une période si courte.

101. S’agissant de l’absence d’identification et de remédiation du caractère inapproprié et non opérationnel des procédures en vigueur, elle soutient que ce second grief doit être rejeté car il s’appuie sur un fondement erroné dans la mesure où le premier grief, auquel il renvoie, ne concerne pas le caractère inapproprié et non opérationnel de la procédure.

3.1. Textes applicables

102. Les faits reprochés, qui se sont déroulés de septembre 2017 à avril 2018 s’agissant des faits relatifs à l’absence de désignation d’un responsable de la conformité, et du 1 er janvier 2015 au 31 décembre 2017 s’agissant de l’absence d’identification et de remédiation du caractère inapproprié et non opérationnel des procédures en vigueur, doivent être examinés au regard des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive de dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

L’article 313-2 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 décembre 2013 au 2 janvier 2018, dispose : « I. - Le prestataire de services d'investissement établit et maintient opérationnelle une fonction de conformité efficace exercée de manière indépendante et comprenant les missions suivantes : / 1° Contrôler et, de manière régulière, évaluer l'adéquation et l'efficacité des politiques, procédures et mesures mises en place en application de l'article 313-1, et des actions entreprises visant à remédier à tout manquement du prestataire de services d'investissement et des personnes concernées à leurs obligations professionnelles mentionnées au II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier [...] ».

104. L’article 313-3 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 octobre 2011 au 2 janvier 2018, prévoit : « Afin de permettre à la fonction de conformité de s'acquitter de ses missions de manière appropriée et indépendante, le prestataire de services d'investissement veille à ce que les conditions suivantes soient remplies :

[...] / 2° Un responsable de la conformité est désigné et chargé de cette fonction et de l'établissement de tout rapport en lien avec la conformité, notamment du rapport mentionné à l'article 313-7 [...] ».

105. Enfin, l’article 313-6 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 décembre 2013 au 2 janvier 2018, indique : « [...] Pour l'activité de gestion d'un placement collectif mentionné à l'article 311-1 A, le prestataire de services d'investissement veille à ce que ses dirigeants : [...] c) Aient la responsabilité de veiller à ce que le prestataire de services d'investissement dispose d'une fonction permanente et efficace de vérification de la conformité, au sens de l'article 313-2, y compris lorsque cette fonction est assurée par un tiers [...] ».

106. A l’époque des faits, ces articles se trouvaient dans le Titre Ier du Livre III du règlement général de l’AMF. Pour les raisons mentionnées à l’occasion de l’examen des textes applicables au premier grief, leurs dispositions étaient donc applicables à Nestadio Capital. Elles ne le sont plus depuis le 3 janvier 2018, mais elles ont été reprises à droit constant, à compter de cette date, au sein des actuels articles 321-31, 321-32 et 321-35 du règlement général de l’AMF, figurant au sein du Titre Ier ter du Livre III et par conséquent applicables à Nestadio Capital, et non modifiés dans un sens moins sévère depuis.

3.2. Examen du grief

3.2.1. Sur l’absence de désignation d’un responsable de la conformité entre septembre 2017 et avril 2018

107. Il ressort des déclarations de M. de Kersauson qu’entre septembre 2017 et avril 2018, la RCCI de Nestadio Capital était absente et qu’il n’a pas été procédé à son remplacement.

108. Aucun document n’est fourni par les mis en cause, malgré les demandes répétées des contrôleurs et du rapporteur, pour attester de ce que la permanence de la fonction de conformité aurait été assurée au cours de cette période par M. de Kersauson. Les seuls éléments produits par la société de gestion, à savoir une simple liste d’échanges que M. de Kersauson aurait eus avec une ancienne salariée de l’AMF, ainsi qu’un courriel du 9 octobre 2017 dans lequel le dirigeant de Nestadio Capital sollicite cette dernière en l’absence de la RCCI, ne suffisent pas à établir que M. de Kersauson a assuré, de manière indépendante et efficace, la continuité de la fonction de conformité sur la période en cause.

109. A ce titre, Nestadio Capital fait valoir, comme précédemment, que sauf à renverser la charge de la preuve pesant sur la poursuite et ainsi violer la présomption d’innocence, c’est à la poursuite qu’il appartenait d’apporter la preuve du défaut d’exercice de la fonction de conformité par M. de Kersauson sur la période précitée, ce que les contrôleurs auraient pu faire en exploitant les courriels auxquels ils avaient eu accès.

110. Toutefois, l’obligation de disposer d'une fonction permanente de vérification de la conformité incombant à Nestadio Capital, c’est également à elle qu’il appartient d’apporter les éléments montrant qu’elle a respecté cette obligation.

En outre, il ressort de la notification de griefs et du rapport de contrôle que la poursuite a dûment motivé le présent grief en fait et en droit, en caractérisant notamment l’absence de la RCCI au cours de la période en cause, le fait qu’aucun nouveau responsable n’avait été embauché pour la remplacer et l’absence de document justifiant la réalisation de contrôles durant l’absence de la RCCI. Aucune présomption de culpabilité n’a pesé sur Nestadio

Capital et M. de Kersauson, qui ont été mis en mesure de se défendre et l’ont d’ailleurs fait en produisant des observations en réponse à la notification de griefs, puis des observations en réponse au rapport du rapporteur.S’il revient à la poursuite d’établir les manquements reprochés, il ne lui appartient pas de fournir les éléments nécessaires à la démonstration des moyens de défense développés par les mis en cause.

111. C’est donc en vain que Nestadio Capital soutient que c’était à l’AMF d’apporter la preuve que la fonction de conformité n’a pas été remplie par M. de Kersauson.

112. La société de gestion ne justifie pas davantage des « demandes répétées » faites à sa RCCI pour connaitre sa date de retour de congé, ni de « l’impossibilité de mettre en place de façon plus structurelle une solution de remplacement temporaire ».

113. Il résulte de ce qui précède que Nestadio Capital a manqué à son obligation de maintenir sa fonction de conformité opérationnelle, de désigner un responsable de la conformité et de disposer d’une fonction permanente et efficace, de sorte que le grief tiré de la méconnaissance des articles 313-2 (devenu 321-31), 313-3 (devenu 321-32) et

313-6 (devenu 313-25) du règlement général de l’AMF est caractérisé.

3.2.2. Sur l’absence d’identification et de remédiation du caractère inapproprié et non opérationnel de la procédure d’investissement

114. Comme indiqué précédemment, les rapports de conformité de la RCCI de Nestadio Capital ont permis de démontrer le caractère non opérationnel de la procédure d’investissement. Dès lors, il ne saurait être reproché à la fonction conformité de la société de gestion de ne pas l’avoir identifié non plus que de n’avoir pas cherché à remédier à ce caractère opérationnel. Par suite il n’y a de ce chef pas d’autre violation de l’article 313-2 du règlement général de l’AMF.

4. Sur le grief tiré du manque de diligence à l’égard de l’AMF

115. Il est fait grief à Nestadio Capital d’avoir, en répondant dans des délais excessivement longs aux demandes des contrôleurs, parfois après six relances, ou en ne communiquant pas certains documents demandés, manqué à l’obligation des personnes contrôlées d’apporter leur concours avec diligence et loyauté et, partant, d’avoir violé les dispositions de l’article 143-3 du règlement général de l’AMF.

116. Nestadio Capital conteste le grief notifié. Elle fait valoir tout d’abord que l’article 143-3, alinéa 3 du règlement général de l’AMF est contraire notamment à l’article 6 de la CSDH et plus précisément au principe du procès équitable, au droit de garder le silence et au droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination. Elle soutient ensuite que les retards et absences de réponse constatés s’expliquent, non pas par sa réticence ou sa mauvaise volonté, mais uniquement par la situation difficile dans laquelle elle se trouvait à l’époque des faits en raison d’effectifs réduits, ou par l’impossibilité d’apporter une réponse aux demandes des contrôleurs.

4.1. Textes applicables

117. La notification de griefs ne précisant pas sur quelle période s’étend le manquement, les faits reprochés seront examinés au regard des dispositions applicables du 31 janvier au 14 septembre 2018, durée du contrôle, sous réserve de l’application rétroactive de dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

118. L’article 143-3, alinéa 3 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur depuis le 15 juin 2014, non modifiée depuis, dispose : « Les personnes contrôlées apportent leur concours avec diligence et loyauté ».

4.2. Examen du grief

119. L’article 6 de la CSDH affirme le droit de toute personne à un procès équitable, lequel recouvre notamment celui de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

Il n’appartient pas à la commission des sanctions d’apprécier la conformité des textes réglementaires qu’elle est amenée à appliquer aux engagements internationaux de la France, ce contrôle appartenant aux seules juridictions judiciaire et administrative.

120. Par suite le moyen tiré de la violation, par l’article 143-3, alinéa 3 du règlement général de l’AMF, des principes mentionnés ci-dessus, tirés de l’article 6 de la CSDH ne peut qu’être écarté.

121. Quant à l’appréciation du grief, l’analyse des échanges intervenus entre les mis en cause et les contrôleurs, tels qu’ils figurent au dossier, révèle que, sur les trente et une demandes adressées par ces derniers, treize (soit plus de 40 %) sont restées sans réponse ou ont fait l’objet de réponses incomplètes, étant précisé que sur ces treize demandes n’ayant pas abouti, sept étaient formulées depuis plus de six mois, quatre avaient fait l’objet de six relances successives (espacées d’une à deux semaines chacune) sur une durée totale de plus deux mois, plusieurs portaient sur des documents qui étaient censés exister et qui auraient dû pouvoir être communiqués aisément, tels que les grands livres de la société Greenvest pour les exercices 2015, 2016 et 2017, les bilans et comptes de résultat de la société 6s Cosmétiques pour les exercices 2016 et 2017, le registre des actionnaires de Nestadio

Capital, les rapports généraux et spéciaux des commissaires aux comptes pour l’exercice 2017, ou les rapports de gestion des fonds gérés par Nestadio Capital au 31 décembre 2017, et pour certains des documents précités, Nestadio Capital s’était engagée à les communiquer « sous huitaine » ou à une date donnée, sans que cet engagement ait été aucunement suivi d’effet.

122. Par ailleurs, Nestadio Capital ne justifie pas qu’elle était, comme elle le prétend, dans l’« impossibilité » de transmettre certains documents demandés par les contrôleurs. Quant à la situation de sous-effectif dont elle se prévaut, il ne s’agit pas d’une cause exonératoire des obligations de diligence et de loyauté qui s’imposaient à elle.

123. Au regard de ces éléments, le nombre de demandes restées sans réponse ou incomplètes était manifestement excessif par rapport au nombre total de demandes, en particulier dans la mesure où plusieurs de ces demandes portaient sur des documents censés exister et où la société de gestion n’a pas respecté certains délais qu’elle avait elle-même annoncés.

124. Par conséquent, Nestadio Capital n’a pas apporté son concours avec diligence et loyauté, de sorte que le grief tiré de la violation des dispositions de l’article 143-3, alinéa 3 du règlement général de l’AMF est caractérisé à son encontre.

5. Sur l’imputabilité à M. de Kersauson des griefs retenus à l’encontre de Nestadio Capital

125. La notification de griefs adressée à M. de Kersauson, qui reproduit l’ensemble des manquements reprochés à Nestadio Capital, précise que ces manquements sont susceptibles de lui être imputés personnellement conformément aux dispositions de l’article 313-6 du règlement général de l’AMF, en sa qualité, à l’époque des faits, de président de Nestadio Capital et de dirigeant responsable au sens de l’article L. 532-9, II, 4° du code monétaire et financier.

126. Au même titre que la société de gestion, M. de Kersauson conteste la caractérisation des griefs. De plus, M. de Kersauson conteste l’imputabilité à son égard des manquements reprochés à Nestadio Capital, au motif que cette imputabilité nécessite la caractérisation individuelle d’une faute commise par le dirigeant responsable ou une implication personnelle de ce dernier dans les faits reprochés ou des faits ayant sur le manquement reproché une incidence significative, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Il ajoute que la responsabilité du dirigeant ne peut être retenue que lorsque celui-ci a agi de mauvaise foi, ou en cas d’absence grossière de contrôle ou de surveillance de sa part.

127. L’article L. 532-9, II, 4° du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur au 4 janvier 2014, non modifiée sur ce point depuis, dispose : « II. – Les sociétés de gestion de portefeuille sont agréées par l'Autorité des marchés financiers. / Pour délivrer l'agrément à une société de gestion de portefeuille, l'Autorité vérifie si celle-ci : [...] / 4.

Est dirigée effectivement par deux personnes au moins possédant l'honorabilité nécessaire et l'expérience adéquate à leur fonction, en vue de garantir sa gestion saine et prudente. Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe les conditions dans lesquelles une société de gestion de portefeuille peut, par dérogation, être dirigée effectivement par une seule personne. Il précise les mesures qui doivent être prises pour garantir la gestion saine et prudente de la société concernée ».

128. L’article 313-6 du règlement général de l’AMF, alinéas 1 et 2, dans sa version en vigueur du 21 décembre 2013 au 2 janvier 2018, prévoit : « La responsabilité de s'assurer que le prestataire de services d'investissement se conforme à ses obligations professionnelles mentionnées au II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier incombe à ses dirigeants et, le cas échéant, à son instance de surveillance. / En particulier, les dirigeants et, le cas échéant, l'instance de surveillance évaluent et examinent périodiquement l'efficacité des politiques, dispositifs et procédures mis en place par le prestataire pour se conformer à ses obligations professionnelles et prennent les mesures appropriées pour remédier aux éventuelles défaillances ».

129. A l’époque des faits, cet article 313-6 se trouvait dans le Titre Ier du Livre III du règlement général de l’AMF et était donc, pour les raisons mentionnées à l’occasion de l’examen des textes applicables au premier grief, applicable à Nestadio Capital. Il ne l’est plus depuis le 3 janvier 2018, mais ses dispositions ont été reprises à droit constant, à compter de cette date, au sein de l’actuel article 321-35 du règlement général de l’AMF, figurant au sein du Titre Ier ter du Livre III et par conséquent applicable à Nestadio Capital, et non modifié dans un sens moins sévère depuis.

130. Il ressort des textes précités que les manquements retenus à l’encontre d’une société de gestion sont également imputables de plein droit à ses dirigeants responsables, sans qu’il y ait lieu de procéder à une nouvelle analyse des griefs à leur égard.

131. M. de Kersauson, en qualité de président de Nestadio Capital pendant toute la période des faits reprochés, était bien dirigeant effectif de la société de gestion au sens de l’article L. 532-9, II, 4° du code monétaire et financier.

132. Il en résulte que l’ensemble des manquements retenus à l’encontre de Nestadio Capital lui sont également imputables, en application des dispositions de l’article 313-6 du règlement général de l’AMF.

SANCTIONS ET PUBLICATION

I. Sur les sanctions

133. Nestadio Capital a méconnu l’ensemble des griefs qui lui ont été notifiés, à l’exception du grief relatif au traitement des réclamations clients. L’ensemble des manquements caractérisés à l’encontre de Nestadio Capital sont imputables à M. de Kersauson.

134. Les faits non prescrits correspondant à ces manquements ont eu lieu du 1 er février 2015 au 14 septembre 2018.

135. Le II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur au 22 février 2014, non modifiée sur ces points depuis, dispose : « II.- La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l'encontre des personnes suivantes : / a) Les personnes mentionnées aux 1° à 8° [...] du II de l'article L. 621-9, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les règlements européens, les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions des articles L. 612-39 et L. 612-40 ; / b) Les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8° [...] du II de l'article L. 621-9 au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les règlements européens, les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions des articles L. 612-39 et L. 612-40 [...] ».

136. Le 7° de l’article L. 621-9, II du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 1 er octobre 2014 au 19 décembre 2015, non modifiée sur ce point depuis dans un sens moins sévère, fait notamment référence aux : « sociétés de gestion mentionnées à l'article L. 543-1 ».

137. L’article L. 543-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 28 juillet 2013 au 11 décembre 2016, non modifié sur ce point depuis, dispose quant à lui : « Les sociétés de gestion de placements collectifs sont les sociétés de gestion de portefeuille [...] ».

138. Il s’ensuit que Nestadio Capital et M. de Kersauson sont passibles d’une sanction par la commission des sanctions.

139. Le III a) et b) de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 22 février 2014 au 11 décembre 2016, dispose : « III.- Les sanctions applicables sont : / a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8° [...] du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l’article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; / b) Pour les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8° [...] du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des activités ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés en cas de pratiques mentionnées aux c à g du II ou à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés dans les autres cas ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l'autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ».

140. Ces dispositions, dans leur version en vigueur depuis le 11 décembre 2016, non modifiées sur ces points dans un sens moins sévère depuis, sont ainsi rédigées : « III.- Les sanctions applicables sont : / a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8° [...] du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l'article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d'euros ou au décuple du montant de l'avantage retiré du manquement si celui-ci peut être déterminé ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; / b) Pour les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8° [...] du II de l'article L. 621-9, ou exerçant des fonctions dirigeantes, au sens de l'article L. 533-25, au sein de l'une de ces personnes, l'avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l'interdiction temporaire de négocier pour leur compte propre, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des activités ou de l'exercice des fonctions de gestion au sein d'une personne mentionnée aux 1° à 8° [...] du II de l'article L. 621-9. La commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 millions d'euros ou au décuple du montant de l'avantage retiré du manquement si ce montant peut être déterminé, en cas de pratiques mentionnées au II du présent article. Les ommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l'autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ».

En conséquence, Nestadio Capital encourt un avertissement, un blâme, une interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services qu’elle fournit et, en sus ou à la place, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant de l’avantage retiré du manquement s’il peut être déterminé.

M. de Kersauson, quant à lui, encourt un avertissement, un blâme, un retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, une interdiction temporaire de négocier pour son compte propre, une interdiction temporaire ou définitive d’exercer tout ou partie de ses activités ou d’exercer des fonctions de gestion au sein d’une société de gestion et, en sus ou à la place, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 millions d’euros ou au décuple du montant de l’avantage retiré du manquement s’il peut être déterminé.

141. Le III ter de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 11 décembre 2016, définit comme suit les critères à prendre en compte pour déterminer la sanction : « Dans la mise en œuvre des sanctions mentionnées aux III et III bis, il est tenu compte notamment : / - de la gravité et de la durée du manquement ; / - de la qualité et du degré d’implication de la personne en cause ; / - de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s’agissant d’une personne physique de ses revenus annuels, s’agissant d’une personne morale de son chiffre d’affaires total ; / - de l’importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; / - des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où elles peuvent être déterminées ; / - du degré de coopération avec l’Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veiller à la restitution de l’avantage retiré par cette personne ; / - des manquements commis précédemment par la personne en cause ; / - de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement ».

142. En l’espèce, il convient de tenir compte du fait que six griefs ont été caractérisés à l’encontre de chacun des mis en cause, de la durée significative de vingt-huit mois sur laquelle a porté le premier grief, et du caractère répété de certains de ces griefs, trente-neuf opérations ayant été mises en œuvre sans réunion du comité d’investissement et dix avances en compte courant ainsi que trois virements ayant été réalisés au profit de la société 6s Cosmétiques.

143. Nestadio Capital, qui n’a pas souhaité communiquer ses comptes pour l’exercice 2018, a généré en 2017 un chiffre d’affaires de 1 554 436 euros, pour un résultat net de 16 949 euros.

144. M. de Kersauson a déclaré en 2018 des revenus annuels de [...] euros au titre de pensions de retraite et [...] euros au titre de revenus de valeurs et capitaux mobiliers. Il ressort des éléments transmis par l’intéressé qu’il détiendrait par ailleurs une épargne de [...] euros ([...] euros en assurance-vie et [...] euros en comptes-épargnes), ainsi qu’un capital immobilier estimé à [...] euros (pour un emprunt restant à rembourser de [...] euros). Enfin,

M. de Kersauson a déclaré détenir la quasi-intégralité des parts de la société Compagnie de Guiclan, dont il est également dirigeant, société par actions simplifiée spécialisée dans le conseil pour les affaires et autres conseils de gestion dont le résultat d’activité s’élevait en 2018 à [...] euros (dont [...] euros au titre de prestations de services rendues à Nestadio Capital), pour un résultat net de [...] euros.

145. Nestadio Capital a déclaré, sans toutefois en justifier, avoir mis en œuvre des mesures de remédiation et notamment le fait que des révisions de procédure seraient en cours avec la RCCI, notamment sur les processus d’investissement et de désinvestissement.

146. Enfin, au titre des circonstances propres à la personne en cause, il résulte du communiqué publié par l’AMF le 20 mars 2020 que lors de sa séance du 17 décembre 2019, le collège de l’AMF a constaté que Nestadio Capital ne respectait plus les conditions de son agrément et, en application de l’article L. 532-10 du code monétaire et financier, a décidé de prononcer le retrait de cet agrément en qualité de société de gestion de portefeuille. Cette décision de retrait d’agrément fait actuellement l’objet d’un recours formé par Nestadio Capital devant le Conseil d’Etat.

147. Compte tenu l‘ensemble de ces éléments, il sera prononcé à l’encontre de Nestadio Capital une sanction pécuniaire de 10 000 euros ainsi qu’un blâme, et à l’encontre de M. de Kersauson une sanction pécuniaire de 100 000 euros ainsi qu’une interdiction d’exercer la profession de gérant ou de dirigeant d’une société de gestion pendant une durée de cinq ans.

II. Sur la publication

148. Les mis en cause sollicitent que la décision à intervenir « ne soit publiée ni sur le site Internet de l’AMF, ni dans la revue mensuelle de l’AMF, ou à tout le moins, qu’elle soit publiée sous une forme garantissant l’anonymat de la personne poursuivie ».

149. Mais ils ne justifient, ni que la publication de la présente décision est susceptible de causer aux personnes mises en cause un préjudice grave et disproportionné, ni qu’elle serait de nature à perturber gravement la stabilité du système financier ou encore le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours.

150. La publication sera donc ordonnée sans anonymisation.

PAR CES MOTIFS,

Et ainsi qu’il en a été délibéré par M. Jean Gaeremynck, président de la 2 ème section de la commission des sanctions, par Mme Sandrine Elbaz Rousso, M. Didier Guérin et Mme Sophie Schiller, membres de la 2 ème section de la commission des sanctions, ainsi que Mme Anne Le Lorier, membre de la 1 ère section de la commission des sanctions, suppléant M. Christophe Lepitre en application de l’article R. 621-7. I du code monétaire et financier, en présence de la secrétaire de séance, la commission des sanctions :

- prononce à l’encontre de Société de gestion des fonds d’investissement de Bretagne une sanction pécuniaire de dix mille euros ainsi qu’un blâme ;

- prononce à l’encontre de M. Florent de Kersauson une sanction pécuniaire de cent mille euros ainsi qu’une interdiction d’exercer la profession de gérant ou de dirigeant d’une société de gestion pendant une durée de cinq ans ;

- ordonne la publication de la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers et fixe à cinq ans à compter de la date de la présente décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.