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Décisions

AMF, 5 juin 2013, n° SAN-2013-14

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Membres :

Mme Drummond, M. Surzur

Président :

M. Nocquet

AMF n° SAN-2013-14

4 juin 2013

La 1re section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après « AMF ») ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment son article 6 ;

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 621-10, L. 621-12, L. 621-14, L. 621-15, L. 621-18-2 ainsi que ses articles R. 621-5 à R. 621-7, R. 621-38 à R. 621-40, R. 621-43-1 ;

Vu le code de commerce, notamment ses articles L. 233-7 et L. 233-9 dans leur version applicable à l’époque des faits ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 221-1, 223-1, 223-2, 223-11, 223-14, 223-22, 621-1, 622-1, 622-2 et 632-1 dans leur version applicable à l’époque des faits ;

Vu les notifications de griefs adressées le 21 décembre 2011 aux sociétés ADT, Lado, Y et Z ainsi qu’à MM. C, D, B et A, par lettres recommandées avec demande d’avis de de réception ;

Vu la décision du 29 décembre 2011 de la Présidente de la Commission des sanctions désignant M. Bruno Gizard, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 5 janvier 2012 informant les mis en cause de la nomination de M. Bruno Gizard en qualité de rapporteur et leur rappelant la faculté d’être entendus, à leur demande, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 9 janvier 2012 informant les mis en cause, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, de ce qu’ils disposent de la faculté de demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception des 17 et 23 janvier et des 8, 13 et 17 février 2012, en réponse à des demandes datées des 12 et 18 janvier et des 6, 8 et 14 février 2012, informant les sociétés ADT, Lado, Y, Z, ainsi que MM. C, D, B et A de la prolongation jusqu’au 22 mars 2012 du délai dont ils disposaient initialement pour présenter leurs observations ;

Vu les observations écrites présentées par Me Patricia Lefèvre-Barbazanges et Me Emmanuel Moitié pour le compte de la société ADT et M. C datées du 22 mars 2012 ;

Vu les observations écrites présentées par Me Maurice Lantourne pour le compte de la société Lado datées du 22 mars 2012 ;

La Commission des sanctions

Vu les observations écrites présentées par Me Olivier Metzner et Me Nicolas Huc-Morel pour le compte de M. D datées du 22 mars 2012 ;

Vu les observations écrites et demande d’audition présentées par Me Francesca Parrinello pour le compte de la société Y et de M. B datées du 22 mars 2012 ;

Vu les observations écrites et demande d’audition présentées par Me André-François Bouvier pour le compte de la société Z et de M. A datées du 22 mars 2012 ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception des 10 et 26 décembre 2012, par lesquelles le rapporteur invitait la société Lado, M. D, en qualité de mis en cause, ainsi que M. [...], en qualité de témoin, à être entendus ;

Vu les échanges de courriers entre les conseils de la société Lado, de M. [...] et de M. D et le rapporteur des 8, 11, 14, 15, 16 et 17 janvier, 7 et 11 février, 11 et 15 mars 2013 relatifs aux auditions de ces derniers ;

Vu le procès-verbal d’audition de M. D du 17 janvier 2013 ;

Vu le courrier du représentant du Collège de l’AMF du 18 janvier 2013 ;

Vu les procès-verbaux d’audition des sociétés Y et Z ainsi que de M. B et M. A du 21 janvier 2013 ;

Vu les échanges de courriers entre les conseils d’ADT et de M. C et la Présidente de la Commission des sanctions des 5 et 8 février, du 5 mars, des 16, 17 et 19 avril 2013 relatifs à leurs demandes de sursis à statuer dans l’attente des décisions du Tribunal de grande instance et de la Cour d’appel de Paris ;

Vu le rapport de M. Bruno Gizard en date du 20 mars 2013 ;

Vu les lettres recommandées du 21 mars 2013 avec demande d’avis de réception informant les mis en cause de la date de la séance de la Commission des sanctions appelée à statuer sur les griefs notifiés auxquelles était joint le rapport du rapporteur ;

Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 3 avril 2013 en réponse à une demande datée du 29 mars 2013, informant M. D de la prolongation jusqu’au 9 avril 2013 du délai dont il disposait initialement pour présenter ses observations en réponse au rapport ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 5 avril 2013, transmises également par courrier électronique aux conseils des mis en cause, en réponse à une demande de la société Lado datée du 5 avril 2013, informant l’ensemble des mis en cause de la prolongation jusqu’au 17 avril 2013 du délai dont ils disposaient initialement pour présenter leurs observations en réponse au rapport ;

Vu les observations écrites en réponse au rapport du rapporteur présentées par Me Patricia Lefèvre-Barbazanges et Me Emmanuel Moitié pour le compte de la société ADT et de M. C en date du 5 avril 2013 et la pièce complémentaire aux observations en date du 16 avril 2013 ;

Vu les observations écrites en réponse au rapport du rapporteur présentées Me Maurice Lantourne pour le compte de la société Lado en date du 17 avril 2013 ;

Vu les observations écrites en réponse au rapport du rapporteur présentées par Me Nicolas Huc-Morel pour le compte de M. D en date du 17 avril 2013 ;

Vu les lettres recommandées du 19 avril 2013 avec demande d’avis de réception informant les mis en cause de la composition de la Commission des sanctions au cours de la séance du 16 mai 2013, et de leur faculté de demander la récusation d’un ou plusieurs de ses membres ;

Vu les recours en annulation et les demandes de sursis à exécution formés par ADT et M. C devant la Cour d’appel et le Premier Président de la Cour d’appel les 13 mars, 30 avril et 13 mai 2013 ;

Vu les ordonnances des 10 et 14 mai 2013 du magistrat délégué par le Premier Président de la Cour d’appel pour exercer les fonctions de l’article R. 621-46 du code monétaire et financier ;

Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 3 mai 2013 adressée par la présidente de la Commission des sanctions à Me Lantourne pour l’interroger sur l’utilité de prévoir la présence d’un interprète lors de la séance pour le représentant légal de la société Lado ;

Vu le courrier du 10 mai 2013 et les pièces complémentaires du 15 mai 2013 déposés par Me Huc-Morel afin d’obtenir le renvoi de la séance pour permettre à son client, M. D, résident suisse, de bénéficier du délai de distance de deux mois prévu par l’article 643 du code de procédure civile ;

Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 14 mai 2013 du secrétariat de la Commission informant Me Huc-Morel que sa demande serait étudiée par la Commission lors de sa séance ;

Vu les observations écrites du 15 mai 2013 déposées par Me Lantourne pour le compte de la société Lado, sollicitant le constat de l’irrecevabilité de la convocation de sa cliente et sa reconvocation à une séance ultérieure ;

Vu les observations écrites du 16 mai 2013 transmises, avant la séance, par Me Huc-Morel pour le compte de M. D portant sur l’immunité diplomatique de ce dernier et sur la violation par les enquêteurs de l’étendue de leur pouvoir de saisine ;

Vu les observations écrites du 16 mai 2013 transmises, avant la séance, par Me Patricia Lefèvre-Barbazanges et Me Emmanuel Moitié pour le compte de la société ADT et de M. C, visant à contester la régularité des pouvoirs des enquêteurs dans le récolement des pièces du dossier ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance du 16 mai 2013 :

- M. Bruno Gizard, en son rapport ;

- Mme Virginie Adam, représentant le Collège de l’AMF ;

- Mme Maëlle Foerster représentant du directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- Me Patricia Lefèvre-Barbazanges, pour le compte de la société ADT (aujourd’hui dénommée société X) et de M. C ;

- M. D, à titre personnel ;

- Mes Nicolas Huc-Morel et David Apelbaum, conseils de M. D ;

- Mes Maurice Lantourne et Kristell Cattani, pour le compte de la société Lado ;

- M. C, à titre personnel en sa qualité de président-directeur général d’ADT à l'époque des faits ;

- Me Emmanuel Moitié, conseil de M. C et de la société ADT ;

- M. A en tant que représentant légal de la société Z et à titre personnel ;

- Me André-François Bouvier, conseil de la société Z et de M. A ;

- M. B en tant que représentant légal de la société Y et à titre personnel ;

- Me Francesca Parrinello, conseil de la société Y et de M. B ;

Les mis en cause ayant eu la parole en dernier.

FAITS ET PROCEDURE

A. Faits

La société anonyme ADT SIIC (aujourd’hui dénommée société X’, ci-après « ADT ») a pour activité la détention et la gestion d’actifs immobiliers, ses titres étant cotés sur le compartiment C d’Eurolist Paris. Elle possède l’intégralité du capital de plusieurs filiales et sous-filiales, l’ensemble constituant le groupe consolidé ADT.

Au 1er janvier 2009, le capital d’ADT se composait de 434 421 861 actions, dont M. D, résident suisse, et la société Lado (ci-après « Lado ») détenaient respectivement 0,06% et 37,64%, le premier étant l’actionnaire de référence de la seconde, elle-même détenue par une société dénommée Soluxpar (ci-après « Soluxpar »). Ces deux sociétés anonymes luxembourgeoises, dont les conseils d’administration étaient composés des mêmes membres, étaient dirigées, en 2008 et 2009, par le même représentant légal. En 2009, le seul actif de Lado était sa participation capitalistique au sein d’ADT.

En 2008 et 2009, le président-directeur général d’ADT était M. C. M. D, membre du conseil d’administration d’ADT, était également dirigeant et actionnaire principal de deux autres foncières immobilières, les sociétés Acanthe Développement et ADC SIIC, dont les titres étaient cotés sur le compartiment C d’Eurolist Paris.

Bien qu’ADT, ADC SIIC et Acanthe Développement n’aient aucun lien capitalistique, on retrouve en leur sein les mêmes personnes ; leurs comités de direction (ci-après « comités de direction ») se réunissaient une à trois fois par mois pour évoquer les questions relatives à la gestion du portefeuille immobilier de chacune de ces sociétés.

De 2006 jusqu’à la fin de l’année 2012, les commissaires aux comptes d’ADT étaient la société Z (ci-après « société Z »), représentée par M. A, et la société Y (ci-après « société Y »), représentée par M. B. Compte tenu de la nature de son activité, la société avait également recours, pour l’établissement de ses comptes, aux services d’un expert immobilier qui procédait à une évaluation semestrielle de la juste valeur de l’ensemble des immeubles.

Le principal actif du groupe ADT, représentant plus de 90% de son patrimoine, est constitué d’un complexe de bureaux composé de trois immeubles situés au Blanc-Mesnil en Seine-Saint-Denis. En 2008, près de 25% du chiffre d’affaires d’ADT provenait de la location d’un peu moins de 5 000 m² de bureaux à la société V (ci-après « société V ») qui occupait, depuis le 10 juillet 2003, plus de 26% d’un des trois l’immeubles situés au Blanc-Mesnil, dénommé Ampère, dont une partie faisait l’objet d’un crédit-bail consenti par la société U, société d’investissement immobilier, à une filiale d’ADT, la société AD Invest (partie ci-après dénommée « immeuble Ampère AD Invest »). Or, le 7 octobre 2008, la société V a notifié à ADT, par acte d’huissier, son congé pour le 1er juillet 2009 ; les contraintes liées à son déménagement l’ont conduite à quitter effectivement les lieux le 31 juillet 2009.

Le 31 août 2009, dans le cadre de la publication de son rapport financier consolidé du premier semestre 2009, ADT a informé le marché du départ de la société V, ainsi que des conséquences produites sur le taux de vacance et la perte de chiffre d’affaires. Elle a précisé qu’un certain nombre d’éléments favorables à la commercialisation rapide du complexe de bureaux lui permettait toutefois de maintenir les évaluations des immeubles « à des niveaux comparables à ceux du 31 décembre 2008 » (cote R434).

Dans son expertise au 31 décembre 2009, l’expert immobilier a tenu compte du départ de la société V et valorisé l’Immeuble Ampère AD Invest à 1,81 M€ au lieu des 7,4 M€ qu’il avait retenus en décembre 2008 et juin 2009, pour une valeur nette comptable de 4,7 M€. Le 14 mai 2010, dans ses comptes consolidés annuels 2009, la société a constaté une provision de près de 3 M€ du fait de cette baisse de valorisation et a enregistré un résultat net de -5 M€ pour l’année 2009, contre -2,8 M€ en 2008.

Entre les mois de juillet et décembre 2009, Lado a déclaré avoir franchi à la baisse les seuils de 1/3, 25%, 20%, 15%, 10% et 5% du capital et des droits de vote d’ADT, sa participation étant passée de 37,64% le 1er janvier 2009 à 0,38% le 31 décembre 2009.

B. Procédure

A la fin de l’année 2009, le Service de la surveillance des marchés de l’Autorité des marchés financiers (ci-après « AMF ») a constaté des incohérences, au cours des six derniers mois, entre les interventions de Lado sur les titres d’ADT et ses déclarations de franchissement de seuils, le marché n’ayant pas enregistré, aux dates indiquées, des cessions de titres correspondant aux opérations déclarées par Lado.

Dans ce contexte, le Secrétaire général de l’AMF a décidé, le 14 janvier 2010, d’ouvrir une enquête portant sur« l’information financière et le marché du titre ADT SIIC, et de tout titre qui lui serait lié, à compter du 1er décembre 2008 ». Cette enquête a été étendue jusqu’au 1er octobre 2008 par décision du 15 avril 2011.

Certains faits susceptibles d’être qualifiés de manquements ayant été constatés, des lettres circonstanciées les relatant et en faisant l’analyse juridique ont été transmises, par la Direction des enquêtes et de la surveillance des marchés de l’AMF (ci-après « DESM »), à :

- ADT et M. C, à titre personnel, le 6 janvier 2011,

- Lado, le 10 janvier 2011, par l’intermédiaire de la Commission de la Surveillance du Secteur Financier du Luxembourg (ci-après la « CSSF »),

- Société Y et société Z, le 4 mars 2011,

- M. D, le 24 juin 2011, par l’intermédiaire de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers Suisse (ci-après, la « FINMA »).

Les observations en réponse à ces lettres circonstanciées ont été adressées à l’AMF par :

- M. C et ADT, le 4 février 2011,

- Lado, le 14 février 2011, par l’intermédiaire de la CSSF,

- les sociétés Y et Z, par l’intermédiaire de leur conseil Me Francesca Parrinello, le 5 avril 2011.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 22 septembre 2011, la FINMA a indiqué que M. D « se refus[ait] à faire parvenir une prise de position à l’AMF au motif que – selon M. D – votre autorité aurait agi de façon illicite ; les conditions nécessaires à la coopération internationale n’étant selon lui pas remplies » (cotes R688 à R701).

Après examen du rapport d’enquête, élaboré le 21 novembre 2011 en tenant compte des différentes réponses aux lettres circonstanciées, la Commission spécialisée n°3 du Collège, lors de sa séance du 8 décembre 2011, a décidé de notifier des griefs à huit mis en cause, ce qui a été fait, sous la signature du Président de l’AMF, par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 21 décembre 2011.

En substance, il est fait grief :

- à la société ADT et à M. C, en sa qualité de président-directeur général d’ADT à l’époque des faits, d’avoir :

• communiqué tardivement une information privilégiée au marché en s’abstenant de lui révéler avant le 31 août 2009 le congé notifié par le locataire V, alors qu’ils détenaient cette information depuis le 7 octobre 2008 ;

• communiqué une information inexacte, imprécise et non sincère au marché, en ne prenant pas en compte le départ de la société V dans la valorisation des actifs d’ADT au titre de ses comptes de l’année 2008 et du premier semestre 2009 et en n’ayant pas constaté la provision consécutive ;

- aux sociétés Y et Z, ainsi qu’à leurs associés respectifs signataires des comptes ADT, M. B et M. A, d’avoir communiqué des informations susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur ADT à l’occasion de la publication des comptes semestriels consolidés au 30 juin 2009, en s’abstenant de faire valider par un expert indépendant l’évaluation qu’ils avaient faite de l’immeuble Ampère AD Invest, ce qui leur aurait permis de s’assurer que la valorisation des actifs ne présentait pas d’anomalie de nature à remettre en cause la conformité des comptes ;

- à M. D, d’avoir utilisé l’information privilégiée relative au congé donné par la société V en cédant, entre le 7 janvier et le 21 juillet 2009, par l’intermédiaire de la société Lado dont il était le principal actionnaire, 124 126 851 actions ADT, ce qui lui aurait permis de réaliser une économie de 514 203 € ;

- à la société Lado, de n’avoir pas respecté les obligations déclaratives relatives aux franchissements de seuil dans le cadre de son désinvestissement d’ADT au cours de l’année 2009 et de n’avoir pas respecté les obligations d’information en matière d’opérations réalisées par les dirigeants et assimilés.

Conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, le président de l’AMF a transmis, le 21 décembre 2011, copie de ces notifications de griefs à la présidente de la Commission des sanctions qui a désigné, le 29 décembre 2011, M. Bruno Gizard en qualité de rapporteur, ce dont les mis en cause ont été informés par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 5 janvier 2012, leur rappelant la faculté d’être entendus, à leur demande, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 9 janvier 2012, le secrétariat de la Commission des sanctions a informé les huit mis en cause, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, de la faculté dont ils disposaient de demander la récusation du rapporteur dans d’un délai d’un mois, dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code.

Après avoir bénéficié chacun d’une prorogation de délai, conformément à leurs demandes, les mis en cause ont fait parvenir leurs observations en réponse aux notifications de griefs le 22 mars 2012. Les commissaires aux comptes ont demandé à être entendus par le rapporteur.

Par lettre du 25 avril 2012, Maître Patricia Lefèvre-Barbazanges, conseil d’ADT et de M. C, a transmis à la présidente de la Commission des sanctions copie d’un projet d’assignation pour voie de fait déposée devant le tribunal de grande instance de Paris à l’encontre de l’AMF, ce qui justifiait, selon elle, le sursis à statuer sollicité dans les observations en réponse aux notifications de griefs (cotes D2050 à D2186).

Cette procédure, toujours pendante, vise à contester la régularité de la venue des enquêteurs de l’AMF les 27 janvier et 24 février 2010 dans les locaux d’ADT et de la communication qui leur a été faite à cette occasion de certains documents, au motif qu’il s’agirait en réalité de « perquisitions » qui auraient dû, en tant que telles, être autorisées par le juge des libertés et de la détention selon les modalités prévues par l’article L. 621-12 du code monétaire et financier.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception des 10 et 26 décembre 2012, le rapporteur a invité M. D et la société Lado, en leur qualité de mis en cause, et le représentant légal de Lado, en qualité de témoin, à être entendus le 17 janvier 2013 dans les locaux de l’AMF.

Par lettre du 8 janvier 2013, Maîtres Olivier Metzner et Nicolas Huc-Morel ont informé le rapporteur de ce que M.D se présenterait pour l’audition du 17 janvier 2013, mais pourrait être amené à réserver ses réponses aux questions en lien avec la procédure pour voie de fait, celle-ci étant toujours pendante et ayant vocation à écarter certains documents recueillis dans le cadre de l’enquête.

Par lettre du 11 janvier 2013, Maître Maurice Lantourne, conseil de Lado, a indiqué au rapporteur qu’en application de l’Accord Multilatéral portant sur la consultation, la coopération et l’échange d’informations de l’Organisation internationale des commissions de valeurs mobilières (ci-après l’« Accord OICV »), le représentant légal de Lado, qui avait déjà été entendu par les agents de la CSSF du Luxembourg en qualité de témoin, assisté d’un conseil, sur la demande et en présence des enquêteurs de l’AMF, n’acceptait d’être entendu dans le cadre de l’instruction qu’au Luxembourg.

Par lettre du 14 janvier 2013, Maître Christophe Brault, conseil du représentant légal de Lado, a indiqué au rapporteur qu’en application de l’Accord OICV, son client, résident luxembourgeois, ne pouvait être entendu qu’au Luxembourg et l’a invité à justifier de la régularité de la délégation de signature de Mme Anne Vauthier, signataire de la convocation de son client (cotes D2200 et D2201).

Par lettres du 14 janvier 2013, la présidente de la Commission a, au vu du calendrier prévisionnel de la Commission des sanctions du 1er semestre 2013, communiqué, à titre indicatif, aux conseils des mis en cause, la date de la séance au cours de laquelle la procédure de sanction devrait, en principe, être examinée.

A la suite des réponses apportées par le rapporteur, Maître Maurice Lantourne a, le 16 janvier 2013, confirmé que son client ne pourrait être entendu qu’au Luxembourg ; il a ajouté que Lado, ayant été informée que l’AMF aurait indiqué, dans le cadre de l’instance pour voie de fait, que « la procédure de sanction était suspendue pendant la durée de cette procédure », ne pourrait être entendue « au Luxembourg qu’à l’issue de cette suspension » (cotes D2211 et D2212).

Par lettre du 16 janvier 2013, Maître Christophe Brault a indiqué au rapporteur que son client, ressortissant luxembourgeois, devait être entendu au Luxembourg et qu’en conséquence, il « ne déferrera pas à une convocation dont les modalités et l’absence de garanties sont contestables » (cotes D2213 et D2214).

Par lettres du 17 janvier 2013, le rapporteur a pris acte de ces refus de déférer aux convocations. Le même jour, il a procédé à l’audition de M. D, qui a produit à cette occasion un courriel de l’avocat représentant l’AMF dans le cadre de la procédure pour voie de fait, adressé à la Présidente du tribunal de grande instance de Paris et au conseil d’ADT, le 3 octobre 2012, indiquant notamment « Cette procédure de sanction est suspendue » (cote D2242).

Cette affirmation a été démentie par un courriel du même avocat adressé aux mêmes destinataires et à Maitre Lefèvre-Barbazanges, le 18 janvier 2013, et transmis au rapporteur par le représentant du Collège, qui précise : « Toute éventuelle ambigüité de mon message au juge de la mise en état a été clairement levée par mes messages officiels des 9 et 12 octobre dernier par lesquels je vous mentionnais que je faisais référence à votre demande de sursis à statuer formulée devant la Commission des sanctions et que cette demande ne pouvait pas faire l’objet d’un acquiescement tacite. En tant que de besoin, je vous confirme expressément que I’AMF considère que l’instruction de la procédure de sanction concernant ADT SIIC n’est pas suspendue » (cotes D2248 à D2249).

Le 21 janvier 2013, conformément à leurs demandes, le rapporteur a procédé aux auditions de la société Z, de M. A, de la société Y et de M. B.

Par lettre du 5 février 2013, les conseils d’ADT et de M. C ont demandé à la présidente de la Commission des sanctions de leur confirmer que la séance du 16 mai 2013, évoquée dans son courrier du 14 janvier 2013, serait « exclusivement destinée à confirmer le sursis à statuer annoncé par » l’avocat de l’AMF dans le cadre de la procédure pour voie de fait (cotes D2266 et D2267). Il leur a été répondu, par lettre du 8 février 2013 rappelant la teneur du courriel du 18 janvier 2013 de l’avocat représentant l’AMF dans le cadre de la procédure pendante devant le tribunal de grande instance, que la séance du 16 mai 2013 était maintenue et que la demande de sursis à statuer serait alors examinée par la Commission (cote D2268).

Par télécopie du 7 février 2013, Maître Christophe Brault a indiqué au rapporteur que son client demandait « officiellement et expressément à être entendu par [ses] soins mais uniquement en sa qualité de représentant légal de Lado SA, et ce au Grand-Duché de Luxembourg conformément aux accords internationaux » et qu’« ayant été informé par un de [ses] Confrères français que la procédure était actuellement suspendue, cette audition ne pourra bien entendu intervenir qu'à l'issue de cette suspension » (cotes D2270 et D2271).

Par télécopie du 11 février 2013, le rapporteur a répondu à Maître Christophe Brault que la société Lado avait déjà un conseil dans le cadre de cette procédure et que « la demande d’audition [du] représentant de Lado, ne [pouvait] émaner que de la société Lado ou de son conseil ». Une copie de cette réponse a été transmise par le rapporteur à Maître Maurice Lantourne, conseil de Lado (cote D273).

Par courrier du 5 mars 2013 adressé à la présidente de la Commission des sanctions, les conseils d’ADT et de M. C ont fait valoir que l’information de l’avocat de l’AMF, selon laquelle la procédure de sanction était suspendue, relevait « incontestablement du mandat ad litem qui lui a été confié » et était « par conséquent opposable à l’AMF ».

Maître Christophe Brault, par télécopie du 11 mars 2013 adressée au rapporteur, a indiqué qu’il était le conseil luxembourgeois de la société Lado et que cette dernière souhaitait que son représentant légal soit entendu au Luxembourg « afin d’apporter tout éclaircissement nécessaire et indispensable à une bonne administration du dossier », mais que « cette audition ne pourra bien entendu se dérouler qu’à l’issue » de la suspension de la procédure de sanction. Par courrier du 15 mars 2013, le rapporteur lui a rappelé que seule, la Commission des sanctions pourrait se prononcer, le 16 mai 2013, sur un éventuel sursis à statuer, de sorte que la procédure n’était à ce stade pas suspendue.

Le 13 mars 2013, ADT et M. C ont formé devant la Cour d’appel de Paris un recours en annulation de la « décision implicite de rétractation du 14 janvier 2013 prise par la Présidente de la Commission des sanctions de l’AMF ». Par requête déposée le même jour, ADT et M. C ont également sollicité le sursis à exécution de cette « décision implicite de rétractation » devant le Premier Président de la Cour d’appel de Paris au visa de l’article L. 621-30 du code monétaire et financier.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception datées du 21 mars 2013, auxquelles était joint le rapport du rapporteur, les mis en cause ont été convoqués à la séance de la Commission des sanctions du 16 mai 2013.

Maître Nicolas Huc Morel a demandé, par télécopie du 29 mars 2013, un délai supplémentaire pour communiquer les observations de son client en réponse au rapport du rapporteur, demande à laquelle il a été fait droit le 3 avril 2013. Maître Maurice Lantourne ayant formé la même demande, une prorogation a été accordée à l’ensemble des mis en cause.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 5 avril 2013, Maîtres Patricia Lefèvre-Barbazanges et Emmanuel Moitié, conseils d’ADT et de M. C, ont transmis à l’AMF leurs observations sur le rapport du rapporteur.

Les mêmes conseils ont également adressé à la présidente de la Commission des sanctions, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 16 avril 2013, une copie du mémoire comportant les questions prioritaires de constitutionnalité qu’ils ont déposées devant le tribunal de grande instance de Paris dans le cadre de l’instance pendante pour voie de fait, et l’ont informée de la fixation des plaidoiries au 13 juin 2013, précisant que cela « conforte naturellement la demande de sursis à statuer [qu’ils] soutiendron[t] lors de l’audience du 16 mai prochain ». Le lendemain, ils lui ont demandé de fixer « un nouveau calendrier de procédure ».

En réponse, la présidente de la Commission des sanctions a rappelé, par courrier du 19 avril 2013, aux conseils d’ADT et de M. C que « la Commission des sanctions est seule compétente pour se prononcer sur votre demande de sursis à statuer, qui sera examinée au début de sa séance du 16 mai prochain. L’ignorance dans laquelle nous sommes tous de la réponse qui sera alors donnée à cette requête ne permet, en l’état, d’écarter aucune hypothèse, y compris celle de la tenue, le même jour, des débats sur le fond de l’affaire ».

Le 17 avril 2013, Maître Nicolas Huc-Morel, conseil de M. D, et Maître Maurice Lantourne, conseil de Lado, ont déposé des observations sur le rapport du rapporteur au profit de leurs clients respectifs.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 19 avril 2013, les mis en cause ont été informés de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, d’un ou plusieurs de ses membres.

Le 30 avril 2013, ADT et M. C ont formé un recours devant la Cour d’appel de Paris en annulation de la « décision de rétractation du 21 mars 2013 prise par le Secrétariat de la Commission des sanctions de l’AMF, et de dépôt du rapport de Mr le Rapporteur ». Par requête déposée le même jour, ADT et M. C ont également sollicité le sursis à exécution de cette « décision de rétractation ».

Le 3 mai 2013, la présidente de la Commission a interrogé le conseil de Lado sur le consentement de sa cliente à être entendue en français au cours de la séance de la Commission ou sur son souhait de bénéficier d’un interprète, ce qui impliquerait qu’il précise en quelle langue. En l’absence de réponse de Lado sur ce point, un interprète en langue luxembourgeoise, allemande, néerlandaise et anglaise était présent lors de la séance de la Commission des sanctions.

Par courrier du 10 mai 2013 reçu le 13 mai par l’AMF, le conseil de M. D a déposé une demande de renvoi de la séance afin de permettre à son client, résident suisse, de bénéficier du délai de distance de deux mois prévu par l’article 643 du code de procédure civile. Au soutien de cette demande, il a produit, le 15 mai 2013, deux arrêts de la Cour d’appel de Paris. Par courrier du 14 mai 2013, le secrétariat de la Commission lui a indiqué que sa demande serait examinée par la Commission lors de sa séance.

Par ordonnance du 10 mai 2013, le magistrat délégué par le Premier Président de la Cour d’appel de Paris pour exercer les fonctions de l’article R. 621-46 du code monétaire et financier (ci-après « le Premier Président »), statuant dans le cadre de la demande de sursis à exécution du courrier du 21 mars 2013 du secrétariat de la Commission, a déclaré irrecevable la requête de ADT et M. C, au motif que celle-ci n’avait pas été déposée auprès de l’autorité compétente. Une nouvelle requête a été déposée par ADT et M. C le 13 mai 2013, dans les mêmes termes que la précédente, adressée au Premier Président de la Cour d’appel de Paris. La date des plaidoiries a été fixée au 28 mai 2013.

Par ordonnance du 14 mai 2013, le Premier Président, statuant dans le cadre de la demande de sursis à exécution du courrier du 14 janvier 2013 de la présidente de la Commission, a déclaré irrecevable la requête aux motifs que l'acte attaqué n'était pas une décision individuelle de l’AMF et ne faisait pas grief aux requérants, la Commission des sanctions étant seule compétente pour statuer sur le sursis à statuer et la lettre de la présidente de la Commission des sanctions ne pouvant être analysée comme mettant fin à une décision du président de l’AMF qui n'a pas pu intervenir, les termes du courriel adressé le 3 octobre 2012 par son conseil ne pouvant être constitutifs de droit.

Par conclusions du 15 mai 2013, le conseil de Lado a sollicité le constat de l’irrecevabilité de la convocation de sa cliente et sa reconvocation à une séance ultérieure.

Le 16 mai 2013, avant la séance, le conseil de M. D a déposé des observations complémentaires portant sur sa demande de renvoi, sur l’immunité diplomatique dont se prévalait son client et sur la violation, par les enquêteurs, de l’étendue de leur pouvoir de saisie.

Le 16 mai 2013, avant la séance, les conseils d’ADT et de M. C ont déposé des observations complémentaires visant à contester la régularité des pouvoirs des enquêteurs dans le récolement des pièces du dossier.

Lors de sa séance du 16 mai 2013, la Commission des sanctions a d’abord entendu les avocats des mis en cause, puis le rapporteur, la représentante du directeur général du Trésor, le représentant du Collège, enfin à nouveau les mis en cause et leurs avocats, sur les demandes tendant au renvoi, à la suspension ou à l’interruption de la procédure. Elle a décidé, après en avoir délibéré, de retenir l’affaire.

Après avoir entendu le rapporteur, la représentante du directeur général du Trésor, le représentant du Collège et les mis en cause et leurs avocats sur les moyens de nullité soulevés par ceux-ci, puis en avoir délibéré, la Commission des sanctions a décidé de joindre au fond les incidents de procédure.

Enfin, après avoir entendu, sur le fond, le rapporteur, la représentante du directeur général du Trésor, le représentant du Collège, puis les réponses des personnes mises en cause aux questions posées par la Présidente et les membres de la Commission, enfin, les avocats et, en dernier lieu, les mis en cause, la Présidente a décidé la clôture des débats et l’affaire a été mise en délibéré.

MOTIFS DE LA DECISION

I. SUR LES DEMANDES TENDANT AU RENVOI, A LA SUSPENSION OU A L’INTERRUPTION DE LA

PROCEDURE

I.1 Sur les demandes de renvoi

Considérant que, par requêtes déposées respectivement les 13 et 15 mai 2013, M. D, résident suisse, et Lado, dont le siège est situé au Luxembourg, relèvent n’avoir pas bénéficié, entre la réception de la convocation qui leur a été envoyée le 21 mars 2013 et le jour de la présente séance, du délai de distance complémentaire de deux mois prévu par l’article 643 du code de procédure civile et, sur ce fondement, demandent respectivement (i) le renvoi de la procédure afin de pouvoir disposer du temps nécessaire à la préparation de leur défense et (ii) le constat de l’irrecevabilité de la convocation, ce qui impliquerait une nouvelle convocation pour une séance ultérieure (D3580) ;

Considérant, en droit, que l’article précité prévoit que toute personne demeurant à l’étranger dispose d’un délai supplémentaire de deux mois lorsqu’elle est appelée à comparaître devant une « juridiction » qui a son siège en France métropolitaine ; que ces dispositions ne sont toutefois pas applicables à la présente procédure, la Commission des sanctions n’étant « pas une juridiction au regard du droit interne », comme l’ont notamment jugé la Commission le 21 septembre 2009, la Cour d'appel de Paris le 19 avril 2005 et le Conseil d’Etat les 4 février 2005, 27 octobre 2006 , 28 décembre 2009 et 20 mars 2013 ; que les requêtes de M. D et de Lado sont, dès lors, dépourvues de base juridique ;

Considérant, en fait, qu’à la suite de la réception du rapport du rapporteur, les mis en cause ont sollicité et obtenu un délai supplémentaire, expirant le 17 avril 2013, pour faire connaître leurs observations, qui sont parvenues à cette date à la Commission des sanctions ; que leurs demandes avaient été formulées sur le seul fondement des règles spécifiques qui organisent la procédure de sanction devant l’AMF, dont ils n’ont pas contesté qu’elles leur étaient applicables ; que, depuis lors et jusqu’au jour de la présente séance, de multiples mémoires complémentaires ont été déposés, qui ont tous été versés au dossier et soumis au débat contradictoire ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. D et Lado, dont les demandes de renvoi et d’irrecevabilité de la convocation sont privées de fondement juridique, ont bénéficié des délais et ont pu intervenir selon des modalités qui leur ont laissé le temps et les ont mis à même de faire valoir utilement tous leurs moyens de défense ; qu’il ne sera, dès lors, pas fait droit à leurs requêtes ;

I.2 Sur les demandes de sursis à statuer

I.2.1. Sur la demande de sursis à statuer en raison de la procédure pour voie de fait Considérant que les mis en cause soutiennent que la procédure pour voie de fait engagée par ADT et M. C devant le tribunal de grande instance de Paris, à l’occasion de laquelle ils ont déposé des questions prioritaires de constitutionnalité à propos des articles L. 621-10, L. 621-12 et L. 642-2 du code monétaire et financier, justifieraient que la présente Commission prononce un sursis à statuer dans l’attente des décisions de la juridiction saisie ;

Considérant, tout d’abord, qu’aucun effet ne saurait être attaché à la référence à une suspension de la procédure de sanction figurant dans le courriel du 3 octobre 2012, laquelle émane d’un avocat dont le mandat de représentation de l’AMF était limité à la seule procédure pour voie de fait engagée par les mis en cause ; que cet avocat, qui n’avait reçu aucune information, instruction ou délégation de la part de la Commission des sanctions, a excédé les limites de son mandat, de sorte que l’intervention dont il a pris l’initiative sans y avoir été habilité est privée de tout fondement, tant en droit qu’en fait ; que les termes du courriel du 3 octobre 2012 ont d’ailleurs été expressément démentis neuf jours plus tard, le 12 octobre 2012, par le même Conseil, qui a indiqué n’avoir pas « autorité pour répondre » aux questions « qui concernent la Commission des sanctions », seule compétente pour statuer sur un éventuel sursis à statuer, étant précisé que celle-ci n’avait pas pu donner « un acquiescement tacite » à une demande en ce sens ;

Considérant, ensuite, qu’avant de se prononcer sur le fond, la Commission des sanctions doit s’assurer de la régularité de la procédure d’enquête ayant conduit à notifier les griefs ;

Considérant, en droit, qu’elle est, à ce titre, seule compétente pour se prononcer, sous l’éventuel contrôle ultérieur du juge du recours, sur le respect des dispositions de l’article L. 621-10 du code monétaire et financier en vertu duquel les enquêteurs se sont fait communiquer divers documents, dont des messageries électroniques, et en ont pris copie ; que l’engagement, par les mis en cause, d’une procédure pour « voie de fait », prise de la violation d’autres dispositions - dont celles, non appliquées en l’espèce, de l'article L. 621-12 du même code - , portée devant le tribunal de grande instance et assortie de questions prioritaires de constitutionnalité, relève d’une toute autre approche ; qu’à elle seule, cette procédure spécifique ne saurait avoir pour effet de soustraire au contrôle de la présente Commission la régularité des actes effectués par les enquêteurs de l’AMF au titre du droit de communication qui leur est reconnu par l’article L. 621-10 précité ; qu’elle ne saurait, a fortiori, contraindre la Commission des sanctions à surseoir à statuer dans l’attente des décisions à intervenir devant la juridiction judiciaire ; qu’aucun texte ne prévoit, en pareille hypothèse, un sursis à statuer, qui doit rester tout à fait exceptionnel ; que sa mise en œuvre pourrait, en effet, entraîner une complète paralysie de la procédure de sanction jusqu’à épuisement de tous les moyens présentés et de toutes les voies de recours intentées par les mis en cause devant le juge judiciaire ou administratif, ce qui serait contraire à une bonne administration de la justice ;

Considérant, en l’espèce, que seront examinées ci-après (II.1.2) les conclusions d’ADT et de M. C contestant la régularité des opérations effectuées par les enquêteurs sur le fondement de l'article L. 621-10 précité ; que cet examen, auquel il convient de se reporter, rend inopérantes les demandes de sursis à statuer ; qu’il n’y sera donc pas fait droit ;

I.2.2. Sur la demande de sursis à statuer en raison des recours formés devant la Cour d’appel de Paris à l’encontre des courriers des 14 janvier et 21 mars 2013 Considérant que les mis en cause demandent à la Commission des sanctions de surseoir à statuer sur un autre fondement ; qu’ils se prévalent en effet des recours formés par ADT et M. C devant le Premier président de la Cour d’appel de Paris et devant cette juridiction pour obtenir la suspension de la procédure de sanction qui devrait résulter de l’annulation, respectivement, des « décisions implicites de rétractation » des 14 janvier et 21 mars 2013 (cf. B. ci-dessus) ; qu’en effet, selon eux, ces courriers vaudraient rétractation d’une précédente décision de suspension de la procédure de sanction, telle que communiquée par l’avocat de l’AMF, le 3 octobre 2012, dans le cadre de la procédure pour voie de fait ;

Considérant que, par ordonnances des 10 et 14 mai 2013, le Premier président de ladite Cour d’appel a constaté l’irrecevabilité de ces deux requêtes aux motifs, pour celle concernant le courrier du 14 janvier 2013, que la Commission des sanctions était « seule compétente pour statuer sur le sursis à statuer voulu par les requérants comme conséquence de leur action civile fondée sur la voie de fait » et, pour celle concernant le courrier du 21 mars 2013, qu’elle n’avait pas été déposée auprès de l’autorité compétente ;

Considérant que les arguments pris de l’existence de ces recours sont devenus inopérants ;

I.3 Sur l’immunité diplomatique dont se prévaut M. D Considérant que M. D, de nationalité française, a, le matin même de la séance, déposé de nouvelles conclusions selon lesquelles, en sa qualité d’attaché culturel près la représentation permanente de Madagascar auprès de l’Unesco, il bénéficierait d’une immunité identique à celle des agents diplomatiques, qui ferait notamment obstacle à l’exercice, à son encontre, de la présente procédure de sanction ;

Considérant, toutefois, qu’il ne justifie pas figurer sur la liste des personnes visées aux articles 18 et 20 de l’accord relatif au siège de l’Unesco conclu le 2 juillet 1954 entre le Gouvernement de la République française et l’ONU, lesquelles « jouiront, pendant leur séjour en France, pour l’exercice de leurs fonctions, des facilités, privilèges et immunités qui sont reconnus aux diplomates de rang comparable » ; qu’en toute hypothèse, il résulte de l’article 38 de la Convention de Vienne que « l’agent diplomatique qui a la nationalité de l’Etat accréditaire [...] ne bénéficie de l’immunité de juridiction et de l’inviolabilité que pour les actes officiels accomplis dans l’exercice de ses fonctions », ce qui n’est, à l’évidence, pas le cas des manquements reprochés ; que ce moyen ne peut donc qu’être écarté ;

II. SUR LES AUTRES MOYENS DE PROCEDURE SOULEVES PAR LES MIS EN CAUSE

II.1. Sur les moyens invoqués par ADT et M. C

II.1.1 Sur le respect des principes de loyauté, d’impartialité et de présomption d’innocence

Considérant que, selon les mis en cause :

- l’absence de respect du principe du contradictoire au stade de l’enquête serait incompatible avec l’obligation de loyauté en ce que les enquêteurs pourraient sélectionner discrétionnairement, sans aucun contrôle de légalité, les pièces figurant dans le dossier soumis à la Commission des sanctions ;

- l’enquête n’aurait pas été faite à charge et à décharge, la lettre circonstanciée leur ayant été adressée le 6 janvier 2011, avant que l’un des commissaires aux comptes ait été entendu par les enquêteurs, le 1er février 2011 ;

- le rapport d’enquête constituerait purement et simplement un pré-jugement de culpabilité ;

Considérant que, si le respect du principe du contradictoire n’est pas exigé au stade de l’enquête et ne s’impose qu’à partir de la notification des griefs, tel n’est pas le cas du devoir de loyauté, qui doit être respecté dès l’ouverture de l’enquête ;

Considérant cependant qu’en l’espèce, les mis en cause ne démontrent pas que les enquêteurs, manquant à leur devoir de loyauté, auraient distrait de la procédure des pièces de nature à influer sur l’appréciation, par la Commission, du bien-fondé des griefs notifiés ; qu’ils ont pu, tant durant l’enquête que pendant l’instruction devant le rapporteur et lors de la séance de la Commission, produire toute pièce qu’ils considéraient comme utile à leur défense ;

Considérant, en outre, qu’il se déduit de la jurisprudence, et notamment de l’arrêt du 14 mai 2008 de la chambre criminelle de la Cour de cassation (Bulletin 2008, N°115), qu’à le supposer avéré, le défaut d’impartialité d’un enquêteur ne pourrait constituer une cause de nullité que s’il était démontré qu’il a eu pour effet, au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, de porter atteinte au caractère équitable et contradictoire de la procédure devant la Commission des sanctions ou de compromettre l’équilibre des droits des parties ; qu’en l’espèce, n’est produit aucun élément susceptible, tout à la fois, de remettre en cause l’impartialité des enquêteurs et d’entraîner un tel déséquilibre ;

Considérant que ce moyen, manquant en droit comme en fait, sera écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que l’analyse des faits figurant dans les lettres circonstanciées n’est, par nature, pas définitive, puisque les destinataires de ces lettres sont invités à faire part de leurs observations, celles-ci pouvant, le cas échéant, invalider ladite analyse ; que les mis en cause ne démontrent pas en quoi l’audition postérieure d’un des commissaires aux comptes, à laquelle il a été procédé avant la clôture du rapport et qui a fait l’objet d’un procès-verbal versé au dossier, puis soumis au Collège, leur aurait fait grief ;

Considérant, enfin, qu’il relève de l’office de l’enquêteur de dresser un rapport mentionnant les résultats de ses investigations et les faits susceptibles, selon lui, de constituer un manquement au règlement général de l'AMF ou une infraction pénale ; qu’en soi, ce rapport ne porte pas atteinte à la présomption d’innocence, dès lors qu’à partir de la notification de griefs, il est soumis au débat contradictoire ;

Considérant que les moyens de procédure pris du non-respect du devoir de loyauté, du principe d’impartialité et de la présomption d’innocence doivent donc être écartés ;

II.1.2. Sur la révélation, par les enquêteurs, aux personnes rencontrées dans les locaux d’ADT, de l’objet de l’enquête ouverte par le Secrétaire général de l’AMF et sur la conformité aux dispositions de l’article L. 621-10 du code monétaire et financier du recueil des documents

Considérant que les mis en cause soutiennent que les enquêteurs auraient consciemment trompé les personnes rencontrées dans les locaux d’ADT en ne leur divulguant pas l’objet réel de leur enquête afin de pouvoir s’affranchir des dispositions de l’article L. 621-12 du code monétaire et financier qui les contraignaient à obtenir une ordonnance du juge des libertés et de la détention pour pouvoir procéder aux saisies de pièces ; qu’ils ajoutent que lors de leur venue dans les locaux d’ADT, les documents qu’ils ont sollicités ne leur ont pas été remis volontairement, mais ont « été saisis dans le cadre d’une perquisition » ; qu’enfin, auraient été irrégulièrement appréhendées par les enquêteurs des pièces antérieures à la date du 1er décembre 2008 fixée par l’ordre de mission du 14 janvier 2010, celui du 15 avril 2011 qui a fait remonter le champ de l’enquête au 1er octobre 2008 ne pouvant valoir régularisation, puisqu’il est intervenu après les opérations critiquées ;

Considérant, toutefois, que les mis en cause ne sauraient se prévaloir d’une prétendue ambiguïté de l'objet de l'enquête lors de la venue des enquêteurs dans les locaux d’ADT alors que cet objet, soit « l’information financière et le marché du titre ADT SIIC, et de tout titre qui lui serait lié », leur a été précisément notifié ; qu’en effet, il figure en tête des procès-verbaux de remise de documents des 27 janvier et 24 février 2010 et dans l'ordre de mission (Cour d’appel de Paris 29 octobre 2008 RG n°2008/022551) ; qu’aucun texte n’impose d’avertir la personne à laquelle il est demandé de communiquer des documents qu’elle est libre de ne pas le faire ; que les droits d’ADT et M. C ont été suffisamment garantis par la mention de l’objet de l’enquête, qui leur a permis d’identifier sans ambiguïté les faits sur lesquels portaient les investigations (Cour d’appel de Paris 7 octobre 2008 RG 2008/01096), de sorte que ce moyen sera écarté ;

Considérant que la mention de la date du 1er décembre 2008, figurant sur le premier ordre de mission du 14 janvier 2010, à partir de laquelle il était prévu d’examiner « l’information financière et le marché du titre ADT SIIC, et de tout titre qui lui serait lié » a pour objet de délimiter le périmètre d’une éventuelle procédure de sanction, circonscrite aux manquements susceptibles d’avoir été commis à compter de cette date ; qu’elle ne saurait, en revanche, faire obstacle à ce que les enquêteurs se fassent communiquer toutes pièces utiles – à charge ou à décharge –, peu important que celles-ci soient antérieures au 1er décembre 2008 dès lors que, présentant un rapport avec les faits objet de l’enquête, elles sont susceptibles de concourir à la manifestation de la vérité ; que le moyen pris de ce que, les 27 janvier et 24 février 2010, n’auraient pu être appréhendés que des documents établis à partir du 1er décembre 2008, qui est également soutenu par M. D, est donc inopérant ;

Considérant, enfin, que doivent être distingués, d’une part, l’article L. 621-12 du code monétaire et financier, qui prévoit que le juge des libertés et de la détention peut, pour la recherche de certaines infractions définies par le même code et sur demande motivée du Secrétaire général de l’AMF, autoriser les enquêteurs à effectuer des visites en tous lieux et à procéder à la « saisie » de documents, d’autre part, l’article L. 621-10 du même code, inchangé depuis les faits, qui dispose que « Les enquêteurs peuvent, pour les nécessités de l'enquête, se faire communiquer tous documents, quel qu'en soit le support, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunications dans le cadre de l'article L. 34-1 du code des postes et télécommunications et les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, et en obtenir la copie. Ils peuvent convoquer et entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations. Ils peuvent accéder aux locaux à usage professionnel » ;

Considérant que le premier de ces articles institue les « visites domiciliaires » à l’occasion desquelles il peut être procédé à toute « saisie » utile, tandis que le second, moins contraignant, se borne à reconnaître aux enquêteurs un droit d’accès assorti de la possibilité de demander communication de documents, y compris des messageries électroniques ; que, contrairement à ce que soutiennent les mis en cause, il peut être recouru à l’article L. 621-10 précité quand bien même les faits seraient susceptibles de recevoir une qualification pénale (Cour d’appel de Paris 21 juin 2012 n°2011/08965) ;

Considérant qu’en l’espèce, il résulte des procès-verbaux de remise de documents des 27 janvier et 24 février 2010 que, pour pallier l’absence de système d’information propre d’ADT et pour répondre à la préoccupation de M. C d’éviter qu’en copiant l’intégralité de la messagerie électronique, les enquêteurs ne disposent d’éléments n’entrant pas dans le champ de l’enquête, il a été convenu de procéder en deux temps ; que, dans un premier temps, a été reproduite l’intégralité des messageries électroniques, qui n’a pas été appréhendée par les enquêteurs, M. C en ayant été constitué gardien ; qu’à l’occasion de la seconde visite, il a été procédé au tri des éléments copiés pour ne conserver que ceux intéressant l’enquête ; qu’ainsi, les documents ont été triés et vérifiés par les personnes présentes, dont des membres ou des prestataires d’ADT, avant d’être remis aux enquêteurs, le 24 février 2010 ; que rien ne démontre qu’une quelconque mesure coercitive aurait alors été mise en œuvre ; que les deux procès-verbaux (D10 à D16) précisent d’ailleurs qu’aucun incident n’a été relevé et qu’aucune observation n’a été formulée par M. C ;

Considérant que cette façon de procéder, exclusive de toute coercition, s’analyse comme une remise de documents, et non comme une saisie subordonnée à l’autorisation préalable du juge délivrée en application de l'article L. 621-12 précité ;

Considérant qu’il ne peut être soutenu que les enquêteurs auraient indûment « saisi » des documents - les ordres du jour des comités de direction - qu’ils n’auraient pas dû pouvoir obtenir ; qu’en effet, outre que ces documents ont été remis aux enquêteurs, ainsi qu’en attestent les procès-verbaux, il apparaît, à leur lecture, qu’ils ne concernent pas exclusivement les sociétés Acanthe Développement et ADC SIIC, mais aussi la société ADT ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les documents recueillis lors de l’enquête l’ont été dans les conditions et selon les modalités fixées par l’article L. 621-10 du code monétaire et financier, l’accès des enquêteurs dans les locaux d’ADT étant régulier ; que le moyen tiré d'un vice de procédure pour non-respect de l'article L. 621-12 du même code, qui manque en droit comme en fait, doit donc être écarté, ce qui justifie de plus fort le caractère non fondé des demandes de sursis à statuer précédemment examinées (I.2) ;

II.2. Sur le moyen de procédure invoqué par M. D

Considérant que M. D, outre qu’il a déclaré faire siens les moyens de procédure soulevés par ADT et M. C, soutient que les réponses qu’il a faites à la FINMA dans le cadre de l’enquête ne figureraient pas, ou seulement pour partie, dans les annexes au rapport d’enquête, ce qui constituerait une violation du principe de loyauté et entacherait de nullité la saisine de la Commission des sanctions, ainsi que la notification de griefs qui lui a été adressée ; qu’au cours de son audition par le rapporteur, il a produit l’ensemble des courriers qu’il a indiqué avoir envoyés les 6 août 2010, 4 août et 9 septembre 2011, lesquels ont été annexés et cotés au dossier ;

Considérant qu’à supposer que certains des éléments destinés à la FINMA aient disparu, rien ne permet ni d’imputer cette disparition aux enquêteurs ni, a fortiori, de les accuser d’avoir manqué à leur devoir de loyauté ; qu’en tout état de cause, les courriers présumés manquants font maintenant partie intégrante de la procédure et peuvent être utilisés par M. D dans le cadre de sa défense ; que le moyen n’a donc pas lieu d’être retenu ;

II.3. Sur la contestation, par Lado, de la conformité de l’enquête aux dispositions de l’article 6 de la

Convention européenne des droits de l’homme

Considérant que, selon Lado, l’audition de son représentant, au cours de l’enquête, aurait été réalisée en violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme en ce qu’elle s’est déroulée en français, langue que celui-ci « ne maîtrise pas parfaitement » ; que les enquêteurs auraient refusé de lui transmettre, avant l’audition, la liste des questions qui lui seraient posées, de sorte que le représentant de Lado aurait été contraint de répondre dans une langue « qu’il ne maîtrise pas suffisamment pour lui permettre d’aborder des questions techniques concernant notamment des délits éventuels boursiers » (cote D2041) ;

Considérant que les articles 6 § 3 a) et e) de la Convention précitée disposent que « Tout accusé a droit notamment à : a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; [...] e) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience » ;

Considérant qu’il est exigé que la personne, non pas « maîtrise parfaitement » la langue dans laquelle elle est entendue, mais la comprenne et qu’à défaut, elle puisse être assistée d’un interprète ; que les auditions ont commencé le matin pour se poursuivre l’après-midi, ce qui a donné lieu à l’établissement de deux procès-verbaux distincts ; qu’au début de chacune des auditions, le représentant de Lado, - assisté à la fois d’un conseil luxembourgeois et d’un conseil français - a expressément consenti à ce que celles-ci se déroulent en langue française ; qu’elles ont eu lieu au Luxembourg, les questions étant posées, non par les enquêteurs de l’AMF, mais par les agents de la CSSF, qui auraient pu les reformuler en luxembourgeois si la personne entendue avait indiqué ne pas les comprendre ; que les procès-verbaux ne relèvent aucun incident à ce propos ;

Considérant qu’il résulte du parcours scolaire et professionnel du représentant de Lado que celui-ci a toujours vécu dans des pays francophones, dont plusieurs années en France pour faire des études de droit et de sciences économiques ; que, dans les courriers annexés au rapport d’enquête qu’il a adressés à la CSSF préalablement à son audition, il s’est toujours exprimé en français ; que, s’agissant de la technicité des questions posées, on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que le représentant légal d’une société ayant pour activité la gestion et la prise de participations dans une unique société, cotée en France, dispose des compétences lui permettant de connaître les obligations liées à la détention de ces titres ; qu’il ne saurait donc soutenir n’avoir pas été en mesure de comprendre les questions qui lui ont été posées et avoir ainsi été privé d’un procès équitable ;

Considérant que les arguments de Lado, selon lesquels les enquêteurs de l’AMF se seraient conduits de manière inquisitoriale, partiale et non contradictoire, le libellé des questions révélant un « parti pris évident », manquent en fait ; que ceux-ci retranscrivaient les questions et les réponses sous le contrôle des agents de la CSSF, de la personne entendue et de ses conseils ; que rien ne permet d’établir que ce serait le libellé des questions qui aurait conduit le représentant de Lado « à s’auto-incriminer à tort » (cote D2040) ; qu’au demeurant, les procès-verbaux de ces auditions ne font état d’aucun incident ; que le moyen ne peut donc prospérer ;

II.4. Sur les moyens soulevés par la société Y et M. B, contestant l’impartialité, la neutralité et la loyauté des enquêteurs

Considérant que les mis en cause reprochent aux enquêteurs d’avoir porté atteinte au principe d’impartialité et à la présomption d’innocence, en violation des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme, en procédant à l’audition de M. B le 1er février 2011, alors que des lettres circonstanciées avaient déjà été envoyées à ADT et à M. C, auxquels il était reproché de ne pas avoir correctement valorisé l’immeuble Ampère d’ADT dans les comptes semestriels 2009 en ne constatant pas de provision ;

Considérant que, comme il a été dit plus haut (II.1.1), à le supposer avéré, le défaut d’impartialité d’un enquêteur ne pourrait constituer une cause de nullité que s’il était démontré qu’il a eu pour effet, au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, de porter atteinte au caractère équitable et contradictoire de la procédure devant la Commission des sanctions ou de compromettre l’équilibre des droits des parties ; qu’en l’espèce, la preuve n’est aucunement rapportée que le fait d’avoir procédé, après l’envoi de lettres circonstanciées à l’émetteur et à M. C, à l’audition de M. B, dont la responsabilité, en qualité de commissaire aux comptes, s’apprécie différemment de celle d’ADT ou de son dirigeant, caractériserait, de la part des enquêteurs, une déloyauté ou un défaut d’impartialité de nature à entraîner un déséquilibre entre les droits de chacun ou une iniquité ; que le moyen sera donc écarté ;

III. EXAMEN DES GRIEFS

III.1. Sur les griefs relatifs à l’existence d’une information privilégiée

III.1.1. Sur l’existence d’une information privilégiée relative au congé donné par la société V à

ADT, le 7 octobre 2008 Considérant que les notifications de griefs adressées à ADT, à M. C et à M. D visent, tant pour le manquement à l’obligation de communiquer dès que possible l’information au public que pour le manquement d’initié, la même information privilégiée, portant sur le congé notifié le 7 octobre 2008, par acte d’huissier, à ADT par sa locataire, la société V ;

Considérant qu’aux termes de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, « Une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers qui leur sont liés.

Une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés.

Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement » ;

(i) Sur le caractère précis de l’information

Considérant qu’est précise une information relative à un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire ; que le caractère de précision de l’information requis par l’article 621-1 du règlement général de l'AMF n’exige nullement la démonstration de la certitude que l’évènement se concrétisera ;

Considérant qu’aux termes de la notification de griefs, l’information était précise « car le congé délivré par la société V avait été notifié par acte d’huissier à ADT le 7 octobre 2008 et cette information avait été inscrite à l’ordre du jour des comités de direction d’Acanthe des 22 octobre et 21 novembre 2008 [...] ; la perte du principal client d’ADT et la faible probabilité de conclusion d’un nouveau bail à loyer comparable, constituait une information suffisamment définie et intelligible pour permettre à un investisseur d’en tirer des conséquences sur le cours du titre ADT » ;

Considérant que le congé que la société V a notifié à ADT le 7 octobre 2008 était univoque et revêtait, en soi, un caractère définitif, même si l’éventualité qu’elle procède à la « relocation », dans des conditions différentes, d’un cinquième des surfaces initialement occupées, a pu être envisagée et n’a été abandonnée qu’en mars 2009 ; que les autres tentatives de location de l’immeuble ont été très nettement postérieures au congé ; que l’hypothèse d’une transformation des bureaux en locaux d’habitation, qui aurait été conditionnée à la libération de l’intégralité des locaux et à l’obtention d’un permis de construire, n’a été évoquée par ADT ni à l’automne 2008 ni en 2009, d’autant qu’elle aurait été difficilement compatible avec la programmation d’un investissement de 4,7 millions d’euros destiné à créer un restaurant interentreprises qui devait ouvrir à l’automne 2009 et permettre de relancer la commercialisation de l’immeuble ; que les mis en cause admettent d’ailleurs que l’information relative au congé donné par la société V était précise (cotes R 569 et R 628) ;

Considérant, en outre, que si le départ d’un locataire peut constituer une information usuelle, tel n’est pas le cas lorsque celui-ci représente 25% du chiffre d’affaires d’une foncière immobilière connaissant des difficultés financières et devant déjà faire face à un taux de vacance de ses locaux particulièrement élevé, équivalent, au 31 décembre 2008, en pleine crise économique, à 100% pour l’un des trois immeubles et à plus de 50% pour les deux autres ; que dans un tel contexte, où il serait particulièrement difficile de retrouver un locataire pour une surface équivalente et un loyer comparable, la perte du principal client d’ADT ne pouvait être considérée comme une nouvelle anodine, susceptible d’être rapidement surmontée ; qu’il s’agissait d’une information suffisamment définie et intelligible pour qu’un investisseur en tire une conséquence quant à son effet sur le cours du titre d’ADT ; qu’elle revêtait donc bien le caractère de précision requis par l’article 621-1 du règlement général de l'AMF ;

(ii) Sur le caractère non public de l’information

Considérant que si une information relative au départ de « certains locataires » a figuré dans le communiqué du 13 février 2009 présentant la situation financière d’ADT au 4 -ème trimestre 2008, ce n’est que dans ses comptes du premier semestre 2009, publiés le 31 août 2009, qu’ADT a porté à la connaissance du public le congé donné par un des principaux locataires de l’immeuble Ampère, dont il a été précisé qu’il avait quitté les lieux le 31 juillet 2009, qu’il générait à lui seul un chiffre d’affaires annuel de 728 K€ hors charges et hors taxes et que ce départ allait porter de 54% à 78% le taux de vacance de cet immeuble ; que les commissaires aux comptes ont également indiqué en août 2009 qu’ils venaient de prendre connaissance du départ de la société V, cette information ne leur ayant pas été donnée à la clôture de l’exercice 2008 et n’ayant pas été mentionnée en « faits survenus depuis la clôture » dans l’annexe 2008 ; que, dès lors, le congé délivré par acte extrajudiciaire le 7 octobre 2008 présentait bien, à cette date et jusqu’à la publication des comptes semestriels intervenue le 31 août 2009, un caractère non public au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ;

(iii) Sur l’influence sensible sur le cours du titre ADT

Considérant qu’aux termes des notifications de griefs, l’information « était susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du titre ADT dans la mesure où ce client [société V] générait à lui seul un chiffre d’affaires de 728 K€ hors charge et hors taxe, soit près de 25% du chiffre d’affaires annuel d’ADT, et qu’un investisseur aurait pu utiliser l’information relative à la dégradation de l’activité locative d’ADT induite par le congé du 7 octobre 2008 comme l’un des fondements de sa décision de désinvestir, notamment en raison de l’impact qu’elle aurait pu avoir sur le cours d’ADT et sur ses perspectives d’évolution » ;

Considérant que les mis en cause soutiennent qu’en raison du statut de « penny stocks » de la société, dont la valeur des actions est proche d’un euro, et même inférieure, aucune information, bonne ou mauvaise, ne pouvait avoir d’effet, même potentiel ou théorique, sur le cours du titre ADT SIIC, totalement « décorrélé » de tout évènement affectant la vie sociale ; qu’ils en déduisent que l’information relative au départ de la société V n’était pas susceptible d’être utilisée par un investisseur raisonnable comme l’un des fondements de décisions d’investissement sur ADT ; qu’ils soulignent que plusieurs communications d’informations au public n’ont eu aucun impact sur le cours ;

Considérant que le règlement général de l’AMF ne distingue pas entre les sociétés « penny stock » et les autres, de sorte qu’il est applicable à toutes ; que l’absence d’impact de la communication d’autres informations au public ne permet aucune extrapolation sur l’éventuelle incidence de l’information relative au départ de la société V ;

Considérant que la location, par la société V, de près de 5 000 m² de bureaux au sein de l’immeuble Ampère AD Invest, représentant la majeure partie de sa surface, correspondait, au 31 décembre 2008, non seulement à près de 25% du chiffre d’affaires d’ADT, mais également aux trois quarts du total de la superficie de cet immeuble et au tiers de l’ensemble des surfaces données en location par la société ; que la perte de rentabilité qui en résultait est venue accroître les difficultés financières de la société, lesquelles s’aggravaient d’année en année ; que les commissaires aux comptes, lorsqu’ils ont appris le départ de la société V, ont d’ailleurs demandé aux dirigeants de mentionner, dans l’annexe aux comptes consolidés du premier semestre 2009, cette information et les mesures prises pour faire face à la situation ; qu’ils ont considéré que ce départ faisait peser un risque sur la continuité d’exploitation d’ADT et alerté les dirigeants sur ce point lors de la réunion de synthèse du 25 août 2009 ;

Considérant qu’il est en outre établi que le montant de la location consentie à la société V – 134 € par m² – était très élevé au regard de la situation géographique et de l’état de l’immeuble ; que ce bail aurait normalement dû courir jusqu’en juillet 2012 ; que l’impossibilité de retrouver rapidement un locataire prêt à conclure un contrat à un prix aussi avantageux pour ADT risquait d’entraîner, à terme, une dévalorisation sensible de l’immeuble ; qu’au demeurant, dans ses comptes consolidés arrêtés au 31 décembre 2009, ADT a constaté une provision de près de 3 M€ du fait de la dépréciation d’Ampère AD Invest ; que l’éventualité d’une perte de la valeur recouvrable d’un des actifs immobiliers d’ADT à la suite du congé donné par la société V constituait donc un risque que tout investisseur pouvait raisonnablement prendre en compte ;

Considérant que l’information relative au départ de la société V, qui comportait des répercussions importantes, tout à la fois, sur les résultats d’exploitation de la société et sur la valeur de l’un de ses principaux éléments d’actif, était donc bien de nature à réduire l’attractivité du titre ADT et, dès lors, à avoir un impact négatif sensible sur le cours ;

Considérant, en définitive, que l’information visée par la notification de griefs réunissait, dès le 7 octobre 2008, et jusqu’à la communication des comptes consolidés semestriels, le 31 août 2009, toutes les caractéristiques d’une information privilégiée au sens de l’article 621-1 précité ;

III.1.2. Sur la détention et l’utilisation de l’information privilégiée par M. D

Considérant qu’il est reproché à M. D d’avoir utilisé cette information privilégiée en cédant, entre le 1er janvier et le 21 juillet 2009, 124 126 851 titres ADT détenus par l’intermédiaire de la société Lado qu’il contrôlait, pour un montant total de 1 755 472 € ; qu’il est relevé qu’en sa qualité de président de la société Acanthe, il a été destinataire des ordres du jour des comités de direction des 22 octobre et 21 novembre 2008 faisant état du congé notifié par la société V et qu’ainsi, entre le 22 octobre 2008 et le 31 août 2009, il était soumis à une obligation absolue d’abstention ;

Considérant qu’aux termes de l’article 622-1 2°du règlement général de l’AMF, inchangé depuis les faits, « Toute personne mentionnée à l’article 622-2 doit s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée qu’elle détient en acquérant ou en cédant, ou en tentant d’acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés [...] » ;

Considérant que l’article 622-2 du règlement général de l’AMF, inchangé depuis les faits, précise que « Les obligations d’abstention prévues par l’article 622-1 s’appliquent à toute personne qui détient une information privilégiée en raison de :

1° sa qualité de membre des organes d’administration, de direction, de gestion ou de surveillance de l’émetteur ;

2° sa participation dans le capital de l’émetteur ;

3° son accès à l’information du fait de son travail, de sa profession ou de ses fonctions ainsi que de sa participation à la préparation et à l’exécution d’une information financière [...] » ;

(i) Sur la détention de l’information privilégiée

Considérant que, dans un premier temps, M. D s’est borné à discuter l’interprétation et la portée des mentions relatives au congé donné par la société V contenues dans les ordres du jour des comités de direction des 22 octobre et 21 novembre 2008, précisant que « le départ du locataire » n’y était mentionné « que de manière très accessoire et encore sans aucune référence à un quelconque impact de cet événement sur l’exploitation de la société ADT. L’interrogation portait simplement sur une éventuelle conséquence sur un financement qui au demeurant n’a pas été affecté. Enfin, je rappelle pour mémoire que je n’assistais pas aux comités de direction d’ADT [...] » ;

Considérant que, dans son rapport, le rapporteur précise « qu’il n’a trouvé dans le dossier aucun élément permettant d’attester, contrairement à ce qui est indiqué dans le rapport d’enquête, que M. D a bien été destinataire des ordres du jour des comités de direction [...]. Cependant, votre rapporteur constate que M. D ne conteste pas avoir été destinataire de ces ordres du jour [...] » ;

Considérant que, dans les observations qu’il a déposées en réponse à ce rapport, M. D a modifié son système de défense ; qu’il a alors, pour la première fois, prétendu ne pas avoir été destinataire de ces ordres du jour et ne pas en avoir eu connaissance ; que ces dénégations, outre qu’elles sont aussi nouvelles que tardives, sont démenties par de nombreux éléments ;

Considérant que l’examen des ordres du jour des comités de direction montre que, s’ils étaient établis sous le timbre d’Acanthe Développement, ils concernaient, non seulement cette société, mais aussi ADC SIIC et ADT ;

Qu’ils portaient tous sur la gestion immobilière, les sujets n’étant pas abordés société par société, mais regroupés par rubrique, sous les intitulés « Investissements », « Financements », « Suivi du patrimoine », « Comptes / Communication », chaque rubrique comportant des mentions qui concernent indifféremment Acanthe Développement, ADC SIIC et ADT (cotes R193 à R198) ; qu’en sa triple qualité de président directeur général d’Acanthe Développement, la plus importante des trois sociétés, de président du conseil d’administration de d’ADC SIIC et d’administrateur d’ADT, M. D était, au premier chef, concerné par les sujets soumis aux comités de direction et contenus dans ces ordres du jour ; qu’Acanthe Développement avait consenti une garantie dans le cadre du contrat de crédit-bail portant sur cet immeuble, de sorte que cette société était directement concernée par le départ de la société V ; qu’il est donc invraisemblable que le mis en cause n’ait pas été l’un des principaux destinataires des ordres du jour des comités de direction des 22 octobre et 21 novembre 2008 ; qu’il est encore plus invraisemblable qu’il ait pu, comme il le prétend, avoir ignoré le congé donné par ce locataire jusqu’à l’annonce qui en a été faite au public ;

Considérant que l’ordre du jour du comité de direction du 22 octobre 2008 comportait, sous la rubrique « Financements », l’indication suivante, figurant en haut de la première page : « Société U (financement CBI AD Invest-Blanc Mesnil, EC 6/ 2009, 2 347 + 323 K€) : congé locataire société V 8/7/2009 : risque appel remboursement anticipé ou garantie d’ADT complém. » ; que ce libellé permettait de comprendre que serait évoquée la question du financement du crédit-bail immobilier consenti par la société U à AD Invest pour l’immeuble du Blanc-Mesnil loué à la société V ; que la prochaine échéance et le montant dû à cette date au titre de ce crédit-bail, en principal et intérêts, étaient précisés, ainsi que le risque que le congé donné par la société V entraîne soit l’exigibilité anticipée du crédit, soit une demande de garantie complémentaire ; que ce risque pouvait avoir un impact majeur sur la continuité d’exploitation d’ADT, menacée de devoir rembourser près de trois millions d’euros alors qu’elle devait déjà faire face à d’importantes difficultés financières, et sur la valeur de l’immeuble ; que de telles informations étaient parfaitement claires et univoques pour le professionnel, à la tête de plusieurs sociétés foncières immobilières, qu’était M. D, administrateur de cette société ;

Considérant qu’il ne peut donc être raisonnablement soutenu que les personnes invitées à participer à ce comité de direction, qu’elles aient ou non assisté à l’intégralité des discussions relatives à ADT, n’auraient pas pris connaissance de cette information, confirmée sous la même rubrique et dans les mêmes termes par l’ordre du jour du 21 novembre 2008, avec la précision, par rapport à celui du 22 octobre 2008, qu’il n’y avait « pas de remboursement anticipé prévu au contrat » ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. D, membre du conseil d’administration d’ADT dans laquelle il avait pris, directement et par l’intermédiaire de Lado, une très importante participation, a nécessairement été informé, au plus tard le 22 octobre 2008, du congé donné par le principal locataire de cette société ; qu’il était donc soumis, à partir de cette date et jusqu’au 31 août 2009, à l’obligation de s’abstenir d’utiliser cette information privilégiée ;

(ii) Sur l’utilisation de l’information privilégiée

Considérant que la notification de griefs, qui reproche à M. D d’avoir cédé ses titres ADT par l’intermédiaire de la société Lado, fait état du faisceau d’indices suivant :

- « La société Lado, dont [M. D a] confirmé par écrit être le principal actionnaire sans néanmoins préciser [sa] participation au capital, a pour unique objet la gestion des titres ADT ;

- Le président de la société Lado, M. Braun, a indiqué que [M. D a] donné des instructions de désinvestir progressivement d’ADT au cours de l’année 2009 ; les explications de celui-ci, qui s’appuient sur l’absence d’intérêt pour Lado de détenir 33% du capital d’ADT sans possibilité d’accroitre sa participation apparaissent au demeurant peu cohérentes puisque, au contraire, la société Lado avait détenu cette participation pendant deux années consécutives alors que le flottant n’empêchait en rien de l’augmenter ;

- La cession de votre participation ADT via un montage utilisant l’écran de la société Lado, se double de la mise en place d’options d’achat d’actions ADT conclues, au bénéfice de la société Lado, avec la société W à des conditions atypiques permettant à la société Lado de masquer au public le désinvestissement progressif ;

- La cession opportune, entre le 7 janvier et le 21 juillet 2009 des 124 126 851 titres ADT détenus indirectement par M. D via la société Lado, pour un montant de 1 755 472 €, lui a permis de faire une économie de 514 203 € » ;

Considérant que, entre le 7 janvier et le 21 juillet 2009, Lado a, simultanément, cédé des actions ADT et souscrit des contrats d’option d’achat des mêmes titres ; que ces opérations se situent précisément dans la période qui a séparé la notification du congé donné par la société V de l’annonce au marché du départ de ce locataire ;

Considérant que M. D a refusé de communiquer au rapporteur sa participation exacte au capital de Lado, dont il a toutefois reconnu détenir le contrôle capitalistique et être l’actionnaire indirect de référence ; qu’au cours de la séance, il a prétendu, sans apporter la moindre justification, avoir une participation de 20% ;

Considérant que le rapport financier de la société ADT pour l’année 2008 précise que « M. D détient directement et indirectement plus de 33,33% du capital et des droits de vote » (cote R420) ; que, sa participation directe dans ADT étant infime, il détient nécessairement, par l’intermédiaire de la société Soluxpar, près de 100% du capital et des droits de vote de Lado ;

Considérant que Lado n’a pas d’activité propre, ne détient qu’un seul actif, les titres d’ADT, et n’emploie aucun salarié ; qu’il ressort d’ailleurs de l’audition de son représentant légal que celui-ci n’a aucune connaissance de la composition du patrimoine de la société qu’il est censé diriger et des opérations réalisées sur son unique actif ; qu’il ignore les raisons et la date d’acquisition des titres ADT et les principales caractéristiques de cet émetteur, qui constitue pourtant la seule participation de Lado (cote R259) ;

Considérant que la décision de gestion ayant consisté à augmenter ou diminuer la participation de Lado dans ADT a été prise par M. D, ainsi qu’en attestent les déclarations du représentant légal de la société, qui a précisé que : « c’était le désir de l’actionnaire de référence d’investir dans ADT » (cote R259) ; que M. D a admis avoir ensuite émis le souhait, en sa qualité d’actionnaire de référence, que Lado se désinvestisse d’ADT ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. D a, par le truchement de Lado, effectué les opérations litigieuses sur les titres ADT alors qu’il était en possession, au plus tard depuis le 22 octobre 2008, d’une information privilégiée ;

Considérant que, pour sa défense, il prétend avoir exprimé le souhait que Lado se désinvestisse d’ADT lors d’une assemblée générale qui se serait tenue en juillet 2008, dont il a finalement précisé, dans ses observations en réponse au rapport du rapporteur soulignant l’absence d’éléments sur l’existence de cette assemblée générale, qu’il ne s’était agi que de « discussions informelles » (D2914) ; que cette déclaration sur un prétendu souhait de désinvestissement a été faite par M. D après que le représentant légal de Lado eut produit un procès-verbal du conseil d’administration, daté du 25 septembre 2008, qui aurait entériné la décision de l’actionnaire ; qu’il y est précisé que la politique de désinvestissement sera mise en œuvre à partir de janvier 2009 ;

Considérant, toutefois, que le document produit n’a pas de date certaine ; que l’avocat du mis en cause, invité à présenter les éléments sur le fondement desquels il avait affirmé, en séance, que ce procès-verbal avait été « dûment enregistré », a convenu qu’il n’en était rien ; que M. D a alors prétendu que le document avait été « coté et paraphé », alors que la copie versée au dossier ne comporte ni cotation ni paraphe ; qu’il ne rapporte donc pas la preuve d’une volonté de désinvestissement antérieure à sa prise de connaissance de l’information privilégiée ; qu’il est en outre invraisemblable, s’il avait décidé de céder sa participation au cours du troisième trimestre 2008, qu’il ait reporté au début de l’année suivante les cessions de titres ;

Considérant, au demeurant, que la prétendue décision de désinvestissement à terme qui aurait été envisagée en juillet 2008 et prise deux mois plus tard par M. D aurait, selon le représentant légal de Lado, été justifiée par le fait qu’il n’était pas dans l’intérêt de cette société « de détenir 33% du capital de ADT sans possibilité d’accroître encore sa participation » ; que cependant, au 31 décembre 2008, Lado et M. D ne détenaient conjointement que 137 777 600 titres, soit 31,72% des actions ADT, ce qui laissait un flottant disponible de 68,28% ; que la raison invoquée n’est donc guère convaincante ; que, dans ses observations en réponse au rapport du rapporteur, M. D a mis en avant une nouvelle motivation qui l’aurait conduit à ce désinvestissement, provoqué par une prétendue divergence de positions entre M. C et lui, en ce qu’il aurait souhaité transformer le complexe immobilier en immeuble d’habitation ; qu’interrogé sur ce point en séance, M. C a indiqué qu’une telle transformation n’avait jamais été envisagée par quiconque ; qu’enfin, le délai entre la date du 25 septembre 2008, où aurait été actée la décision de désinvestissement, et celle de sa mise en œuvre, en janvier 2009, apparaît particulièrement surprenant, s’agissant de titres cotés et d’une période où la crise financière était à son paroxysme ; qu’aucune explication n’a été fournie à ce sujet ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. D ne rapporte pas la preuve qu’il ait décidé de faire procéder à la cession des titres ADT avant de détenir l’information privilégiée ; que les éléments produits et les arguments avancés sont dépourvus de toute crédibilité ;

Considérant qu’il demeure, en revanche, que les cessions litigieuses sont intervenues entre le 7 janvier et le 21 juillet 2009, avant que l’information privilégiée connue du mis en cause ne soit révélée au public ; que ces ventes ont été massives, puisqu’elles ont porté sur 124 126 851 actions ; que leur réel initiateur et bénéficiaire n’apparaissait pas du fait de l’interposition des sociétés Soluxpar et Lado ; qu’elles ont en outre été dissimulées, puisque artificiellement compensées, comme on le verra ci-dessous (III.3), par la mise en place d’options d’achat de 58 598 050 actions ADT, dont 32 572 660 souscrites les 5 et 30 janvier 2009 avec la société W, dont le dirigeant est, comme M. D, administrateur au conseil d’administration de [...] ; que ces souscriptions au bénéfice de Lado ont été faites dans des conditions et selon des modalités atypiques ; qu’en effet, aucune prime n’a été versée à la société W, qui n’a ni détenu ni acheté de titres ADT en couverture, il n’y a pas eu de levée des options et le prix d’exercice était irréaliste ;

Considérant que le manquement d’initié tiré de la violation de l’article 622-1 du règlement général est donc caractérisé en tous ses éléments à l’encontre de M. D ; qu’il n’est pas établi, contrairement à ce qu’indique la notification de griefs, qu’il ait permis au mis en cause de faire une « économie de 514 203 € » ; que l’existence d’un profit réalisé ou d’une perte évitée n’est toutefois pas un élément constitutif du grief ; que l’opération litigieuse a présenté, pour M. D, l’avantage de lui permettre de se défaire, de manière dissimulée, de la totalité de sa participation dans ADT avant que la liquidité du titre ne soit menacée par l’annonce du départ de la société V et de ses conséquences ;

III.1.3. Sur le caractère tardif de la communication de l’information privilégiée par ADT et M. C Considérant qu’aux termes de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF, inchangé depuis les faits :

« I.- Tout émetteur doit, dès que possible, porter à la connaissance du public toute information privilégiée définie à l’article 621-1 et qui le concerne directement.

II. - L'émetteur peut, sous sa propre responsabilité, différer la publication d'une information privilégiée afin de ne pas porter atteinte à ses intérêts légitimes, sous réserve que cette omission ne risque pas d'induire le public en erreur et que l'émetteur soit en mesure d'assurer la confidentialité de ladite information en contrôlant l'accès à cette dernière [...] ;

III. - Les intérêts légitimes mentionnés au deuxième alinéa peuvent notamment concerner les situations suivantes :

1° Négociations en cours ou éléments connexes, lorsque le fait de les rendre publics risquerait d'affecter l'issue ou le cours normal de ces négociations. En particulier, en cas de danger grave et imminent menaçant la viabilité financière de l'émetteur, mais n'entrant pas dans le champ des dispositions mentionnées au livre VI du code de commerce relatif aux difficultés des entreprises, la divulgation d'informations au public peut être différée pendant une période limitée si elle risque de nuire gravement aux intérêts des actionnaires existants ou potentiels en compromettant la conclusion de négociations particulières visant à assurer le redressement financier à long terme de l'émetteur ; [...] » ;

Considérant que les notifications de griefs reprochent à ADT et à son dirigeant, M. C, d’avoir tardé à communiquer l’information privilégiée que constituaient l’annonce du départ du principal locataire d’ADT et les conséquences de ce départ pour la société, cette information n’ayant été donnée au marché que le 31 août 2009, lors de la publication du rapport financier du premier semestre, près de onze mois après que le congé de la société V eut été notifié ;

Considérant que, si une information évoquant le départ de certains locataires a été communiquée au public le 13 février 2009, elle ne mentionnait pas le congé donné par l’un des principaux occupants de l’immeuble Ampère AD Invest ; que, comme on l’a vu plus haut (III.1.1), au-delà de la perte de rentabilité qui allait en résulter et qui était susceptible de remettre en cause la continuité de l’exploitation de la société, l’impossibilité de retrouver rapidement un locataire prêt à conclure un contrat à un prix aussi avantageux pour ADT faisait peser le risque d’une forte dévalorisation de cet élément de l’actif immobilier ;

Considérant que le choix de différer la publication de cette information ne peut se justifier par la protection des intérêts légitimes de la société dès lors que, d’une part, son « omission » risquait « d’induire le public en erreur » tant sur les perspectives et la continuité d’exploitation d’ADT que sur la valorisation de ses actifs, d’autre part, la recherche de nouveaux locataires pour les surfaces qui allaient devenir vacantes rendait très difficile le maintien de la confidentialité ; qu’en effet, les éventuels candidats à la location dans l’immeuble concerné n’auraient pas manqué de se renseigner sur la disponibilité des locaux proposés par ADT ; que les conditions auxquelles est subordonnée l’exception de protection d’un intérêt légitime ne sont donc pas remplies ;

Considérant, en conséquence, que l’information privilégiée relative au départ de la société V et à ses conséquences pour ADT a, sans justification, été communiquée tardivement au marché, de sorte qu’il a été contrevenu aux dispositions de l’article 223-2 I du règlement général de l’AMF ;

Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu par les mis en cause, la communication tardive d’une information par l’émetteur, si elle ne constitue pas, en l’espèce, un abus de marché punissable sur le fondement de l'article 632-1 du règlement général de l’AMF, n’en constitue pas moins un manquement à l’article 223-2 du même règlement, de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et punissable, à ce titre, sur le fondement de l’article L.621-15,II, c) du code monétaire et financier ;

III.2. SUR LES GRIEFS RELATIFS A LA COMMUNICATION D’UNE FAUSSE INFORMATION

III.2.1. Sur le grief notifié aux commissaires aux comptes relatif à la valorisation des actifs et à l’absence de provision constatée dans les comptes semestriels 2009

Considérant que les notifications de griefs reprochent aux commissaires aux comptes d’ADT d’avoir contribué à la communication d’informations inexactes ou trompeuses à l’occasion de la publication des comptes consolidés d’ADT pour le premier semestre 2009 en ce qui concerne la valorisation des actifs immobiliers de la société « en n’ayant pas intégré les effets du départ du principal locataire de la société ADT, la société V, dans l’attestation semestrielle [qu’ils ont] réalisée au 30 juin 2009, entraînant ainsi une survalorisation de [l’immeuble] au bilan et le défaut de constatation d’une dépréciation dans [le] compte de résultat du rapport financier (...) au 30 juin 2009 » ;

Considérant que, selon les notifications de griefs, les commissaires aux comptes auraient constaté que l’évaluation de l’expert immobilier n’intégrait pas les conséquences du départ de ce locataire et auraient procédé à leur propre évaluation en omettant de prendre en compte la vacance des surfaces occupées par la société V, la faible probabilité qu’un nouveau bail puisse être conclu pour un montant comparable au précédent et la réalisation éventuelle de travaux de réfection ; qu’en s’abstenant de demander à l’expert immobilier de réviser ses travaux ou de solliciter un expert indépendant pour faire valider leur estimation au seul motif que, si ces évaluations se sont révélées erronées, elles ne comportaient pas un impact pouvant nécessiter la constitution d’une provision, les commissaires aux comptes ne se seraient pas assurés que la valorisation des actifs ne présentait pas d’anomalie de nature à remettre en cause la conformité des comptes semestriels consolidés ;

Considérant qu’en application de la norme comptable IAS 40, ADT a adopté la méthode du coût amorti pour valoriser ses immeubles ; qu’en conséquence, elle n’était pas tenue d’évaluer périodiquement ses actifs immobiliers, mais elle devait seulement s’assurer que ceux-ci étaient comptabilisés pour un montant qui n’excédait pas leur valeur recouvrable ; que les valorisations effectuées semestriellement par l’expert immobilier visaient à déterminer la juste valeur des actifs, et non leur valeur recouvrable, de sorte que celui-ci ne pratiquait pas les tests de dépréciation prévus par la norme IAS 36 ;

Considérant qu’aux termes de l’article 632-1 alinéa 1er du règlement général de l’AMF, « Toute personne doit s’abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers, y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses » ;

Considérant que la mission des commissaires aux comptes, telle que définie par les dispositions de l’article L. 451-1-2 III du code monétaire et financier relatives au rapport semestriel d’activité de la société, consiste à faire « état de leurs observations dans un rapport d’examen limité » ; que le contenu de cette obligation est précisé par la norme d’exercice professionnel 2410 relative à « l’examen limité des comptes intermédiaires », exigeant des commissaires aux comptes qu’ils obtiennent « l’assurance modérée », « moins élevée que celle obtenue dans le cadre d’un audit des comptes réalisé pour les besoins de la certification, que les comptes intermédiaires ne comportent pas d’anomalie significative », ce qui leur permet de « formuler une conclusion » sans réserve, selon laquelle ils n’ont « pas relevé d’anomalies significatives » ;

Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces textes que la communication des commissaires aux comptes porte, non pas sur les comptes semestriels eux-mêmes, mais sur la conclusion sans réserve que ces comptes ne comportent pas « d’anomalies significatives » ; que cette conclusion est formulée au terme d’un examen limité, opéré selon les normes de la profession ;

Considérant que c’est au regard de ces critères qu’il convient de rechercher si la conclusion sans réserve formulée par les commissaires aux comptes, ne relevant pas d’anomalie significative quant à l’absence de dépréciation de l’immeuble Ampère AD Invest dans le compte de résultat du rapport financier au 30 juin 2009, peut ou non être regardée comme « inexacte » ou « trompeuse » au sens de l'article 632-1 précité ;

Considérant que, dans le cadre de leur examen limité des comptes consolidés d’ADT pour le premier semestre 2009, les commissaires aux comptes ont constaté l’absence de prise en compte du départ de la société V dans la valorisation de l’immeuble Ampère AD Invest par l’expert immobilier ; qu’ils ont alors vérifié le calcul de l’expert en se fondant sur la méthodologie que celui-ci avait appliquée et en interrogeant la direction d’ADT sur les mesures prises pour pallier le départ du locataire ; qu’ADT leur a fourni des éléments qui les ont alors conduits à considérer que la durée de vacance de l’immeuble s’annonçait courte ; que la nécessité de procéder à des travaux n’a pas été évoquée ; qu’ainsi, le seul risque de valorisation identifié par les commissaires aux comptes consistait, à l’époque, en une baisse du loyer lors du prochain bail ; qu’ils ont retenu la valeur locative des autres parties vacantes, telle que fixée par l’expert, soit 100 €/m², au lieu des 134 €/m² payés jusqu’alors par la société V ; que leur calcul a abouti à une juste valeur de l’immeuble Ampère AD Invest de 5,8 M€ au lieu de 7,4 M€ ; que, malgré sa réduction de 1,6 M€, cette juste valeur demeurait supérieure de 1,1 M€ à la valeur comptable de l’immeuble ; qu’ils ont donc estimé qu’il s’agissait d’une anomalie non significative n’ayant pas pour conséquence la nécessaire constatation d’une provision ; que, contrairement à ce qu’indique la notification de griefs, les commissaires aux comptes n’avaient pas l’obligation de solliciter un expert indépendant pour faire valider leur estimation ; qu’en outre, ils ont attiré l’attention de la direction d’ADT sur l’anomalie qu’ils avaient détectée en indiquant, dans leur présentation du 25 août 2009, « Par ailleurs, [l’information relative au départ de la société V] ne semble pas avoir été communiquée à l’expert qui n’en tient pas compte dans son dernier rapport d’évaluation (Impact sur évaluation de 1,6 M€, pas de provision à constituer) » ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’à l’occasion de leur examen limité des comptes intermédiaires, les commissaires aux comptes, après avoir détecté une anomalie quant à la valorisation des actifs d’ADT, ont accompli les diligences exigées par les textes ci-dessus rappelés, à l’issue desquelles ils ont constaté que cette anomalie n’était pas « significative » au sens de la norme d’exercice professionnel 2410, la juste valeur de l’immeuble Ampère AD Invest, telle qu’ils l’ont appréciée, leur paraissant continuer d’excéder sa valeur comptable ; qu’ils ont informé de leurs travaux et conclusions la direction de l’entreprise ;

Considérant qu’en l’état des éléments portés à la connaissance des commissaires aux comptes, des diligences qu’ils ont accomplies en conformité avec la norme d’exercice professionnel applicable en l’espèce et de la faible valorisation comptable de l’immeuble Ampère AD Invest, le fait, pour eux, d’avoir conclu sans réserve que les comptes consolidés d’ADT pour le premier semestre 2009 ne comportaient pas « d’anomalies significatives » ne saurait s’analyser en la communication d’informations dont ils « auraient dû savoir » qu’elles étaient « inexactes » ou « trompeuses » ; que le manquement à l’article 632-1 du règlement général de l’AMF n’est donc pas caractérisé à l’égard des commissaires aux comptes ; que ceux-ci seront mis hors de cause ;

III.2.2. Sur le grief notifié à la société ADT et à M. C relatif à la valorisation des actifs et à l’absence de provision constatée dans les comptes annuels 2008 et semestriels 2009

Considérant que les notifications de griefs reprochent à ADT et M. C d’avoir communiqué une information inexacte, imprécise ou non sincère au marché, en n’ayant pas pris en compte le départ de la société V dans la valorisation des actifs d’ADT et en n’ayant pas constaté de provision dans les comptes de l’année 2008 et du premier semestre 2009 ;

Considérant qu’aux termes de l’article 223-1 du règlement général de l’AMF, inchangé depuis les faits,

« L'information donnée au public par l'émetteur doit être exacte, précise et sincère » ;

Considérant que le congé donné par la société V le 7 octobre 2008 arrivait à échéance plusieurs mois plus tard ; qu’au vu des éléments pris en considération par ADT pour valoriser ses actifs, tels qu’ils étaient annoncés dans ses comptes, la valorisation de l’immeuble Ampère AD Invest au 31 décembre 2008 aurait normalement dû intégrer les conséquences de ce départ, prévu en juillet 2009 ; que tel n’a pas été le cas, l’expert immobilier n’ayant pas tenu compte de cette donnée dans la valorisation des locaux donnés à bail à la société V ; que, toutefois, cette erreur n’a, comme on vient de le voir (III .2.1), pas été jugée significative par les commissaires aux comptes ;

Considérant en outre que, selon ADT et M. C, s’ils n’ont pas pris en compte le risque que les surfaces jusqu’alors occupées par la société V restent vacantes pendant une longue période et nécessitent des travaux importants, c’est parce que, d’une part, des négociations étaient en cours, d’autre part, les perspectives de développement du complexe immobilier, avec l’ouverture d’un restaurant interentreprises, leur avait paru permettre d’espérer une relocation rapide des locaux ; qu’au 31 décembre 2008, l’évaluation de l’expert, s’il avait pris en compte le départ de la société V, aurait tenu compte du versement des sept mois de loyer restant à courir et les chances d’ADT de trouver un repreneur avant le départ effectif de ce locataire ;

Considérant que, dès lors que le congé donné par la société V ne devait prendre effet que le 9 juillet 2009 et allait de pair avec des perspectives de relocation et de développement, les mis en cause, s’ils se sont finalement avérés trop optimistes, ont cependant pu raisonnablement estimer qu’il n’y avait pas lieu, dans les comptes annuels consolidés de l’année 2008, de constater une dépréciation d’actif ou une provision ; que ce premier aspect du grief sera donc écarté ;

Considérant que le 31 août 2009, lors de la publication de son rapport financier sur les comptes consolidés du premier semestre 2009, dans la partie consacrée aux « Faits caractéristiques de la période » relatifs à l’« Exploitation Centre d’Affaires Paris Nord », ADT a informé le marché du départ de son principal locataire, mais également des conséquences négatives que ce départ avait pour la société, notamment en ce qui concerne son chiffre d’affaires et le taux de vacance de l’immeuble ; qu’elle a également indiqué que les négociations en cours et les actions pour développer la commercialisation du complexe immobilier étaient en bonne voie ; qu’elle a précisé que, dans ce contexte, les évaluations comptables des immeubles avaient pu être maintenues à des niveaux comparables à ceux du 31 décembre 2008 ; que ces précisions ont permis au public de prendre connaissance des conséquences chiffrées immédiates du départ de la société V et des raisons qui, selon ADT, pouvaient alors expliquer l’absence de constatation d’une provision pour dépréciation à la date du 30 juin 2009 ;

Considérant qu’il n’est donc pas établi que l’information sur l’absence de constitution d’une provision, telle qu’elle a été communiquée dans les comptes consolidés du premier semestre 2009 d’ADT, ait été insuffisamment « exacte, précise et sincère » au sens de l’article 223-1 du règlement général de l’AMF ; que le second aspect du grief ne sera pas non plus retenu ;

III.3. SUR LES GRIEFS RELATIFS AUX MOUVEMENTS DE TITRES ADT

III.3.1. Sur le respect des obligations relatives aux déclarations de franchissement de seuil par Lado

Considérant qu’il est reproché à Lado de ne pas avoir respecté ses obligations relatives aux déclarations de franchissement de seuil au cours de l’année 2009 dans le cadre des opérations effectuées sur les titres ADT, contrevenant ainsi aux dispositions des articles 223-11 et suivants du règlement général de l’AMF ; que la participation de Lado dans ADT était constituée à la fois d’actions et d’un nombre important d’options d’achat d’actions résultant de contrats conclus avec la société W ; que les franchissements de seuil auraient résulté, non pas seulement des cessions d’actions, mais aussi de la renonciation à l’exercice des options d’achat ;

Considérant que le I de l’article L. 233-7 du code de commerce, dans sa version applicable du 1er février 2009 au 30 octobre 2009, disposait que :

« I.- Lorsque les actions d'une société ayant son siège sur le territoire de la République sont admises aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou sur un marché d'instruments financiers admettant aux négociations des actions pouvant être inscrites en compte chez un intermédiaire mentionné à l'article L. 211-3 du code monétaire et financier, toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert qui vient à posséder un nombre d'actions représentant plus du vingtième, du dixième, des trois vingtièmes, du cinquième, du quart, du tiers, de la moitié, des deux tiers, des dix-huit vingtièmes ou des dix-neuf vingtièmes du capital ou des droits de vote informe la société dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, à compter du franchissement du seuil de participation, du nombre total d'actions ou de droits de vote qu'elle possède. / L'information mentionnée à l'alinéa précédent est également donnée dans les mêmes délais lorsque la participation en capital ou en droits de vote devient inférieure aux seuils mentionnés par cet alinéa. / La personne tenue à l'information prévue au premier alinéa précise le nombre de titres qu'elle possède donnant accès à terme au capital ainsi que les droits de vote qui y sont attachés » ;

Considérant que le droit applicable aux déclarations de franchissement de seuil a été modifié au cours de l’année 2009 dans un sens plus rigoureux, par l’ordonnance n° 2009-105 du 30 janvier 2009 relative aux rachats d'actions, aux déclarations de franchissement de seuils et aux déclarations d'intentions, et par l’arrêté du 27 juillet 2009 portant homologation de modifications du règlement général de l’AMF ; qu’à l’exception des dispositions relatives aux obligations d’information dites « complémentaires » - concernant les accords et les instruments financiers qui ne sont pas pris en compte pour calculer le seuil de participation du déclarant mais doivent être mentionnés dans sa déclaration de franchissement de seuil - qui sont entrées en vigueur le 1er novembre 2009, les modifications issues de ces deux textes sont applicables aux faits commis à partir du 1er août 2009 ;

(i) Sur l’assimilation des règles relatives aux franchissements de seuil à la hausse et à la baisse

Considérant que Lado soutient que les exigences du I de l’article L. 233-7 du code de commerce concernant les déclarations de franchissement de seuil pour les options d’achat d’actions ne s’appliqueraient qu’aux franchissements à la hausse, aucune condition particulière n’étant prévue pour les franchissements à la baisse ; que l’alinéa 3 du I de l’article L. 233-7 précité qui vise « La personne tenue à l'information prévue au premier alinéa » renvoyant aux franchissements de seuil à la hausse, elle prétend n’avoir pas été tenue de fournir d’informations particulières sur les options qu’elle détenait ; qu’elle fait en outre valoir que l’obligation de déclarer les différents types d’instruments financiers dont est titulaire une société n’est exigée que depuis l’arrêté du 27 juillet 2009, entré en vigueur le 1er novembre 2009 ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la mise en cause, l’alinéa 3 du I de l’article L. 233-7 précité n’est relatif qu’aux obligations d’information complémentaires et est inapplicable en l’espèce ; qu’il résulte, en revanche, de la combinaison de l’alinéa 2 du I de cet article, relatif aux déclarations de franchissement de seuil à la baisse, qui renvoie aux dispositions de l’alinéa 1er pour déterminer les modalités de déclaration et les obligations auxquelles est soumis le déclarant, et des dispositions de l’article 223-14 du règlement général de l’AMF, dans ses différentes versions applicables aux faits, qui renvoient au I de l’article L. 233-7 précité dans son ensemble, et non uniquement à son premier alinéa, que les obligations d’information de Lado quant à la nature de la participation prise en compte pour déterminer le seuil franchi sont les mêmes, que le franchissement s’effectue à la hausse ou à la baisse ;

(ii) Sur la première déclaration de franchissement de seuil de Lado

Considérant que, pour la première déclaration de franchissement de seuil, le formulaire a été envoyé par Lado le 23 juillet 2009 et reçu le même jour par l’AMF ; que les dispositions applicables à cette déclaration sont donc celles antérieures à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 30 janvier 2009 et de l’arrêté du 27 juillet 2009 ;

Considérant que l’article 223-11 du règlement général de l’AMF, dans sa version applicable avant le 1er août 2009 prévoyait : « Pour le calcul des seuils de participation mentionnés à l'article L. 233-7 du code de commerce, la personne tenue à l'information mentionnée au I dudit article prend en compte les actions et les droits de vote qu'elle détient ainsi que les actions et les droits de vote qui y sont assimilés en application de l'article L. 233-9 dudit code, et détermine la fraction de capital et des droits de vote qu'elle détient sur la base du nombre total d'actions composant le capital de la société et du nombre total de droits de vote attachés à ces actions. [...] » ;

Considérant que le I de l’article L. 233-9 du code de commerce en vigueur à l’époque des faits disposait « Sont assimilés aux actions ou aux droits de vote possédés par la personne tenue à l'information prévue au I de l'article L. 233-7 [...] 4° Les actions ou les droits de vote que cette personne [...] est en droit d'acquérir à sa seule initiative en vertu d'un accord » ;

Considérant que les contrats d’options d’achat d’actions conclus de gré à gré avec la société W sont des accords en vertu desquels Lado « est en droit d'acquérir à sa seule initiative » des actions ADT, puisqu’elle est libre d’exercer ou non l’option ; que ces options d’achat étaient donc déjà assimilables à des actions ADT ; que Lado les a d’ailleurs bien assimilées aux actions ADT qu’elle détenait pour calculer le seuil qu’elle avait franchi ;

Considérant que l’article 223-14 du règlement général de l’AMF applicable à l’époque des faits énonçait par ailleurs :

« I. Les personnes tenues à l'information mentionnée au I de l'article L. 233-7 du code de commerce informent l'AMF au plus tard dans un délai de cinq jours de négociation à compter du franchissement du seuil de participation

II. - L'information mentionnée au I comprend notamment :

1° L'identité du déclarant ;

2° Le cas échéant, l'identité de la personne physique ou morale habilitée à exercer les droits de vote pour le compte du déclarant ;

3° La date du franchissement du seuil de participation ;

4° L'origine du franchissement de seuil ;

5° La situation qui résulte de l'opération en termes d'actions et de droits de vote ;

6° Le cas échéant, la nature de l'assimilation aux actions ou aux droits de vote possédés par le déclarant résultant de l'article L. 233-9 du code de commerce ainsi que, s'il y a lieu, les principales caractéristiques de l'accord mentionné au 4° du I de l'article L. 233-9 dudit code ; [...] » ;

Considérant que le formulaire rempli par Lado comportait (cotes D760 à D763), dans la rubrique « F°) Seuil(s) franchi(s) », une rubrique intitulée « H°) Origine du franchissement de seuil(s) » et précisait « En outre, se référer à l’article L. 233-9 du code de commerce s’agissant des cas d’assimilation aux actions détenues » ;

Considérant que, le 23 juillet 2009, Lado a déclaré à l’AMF avoir franchi à la baisse les seuils de 1/3, 25%, 20% et 15% du capital et des droits de vote d’ADT, en indiquant que ces franchissements résultaient de deux cessions sur le marché et qu’elle détenait 64 750 700 actions ADT, ce qui a été retranscrit par l’AMF dans un avis du 28 juillet 2009 ;

Considérant cependant que ces franchissements résultaient également de la renonciation à des options d’achat portant sur 7 233 000 actions ADT ; qu’au 23 juillet 2009, Lado détenait donc seulement 13 385 649 actions ADT, le nombre de 64 750 700 qu’elle avait indiqué correspondant en réalité à la somme des 13 385 649 actions et des 51 365 050 options d’achat détenues à cette date ;

Considérant que, pour satisfaire aux dispositions applicables et au formulaire disponible à l’époque des faits, la déclaration de franchissement de seuil de Lado aurait dû, d’une part, comprendre l’indication que celui-ci résultait à la fois de deux cessions d’actions et de la renonciation à des options d’achat, d’autre part, distinguer, dans la participation de Lado, les actions et les options d’achat d’actions, et donner les principales caractéristiques des accords conclus avec la société W ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Lado ne s’est objectivement pas conformée à l’ensemble des exigences des articles 223-11 et 223-14 du règlement général de l’AMF, dans leur version applicable à l’époque des faits ;

(iii) Sur la deuxième déclaration de franchissement de seuil de Lado

Considérant qu’aux termes du IV de l’article 223-14 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur à compter du 1er août 2009 : « IV. - Lorsque le 4° du I de l'article L. 233-9 du code de commerce est applicable [...], la déclaration comporte en outre une description de chaque type d'instrument financier ou de l'accord en précisant notamment :

1° La date d'échéance ou d'expiration de l'instrument ou de l’accord ;

2° Le cas échéant, la date ou de la période à laquelle les actions seront ou pourront être acquises ;

3° La dénomination de l'émetteur de l'action concerné ;

4° Les principales caractéristiques de cet instrument ou de l'accord, notamment :

- les conditions dans lesquelles cet instrument ou accord donne le droit d'acquérir des actions ;

- le nombre maximal d'actions auquel l'instrument ou l'accord donne droit ou que le porteur ou bénéficiaire peut acquérir, sans compensation avec le nombre d'actions que cette personne est en droit de vendre en vertu d'un autre instrument financier ou d'un autre accord ; [...] » ;

Considérant que Lado a déclaré le 2 octobre 2009 avoir franchi à la baisse le seuil de 10% du capital et des droits de vote d’ADT, en indiquant que ce franchissement résultait d’une cession sur le marché et qu’elle restait détenir 41 949 838 actions ADT, ce qui a été retranscrit par l’AMF dans un avis du 6 octobre 2009 ;

Considérant qu’en réalité, ce franchissement résulte de la renonciation aux options d’achat portant sur 22 800 862 actions ADT ; qu’au 2 octobre 2009, Lado détenait seulement 13 385 649 actions ADT, le chiffre de 41 949 838 correspondant à la somme des 13 385 649 actions et des 28 564 188 options d’achat détenues à cette date ;

Considérant que, pour justifier sa façon de procéder, Lado allègue « l’absence de diligences de l’AMF quant à la mise en application de cet arrêté [du 27 juillet 2009] » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que le formulaire utilisé par Lado le 2 octobre 2009 était obsolète et ne correspondait pas à celui disponible sur le site Internet de l’AMF, qui avait été mis à jour pour tenir compte des dispositions entrées en vigueur 1er août 2009 ; qu’au demeurant, contrairement à ce que soutient Lado, l’AMF a annoncé l’ensemble de ces modifications dans son communiqué de presse du 31 juillet 2009 portant sur la « Réforme du régime des déclarations de franchissement de seuil de participation et des déclarations d’intention : homologation du règlement général de l’Autorité des marchés financiers », également disponible sur son site Internet ;

Considérant qu’à défaut de contenir, conformément aux dispositions applicables et au formulaire à utiliser à l’époque des faits, l’indication que le franchissement de seuil résultait de la renonciation à des options d’achat, la distinction, dans la participation de Lado, entre les actions et les options d’achat, enfin, les principales caractéristiques des accords conclus avec la société W, la déclaration de franchissement de seuil de la société Lado du 2 octobre 2009 ne satisfaisait pas aux exigences des articles 223-11 et 223-14 du règlement général de l’AMF, dans leur version applicable à l’époque des faits ;

(iv) Sur la troisième déclaration de franchissement de seuil de Lado Considérant que, dans le formulaire de déclaration adressé à l’AMF le 3 décembre 2009, Lado a déclaré avoir franchi à la baisse le seuil de 5% du capital et des droits de vote d’ADT, en indiquant que ce franchissement résultait d’une cession sur le marché et qu’elle restait détenir 20 461 270 actions ADT, ce qui a été retranscrit par l’AMF dans un avis du 4 décembre 2009 ;

Considérant cependant que, si ce franchissement résultait bien de la cession de 13 000 000 actions, le 4 décembre 2009, Lado ne détenait plus que 385 649 actions, le chiffre de 20 461 270 correspondants à la somme de ces actions des 20 075 620 options d’achat alors détenues ;

Considérant qu’à défaut de contenir la distinction, dans la participation de Lado, entre les actions et les options d’achat et les principales caractéristiques des accords conclus avec la société W, la déclaration de franchissement de seuil de la société Lado du 3 décembre 2009, au demeurant remplie sur un formulaire qui n’était à jour ni de la réforme entrée en vigueur le 1er août 2009 ni de celle applicable à partir du 1er novembre 2009, ne satisfaisait pas aux exigences des articles 223-11 et 223-14 du règlement général de l’AMF dans leur version applicable à l’époque des faits ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les déclarations de franchissement de seuil des 23 juillet, 2 octobre et 3 décembre 2009 ne contenaient pas l’intégralité des informations requises ; que les manquements aux articles 223-11 et 223-14 du règlement général de l’AMF, dans leur version respectivement en vigueur au moment des faits, sont, par conséquent, caractérisés ;

III.3.2. Sur le respect par Lado de son obligation de déclarer les opérations réalisées sur les titres d’ADT en raison du contrôle exercé par M. D, membre du conseil d’administration d’ADT

Considérant qu’il est reproché à Lado, « contrôlée par M. D, également administrateur de la société ADT », de n’avoir déclaré « aucune des opérations réalisées au cours de l’année 2009 [...] sur le titre ADT et sur les instruments qui lui sont liés, c’est-à-dire les cessions de titres, la souscription des options d’achat et l’arrivée à échéance desdites options », contrairement aux « dispositions combinées des articles L. 621-18-2 et R. 621-43-1

4°b) du code monétaire et financier et de l’article 223-22 du règlement général de l’AMF », desquelles il résulte que « toute personne morale autre que l’émetteur, qui est contrôlée par un membre du conseil d’administration de l’émetteur, doit déclarer à l’AMF les opérations – achats ou cessions – qu’elle réalise sur les actions de cet émetteur ou sur les instruments qui leur sont liés » ;

Considérant que l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier, inchangé depuis les faits en ce qui concerne les dispositions fondant le grief, énonce notamment que :

« Sont communiqués par les personnes mentionnées aux a à c à l'Autorité des marchés financiers, et rendus publics par cette dernière dans le délai déterminé par son règlement général, les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges de titres d'une personne faisant appel public à l'épargne ainsi que les transactions opérées sur des instruments financiers qui leur sont liées, lorsque ces opérations sont réalisées par :

a) Les membres du conseil d'administration, du directoire, du conseil de surveillance, le directeur général, le directeur général unique, le directeur général délégué ou le gérant de cette personne ; [...]

c) Des personnes ayant, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, des liens personnels étroits avec les personnes mentionnées aux a et b. [...] » ;

Considérant que l’article R. 621-43-1 du code monétaire et financier, inchangé depuis les faits, dispose que :

« Les personnes mentionnées au c de l'article L. 621-18-2, qui ont des liens personnels étroits avec l'une des personnes mentionnées aux a ou b du même article, sont : [...]

4° Toute personne morale ou entité, autre que la personne mentionnée au premier alinéa de l'article L. 621-18-2, constituée sur le fondement du droit français ou d'un droit étranger, et : [...]

b) Ou qui est contrôlée, directement ou indirectement, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, par l'une des personnes mentionnées aux a et b de l'article L. 621-18-2 ou par l'une des personnes mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ; [...] » ;

Considérant que l’article 223-22 du règlement général de l’AMF, applicable à l’époque des faits, prévoyait que : « Les personnes mentionnées à l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier déclarent à l’AMF, par voie électronique, dans un délai de 5 jours de négociation suivant leur réalisation, les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges d’instruments financiers [remplacé par « d’actions » par l’arrêté du 2 avril 2009] de l’émetteur au sein duquel les personnes mentionnées aux a et b de l’article L. 621-18-2 susvisé exercent leurs fonctions ainsi que les transactions opérées sur des instruments qui leur sont liés.

Les déclarations mentionnées au premier alinéa sont mises en ligne sur le site de l’AMF » ;

Considérant que M. D était administrateur d’ADT, société cotée en France, tout au long de l’année 2009 ; qu’il appartenait donc bien à la catégorie des personnes visées par le a) de l’article L. 621-18-2 du code précité ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient Lado, il ne résulte pas de la combinaison des articles L. 621-18-2 c), R. 621-43-1 4° b) du code monétaire et financier et 223-22 du règlement général de l’AMF que ne seraient soumises à déclaration que les opérations faites par une personne détenant le contrôle de l’émetteur ; que les liens étroits auxquels il est fait référence sont, en l’espèce, ceux unissant l’administrateur de l’émetteur et la personne, physique ou morale, qui a réalisé des opérations sur le titre ;

Considérant que Lado fait valoir que la preuve ne serait pas rapportée de ce que M. D contrôlerait Lado ; que, cependant, les trois formulaires de déclaration de franchissement de seuil, dont les deux derniers sont signés par le représentant légal de la société lui-même, indiquent expressément que Lado est contrôlée par M. D, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce (cotes D760 à D771) ; que M. D a reconnu détenir le contrôle capitalistique de cette société (cote R361) ; qu’au demeurant, le rapport financier annuel 2008 de la société ADT précise que « M. D détient directement et indirectement plus de 33,33% du capital et des droits de vote » d’ADT ; que, sa participation directe dans ADT étant infime, il s’en déduit, comme on l’a vu plus haut, que M. D détenait alors près de 100% du capital et des droits de vote de Lado ; que cette société était donc bien contrôlée par M. D, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ;

Considérant qu’en ce qui concerne les opérations soumises à déclaration, entrent dans les prévisions de l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier, non seulement les cessions d’actions ADT réalisées, mais aussi les souscriptions et renonciations aux options d’achat d’actions ADT ; qu’il s’agit en effet, en application des articles L. 211-1 et D. 211-1 A du même code, de transactions opérées sur des instruments financiers qui sont liés aux titres ADT ;

Considérant qu’au demeurant, le document publié le 26 mai 2009 par l’AMF intitulé « Questions – réponses sur les obligations de déclaration des opérations réalisées par les dirigeants, leurs proches et les personnes assimilées » précise dans la partie « Quelles opérations faut-il déclarer ? » : « Les opérations suivantes donnent lieu à déclaration : (...) les achats et ventes à terme conditionnels, et en particulier les achats et ventes d’options : le dirigeant effectue une déclaration lorsqu’il acquiert (ou cède) des options et, en cas d’exercice desdites options, il déclare l’acquisition (ou la cession) des actions sous-jacentes. Ainsi, à titre d’exemple, un dirigeant qui couvrirait des actions qu’il détient par l’achat d’une option de vente et la vente d’une option d’achat, déclarerait, au moment de la mise en place de la couverture, deux transactions distinctes, l’une correspondant à une vente, l’autre à un achat, en retenant comme prix unitaire le montant de la prime payée. Dans les formulaires de déclaration, il conviendrait alors de cocher, pour chaque transaction, la case « autres types d’instruments financiers » pour la description des instruments financiers, et « autres types d’opérations » pour la nature des opérations, en précisant qu’il s’agit de la mise en place d’une couverture » ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, du fait du contrôle exercé sur elle par M. D, Lado était soumise à l’obligation de déclarer la cession d’actions d’ADT, société dont celui-ci était administrateur, ainsi que la souscription et la renonciation aux contrats d’option d’achat de ces actions ;

Considérant, en conséquence, que Lado, qui n’a déclaré à l’AMF ni les cessions d’actions ADT ni les souscriptions et renonciations aux options sur le même titre, n’a pas satisfait aux obligations déclaratives qui pèsent sur les personnes étroitement liées au dirigeant d’un émetteur ou aux personnes assimilées lorsqu’elles réalisent certaines opérations sur les titres de cet émetteur, telles qu’elles résultent des articles L. 621-18-2 et R. 621-43-1 4°b) du code monétaire et financier et 223-22 du règlement général de l’AMF; que le manquement est caractérisé ;

IV. SUR LES SANCTIONS ET LA PUBLICATION

Considérant que l’article L. 621-15 II c) du code monétaire et financier, applicable à l’époque des faits, disposait que « [...] II.- La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : [...] c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, s’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié ou s’est livré à une manipulation de cours, à la diffusion d’une fausse information ou à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent un instrument financier émis par une personne ou une entité faisant appel public à l’épargne ou admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers ou pour lequel une demande d’admission aux négociations sur un tel marché a été présentée [remplacé au 1er avril 2009 par « un instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations »], dans les conditions déterminées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers ; [...] » ; que sont mentionnés au premier alinéa de l'article L. 621-14 I du même code les « manquements aux obligations résultant des dispositions législatives ou réglementaires ou des règles professionnelles visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, ou [...] tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché. [...] » ;

Considérant qu’en application de l’article L. 621-15 III c) du code monétaire et financier, applicable à l’époque des faits, le montant des sanctions pécuniaires ne peut être supérieur à 10 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ;

IV.1 Sur les sanctions prononcées à l’encontre d’ADT et de M. C

Considérant qu’il sera tenu compte, pour déterminer le montant des sanctions, de la gravité du manquement, qui a eu pour effet de priver pendant onze mois les investisseurs d’une information privilégiée utilisée par l’actionnaire principal durant la même période pour se désinvestir progressivement, mais massivement, de la société ;

Considérant que sera prononcée à l’encontre de M. C, à la retraite, une sanction de 20 000 euros ;

Considérant qu’ADT soutient qu’elle est actuellement en discussion avec ses partenaires bancaires pour négocier le renouvellement des crédits nécessaires à sa survie et qu’elle a entrepris des efforts importants en vue d’éviter le dépôt de bilan, puis d'assurer la pérennité de l'entreprise ; que sera prononcée à son encontre une sanction de 50 000 euros ;

IV.2. Sur les sanctions prononcées à l’encontre de Lado et de M. D

Considérant qu’entre le 1er janvier et le 28 juillet 2009, Lado est passée progressivement d’une participation de plus de 31% à 3,08% dans ADT ; que pour ne pas procéder aux déclarations de franchissement de seuil, elle a souscrit des options d’achat d’actions ; que les conditions auxquelles ces options ont été acquises sont telles qu’elles n’avaient en réalité pas vocation à être exercées ; que celles-ci avaient pour seul but de dissimuler au marché un désinvestissement massif ; que Lado a ainsi pu, en ne déclarant pas correctement ses

franchissements de seuil à la baisse et en s’abstenant de déclarer les opérations sur le titre ADT, dissimuler jusqu’au 28 juillet 2009 les opérations de désinvestissement indirectement réalisées par M. D ; que sera prononcée à l’encontre de cette société une sanction de 100 000 euros ;

Considérant que, pour l’application de l’article L. 621-15 III c) à un manquement d’initié, le montant de la sanction prononcée doit revêtir un caractère dissuasif, tout en respectant le principe de proportionnalité ; que la violation, par M. D, de son obligation d’abstention est aggravée par sa qualité d’initié primaire et par les procédés auxquels il a recouru, avec l’aide et au travers de Lado, pour dissimuler tant ses opérations de désinvestissement que leur réel bénéficiaire ; que le mis en cause a déjà été sanctionné, pour la communication au marché d’informations inexactes, imprécises ou trompeuses et pour un défaut de déclaration de franchissement de seuil, par une décision de la présente Commission du 29 novembre 2007 qui est devenue définitive, les recours devant la Cour d’appel de Paris et la Cour de cassation ayant été rejetés ; que, compte tenu de l’ensemble de ces circonstances, sera prononcée à son encontre une sanction de 500 000 euros ;

Considérant que la publication de la présente décision ne risque ni de perturber gravement les marchés financiers ni de causer un préjudice disproportionné aux mis en cause ; qu'elle sera donc ordonnée, sous une forme préservant l’anonymat des personnes mises hors de cause ;

PAR CES MOTIFS,

Et ainsi qu’il en a été délibéré, sous la présidence de Mme Claude Nocquet par Mme France Drummond et M. Jean-Jacques Surzur, membres de la 1ère section de la Commission des sanctions, et par Mme Marie-Hélène Tric, membre de la 2ème section de la Commission des sanctions, suppléant M. Michel Pinault par application du I de l’article R. 621-7 du code monétaire et financier, en présence de la secrétaire de séance,

DECIDE DE

- mettre hors de cause les sociétés Y et Z ainsi que MM. B et A ;

- prononcer à l’encontre de la société ADT (devenue société X’) une sanction pécuniaire de 50 000 € (cinquante mille euros) ;

- prononcer à l’encontre de M. C une sanction pécuniaire de 20 000 € (vingt mille euros) ;

- prononcer à l’encontre de la société Lado une sanction pécuniaire de 100 000 € (cent mille euros) ;

- prononcer à l’encontre de M. D’une sanction pécuniaire de 500 000 € (cinq cent mille euros) ;

- publier la présente décision sur le site Internet de l’AMF dans des conditions propres à assurer l’anonymat des personnes mises hors de cause.