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Décisions

AMF, 14 décembre 2012, n° SAN-2012-20

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Membres :

Mme Drummond, M. Surzur

Président :

M. Nocquet

AMF n° SAN-2012-20

13 décembre 2012

La 1 ère section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) ;

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 214-3, L. 214-4, L. 214-36, L. 533-1, L. 533-10, L. 533-12 L. 621-15 et R. 214-19 ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 313-1, 313-2, 313-6, 313-10, 313-11, 313-18 à 313-21, 313-54, 313-55, 313-60, 313-61, 314-3, 314-10, 314-11, 314-17, 314-60, 321-21, 411-45 et 411-45-1 ;

Vu les observations présentées par la société INNOVEN, le 14 décembre 2010, en réponse au rapport de contrôle ;

Vu les notifications de griefs en date du 23 décembre 2011, adressées à la société INNOVEN désormais dénommée société X, et à MM. A, C et B, par lettres recommandées avec demande d’avis de réception ;

Vu la décision du 19 janvier 2012 de la présidente de la Commission des sanctions désignant M. Jean-Claude Hanus, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 31 janvier 2012 informant les mis en cause de la nomination de M. Jean-Claude Hanus en qualité de rapporteur et leur rappelant la faculté d’être entendus, à leur demande, conformément à l’article R. 621-39-I du code monétaire et financier ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 1 er février 2012 informant les mis en cause, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, de ce qu’ils disposaient de la faculté de demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois ;

Vu les observations écrites présentées par la société X, datées du 24 février 2012 ;

La Commission des sanctions

Vu les observations écrites présentées pour le compte de MM. A et B, par l’intermédiaire de leurs conseils respectifs, datées du 27 février 2012 ;

Vu les observations écrites présentées pour le compte de M. C, par l’intermédiaire de son conseil, les 16 mars et 24 mai 2012 ;

Vu les auditions réalisées par M. Jean-Claude Hanus les 19 septembre, 24 septembre et 2 octobre 2012 ;

Vu le rapport de M. Jean-Claude Hanus du 30 octobre 2012 ;

Vu les lettres de convocation à la séance de la Commission des sanctions du 30 octobre 2012, adressées aux mis en cause par porteur le 30 octobre 2012, auxquelles était joint le rapport du rapporteur ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 14 novembre 2012 informant les mis en cause de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, et de la faculté de demander la récusation de l’un ou l’autre de ses membres ;

Vu les observations en réponse au rapport de M. Jean-Claude Hanus présentées le 14 novembre 2012 pour le compte de M. A, celles déposées le 15 novembre 2012 pour le compte de M. B et celles déposées le 21 novembre 2012 pour le compte de la société X, par l’intermédiaire de leurs conseils respectifs ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance du 30 novembre 2012 :

- M. Jean-Claude Hanus, en son rapport ;

- M. Pierre Chabrol, représentant du directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- Mme Michaëla d’Hollande d’Orazio, représentant le Collège de l’AMF ;

- La société Innoven Partenaires SA, représentée par le Président du Directoire, et son conseil Maître Diego de Lamerville ;

- M. A et ses conseils, Maîtres Frédéric Lalance et Pierre-Yves Denez ;

- M. B et son conseil, Maître Pierre Cornut-Gentille ;

- M. C et son conseil, Maître François Binet.

Les mis en cause ayant eu la parole en dernier.

FAITS ET PROCEDURE

1. PRESENTATION DE LA SOCIETE INNOVEN PARTENAIRES SA

La société X, anciennement dénommée INNOVEN PARTENAIRES SA (ci-après « INNOVEN »), est une société de gestion de portefeuille de type 2 agréée le 27 novembre 1997 par la Commission des opérations de bourse. Constituée sous la forme de société anonyme à directoire et conseil de surveillance, spécialisée dans le capital investissement, elle était, à l’époque des faits litigieux, une société du groupe BT&T pour avoir été détenue à 100% par la société INNOVEN HOLDING SAS jusqu’au 15 octobre 2009, puis à 99,5 % par la société de droit suisse INNOVEN HOLDING AG, elle-même filiale à 69,7% de la société BT&T Timelife AG, société d’investissement indépendante cotée sur le « SIX Swiss Exchange ».

Le 30 décembre 2011, INNOVEN HOLDING AG a cédé l’intégralité des actions d’INNOVEN à la société X HOLDING SAS, entraînant un changement de la gouvernance et de la raison sociale de l’entreprise, devenue « société X ».

Au jour du contrôle, les trois dirigeants en charge de la gestion d’INNOVEN étaient MM. A, C et B, dont les fonctions étaient les suivantes :

• M. A était en charge du développement stratégique et du comité d’investissement de la société depuis le 25 avril 2008, date à laquelle il avait succédé à M. Bertrand Leblanc à la présidence du directoire ; il cumulait par ailleurs d’autres fonctions au sein des sociétés du groupe BT&T puisqu’il était président de la société BT&T Timelife AG et président directeur général de la société BT&T ; enfin, il était membre du conseil d’administration de la société Rockwell Petroleum (« RWP »), dans laquelle ont investi plusieurs fonds gérés par INNOVEN ;

• M. C, président du conseil de surveillance de INNOVEN du 30 juin 2004 au 9 juillet 2007, en est devenu, à partir de cette dernière date, directeur général et membre du directoire en charge du marketing et des activités commerciales ; il était également, d’une part, président d’INNOVEN

HOLDING AG et de la filiale à 99,3% de celle-ci, INNOVEN PARTNERS LLP, d’autre part, membre du conseil d’administration de RWP ;

• M. B, directeur général et membre du directoire de INNOVEN à partir du 25 avril 2008, était chargé des aspects administratifs et financiers de la société, au sein de laquelle il remplissait également la fonction de Responsable de la conformité et du contrôle interne (« RCCI »).

INNOVEN gérait, au 31 décembre 2009, 22 OPCVM de capital investissement répartis en 20 fonds communs de placement dans l’innovation (« FCPI »), destinés à une clientèle privée, et 2 fonds communs de placement à risques (« FCPR ») à procédure allégée, réservés à une clientèle institutionnelle, soit un encours de 111 698 000 euros au titre de la gestion collective.

2. PROCEDURE

En application de l’article L. 621-9 du code monétaire et financier, le secrétaire général de l’AMF a décidé, le 3 février 2010, de procéder au contrôle du « respect par la société INNOVEN PARTENAIRES SA de ses obligations professionnelles ». Ce contrôle s’est achevé, le 7 juillet 2010, par la signature d’un rapport.

Au cours du contrôle, il est notamment apparu qu’en 2005, plusieurs FCPI gérés par INNOVEN, les

FCPI INNOVEN 1997, 1998 et 1999, avaient pris des participations dans RWP, société non cotée de droit canadien qui, malgré plusieurs augmentations de capital pour un montant total de 280 millions de dollars, s’est trouvée en état de cessation des paiements le 15 décembre 2008, après une vaine tentative d’introduction en bourse, ce qui a conduit à l’ouverture d’une procédure collective dans le cadre de laquelle la société BT&T Timelife AG est intervenue en participant au plan de restructuration, notamment par l’octroi d’un prêt de cinq millions de dollars.

Le 14 octobre 2010, le secrétaire général de l’AMF a adressé le rapport de contrôle à INNOVEN, prise en la personne du président du directoire au moment des faits, M. A, invité à lui transmettre ses éventuelles observations dans un délai d’un mois. Par courriel en date du 20 octobre 2010, INNOVEN a sollicité, pour présenter ses observations, l’octroi d’un délai supplémentaire, qui lui a été accordé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 9 novembre 2010. Le 14 décembre 2010, la société INNOVEN a fait valoir ses observations.

La Commission spécialisée n°2 du Collège de l’AMF, constituée en application de l’article L. 621-2 du code monétaire et financier, a examiné le rapport de contrôle et les observations de la société au cours de sa séance du 22 novembre 2011 et a décidé de notifier des griefs à INNOVEN ainsi qu’à MM. A, C et Gilles Thouvevin, en leur qualité de dirigeants à l’époque des faits, ce qui a été fait par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 23 décembre 2011.

En substance, il est fait grief à la société de gestion et à ses anciens dirigeants d’avoir :

- géré certains FCPI de manière non conforme à l’intérêt et à l’égalité des porteurs de parts en ne respectant pas les délais de vie et de liquidation de ces fonds et en faisant fi de la gestion des conflits d’intérêts ;

- délivré aux porteurs de parts et aux souscripteurs potentiels une information déloyale et inexacte, confortant la vision faussée qu’avaient ces derniers de la qualité des investissements proposés ;

- mis en place un dispositif de contrôle interne et de conformité présentant des dysfonctionnements graves ;

Conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, le président de l’AMF a, le 23 décembre 2011, transmis la copie des notifications de griefs à la présidente de la Commission des sanctions qui, par décision du 19 janvier 2012, a désigné M. Jean-Claude Hanus en qualité de rapporteur, ce dont les mis en cause ont été informés par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 31 janvier 2012 leur rappelant la faculté d’être entendus, à leur demande, conformément à l’article R. 621-39-I du code monétaire et financier.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 1 er février 2012, les mis en cause ont également été informés, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, de ce qu’ils disposaient de la faculté de demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois, dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 31 janvier 2012, le représentant du Collège de l’AMF a été informé de la faculté d’être entendu par le rapporteur en application de l’article R. 621-39 I Par lettre recommandée du 24 février 2012, la société X, anciennement dénommée INNOVEN, a déposé ses observations en réponse à la notification de griefs.

MM. A et B ont, par l’intermédiaire de leur avocat respectif, remis par porteur leurs observations en réponse à la notification de griefs, le 27 février 2012. M. C a, par courriers du 16 mars et 24 mai 2012, déposé puis complété ses observations en réponse à la notification de griefs.

Par lettres recommandées datées du 18 septembre 2012 et du 9 octobre 2012, MM. C et A ont élu domicile chez leurs conseils respectifs, Maîtres François Binet et Frédéric Lalance.

Le rapporteur a procédé à l’audition de M. C, le 19 septembre 2012, de M. B le 24 septembre 2012 et de la société X le 2 octobre 2012. A la suite de cette dernière audition, de nouveaux documents ont été versés à la procédure le 4 octobre 2012.

Le rapporteur a sollicité du secrétaire général de l’AMF, le 12 octobre 2012, la production de pièces complémentaires qui lui ont été transmises le 22 octobre 2012, avant le dépôt du rapport, intervenu le 30 octobre 2012.

Par lettres du 30 octobre 2012, remises par porteur le même jour, auxquelles était joint le rapport du rapporteur, les mis en cause ont été convoqués à la séance du 30 novembre 2012.

Ils ont été informés de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance et de la faculté de demander la récusation de l’un ou l’autre de ses membres par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 14 novembre 2012.

Des observations écrites sur le rapport du rapporteur ont été adressées, par porteur, à la Commission des sanctions le 14 novembre 2012 par Maître Frédéric Lalance pour le compte de M. A, le 15 novembre 2012 par Maître Cornut-Gentille pour le compte de M. B et le 21 novembre 2012 par Maître Diego de Lammerville pour le compte de la société X.

MOTIFS DE LA DECISION

1. SUR LE GRIEF TIRE DE LA GESTION NON CONFORME A L’INTERET DES PORTEURS DE PLUSIEURS FCPI

1.1 Textes applicables

Considérant que les faits reprochés, s’étant déroulés à partir du 3 février 2007, seront examinés au regard des textes alors en vigueur ;

Considérant que les FCPI appartiennent, aux termes de l’article L. 214-41 du code monétaire et financier, à la catégorie des fonds communs de placement à risques, dont l’actif répond à certaines exigences ;

Considérant que l’article L. 214-36 7 du code monétaire et financier, dont les dispositions sont aujourd’hui reprises à l’identique à l’article L. 214-28 VII du même code, disposait, pour les fonds communs de placement à risques, que « les porteurs de parts ne peuvent demander le rachat de celles-ci avant l'expiration d'une période qui ne peut excéder dix ans. Au terme de ce délai, les porteurs de parts peuvent exiger la liquidation du fonds si leurs demandes de remboursement n'ont pas été satisfaites dans le délai d'un an » ; que l’article L. 214-3 du même code énonçait que « les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, le dépositaire et la société de gestion doivent agir au bénéfice exclusif des souscripteurs » ;

Considérant qu’en matière de gestion des risques, l'article R. 214-19 du code monétaire et financier disposait que « 1. Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières doivent pouvoir à tout moment valoriser de manière précise et indépendante leurs éléments d'actif et de hors-bilan ; ils doivent pouvoir à tout moment mesurer les risques associés à leurs positions et la contribution de ces positions au profil de risque général du portefeuille » ; que ces dispositions étaient complétées par les articles 313-60 et 313-61 du règlement général de l'AMF, prescrivant à la société de gestion d’établir et de maintenir opérationnelles des politiques et procédures efficaces de gestion des risques permettant d'identifier les risques liés à ses activités, processus et systèmes ;

Considérant que l'article L. 533-1 du code précité édicte que : « les prestataires de services d'investissement agissent d'une manière honnête, loyale et professionnelle » ; qu’à cet égard, l'article 314-3 du règlement général de l'AMF précise que « le prestataire de services d'investissement agit d'une manière honnête, loyale et professionnelle qui sert au mieux l'intérêt des clients (...) » ;

1.2 Examen des griefs

1.2.1 Le grief de non-respect des délais de vie et de liquidation des FCPI

Considérant qu’il est reproché à INNOVEN et à ses dirigeants de n’avoir pas été diligents dans le processus de liquidation des FCPI INNOVEN 1997, 1998 et 1999, la société de gestion n’ayant pas été en mesure de rembourser les porteurs de parts à la date d’échéance de ces fonds ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que :

- la durée de vie fixée par le règlement des FCPI INNOVEN 1997, INNOVEN 1998 et INNOVEN 1999 était de « 8 ans à compter de sa constitution, prorogeable par période d'un an et au maximum deux fois », soit dix ans au plus, de sorte que, prorogations comprises, les échéances statutaires de chacun de ces fonds étaient fixées, respectivement, aux 31 décembre 2007, 2008 et 2009 ;

- malgré les relances de l'AMF des 16 octobre 2007, 26 juin 2008 et 28 janvier 2009 rappelant à la société de gestion la nécessité de respecter ces délais, le remboursement définitif des porteurs n’est intervenu, pour le FCPI INNOVEN 1997, que le 17 mai 2010 et, pour FCPI INNOVEN 1998 et 1999, que le 29 juin 2010, soit au-delà des échéances décennales.

Considérant que la durée de vie d’un fonds ne saurait être confondue avec la période du blocage des sommes investies, durant laquelle tout rachat des parts correspondantes est interdit ; que l’échéance statutaire du fonds et le blocage des sommes investies correspondent, respectivement, à la durée maximale et à la durée minimale de l’investissement ;

Considérant qu’il ne saurait être déduit de l’article L. 214-36 7 précité, visé au soutien de la notification de griefs, que le remboursement des porteurs intervenu plus de dix ans après la création du FCPI suffirait à constituer un manquement, alors que la loi n’offre à ces derniers que la faculté d’« exiger la liquidation » du fonds, faculté subordonnée, au surplus, à la condition que « leurs demandes de remboursement l’expiration de la période durant laquelle ils ne pouvaient, sauf convention contraire, « demander le rachat » ;

Considérant que la preuve n’est pas rapportée que des porteurs aient demandé la liquidation forcée du fonds à la suite d’un refus de remboursement ;

Considérant qu’en conséquence, le grief faisant état de « décisions de gestion tardives » par rapport aux échéances statutaires des fonds, prises « sans tenir compte de leurs impacts sur la nécessité de respecter le délai maximum de dix ans », est insuffisamment fondé, tant en droit qu’en fait, pour pouvoir être retenu ;

1.2.2 Les griefs d’atteinte à la primauté de l’intérêt des porteurs et d’absence de gestion des conflits d’intérêts 1.2.2.1 L’atteinte à l’intérêt exclusif des porteurs des FCPI récipiendaires dans le cadre de la cession des titres RWP entre FCPI et l’absence de gestion du risque de liquidité Considérant qu’en 2005, les FCPI INNOVEN 1997, 1998 et 1999 ont pris des participations dans la société de droit canadien, non cotée, Rockwell Petroleum (« RWP ») ; que celle-ci a, de 2005 au 30 juin 2008, levé des capitaux pour un montant total de 280 millions de dollars ; qu’en juillet 2008, elle a tenté de s’introduire sur le « London Stock Exchange », mais n’y est pas parvenue et a connu des difficultés de trésorerie ; qu’elle s’est retrouvée en état de cessation des paiements le 15 décembre 2008 ;

Considérant qu’il est reproché aux mis en cause d’avoir, le 12 septembre 2008, procédé à la cession des titres RWP détenus par le FCPI INNOVEN 1997 à plusieurs autres fonds gérés par INNOVEN ; que les notifications de griefs précisent que les transferts auraient été motivés par la nécessité de permettre la liquidation du fonds vendeur et auraient été faits à un prix dont INNOVEN connaissait « la vraisemblable surestimation » ; qu’ainsi, l’investissement litigieux n’aurait pas été pris dans l’intérêt exclusif des porteurs des fonds récipiendaires, les FCPI INNOVEN EUROPE, POSTE INNOVATION, POSTE INNOVATION 2,

POSTE INNOVATION 3, POSTE INNOVATION 6 et POSTE INNOVATION 9 ;

Considérant que l’obligation de loyauté et de professionnalisme posée par l’article L. 533-1 précité induit, en matière de gestion collective, une vigilance accrue à chaque fois qu’il est décidé de procéder, entre plusieurs fonds sous gestion, à des opérations de cession et d’acquisition, celles-ci étant en elles-mêmes génératrices de conflit d’intérêts ; que, s’il est exact que les transferts entre fonds ne sont plus prohibés en tant que tels depuis l’entrée en vigueur de la directive MIF, ils restent soumis à l’exigence que soit respecté le principe général – et fondamental – de la primauté de l’intérêt des porteurs, tel qu’il résulte des articles L. 214-3 al. 2 du code monétaire et financier et 314-3 du règlement général de l’AMF, dans leur rédaction applicable au moment des faits ;

Considérant qu’il convient de rechercher si un intérêt distinct de celui des porteurs des fonds souscripteurs a pu motiver, au moins pour partie, les opérations d’investissement faites pour leur compte ;

Considérant, tout d’abord, que ces opérations ont permis au fonds vendeur, le FCPI INNOVEN 1997, qui avait dépassé sa durée décennale de vie, de s’engager dans un processus de liquidation et, en cédant 78,65% de son actif net, de réaliser une performance de 20% ;

Considérant, ensuite, qu’il ressort des procès-verbaux des comités d’investissement intervenus entre le 11 juillet 2008 et le 5 septembre 2008, auxquels ont participé MM. A, C et B, que cette cession a été envisagée à la suite de l’échec des négociations entreprises avec un repreneur potentiel des titres RWP ; que le procès-verbal de la réunion du directoire du 11 juillet 2008 indique que ce « désistement » l’amène « à proposer » de céder les actions RWP détenues par le FCPI INNOVEN 1997 « aux autres fonds pour conserver le poids stratégique de cette participation » ; qu’ainsi, les intérêts de la société de gestion ne semblent pas avoir été sans incidence sur la proposition qui a alors été faite ;

Considérant en outre que, parmi les fonds souscripteurs, les FCPI POSTE INNOVATION 1,

POSTE INNOVATION 2 et POSTE INNOVATION 3 étaient, au jour de l’opération litigieuse, proches de leur échéance, puisqu’ils terminaient respectivement leur 6 ème et leur 7 ème années d’exercice ; que, pour ces trois fonds, un tel investissement entraînait donc un risque de liquidité majeur ;

Considérant, enfin, que si l’investissement initialement fait dans les titres RWP avait d’abord été fructueux, tel n’a plus été le cas à partir du second semestre 2008 ; que, dans son procès-verbal de la réunion du 22 août 2008, le comité d’investissement d’INNOVEN indique que « le pire scénario s’est produit sur RWP.

L’introduction en bourse n’aura pas lieu. INNOVEN PARTENAIRES souhaite organiser une assemblée générale et changer le management de la société » ; que cette prise de conscience des graves difficultés de trésorerie de la société RWP prive de toute portée l’argumentation des mis en cause selon laquelle la fixation du prix de cession unitaire des titres à 4,5 dollars canadiens – correspondant au prix discuté au début du mois de juillet 2008, mais non retenu, et largement supérieur à l’estimation « à 2-3 USD sur le marché gris » du comité d’investissement d’INNOVEN réuni le 18 juillet 2008 – devait permettre d’anticiper « une extrapolation du prix des actions » et assurer « aux FCPI (...) une plus-value intéressante » ; que la déclaration de cessation des paiements de RWP intervenue le 15 décembre 2008 a conduit à une dévalorisation quasi intégrale de la ligne ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les investissements en titres RWP par les FCPI récipiendaires, au moment et dans les circonstances où ils ont été faits, ont méconnu l’obligation de gestion au bénéfice exclusif des porteurs de ces fonds ; qu’ainsi le manquement aux articles L. 214-3 du code monétaire et financier et 314-3 du règlement général de l’AMF, dans leur version alors en vigueur, est caractérisé ;

1.2.2.2 Sur l’absence de gestion des conflits d’intérêts lors de la participation des FCPI au redressement de la société RWP Considérant qu’il est reproché aux mis en cause de n’avoir, lors de l’opération de recapitalisation de la société RWP, ni géré ni révélé les conflits d’intérêts par rapport, notamment, aux dirigeants d’INNOVEN, également dirigeants de plusieurs sociétés du groupe BT&T ;

Considérant que l'article L. 533-10 du code monétaire et financier impose notamment au prestataire de services d'investissement de « prendre toutes les mesures raisonnables pour empêcher les conflits d'intérêts de porter atteinte aux intérêts de leurs clients » ; qu’à ce propos, les articles 313-18 et 313-19 du règlement général de l'AMF énoncent les obligations des prestataires en matières de gestion des conflits d'intérêts et notamment ceux qui conduisent « pour des raisons financières ou autres, à privilégier les intérêts d'un autre client (...) » ; que selon l'article 313-20 du même règlement « la politique de gestion des conflits d'intérêts doit également prendre en compte les circonstances, qui sont connues ou devraient être connues par le prestataire, susceptibles de provoquer un conflit d’intérêts résultant de la structure et des activités professionnelles des autres membres du groupe » ;

Considérant que, si l’opportunité économique des investissements réalisés ne relève pas de l’appréciation de la Commission des sanctions, il lui appartient de s’assurer que ceux-ci ont bien été réalisés dans le respect des obligations professionnelles mises à la charge de la société de gestion par la réglementation en vigueur, et notamment des dispositions relatives à la prévention et à la gestion des conflits d’intérêts ;

Considérant qu’il est établi et non contesté que, pour procéder au sauvetage de la société RWP :

- BT&T Timelife AG, maison mère des sociétés INNOVEN et INNOVEN PARTNERS LLP, s’est engagée, à partir du 15 décembre 2008, dans le redressement de cette société en lui octroyant un prêt de cinq millions de dollars ;

- le 23 septembre 2009, ont été rendues les décisions des tribunaux canadien et américain, à la suite desquelles il a été mis fin à la procédure judiciaire, les anciennes actions RWP étant annulées et une nouvelle augmentation de capital autorisée ;

- les nouvelles actions ont été souscrites, à hauteur de vingt millions de dollars, par le FCPR

INNOVEN ENERGY FUND, créé à cette fin par INNOVEN le 24 septembre 2009 et déclaré auprès de l’AMF le 6 novembre 2009 ;

- le FCPR INNOVEN ENERGY FUND était détenu à 56% par BT&T Timelife AG et à 44% par les

FCPI gérés par INNOVEN ;

- pour pouvoir investir dans le FCPR INNOVEN ENERGY FUND, certains de ces FCPI ont contracté des crédits de 300 000 à 900 000 euros auprès de BT&T Timelife AG ;

- les souscriptions des FCPI sous gestion, à hauteur de dix millions d’euros, dans le FCPR INNOVEN ENERGY FUND ont permis de rémunérer la société INNOVEN PARTNERS LLP à hauteur de plus d’un million de dollars au titre du placement des actions et de rembourser deux millions de dollars à la société BT&T Timelife AG au titre des frais engagés par cette dernière dans le redressement de la société RWP ;

- M. A était, au moment des faits, président du directoire d’INNOVEN et de la société BT&T Timelife AG, ainsi qu’administrateur de la société RWP et M. C, membre du directoire et directeur général d’INNOVEN, était également président de la société INNOVEN PARTNERS LLP et administrateur de la société RWP ;

Considérant qu’il ressort de l’ensemble de ces constatations qu’au moment des investissements litigieux, il existait objectivement un risque de conflit d’intérêts inhérent à la structure capitalistique du groupe BT&T et au cumul des mandats de plusieurs dirigeants, ce conflit étant, par nature, susceptible de porter atteinte à l’intérêt des porteurs des FCPI investis dans le FCPR INNOVEN ENERGY FUND ;

Considérant, en effet, que si les FCPI et les sociétés du groupe BT&T avaient en commun d’être intéressés au redressement de la société RWP, les modalités du plan de sauvetage ont été définies en fonction de l’intérêt propre des sociétés du groupe BT&T, et plus particulièrement de la maison mère d’INNOVEN, lequel pouvait entrer en concurrence avec celui des porteurs de parts investis dans le FCPR INNOVEN ENERGY FUND ; qu’il est donc établi, pour reprendre les termes de la notification de griefs, que l’intérêt des porteurs des FCPI s’est « objectivement effacé devant celui de la société mère BT&T » ;

Considérant que les mis en cause ne justifient d’aucune mesure organisationnelle spécifique et n’ont mis en place aucune procédure visant à remédier à cette situation et à prévenir toute atteinte aux droits des porteurs des FCPI investis en parts du FCPR INNOVEN ENERGY FUND, alors que le conflit d’intérêts entre ceux-ci et le groupe BT&T était parfaitement identifié ;

Considérant, en conséquence, qu’il apparaît, sans qu’il soit besoin d’examiner l’aspect du grief portant sur l’insuffisance de l’information délivrée aux porteurs de FCPI, que le manquement pris de l’absence de gestion des conflits d’intérêts est caractérisé en tous ses éléments ;

1.2.3 Sur le dépassement du ratio réglementaire d’emprunt d’espèces

Considérant qu’il est reproché à INNOVEN et à ses anciens dirigeants de n’avoir pas respecté, en ce qui concerne les FCPI POSTE INNOVATION 9, INNOVEN 2002, INNOVEN 2003 et INNOVEN Europe 2002, le ratio réglementaire d'emprunt d'espèces ; que, le 11 septembre 2009, la société de gestion a en effet autorisé ces FCPI à contracter auprès de BT&T Timelife AG des emprunts compris entre 300 000 et 900 000 euros, destinés à leur permettre d’investir dans le FCPR INNOVEN ENERGY FUND ;

Considérant que l’article L. 214-4 7 du code monétaire et financier, dans sa version applicable à l’époque des faits et en vigueur jusqu’au 3 août 2011, disposait qu’un « organisme de placement collectif en valeurs mobilières peut procéder à des prêts et emprunts de titres et à des emprunts d’espèces dans la limite d’une fraction de ses actifs. S’agissant des emprunts d’espèces, cette limite ne peut être supérieure à 10% des actifs » ;

Considérant que les mis en cause, s’ils reconnaissent que les prêts consentis par la société BT&T TIMELIFE AG ont conduit à dépasser le ratio d’emprunt d’espèces au 31 décembre 2009, soutiennent que ces dépassements ont été peu significatifs, n’ont concerné que les FCPI POSTE INNOVATION 9 et INNOVEN EUROPE 2002, enfin, ont été régularisés à brefs délais ;

Considérant que les opérations de crédit ont tout de même dépassé, respectivement, 25,8% et 17,13% de l’actif net du FCPI POSTE INNOVATION 9 et du FCPI INNOVEN EUROPE 2002 alors qu’elles auraient dû être limitées à 10% de cet actif ; qu’elles ont eu pour effet d’ajouter un risque supplémentaire au risque initial ; qu’il a été mis fin à ces dépassements le 15 mars 2000 ; que, jusqu’à cette date, le manquement à l’article L. 214-4 du code monétaire et financier est caractérisé ;

1.2.4 Sur l’atteinte à l’égalité de traitement des porteurs de parts du FCPR Considérant qu’il est reproché à la société INNOVEN et à ses dirigeants d’avoir assuré « à très court terme la liquidité des FCPI en cours de liquidation (FCPI INNOVEN 1997, 1998,1999 et 2000) » au détriment d’autres FCPI ; qu’ainsi, le regroupement dans le FCPR INNOVEN TACTICAL FUND, créé le 21 décembre 2009, de titres en provenance de différents OPCVM qui n’avaient pas le même horizon d’investissement n’aurait fait que « déplacer d’un fonds à l’autre l’illiquidité des positions » et n’aurait « pas permis d’assurer un traitement égalitaire des porteurs de parts » ;

Considérant qu’au soutien du manquement, sont notamment visés, au titre des conflits d’intérêts, l’article L. 533-10 précité, les articles 313-20 et 313-21 du règlement général de l'AMF, au titre de la gestion du risque de liquidité, les articles 313-60 et 313-61 du même règlement, au titre de l’égalité de traitement, l'article L. 214-3, alinéa 2, du code monétaire et financier précité ;

Considérant qu’il convient de rechercher, sur le fondement de ces textes, si l’opération de regroupement de titres dans le réceptacle que constituait le FCPR INNOVEN TACTICAL FUND, créé pour cantonner les participations devenues non stratégiques de plusieurs FCPI gérés par INNOVEN, a respecté le principe «d’égalité de traitement des porteurs », seul visé par la notification de griefs ;

Considérant que les mis en cause indiquent qu’un expert indépendant a validé la valorisation des parts du FCPR TACTICAL FUND et que le commissaire aux comptes de ce fonds a, quant à lui, certifié la valeur des titres apportés par les différents FCPI ;

Considérant, en premier lieu, que si les FCPI INNOVEN 2001 et 2002, INNOVEN EUROPE 1 et 2,

INNOVEN CAPITAL, POSTE INNOVATION 1, 2, 3, 5, 6 et 9 et BANQUE POSTALE INNOVATION 1 ont effectué des apports en titres et obtenu, en contrepartie, des parts du FCPR TACTICAL FUND, les FCPI INNOVEN 1997, 1998, 1999, 2000, en cours de liquidation, ont bénéficié du remboursement en numéraire de leurs participations ; que ce remboursement a été rendu possible par l’apport de 180 000 euros en numéraire provenant de la société INNOVEN HOLDING AG ; que, compte tenu de l’illiquidité des titres apportés par les FCPI INNOVEN 1997, 1998, 1999, 2000, l’opération a conduit à transférer le risque de liquidité de ces fonds aux autres FCPI, détenteurs de participations au sein du FCPR regroupant tous les apports ; que, toutefois, ces faits ne sauraient caractériser une inégalité de traitement entre les FCPI souscripteurs et les FCPI INNOVEN 1997, 1998, 1999, 2000, ces derniers n’étant pas, au sens des textes précités, « porteurs de parts » du FCPR ;

Considérant, en second lieu, que les FCPI souscripteurs n’avaient pas la même maturité, plusieurs d’entre eux approchant de l’échéance au moment où l’opération litigieuse a été réalisée ; qu’ainsi, les FCPI INNOVEN 2001 et POSTE INNOVATION achevaient leur 8ème année d’exercice, tandis que les FCPI INNOVEN 2002, POSTE INNOVATION 2 et POSTE INNOVATION 3 achevaient leur 7ème année d’exercice lorsqu’ils ont obtenu des parts du FCPR TACTICAL FUND en contrepartie de leurs cessions ;

que, compte tenu de la courte durée de vie qui leur restait, ces FCPI ne bénéficiaient pas des mêmes perspectives que les autres souscripteurs ; que, toutefois, la disparité de situation entre les premiers et les seconds ne saurait être assimilée à un traitement inégalitaire, au sein du FCPR TACTICAL FUND, entre les FCPI souscripteurs ; que les participations prises pour le compte de ces FCPI, si elles n’ont pas laissé à tous les mêmes espérances, ont conféré à chacun exactement les mêmes droits ; que n’a donc pas été méconnu le principe de l’égalité de traitement des porteurs, lequel ne saurait être confondu avec la préservation de leurs intérêts, non visée par la notification de griefs ;

Considérant que, sous réserve de ce dernier aspect du manquement, qui n’est pas caractérisé, il se déduit de ce qui précède que la société INNOVEN et ses anciens dirigeants ont, de manière réitérée, méconnu le principe de la primauté de l’intérêt des investisseurs en négligeant la gestion des conflits d’intérêts, en dépassant le ratio d’emprunt d’espèces et, de manière plus générale, en « instrumentalisant », au service de leur propre stratégie, les fonds sous gestion ; que le grief, constitué en ses trois premières branches, revêt donc une particulière gravité ;

2. SUR LE GRIEF TIRE DU DEFAUT DE LOYAUTE ET DE L’ATTEINTE A LA BONNE

INFORMATION DES PORTEURS DE PARTS DE FCPI

2.1 Sur les informations commerciales et à caractère promotionnel délivrées aux porteurs de parts et souscripteurs potentiels Considérant qu’il est reproché à la société INNOVEN et à ses dirigeants d’avoir conforté les investisseurs « dans une vision faussée de la qualité de leur investissement », aussi bien à travers la documentation commerciale du FCPI INNOVEN 2002 qu’à travers les courriers adressés aux clients, entre mai 2009 et janvier 2010, à propos du dossier « RWP » ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 533-12 du code monétaire et financier : « 1. - Toutes les informations, y compris les communications à caractère promotionnel, adressées par un prestataire de services d'investissement à des clients, notamment des clients potentiels, présentent un contenu exact, identifiables en tant que telles » ; que l'article 314-10 du règlement général de l’AMF précise que « le prestataire de services d'investissement veille à ce que toute l’information, y compris à caractère promotionnel, qu'il adresse à des clients, remplisse les conditions posées aux articles 314-11 à 314-17 du code monétaire et financier. Le prestataire veille également à ce que toute l'information, y compris à caractère promotionnel, qu'il adresse à des clients non professionnels ou qui parviendra probablement à de tels destinataires remplisse les conditions posées » ; que l'article 314-11 du règlement général AMF ajoute que la société de gestion « (...) ne travestit, ni ne minimise, ni n'occulte certains éléments, déclarations ou avertissements importants » ; qu’enfin l’article 411-45 du même règlement, dans sa version applicable à l’époque des faits, posait le principe selon lequel « les informations que l'OPCVM est tenu de diffuser sont transparentes, complètes et claires » ;

Considérant que l’obligation faite aux prestataires de services d’investissement d’agir de manière honnête, loyale et professionnelle a pour finalité première la préservation de l’intérêt des clients ; que le respect de cette obligation implique notamment que soit délivrée, tant sur les caractéristiques de l’investissement que sur les risques encourus, une information exacte, claire et non trompeuse aux investisseurs, qui doivent être mis en mesure de prendre leurs décisions de manière éclairée ou de confier la gestion de leurs actifs en toute connaissance de cause ;

2.1.1 Sur les informations contenues dans la plaquette commerciale du fonds INNOVEN CAPITAL 2

Considérant que la plaquette commerciale du fonds INNOVEN CAPITAL 2, ouvert à la souscription jusqu’au 31 décembre 2009, soit près d’un an après que la société RWP eut été placée en redressement judiciaire, ne comportait aucune information relative à la dépréciation de ce titre, malgré la dégradation consécutive et particulièrement significative des performances des FCPI ;

Considérant que, selon les mis en cause, l’information relative à la situation financière de la société RWP « n’avait nullement à figurer dans son prospectus » dès lors que le fonds INNOVEN CAPITAL 2 n’a investi ni directement, ni indirectement, dans la société RWP ;

Considérant cependant qu’il est établi et non contesté que l’ouverture de la procédure consécutive à la déclaration de cessation des paiements de la société RWP a entraîné, pour les FCPI INNOVEN 1998, INNOVEN 1999 et INNOVEN 2000, des dépréciations de l’ordre, respectivement, de 93,51%, 95,72 % et 98,05% du montant initialement investi ; qu’en conséquence, l’information contenue dans la plaquette commerciale du fonds INNOVEN CAPITAL 2, suivant laquelle les FCPI précités furent « régulièrement classés parmi les premiers », mettait en avant leurs performances passées tout en occultant l’impact de la situation financière de la société RWP ;

Considérant que l’information lacunaire qui a été donnée ne satisfaisait donc pas aux exigences posées par les articles précités ;

2.1.2 Sur l’information adressée aux souscripteurs à compter du 15 mai 2009 à propos du dossier « RWP »

Considérant qu’il est reproché à la société de gestion et à ses dirigeants d’avoir délivré de manière récurrente des informations « exagérément optimistes » sur la situation de la société RWP ;

Considérant que, par courrier du 15 mai 2009, la société de gestion proposait « de lancer une augmentation de capital à un prix correspondant à celui des fonds propres audités par PWC (...). Un prix extrêmement attractif qui, compte tenu du potentiel à venir mais surtout existant, revient à acheter un troupeau de 100 vaches laitières au prix de la production de 5 vaches. Cette solution offre aux actionnaires de belles perspectives [...] » ;

Considérant que, par courriers des 15 septembre et 1er octobre 2009, les mis en cause ont indiqué : « A ce jour, nous avons réuni plus de 25 M$ et attendons, dans les prochaines semaines, les réponses de deux nouveaux investisseurs importants, pour un montant complémentaire de 25 M$ » ;

Considérant, enfin, qu’en décembre 2009, la société de gestion a affirmé : « aujourd’hui, cette société est sauvée et possède un potentiel de revalorisation très important. (...). Les perspectives d'appréciation à l'horizon 2013 seraient un multiple prévisionnel de l'ordre de 10 fois le cours de l'augmentation de capital effectuée à un dollar » ;

Considérant qu’ainsi, ont été délivrées de manière récurrente des informations abusivement optimistes sur les perspectives de développement de la société RWP, de nature à inciter les investisseurs à participer à l’opération d’augmentation de capital et à rassurer les porteurs sur le rendement futur de l’investissement déjà réalisé ; que l’information délivrée, outre qu’elle était inexacte en ce qui concerne le montant des fonds réunis, qui n’excédait pas 23 millions de dollars, ne permettait pas aux clients d’INNOVEN d’appréhender avec discernement les risques inhérents aux investissements proposés ou réalisés ; qu’elle était insuffisante et, dès lors, partiellement trompeuse ; que le manquement est caractérisé ;

2.2 Sur la référence inappropriée à l’AMF dans la communication avec les porteurs et souscripteurs potentiels Considérant qu’il est fait grief aux mis en cause d’avoir, entre le mois de décembre 2009 et le mois de juillet 2010, fait référence, à propos de l’augmentation de capital de RWP, « de manière suggestive et inadaptée à l’obtention imminente d’un visa par les services de l’AMF », ce qui aurait contribué à donner « une image de crédibilité artificielle de nature à induire en erreur les clients et souscripteurs potentiels sollicités » ;

Considérant que l'article 314-17 du règlement général AMF énonce que « l'information n'utilise pas le nom d'une autorité compétente, quelle qu'elle soit, d'une manière qui puisse indiquer ou laisser entendre que cette autorité approuve ou cautionne les produits ou services du prestataire de services d'investissement » ;

Considérant que, si la référence à un futur agrément du régulateur était prématurée et critiquable en ce qu’elle passait sous silence les réserves émises par celui-ci les 17 décembre 2009 et 3 mars 2010, le grief ne sera pas retenu, le prospectus ayant finalement reçu le visa de l’AMF le 21 octobre 2010 ;

3. SUR LE GRIEF RELATIF AUX DYSFONCTIONNEMENTS DU DISPOSITIF DE CONTROLE INTERNE ET DE CONFORMITE

3.1 Textes applicables Considérant que l'article L. 533-10 1 du code monétaire et financier, toujours en vigueur, prévoit que « les prestataires de services d'investissement doivent : mettre en place des règles et procédures permettant de garantir le respect des dispositions qui leur sont applicables » ;

Considérant que dans ce domaine, l'article 313-1 du règlement général de l'AMF, demeuré inchangé, prévoit que « le prestataire de services d'investissement établit et maintient opérationnelles des politiques, procédures et mesures adéquates visant à détecter tout risque de non-conformité aux obligations professionnelles mentionnées au II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ainsi que les risques en découlant et à minimiser ces risques. Pour l'application de l'alinéa précédent, le prestataire de services d'investissement tient compte de la nature, de l'importance, de la complexité et de la diversité des services d'investissement qu'il fournit et des activités qu'il exerce » ;

Considérant que l'article 313-54 II du règlement général de l'AMF, applicable aux faits de l'espèce, précise que toute société de gestion de portefeuille « établit et maintient opérationnelles des procédures de prise de décision et une structure organisationnelle précisant sous une forme claire et documentée les lignes hiérarchiques et la répartition des fonctions et responsabilités dans les conditions précisées par une instruction de l'AMF. Dans le cadre des activités de gestion collective de la société de gestion de portefeuille, ces procédures de prise de décision incluent en particulier les diligences qui président à la sélection, au suivi et au contrôle des risques associés aux instruments financiers dans lesquels l'OPCVM investit » ;

Considérant que le contrôle de la mise en œuvre des dispositions des articles précités et des risques en découlant est, selon l'article 313-2 du règlement général de l'AMF, assuré par l’exercice indépendant de la fonction de conformité, qui doit « contrôler et, de manière régulière, évaluer l'adéquation et l'efficacité des politiques, procédures et mesures mises en place en application de l'article 313-1, et des actions entreprises visant à remédier à tout manquement du prestataire de services d'investissement et des personnes concernées à leurs obligations professionnelles mentionnées au Il de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier » ;

3.2 Examen du grief Considérant qu’il est reproché à la société INNOVEN et à ses dirigeants de n’avoir pas fait une « application rigoureuse et pérenne des règles de conformité et de contrôle interne » ; que, selon les notifications de griefs, de nombreuses diligences du RCCI n’ont pas été réalisées ou formalisées, en ce qui concerne notamment le contrôle des transactions personnelles des membres de l’équipe d’investissement et des mandataires sociaux ou le suivi des démarcheurs financiers ;

Considérant qu’à l’occasion de l’examen des manquements examinés ci-dessus, ont été relevées de graves défaillances du dispositif de contrôle des risques et de la conformité ; qu’ainsi, a été mis en exergue le cumul, chez M. B, de fonctions opérationnelles et de celles de RCCI ; qu’en effet, en qualité de membre du directoire, de directeur financier et administratif d’INNOVEN, celui-ci participait aux réunions au cours desquelles étaient prises les décisions relatives à la vie de la société, dont, à partir du mois d’avril 2008, les décisions d’investissement ; qu’une telle situation était incompatible avec le maintien d’une fonction de gestion des risques exercée de façon indépendante, de sorte que le premier échelon de contrôle n’a pas pu fonctionner ;

Considérant, ensuite, que la société de gestion ne justifie d’aucune mesure de contrôle destinée à prévenir le risque de liquidité inhérent aux fonds de capital investissement qu’elle gère ; qu’en outre, le 12 septembre 2008, date de la cession des titres RWP entre plusieurs FCPI, les transferts d’investissement entre plusieurs fonds sous gestion étaient toujours interdits par le cahier des procédures internes d’INNOVEN, celui-ci n’ayant donné lieu à aucune revue depuis 2006 ;

Considérant, enfin, qu’il résulte de ce qui précède (1 et 2) qu’INNOVEN n’était pas dotée du dispositif de contrôle qui aurait dû lui permettre de prévenir et de gérer les situations de conflits d’intérêts, ainsi que de détecter le caractère trompeur et incomplet des communications commerciales destinées aux porteurs ;

Considérant qu’il se déduit de ces constatations, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres illustrations des défaillances du dispositif de contrôle et de conformité visées par les notifications de griefs, que la société INNOVEN était dans l’incapacité de mesurer les risques associés à son activité ;

Considérant que le manquement tiré des dysfonctionnements du dispositif de contrôle interne et de conformité est donc également caractérisé ;

4. SUR L’IMPUTABILITE DES MANQUEMENTS AUX MIS EN CAUSE

Considérant que les notifications de griefs adressées à MM. A, C et B visent l’article 313-6 du règlement général de l’AMF qui dispose que : « la responsabilité de s’assurer que le prestataire de services d’investissement se conforme à ses obligations professionnelles mentionnées au II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier incombe à ses dirigeants et, le cas échéant, à son instance de surveillance.

En particulier, les dirigeants et le cas échéant l’instance de surveillance évaluent et examinent périodiquement l’efficacité des politiques, dispositifs et procédures mis en place par le prestataire pour se conformer à ses obligations professionnelles et prennent les mesures appropriées pour remédier aux éventuelles défaillances » ;

Considérant qu’en l’espèce, M. A a été nommé président du directoire d’INNOVEN le 25 avril 2008 ; que MM. C et B ont été nommés directeurs généraux et membres du directoire de la société de gestion à la même date ; qu’en conséquence, au moment des faits, ils avaient tous les trois la qualité de dirigeant de la société INNOVEN ;

Considérant qu’est inopérant l’argument de B pris de ce qu’il n’aurait joué aucun rôle dans l’orientation et la gestion de la société ; qu’il en est de même du moyen pris du statut de salarié de M. C, qui n’a pas fait obstacle à l’exercice de ses fonctions de directeur général membre du directoire, comme en témoignent notamment, d’une part, les procès-verbaux des réunions du directoire des 26 novembre 2007 et 11 septembre 2009 auxquelles il a participé, qui portaient respectivement sur la liquidation des FCPI INNOVEN 1998, 1999, 2000 et sur l’investissement des FCPI dans le FCPR INNOVEN, d’autre part, l’extrait du registre du commerce et des sociétés au 10 juin 2008 et la liste, à la date du 31 janvier 2010, des mandats sociaux de M. C, laquelle faisait toujours état de ces fonctions (R00080) ;

Considérant, dès lors, que les griefs retenus contre les mis en cause à propos de la gestion non conforme à l’intérêt des porteurs (1), du manque de loyauté et de l’atteinte à la bonne information des porteurs de parts de FCPI (2), enfin, des dysfonctionnements en matière de dispositif de contrôle interne et de conformité (3) leur sont bien imputables ;

Considérant que ces manquements aux obligations professionnelles sont, par nature, imputables à la société prestataire de services d’investissement pour le compte de laquelle ils ont été commis ;

5. SUR LES SANCTIONS ET SUR LA PUBLICATION

Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version applicable à l’époque des faits, les sanctions applicables aux prestataires personnes morales sont :

« a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12° et 15° du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 10 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public » ; que s’agissant des personnes physiques, :

 

« b) Pour les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12° et 15° du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des activités ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur (...) à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés (...) ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l'autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public » ;

Considérant que les manquements retenus, révélateurs d’une volonté « d’instrumentaliser » les fonds gérés au profit de la politique d’INNOVEN et de sa société mère, revêtent une extrême gravité et appellent des sanctions exemplaires à l’égard des trois dirigeants mis en cause, et tout particulièrement à l’égard de M. A, défini comme le principal « maître à bord », qui cumulait ses fonctions de président du directoire de la société de gestion avec celles, notamment, de président de la société BT&T Timelife AG, ainsi que d’administrateur et d’actionnaire indirect de la société RWP ;

Considérant, en revanche, que seront prises en considération, pour fixer le montant et les modalités du prononcé de la sanction pécuniaire, les mesures mises en œuvre par la nouvelle équipe dirigeante de la société X depuis le 30 décembre 2011 pour mettre fin aux manquements reprochés à INNOVEN et remédier aux dysfonctionnements constatés, ainsi que les difficultés financières de cette société, dont le nom ne figurera pas sur la décision publiée;

Considérant que la publication de la présente décision, ne risquant ni de perturber gravement les marchés financiers ni de causer un préjudice disproportionné aux personnes physiques mises en cause, sera ordonnée, sous une forme préservant l’anonymat de la société X ;

PAR CES MOTIFS,

Et après avoir délibéré, sous la présidence de Mme Claude Nocquet, par Mme France Drummond et

M. Jean-Jacques Surzur, membres de 1ère section de la Commission des sanctions, en présence de

la secrétaire de séance,

DECIDE DE :

- prononcer à l’encontre de M. A, une sanction pécuniaire de 200 000 euros (deux cent mille euros) et l’interdiction d’exercice des services fournis pour une durée de trois ans,

- prononcer à l’encontre de M. C, une sanction pécuniaire de 100 000 euros (cent mille euros),

- prononcer à l’encontre de M. B, une sanction pécuniaire de 50 000 euros (cinquante mille euros),

- prononcer à l’encontre de la société X, anciennement dénommée Innoven Partenaires SA, une

sanction pécuniaire de 10 000 euros (dix mille euros),

- publier la présente décision, sous une forme préservant l’anonymat de la société X, anciennement

dénommée Innoven Partenaires SA, sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers.