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Décisions

AMF, 18 décembre 2017, n° SAN-2017-12

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Membres :

M. Lepitre, M. Millou

Président :

M. Gaeremynck

AMF n° SAN-2017-12

17 décembre 2017

La 2e section de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après : « AMF ») :

Vu le règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché et notamment ses articles 7, 8, 10 et 14 ;

Vu le code monétaire et financier et notamment ses articles L. 621-9, L. 621-11, L. 621-12, L. 621-15, R. 621-34 et R. 621-35 ;

Vu le règlement général de l’AMF et notamment ses articles 313-2, 314-1, 314-66, 315-66 et 621-1, 622-1 et 622-2 ;

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 24 novembre 2017 :

- M. Christophe Soulard, en son rapport ;

- Mme Virginie Adam, représentant le collège de l’AMF ;

- M. Pierre-Eliott Rozan, représentant la directrice générale du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- M. Sylvain Lemaire, assisté par ses conseils, Mes Pascal Wilhelm et Luc Bousquet, avocats au sein du cabinet Wilhelm et Associés ;

- Me Laurence Cechman, représentant M. Marc Albert Obadia, non comparant ;

Les mis en cause ou leurs représentants ayant eu la parole en dernier.

FAITS

Dexia Long Short Risk Arbitrage (ci-après « Dexia LSRA ») est un fonds commun de placement géré par la société de gestion française Dexia Asset Management (ci-après : « Dexia »), devenue Candriam, qui met en œuvre des stratégies d’arbitrage visant à tirer parti d’évènements de nature à créer une discontinuité dans le prix d’un actif. À l’époque des faits, la gestion de Dexia LSRA était assurée par une équipe de trois personnes, dont Mme A qui en assumait la supervision.

Pour les besoins de la réalisation des opérations de Dexia LSRA, Dexia recourait aux services de plusieurs courtiers, dont la société Louis Capital Markets (ci-après : « LCM »), au sein de laquelle M. Lemaire exerçait les fonctions de « vendeur actions ».

La division de la surveillance des marchés de l’AMF a détecté qu’un grand nombre d’achats effectués par Dexia LSRA entre les mois de novembre 2010 et de janvier 2013 l’avait été face à la même contrepartie.

Ces opérations répondaient à un mode opératoire apparemment identique : la banque Israël Discount Bank (ci-après : « IDB »), agissant toujours pour le compte du même client, M. Obadia, achetait des titres lors d’une ou plusieurs séances de bourse puis les cédait rapidement à des prix élevés, essentiellement en exécution d’ordres d’achat passés pour le compte de Dexia LSRA.

PROCÉDURE

Le 31 janvier 2013, le secrétaire général de l’AMF a décidé l’ouverture d’une enquête « sur le marché destitres suivants : Club Med (FR0000121568), Havas (FR0000121881), Klépierre (FR0000121964), Orpea (FR0000184798), April (FR0004037125), Bureau Veritas (FR0006174348), Rallye (FR0000060618), Alten

(FR0000071946), Boursorama (FR0000075228), à compter du 1er septembre 2010 ».

Par décision du 26 novembre 2013, cette enquête a été « étendue au marché des titres AEGIS GROUP(GB00B4JV1B90), AUTOSTRADA TORINO-MILANO (IT0000084027), FAURECIA(FR0000121147), BRITISH GAS GROUP (GB0008762899), BUZZI UNICEM RNC (IT0001369427), CHARIOT OIL & GAS (GG00B2R9PM06), DANIELI & C. RSP (IT0000076486), DELTICOM AG (DE0005146807), INTERTEK GROUP (GB0031638363), ITALCEMENTI SPA RNC (IT0001465167), ITALMOBILIARE SPA RNC (IT0000074614), ITALMOBILIARE SPA (IT0000074598), LINDT & SPRUENGLI AT-REG (CH0010570759). NEXITY (FR0010112524), RANDSTAD HOLDING NV (NL0000379121), REMY COINTREAU (FR0000130395), SIAS SPA (IT0003201198), AXA (FR0000120628), ILIAD (FR0004035913), à compter du 26 novembre 2010 ».

Le 10 juillet 2015, la direction des enquêtes et des contrôles de l’AMF a adressé à MM. Lemaire et Obadia des lettres les informant de manière circonstanciée des faits éventuellement susceptibles de leur être reprochés au regard des constats des enquêteurs ainsi que de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations dans le délai d’un mois.

MM. Obadia et Lemaire ont présenté des observations en réponse, respectivement, les 13 et

14 septembre 2015.

L’enquête a donné lieu à un rapport daté du 5 novembre 2015.

La commission spécialisée n° 1 du collège de l’AMF a décidé, le 19 novembre 2015, de notifier des griefs à MM. Lemaire et Obadia.

Les notifications de griefs ont été adressées à MM. Lemaire et Obadia par lettres du 15 avril 2016.

Il est reproché :

 

− à M. Lemaire, d’avoir :

• transmis à M. Obadia des informations privilégiées relatives aux caractéristiques principales (valeurs, volumes et prix) des ordres d'achat à venir de Dexia LSRA, en violation des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l'AMF ;

• exploité abusivement des informations relatives aux ordres d'achat de Dexia LSRA en attente d'exécution, en violation de l’article 314-66 II du règlement général de l'AMF, manquement qui lui serait imputable en application des articles 313-2 II et

315-66 du règlement général de l'AMF ;

− à M. Obadia d’avoir utilisé les informations privilégiées transmises par M. Lemaire afin de placer, sur les mêmes valeurs et au cours des mêmes séances de bourse, des ordres de vente à des cours en ligne avec les ordres d'achat à venir de Dexia LSRA et de connaître ainsi une exécution face à ces ordres, en violation des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l'AMF.

Une copie des notifications de griefs a été transmise le 15 avril 2016 à la présidente de la commission des sanctions, conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier.

Par décision du 27 avril 2016, la présidente de la commission des sanctions a désigné

M. Christophe Soulard en qualité de rapporteur.

Par lettres du 19 mai 2016, MM. Lemaire et Obadia ont été informés qu’ils disposaient d’un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code.

Les 27 juillet et 6 septembre 2016, MM. Lemaire et Obadia ont, respectivement, présenté des observations en réponse à la notification de griefs.

Par lettre du 28 mars 2017, le rapporteur a convoqué M. Obadia à une audition à laquelle ce dernier ne s’est pas présenté.

M. Lemaire a pour sa part été entendu par le rapporteur les 10 et 30 mai 2017.

Le rapporteur a déposé son rapport le 21 juillet 2017.

Par lettres du 21 juillet 2017 auxquelles était joint le rapport du rapporteur, MM. Lemaire et Obadia ont été convoqués à la séance de la commission des sanctions du 29 septembre 2017 et informés qu’ils disposaient d’un délai de quinze jours pour présenter des observations en réponse à ce rapport, conformément au III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par lettre du 25 juillet 2017, M. Lemaire a sollicité une prorogation du délai imparti pour répondre au rapport du rapporteur jusqu’au 31 août 2017, demande à laquelle il a été fait droit par courrier du 26 juillet 2017.

Le 14 août 2017, M. Obadia a présenté des observations en réponse au rapport du rapporteur.

Par lettres du 16 août 2017, MM. Lemaire et Obadia ont été informés de la composition de la formation de la commission des sanctions appelée à délibérer lors de la séance du 29 septembre 2017 ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres.

Le 31 août 2017, M. Lemaire a présenté à son tour des observations en réponse au rapport du rapporteur, aux termes desquelles il sollicitait notamment que l’accès à la salle soit interdit « pendant toute la durée de l’audience sur le fondement de la protection du secret des affaires ».

Par lettres du 22 septembre 2017, les conseils de MM. Lemaire et Obadia ont été avisés du report de la séance de la commission des sanctions à une date ultérieure.

Par lettres du 2 octobre 2017, MM. Lemaire et Obadia ont été convoqués à la séance de la commission des sanctions du 24 novembre 2017, composée à l’identique de celle initialement appelée à délibérer à l’issue de la séance du 29 septembre 2017.

Par lettre du 13 novembre 2017, le président de la deuxième section de la commission des sanctions a fait savoir aux conseils de M. Lemaire que les motifs évoqués dans les observations déposées par ce dernier ne justifiaient pas d’interdire l’accès à la salle durant la séance de la commission des sanctions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur les moyens de procédure

I. 1. Sur le défaut d’impartialité des enquêteurs et la violation de la présomption d’innocence allégués par M. Lemaire M. Lemaire soulève la nullité de la procédure pour violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après : « CSDH »), de la présomption d’innocence et des principes de loyauté et de neutralité des enquêteurs. Il soutient, d’une part, que le ton « particulièrement accusateur » du rapport d’enquête et de la notification de griefs dénote « un manque d’impartialité évident » des enquêteurs et du collège de l’AMF, d’autre part, que le rapport d’enquête présente une « vérité biaisée » et, enfin, que l’analyse des enquêteurs se limite aux carnets d’ordres d’Euronext.

Le rapport d’enquête et la notification de griefs n’emportent ni déclaration de culpabilité, ni préjugement de la décision à intervenir, de sorte qu’ils ne sauraient, en eux-mêmes, porter atteinte à la présomption d’innocence.

Par ailleurs, les exigences d’impartialité et d’indépendance énoncées par l’article 6 de la CSDH étant applicables aux seules autorités de jugement, ni les auteurs d’un rapport d’enquête, ni le collège de l’AMF lorsqu’il statue sur d’éventuelles poursuites, ne sont tenus d’y satisfaire.

Au demeurant, en se bornant à critiquer, d’une part, le ton de la notification de griefs et du rapport d’enquête, d’autre part, le raisonnement et les conclusions de ce rapport, M. Lemaire n’établit ni que le collège de l’AMF ou les enquêteurs ont fait preuve de partialité à son égard ni, a fortiori, que celle-ci a eu pour effet de porter atteinte au caractère équitable et contradictoire de la procédure devant la commission des sanctions ou de compromettre l’équilibre des droits des parties. Enfin, les services d'enquête de l'AMF déterminent librement la nature et l'étendue des investigations auxquelles ils procèdent dans le cadre de l'enquête qui leur est confiée, à la condition que celle-ci n’ait pas été déloyale.

Or, le caractère incomplet de l’analyse des enquêteurs, à la supposer établie, ne suffit pas à caractériser une telle déloyauté.

L’exception de procédure soulevée par M. Lemaire sera donc écartée.

I. 2. Sur la violation des droits de la défense, des prescriptions du code monétaire et financier et de l’article 6 de la CSDH lors de l’enquête, alléguée par M. Obadia

M. Obadia soulève la nullité de la procédure au motif que les actes d’enquête diligentés en Israël sous l’égide de l’Israel Securities Authority (ci-après : l’« ISA ») l’ont été en violation des droits de la défense, des articles L. 621-11, R. 621-34 et R. 621-35 du code monétaire et financier ainsi que de l’article 6 de la CSDH.

Au soutien de cette exception, il fait d’abord valoir qu’une perquisition a eu lieu à son domicile hors de tout cadre légal, sans procès-verbal, ni notification de son droit d’interjeter appel de cette mesure et en violation de son droit à bénéficier de l’assistance d’un avocat. Ensuite, il argue, au sujet de son audition dans les locaux de l’ISA, que l'AMF n'a pas informé cette dernière « des droits inhérents » dont il devait bénéficier, qu’il n'a pas été convoqué dans les formes et délais prévus par le code monétaire et financier, que la charte de l’enquête de l’AMF ne lui a pas été remise, qu’il a été privé de son droit à être assisté d’un avocat, que le traducteur n’était pas assermenté, que les conditions techniques de déroulement de l’audition ont empêché une transcription sérieuse et complète et que la transcription de l’audition n’a pas été signée par lui. Enfin, il soutient que l’absence de traduction en langue française des « documents en provenance d'Israël » méconnaît ses droits de la défense, en ce qu’elle prive son conseil de la possibilité d’en prendre connaissance, de même que « les dispositions légales enjoignant une communication [...] en langue française de toutes procédures et / ou pièces débattues devant une juridiction française de quelque nature qu’elle soit ».

Les enquêteurs de l’AMF ont sollicité l’assistance de l’ISA en application du Multilateral Memorandum of Understanding de l’Organisation Internationale des Commissions de Valeurs mobilières (ci-après, « MMoU ») en vue, notamment, d’effectuer une perquisition au domicile de M. Obadia, qui réside en Israël, et de procéder à l’audition de ce dernier.

En premier lieu, il est établi par les documents produits à la demande du rapporteur par le secrétaire général de l’AMF le 2 novembre 2016 que la perquisition critiquée a été diligentée en exécution de la demande d’assistance de l’AMF, par un enquêteur de l’ISA dûment autorisé à cet effet par une décision du juge de paix du tribunal de Tel Aviv-Jaffa du 4 novembre 2014, et qu’elle a donné lieu à un « rapport de perquisition » du 6 novembre 2014 signé par M. Obadia.

Les allégations selon lesquelles la perquisition a eu lieu hors de tout cadre légal et sans établissement d’un procès-verbal manquent donc en fait.

En deuxième lieu, il résulte de l'article 9 d) du MMoU, aux termes duquel « A moins que les Autorités n'en aient décidé autrement, les informations et documents demandés dans le cadre du présent Accord seront rassemblés conformément aux procédures en vigueur dans la juridiction de l'Autorité requise, par les personnes qu'elle aura désignées », qu’en l’absence de décision contraire, la régularité des actes accomplis par l’ISA en exécution d’une demande d'assistance de l’AMF s’apprécie au regard des règles de procédure applicables en Israël.

Les arguments tirés de la non-remise de la charte de l’enquête de l’AMF, de l’absence d’information donnée par les enquêteurs de l’AMF à ceux de l’ISA sur les « droits inhérents » de M. Obadia et de l’inobservation des prescriptions du code monétaire et financier, notamment celles régissant les recours en matière de visites domiciliaires, prévus par l’article L. 621-11 de ce code, sont donc inopérants. Force est de constater, en outre, que si M. Obadia invoque une violation de la procédure en vigueur en Israël, il ne précise pas en quoi celle-ci aurait été méconnue alors que, comme il sera dit au I.3 ci-après, il lui était loisible de prendre connaissance des pièces relatives à cette procédure, qui ont été versées au dossier.

En troisième lieu, si l’enquête doit être loyale de façon à ne pas compromettre irrémédiablement les droits de la défense, l’absence de signature de la transcription de l’audition de M. Obadia et les conditions techniques du déroulement de celle-ci ne caractérisent pas une telle atteinte aux droits de la défense dès lors qu’il est loisible à M. Obadia de vérifier et critiquer l’exactitude de cette transcription, notamment en se fondant sur l’enregistrement vidéo de son audition qui figure au dossier.

Il en est de même, pour le même motif, du prétendu défaut d’assermentation de l’interprète, dont l’intervention avait de surcroît pour objet de permettre aux enquêteurs de l’ISA de comprendre les échanges, intervenus en français, entre M. Obadia et les enquêteurs de l’AMF.

Par ailleurs, il est établi par une déclaration signée par M. Obadia et par la transcription de son audition que ce dernier a été informé par l’enquêteur israélien qu’il disposait du droit de prendre conseil auprès d’un avocat et qu’il a expressément renoncé à ce droit en indiquant ne pas avoir « besoin d’un avocat ».

C’est donc vainement qu’il soutient à présent que ses droits de la défense auraient, de ce chef, été méconnus, a fortiori irrémédiablement.

Enfin, l’absence d’assistance d’un avocat lors d’une perquisition ne caractérise pas une atteinte aux droits de la défense garantis par l’article 6 de la CSDH, dès lors que la personne suspectée n’est, comme en l’espèce, pas privée de liberté et qu’elle n’a pas été entendue à cette occasion sur les faits reprochés.

En dernier lieu, ni les enquêteurs ni la poursuite ne se fondent sur des documents en langue étrangère ou qui n’auraient pas fait l’objet d’une traduction en langue française et il en est de même du rapporteur. Si une partie des documents bancaires et relevés téléphoniques détaillés de M. Obadia transmis par l’ISA en exécution de la demande d’assistance de l’AMF sont en hébreu, les enquêteurs de cette autorité ont établi des fichiers Excel consolidés en français (cotes D512 et D521) qui ont seuls été utilisés par la suite. Quant aux documents saisis lors de la perquisition réalisée au domicile de M. Obadia (cote D825), dont certains sont également en hébreu, ils n’ont pas été invoqués au soutien des griefs. Au demeurant, il ressort de la transcription de l’audition de M. Obadia et des enregistrements de ses multiples conversations téléphoniques avec IDB que ce dernier, qui réside en Israël depuis longtemps, parle couramment l’hébreu.

M. Obadia est ainsi mal fondé à soutenir que l’absence de traduction de certains documents « en provenance d’Israël » porte atteinte à ses droits de la défense.

En conséquence, l’exception de nullité soulevée par M. Obadia sera écartée.

I. 3. Sur la violation du principe de la contradiction lors de l’instruction alléguée par M. Obadia

M. Obadia argue d’une atteinte au principe de la contradiction résultant de l’absence de communication des pièces relatives aux actes accomplis par l’ISA produites par le secrétaire général de l’AMF à la demande du rapporteur le 2 novembre 2016. Il soutient avoir ainsi été privé de la possibilité de s’assurer du respect de la procédure diligentée en Israël.

Aux termes de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, « la notification de griefs précise que la personne mise en cause peut prendre connaissance et copie des autres pièces du dossier [autres que les observations présentées par cette personne en réponse aux griefs notifiés] auprès de la commission des sanctions ».

La notification de griefs adressée à M. Obadia indiquait que ce dernier pouvait « prendre connaissance et copie des pièces du dossier tout au long de la procédure auprès de l'Autorité des marchés financiers située au 17, place de la Bourse, 75082 Paris Cedex 2, sur rendez-vous (Tél. : [...]) ».

Dès lors qu’en application des dispositions précitées de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier les pièces du dossier sont quérables et non portables et que M. Obadia en a été informé par la notification de griefs, conformément aux exigences du même texte, il lui appartenait de demander à prendre connaissance des éléments litigieux, versés au dossier.

Contrairement à ce qu’a soutenu le conseil de M. Obadia lors de la séance, les observations en réponse déposées le 14 août 2017 dans l’intérêt de ce dernier, qui se bornent à mentionner que les documents litigieux « n'ont jamais été communiqués d'une manière contradictoire à Monsieur Obadia et à son conseil dès réception » et qu’ils « ne figurent [pas] en annexe du rapport de Monsieur le Rapporteur », ne contiennent aucune demande de communication de pièces.

Le moyen doit donc être écarté.

II. Sur les griefs de transmission et d’utilisation d’informations privilégiées notifiés, respectivement, à M. Lemaire et à M. Obadia

Il est reproché à M. Lemaire d’avoir transmis 36 informations privilégiées relatives aux caractéristiques principales des ordres d’achat à venir de Dexia LSRA à M. Obadia et, à ce dernier, de les avoir indûment utilisées pour placer des ordres de vente en ligne avec ceux du fonds.

II. 1. Sur les textes applicables

Les faits visés par les notifications de griefs, qui se sont déroulés entre décembre 2010 et janvier 2013, seront examinés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuelles dispositions plus douces entrées en vigueur postérieurement.

Définition de l’information privilégiée

Aux termes de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version issue de l’arrêté du 12 novembre 2004, non modifiée depuis sur ces points dans un sens plus doux : « Une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés [...]. / Une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés [...]. / Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés [...] est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement ».

Le règlement n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (ci-après : « règlement MAR »), entré en application le 3 juillet 2016, dispose, en son article 7 : « 1. Aux fins du présent règlement, la notion d’ « information privilégiée » couvre les types d’information suivants : /

a) une information à caractère précis qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’influencer de façon sensible le cours des instruments financiers concernés [...] ; / 2. Aux fins de l’application du paragraphe 1, une information est réputée à caractère précis si elle fait mention d’un ensemble de circonstances qui existe ou dont on peut raisonnablement penser qu’il existera ou d’un événement qui s’est produit ou dont on peut raisonnablement penser qu’il se produira, si elle est suffisamment précise pour qu’on puisse en tirer une conclusion quant à l’effet possible de cet ensemble de circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers [...]. / 4.

Aux fins du paragraphe 1, on entend par information qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’influencer de façon sensible le cours des instruments financiers [...], une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme faisant partie des fondements de ses décisions d’investissement ».

Ces dernières dispositions, qui définissent l’information privilégiée en des termes très proches de celles précitées de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, ne sont pas plus douces et, partant, ne sont pas susceptibles de recevoir une application rétroactive.

Les opérations d’initiés et la divulgation illicite d’informations privilégiées

Aux termes de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version issue de l’arrêté du 30 décembre 2005, non modifiée depuis sur ces points dans un sens plus doux : « Toute personne mentionnée à l’article 622-2 doit s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée qu’elle détient en acquérant ou en cédant, ou en tentant d’acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information [...]. / Elle doit également s'abstenir de : 1° Communiquer cette information à une autre personne en dehors du cadre normal de son travail, de sa profession ou de ses fonctions ou à des fins autres que celles à raison desquelles elle lui a été communiquée [...] ».

L’article 622-2 du même règlement, dans sa version issue de l’arrêté du 12 novembre 2004, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, énonce quant à lui : « Les obligations d'abstention prévues à l'article 622-1 s'appliquent à toute personne qui détient une information privilégiée en raison de : [...] / 3° Son accès à l'information du fait de son travail, de sa profession ou de ses fonctions [...]. / Ces obligations d'abstention s'appliquent également à toute autre personne détenant une information privilégiée et qui sait ou qui aurait dû savoir qu'il s'agit d'une information privilégiée ».

Le règlement MAR dispose, en son article 8 : « 1. Aux fins du présent règlement, une opération d’initié se produit lorsqu’une personne détient une information privilégiée et en fait usage en acquérant ou en cédant, pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers, directement ou indirectement, des instruments financiers auxquels cette information se rapporte [...] / 4. Le présent article s’applique à toute personne qui possède une information privilégiée en raison du fait que cette personne : [...] / c) a accès aux informations en raison de l’exercice de tâches résultant d’un emploi, d’une profession ou de fonctions ;

[...]. / Le présent article s’applique également à toute personne qui possède une information privilégiée dans des circonstances autres que celles visées au premier alinéa lorsque cette personne sait ou devrait savoir qu’il s’agit d’une information privilégiée [...] ».

L’article 10 du même règlement prévoit quant à lui : « 1. Aux fins du présent règlement, une divulgation illicite d’informations privilégiées se produit lorsqu’une personne est en possession d’une information privilégiée et divulgue cette information à une autre personne, sauf lorsque cette divulgation a lieu dans le cadre normal de l’exercice d’un travail, d’une profession ou de fonctions. / Le présent paragraphe s’applique à toute personne physique ou morale dans les situations ou les circonstances visées à l’article 8, paragraphe 4 ».

Ces dispositions des articles 8 et 10 du règlement MAR, qui définissent les opérations d’initié en des termes très proches de celles précitées des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF, ne sont pas plus douces et, dès lors, ne sont pas susceptibles de recevoir une application rétroactive.

II. 2. Sur le caractère privilégié des 36 informations relatives aux caractéristiques principales des ordres d’achat à venir de Dexia LSRA

Les notifications de griefs retiennent que les informations relatives aux caractéristiques principales des ordres d’achat de Dexia LSRA telles qu’indiquées dans le tableau ci-après, présentaient, pour chacune des 36 séances considérées, un caractère privilégié.

Valeur Date Volume passé dans l’OMS de LCM

Limite la plus élevée des ordrespassés dans l’OMS de LCM

1 Alten 02/11/11 21 000 21,20

2 Alten 08/11/11 25 000 21,00

3 April 10/12/10 35 000 21,50

4 April 21/12/10 42 530 21,29

5 Boursorama 14/09/11 70 000 6,45

6 Boursorama 19/09/11 50 000 7,15

7 Boursorama 22/11/11 70 000 6,50

8 Boursorama 25/01/12 85 000 6,40

9 Boursorama 07/08/12 50 000 5,70

10 Boursorama 08/08/12 40 000 5,70

11 BVI 03/01/12 35 000 57,85

12 Club Med 12/06/12 20 000 13,80

13 Havas 28/12/11 220 000 3,26

14 Havas 02/01/12 100 000 3,27

15 Havas 15/03/12 280 000 4,09

16 Klépierre 08/05/12 33 500 24,50

17 Klépierre 29/05/12 30 000 25,15

18 Klépierre 01/06/12 30 000 25,40

19 Klépierre 27/06/12 30 000 25,30

20 Klépierre 06/07/12 30 000 26,85

21 Klépierre 01/08/12 25 000 26,95

22 Klépierre 08/08/12 35 000 27,10

23 Klépierre 07/09/12 20 000 26,95

24 Klépierre 02/11/12 37 500 29,35

25 Klépierre 28/11/12 22 000 28,99

26 Klépierre 29/11/12 18 500 28,99

27 Klépierre 06/12/12 30 000 29,50

28 Klépierre 07/12/12 19 000 29,30

29 Orpea 27/12/11 50 000 26,10

30 Orpea 04/01/12 55 000 26,00

31 Orpea 17/01/12 30 000 25,50

32 Rallye 28/12/11 20 000 21,80

33 Rallye 29/12/11 30 000 21,99

34 Rallye 23/02/12 33 000 27,00

35 Rémy Cointreau 06/12/11 21 500 62,50

36 Nexity 29/01/13 30 000 23,79

Selon la poursuite, chacune de ces 36 informations était :

- précise, la probabilité d’exécution en face des ordres de Dexia LSRA étant très forte au regard des limites élevées de prix fixées et des volumes concernés, de sorte qu’il était possible d’en tirer une conclusion quant à son effet possible sur le cours du titre concerné ;

- non publique car seuls M. Lemaire et son courtier avaient connaissance des caractéristiques des ordres qui allaient être passés pour Dexia LSRA « avant exécution » ;

- susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours de l'instrument financier concerné dès lors que l’ampleur de ses conséquences positives était telle qu’un investisseur raisonnable, y voyant « une occasion de vendre des actions à bon prix », était susceptible de l’utiliser comme fondement de ses décisions d’investissement ainsi qu’en témoigne la hausse induite par les ordres de Dexia LSRA comprise, selon les cas, entre 0,33 % et 7,44 %.

M. Lemaire conteste le caractère privilégié de ces informations et soutient en substance :

- qu’elles n’étaient pas précises dès lors qu’il n’était pas possible de tirer une conséquence quant à leur effet possible sur le cours en raison d’aléas sur l’exécution des ordres en cause, le lieu de leur exécution et l’identité de la contrepartie ;

- qu’elles étaient nécessairement connues d’autres personnes, au regard des volumes et montants en jeu, et qu’elles ont, en tout état de cause, été rendues publiques par l’entrée en carnet des premiers ordres de Dexia LSRA ;

- qu’un investisseur raisonnable en possession de ces informations ne les utiliserait pas comme fondement de ses décisions d’investissement en raison, notamment, de l’existence de nombreux aléas et contraintes temporels et matériels de nature à compromettre le succès de chacune des opérations.

M. Obadia ne formule pour sa part aucune observation.

Sur la précision des informations

En premier lieu, il y a lieu de déterminer si la passation des ordres dont les caractéristiques sont décrites par les notifications de griefs constituait, pour chacun des 36 cas visés, un évènement susceptible de se produire et, le cas échéant, à partir de quel moment.

A titre liminaire, il convient de préciser que les instructions transmises par Dexia LSRA étaient retranscrites par le vendeur concerné de LCM dans un fichier Excel dénommé blotter, mentionnant notamment le nombre de titres ou l’enveloppe globale ainsi que la limite de prix, qui alimentait un système de gestion informatisé des ordres ou Order Management System (ci-après : « OMS ») au moyen duquel l’équipe de trading de LCM envoyait les ordres sur les différentes plateformes de négociation par l’intermédiaire d’un prime broker après avoir, le cas échéant, lorsque les instructions étaient globales, traduit celles-ci en ordres de bourse.

Les informations relatives aux ordres d’achat du 28 décembre 2011 portant sur les titres Rallye (cas 32) et du 3 janvier 2012 portant sur les titres BVI (cas 11)

Il ressort des pièces du dossier que Dexia LSRA a initialement donné pour instruction d’acquérir

5 000 titres Rallye au prix de 21,50 euros et 20 000 titres Bureau Véritas BVI sans indication d’un prix et que ce n’est qu’une fois les ordres correspondants exécutés qu’elle a transmis à LCM de nouvelles instructions à l’effet d’acquérir « 15k [titres Rallye] de plus à 21.80 [euros] » et 15 000 titres Bureau Véritas supplémentaires, toujours sans préciser le prix souhaité.

Dès lors que les caractéristiques des ordres d’achat mentionnées dans les notifications de griefs au titre de ces deux opérations, à savoir 20 000 titres Rallye au prix maximum de 21,80 euros et 35 000 titres Bureau Véritas au prix maximum de 57,85 euros, ne reflètent pas la réalité des ordres passés par LCM pour le compte de Dexia LSRA, les informations en cause ne peuvent être regardées comme se rapportant à un évènement susceptible de se produire au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF et, partant, ne revêtent pas le caractère de précision requis par cet article.

Les 34 autres informations

Chacune des 34 informations en cause, relative aux caractéristiques d’ordres d’achat effectivement entrés dans l’OMS pour le compte de Dexia LSRA dont la date, la quantité, le volume, la limite la plus élevée et la valeur objet de l’ordre étaient déterminés, se rapportait bien à un événement était susceptible de se produire.

Les caractéristiques qui viennent d’être énumérées ont été déterminées, au plus tôt, au moment de la communication des instructions de Dexia, lorsque ces dernières les ont mentionnées et qu’elles se sont avérées conformes aux caractéristiques des ordres d’achat in fine passés par LCM pour le compte du fonds.

 

 

 

Les instructions de Dexia LSRA ont spécifié, à la fois, le nombre précis de titres à acquérir et le prix maximum auquel ils devaient l’être dans 13 cas seulement (achats de titres April des 10 et 21 décembre 2010, de titres Boursorama des 14 et 19 septembre 2011, 22 novembre 2011, 7 et 8 août 2012, de titres Havas des 28 décembre 2011 et 2 janvier 2012, de titres Orpea des 27 décembre 2011, 4 et 17 janvier 2012 et de titres Rallye du 23 février 2012).

Les caractéristiques des ordres saisis quelques minutes plus tard dans l’OMS n’ont été exactement conformes aux instructions de Dexia LSRA que dans 2 cas sur les 13 susmentionnés, correspondant aux ordres d’achat de titres Boursorama du 19 septembre 2011 (cas 6) et de titres Havas du 2 janvier 2012 (cas 14).

Si les pièces du dossier ne permettent pas de déterminer à quel moment précis de la journée du 19 septembre 2011 Dexia LSRA a transmis des instructions à LCM portant sur l’achat de 50 000 titres Boursorama au prix maximum de 7,15 euros, il est établi par les propos tenus par M. Lemaire à un gérant de Dexia LSRA lors d’un échange téléphonique intervenu le 19 septembre à compter de 8h34 (« Euh...On achète 50 000 Bourso pour vous, 7,15 top, faut taper s’il y a du volume, donc là y’en a visiblement, entre 6,80 et 7, y’a un peu de volume, donc faut que tu te hedges sur les fut’, voilà ») que ces instructions avaient déjà été données à ce moment-là.

Quant aux instructions portant sur l’achat de 100 000 titres Havas au prix de maximum de 3,27 euros, elles ont été données à l’occasion d’un entretien téléphonique intervenu le 2 janvier 2012 à 11h10, au cours duquel Mme A a fait part à M. Lemaire de son intention de « faire du HAVAS/PUB » et a accepté le prix maximum évoqué par ce dernier (« Y’a 50 000, je pense qu’on peut regarder ce qu’il y a jusqu’à 1,5 % plus haut, quoi, 3,27, tu vois ? ») ainsi que sa suggestion de commencer « [a]vec 100 000 titres pour voir ce qui se passe ».

En conséquence, les ordres d’achat de titres Boursorama (cas 6) et de titres Havas (cas 14) sont devenus des événements susceptibles de se produire, respectivement, le 19 septembre à 8h34 et le 2 janvier 2012 à 11h10.

Dans les 11 autres cas, les caractéristiques des ordres in fine passés pour le compte de Dexia LSRA dans l’OMS se sont écartés, parfois de manière significative, des instructions transmises par le fonds relativement au nombre de titres à acquérir et à la limite de prix, de sorte que les caractéristiques des ordres du fonds ne peuvent être considérées comme suffisamment définies au regard du seul contenu de ces instructions.

Il convient de déterminer, dans ces 11 cas, auxquels s’ajoutent les 21 cas dans lesquels des instructions insuffisamment détaillées ont été données par Dexia LSRA, à quel moment ont été déterminées les caractéristiques des ordres d’achat mentionnées par les notifications de griefs.

Les pièces du dossier établissent que, dans 22 cas sur les 32 examinés, les caractéristiques des ordres de Dexia entrées dans l’OMS sont identiques à celles inscrites sur le blotter par le vendeur de LCM, ce dont il résulte que celles-ci ont été déterminées au plus tard lors de cette inscription (achats de titres Alten du 2 novembre 2011, de titres Boursorama des 22 novembre 2011 et 25 janvier 2012, de titres Club Med du 12 juin 2012, de titres Havas du 28 décembre 2011, de titres Klépierre des 8 mai, 29 mai, 1er juin, 27 juin, 6 juillet, 2 novembre, 28 novembre, 29 novembre, 6 décembre et 7 décembre 2012, de titres Orpea des 27 décembre 2011, 4 janvier et 17 janvier 2012, de titres Rallye des 29 décembre 2011 et 23 février 2012, de titres Rémy Cointreau du 6 décembre 2011 et de titres Nexity du 29 janvier 2013).

Dans les 10 cas restants, les indications portées sur le blotter soit sont incomplètes, soit ne correspondent pas exactement aux caractéristiques des ordres entrés dans l’OMS pour le compte de Dexia ou ne sont pas cohérentes. S’il ne fait aucun doute que ces caractéristiques ont été transmises à l’équipe de trading par le vendeur, seul interlocuteur du client, il reste que le moment de cette communication n’est pas établi.

Dans ces conditions, il sera considéré, pour ces 10 cas, que les caractéristiques des ordres correspondants ont été définis au plus tard au moment de leur entrée dans l’OMS par l’équipe de trading (achat de titres Alten du 8 novembre 2011, de titres April des 10 décembre et 21 décembre 2010, de titres Boursorama des 14 septembre 2011, 7 août et 8 août 2012, de titres Bureau Véritas du 3 janvier 2012, de titres Havas du 15 mars 2012 et de titres Klépierre des 1er août, 8 août et 7 septembre 2012).

En second lieu, il doit être recherché s’il était possible de tirer une conclusion des 34 informations en cause quant à l’effet possible des ordres d’achat correspondants sur le cours des instruments financiers concernés.

Le lieu et les modalités d’exécution des ordres de Dexia LSRA ne figurant pas au nombre des caractéristiques des ordres d’achat retenues par les notifications de griefs, les arguments invoqués à cet égard par la poursuite et par M. Lemaire sont inopérants.

Dans les 34 cas considérés, la limite la plus élevée des ordres d’achat de Dexia LSRA passés dans l’OMS de LCM était supérieure à la meilleure limite à la vente constatée avant l’entrée desdits ordres, assurant ainsi une exécution immédiate desdits ordres. Cette constatation s’inscrit d’ailleurs dans le prolongement de la stratégie de Dexia LSRA, au sujet de laquelle Mme A a déclaré aux enquêteurs qu’elle supposait de constituer rapidement des positions d’une taille significative, ce qui impliquait de payer des prix parfois élevés et en tout état de cause supérieurs à la meilleure limite à la vente.

Le critère examiné est donc satisfait.

Il s’ensuit que les 34 informations retenues ont revêtu un caractère précis, au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, aux jours et heures suivants :

Valeur Date Heure

1 Alten 02/11/11 09:34:00

2 Alten 08/11/11 08:52:44

3 April 10/12/10 09:10:00

4 April 21/12/10 09:00:23

5 Boursorama 14/09/11 08:59:31

6 Boursorama 19/09/11 avant 08:34

7 Boursorama 22/11/11 09:40:00

8 Boursorama 25/01/12 08:57:00

9 Boursorama 07/08/12 09:12:27

10 Boursorama 08/08/12 09:06:43

12 Club Med 12/06/12 09:03:00

13 Havas 28/12/11 09:00:00

14 Havas 02/01/12 11:10:00

15 Havas 15/03/12 09:48:58

16 Klépierre 08/05/12 09:02:00

17 Klépierre 29/05/12 09:00:00

18 Klépierre 01/06/12 08:59:00

19 Klépierre 27/06/12 09:00:00

20 Klépierre 06/07/12 09:02:00

21 Klépierre 01/08/12 09:00:45

22 Klépierre 08/08/12 09:02:18

23 Klépierre 07/09/12 10:03:47

24 Klépierre 02/11/12 09:16:00

25 Klépierre 28/11/12 09:19:00

26 Klépierre 29/11/12 09:03:00

27 Klépierre 06/12/12 09:15:00

28 Klépierre 07/12/12 09:15:00

29 Orpea 27/12/11 09:02:00

30 Orpea 04/01/12 16:11:00

31 Orpea 17/01/12 08:47:00

33 Rallye 29/12/11 9:00:00

34 Rallye 23/02/12 12:29:00

35 Rémy Cointreau 06/12/11 09:01:00

36 Nexity 29/01/13 09:00:00

Sur le caractère non public des informations

Compte tenu du caractère anonyme du carnet d’ordres et de sa présentation agrégée, qui n’offre qu’une vision globale du nombre de titres proposé à chacune des limites sans donner le détail de chacun des ordres en attente, les investisseurs n’étaient en mesure de connaître ni la quantité totale de titres achetée par Dexia LSRA, ni le prix maximum que le fonds était disposé à payer.

Si l’exécution des ordres d’achat de Dexia LSRA a eu pour effet de rendre obsolètes ces informations, elles n’en sont pas pour autant devenues publiques en l’absence d’information du marché quant aux acquisitions réalisées.

En conséquence, les 34 informations précitées relatives aux caractéristiques des ordres de Dexia n’ont jamais été rendues publiques, au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF.

Sur le critère de l’influence sensible des informations sur le cours des titres concernés

Il résulte des éléments du dossier que la limite la plus haute des ordres de Dexia LSRA se situait, selon les cas, entre la 7ème meilleure limite à la vente (achat de titres Club Med du 12 juin 2012) et la 47ème meilleure limite à la vente (achat de titres Orpéa du 4 janvier 2012).

En outre, les ordres de Dexia LSRA portaient sur des volumes de titres importants, représentant une proportion des titres échangés au cours du mois précédent de 8,04 % au minimum et d’au moins 40 % dans 15 cas sur les 34 examinés et une part de ceux échangés lors de la journée considérée de 4,19 % au minimum et d’au moins 40 % dans 9 cas sur les 34 examinés.

L’importance des volumes achetés par Dexia LSRA, loin d’être indifférente comme le soutient M. Lemaire, augmentait d’autant la probabilité pour un investisseur de parvenir à céder ses titres à ce fonds.

M. Lemaire fait également valoir que les nombreux aléas et contraintes à la fois temporelles et matérielles affectant chacune des « opérations », tenant notamment à la nécessité d’acquérir en amont les titres concernés afin de pouvoir les proposer à la vente, associés à une espérance de gain limitée voire inexistante, un investisseur raisonnable n’était pas susceptible de se fonder sur les informations en cause.

Cependant, l’investisseur dont il y a lieu d’examiner le comportement inclut celui qui détient déjà les titres objets des informations en cause. Or, les aléas et contraintes évoqués par le mis en cause, à les supposer établis, n’apparaissent pas de nature à dissuader un tel investisseur de proposer ses titres à la vente dès lors qu’il pourrait aisément annuler son ordre de vente ou tenter de céder ses titres à un autre intervenant en cas d’échec.

Il apparaît ainsi qu’un investisseur raisonnable informé qu’un fonds allait passer des ordres d’achat portant sur des quantités importantes à un prix élevé aurait été susceptible de saisir l’opportunité ainsi offerte de céder ses titres à des conditions avantageuses et, partant, d’utiliser cette information comme l’un des fondements de sa décision d’investissement.

Il s’ensuit que les 34 informations considérées étaient susceptibles d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés.

Il résulte des éléments qui précèdent que les informations relatives aux caractéristiques principales des ordres d’achat à venir de Dexia LSRA, à savoir leur volume global, leur prix maximal, leur sens et les titres qu’ils concernaient revêtaient un caractère privilégié au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, à l’exception de celles relatives aux achats de titres Rallye et Bureau Véritas des 28 décembre 2011 et 3 janvier 2012.

II. 3. Sur la communication des informations privilégiées par M. Lemaire à M. Obadia et leur utilisation par ce dernier.

Il est reproché à M. Lemaire d’avoir transmis à M. Obadia 36 informations privilégiées relatives aux caractéristiques principales des ordres d’achat à venir de Dexia LSRA et, à ce dernier, de les avoir utilisées pour placer des ordres de vente à des cours en ligne avec ces ordres.

Les notifications de griefs retiennent que M. Lemaire était détenteur des informations pour avoir reçu de Dexia LSRA les instructions correspondant aux ordres d’achat litigieux et les avoir, le cas échéant, déclinées en une quantité globale, un prix maximal, et un sens.

Elles soutiennent ensuite que seule la connaissance par M. Obadia des informations privilégiées transmises par M. Lemaire explique que le premier ait pu placer ses ordres de vente en carnet à des cours en ligne avec les ordres d'achat à venir du fonds Dexia LSRA, lui permettant ainsi de connaître une exécution quasi-systématique face à ces ordres, et invoquent à cet égard les indices suivants :

- l’existence de contacts et de liens entre les mis en cause ;

- le caractère atypique des ordres de M. Obadia qui seraient calibrés en termes de moment, de prix et de volume afin de rencontrer systématiquement ceux de Dexia LSRA ;

- et le comportement de M. Obadia en carnet avant et après les interventions de Dexia LSRA.

La notification de griefs adressée à M. Obadia ajoute que les interventions réalisées par ce dernier face à

Dexia LSRA portait sur des valeurs atypiques au regard de ses habitudes d’investissement et que le contenu de ses échanges avec IDB est « particulièrement troublant ».

MM. Lemaire et Obadia concluent à leur mise hors de cause.

M. Lemaire conteste la force probante du faisceau d’indices relevé par la poursuite en faisant valoir que, pris isolément les uns des autres, ces indices ne sont ni graves ni précis. Selon lui, plusieurs éléments tendent au contraire à démontrer l’absence de transmission des informations à M. Obadia : l’existence d’un autre circuit plausible de transmission, la possibilité de déduire les limites de prix à la vente de

M. Obadia d’une analyse chartiste, l’incohérence du comportement de M. Obadia, qui aurait structuré ses ordres d’une manière différente s’il avait détenu les informations, et la date de ses achats, parfois antérieurs de plusieurs jours à l’apparition de l’information privilégiée. Enfin, il soutient que ni les habitudes d’investissement de M. Obadia, ni l’existence et la teneur des échanges téléphoniques entre ce dernier et lui-même ne sont établies.

M. Obadia souligne pour sa part le caractère lacunaire des investigations réalisées par les enquêteurs, qui auraient analysé de manière imprécise ses habitudes d’investissement et les dates d’acquisition des titres cédés à Dexia LSRA et n’établiraient pas l’existence de communications entre M. Lemaire et lui-même à partir du téléphone de sa mère, Mme B, avant la réalisation de ces achats.

Il a été retenu que les informations correspondant aux cas 11 et 32 ne revêtaient pas un caractère privilégié, de sorte que les manquements d’initié qui s’y rapportent doivent être écartés.

L’examen sera donc limité aux manquements reprochés au titre des 34 autres informations.

Dans 25 cas, la dernière intervention de M. Obadia est soit antérieure au moment où l’information est devenue privilégiée, soit postérieure à l’entrée dans l’OMS du dernier ordre de Dexia LSRA (achats de titres Alten du 2 novembre 2011, de titres April des 10 décembre et 21 décembre 2010, de titres Boursorama des 14 septembre et 22 novembre 2011, 25 janvier, 7 août et 8 août 2012, de titres Club Med du 12 juin 2012, de titres Havas du 2 janvier et du 15 mars 2012, de titres Klépierre des 8 mai, 29 mai, 1er juin, 27 juin, 6 juillet, 1er août, 8 août, 7 septembre et 29 novembre 2012, de titres Orpea des 27 décembre 2011, 4 janvier et 17 janvier 2012, de titres Rallye du 29 décembre 2011, de titres Rémy Cointreau du 6 décembre 2011).

Ces opérations, réalisées alors qu’aucune information privilégiée n’existait ou une fois cette information devenue obsolète en raison de l’exécution des ordres de Dexia, ne peuvent être analysées en des utilisations d’informations privilégiées au sens de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF.

Il en est de même des informations relatives aux ordres d’achat de titres Klépierre des 2 novembre et 6 décembre 2012 (cas 24 et 27), dès lors que si les ordres de vente ont été passés par IDB pour le compte de M. Obadia après que ces informations fussent devenues privilégiées (depuis 9h16 pour la première et 9h15 pour la seconde), ce dernier a donné des instructions à IDB avant qu’elles n’aient acquis ce caractère (respectivement, à 9h15 au plus tard et à 9h13m40s).

En conséquence, les griefs de communication et d’utilisation d’informations privilégiées se rapportant à ces 27 opérations seront écartés.

Contrairement à ce que soutient M. Lemaire, il ne s’infère pas de cette mise hors de cause partielle, qui tient au caractère non privilégié des informations en cause dans l’intervalle de temps considéré et non à l’absence de transmission ou d’utilisation de celles-ci par les mis en cause, qu’il existerait « une autre » 

- quelques minutes après la saisie dans le blotter, par M. Lemaire, des instructions de Dexia LSRA en vue de l’achat de 25 000 titres Alten et la passation, par l’équipe de trading de LCM, d’une première série d’ordres portant sur 5 500 titres à des prix compris entre 20,19 euros et 20,80 euros, M. Obadia a contacté IDB pour s’assurer que ses 12 286 titres étaient bien positionnés à la vente et abaisser le prix de ses deux derniers ordres, soit 5 000 titres, de

21 euros à 20,60 euros ; lors de cette conversation téléphonique, M. Obadia a demandé à son interlocutrice d’afficher ses titres « en lot de 250 » et de faire « vite » car il n’avait « pas beaucoup de temps » ;

- dans les secondes suivant cet appel, l’équipe de trading de LCM a passé quatre ordres d’achat supplémentaires portant sur un total de 19 500 titres au prix de 21 euros pour le compte de Dexia LSRA.

M. Lemaire soutient que la baisse de prix demandée par M. Obadia à un niveau qui se trouvait être inférieur à celui jusqu’auquel le fonds était prêt à acquérir les titres, le privant ainsi de « 40 centimes d’euros de profit par action », infirme la thèse selon laquelle ce dernier avait connaissance des caractéristiques des ordres à venir de Dexia LSRA.

Toutefois, il convient de rappeler que l’exécution des ordres de bourse répond à une priorité prix-temps qui signifie qu’en présence d’une contrepartie, les ordres de vente au prix le plus bas sont exécutés en premier en commençant, lorsque plusieurs ordres au même prix figurent dans le carnet, par celui qui a été passé le plus tôt.

Il s’ensuit que, pour augmenter les chances d’exécution d’un grand volume d’ordres face aux ordres à l’achat à venir d’une contrepartie dont seul le volume global et la limite de prix la plus élevée seraient connus, une partie des ordres à la vente doit être placée à des limites inférieures à ce prix maximum.

En l’espèce, le prix le plus élevé des ordres de M. Obadia correspondait précisément à la limite la plus haute des ordres de Dexia LSRA, située à la 14ème meilleure limite à la vente, et il a vendu à ce fonds

11 228 titres au cours de la séance considérée, pour un volume offert par lui à la vente de 12 286 titres, qui représentait un peu moins de la moitié de celui recherché par Dexia LSRA.

Dans ces conditions, la baisse de prix décidée par M. Obadia, qui était de nature à augmenter les chances d’exécution de ses ordres face à ceux de Dexia LSRA, n’établit pas une ignorance de l’information privilégiée.

Dès lors, les modalités des interventions de M. Obadia, dont les ordres étaient calibrés et placés au moment opportun pour rencontrer ceux de Dexia LSRA, combinées à l’empressement manifesté par M. Obadia auprès d’IDB et à sa volonté de dissimuler la réalité de ses opérations au moyen d’ordres iceberg, constituent bien un indice de transmission par M. Lemaire de l’information relative aux caractéristiques des ordres d’achat de Dexia LSRA.

S’agissant des ordres d’achat du 19 septembre 2011 portant sur 50 000 titres Boursorama à un prix maximum de 7,15 euros, il convient de souligner que :

- peu de temps après la transmission par Dexia LSRA à LCM d’instructions en vue de l’achat de 50 000 titres Boursorama au prix maximum de 7,15 euros, M. Obadia a contacté IDB à l’effet de vendre 36 966 titres Boursorama à des prix allant de 7 euros à 7,15 euros ; lors de cette conversation téléphonique, M. Obadia a insisté pour que ses ordres soient entrés avant l’ouverture du marché et ses titres affichés par « paquets de 200 à 300 » titres afin « que l’on ne voit pas que ce sont les mêmes personnes » ; il s’est par ailleurs rapproché du courtier Camalia, dans les livres duquel il détenait également des titres ;

- entre 8h42 et 8h58, deux séries d’ordres de vente ont été passées pour le compte de M. Obadia, la première portant sur les 8 000 titres Boursorama détenus sur son compte Camalia à des prix compris entre 6,95 euros et 7,14 euros et la seconde portant sur 20 700 titres, soit un peu plus de la moitié du volume total que M. Obadia souhaitait vendre, à des prix compris entre 7 euros et7,08 euros, à partir de son compte IDB ;

- à 9h00, M. Lemaire a saisi les instructions de Dexia LSRA dans le blotter et, au cours des cinq minutes ayant suivi l’ouverture de la séance, l’équipe de trading a passé sept ordres d’achat portant sur 50 000 titres à des prix s’échelonnant entre 6,90 euros et 7,15 euros.

La limite la plus élevée des ordres de M. Obadia passés entre 8h42 et 8h58, située à la 25ème meilleure limite, correspondait précisément à celle des ordres de Dexia LSRA et les 28 700 titres proposés par lui à la vente, tous cédés à Dexia LSRA, représentaient 87 % du volume recherché par ce fonds.

La seconde moitié des ordres de vente de M. Obadia, passés pour son compte par IDB et qui portaient sur 16 266 titres à des prix compris entre 7,09 euros et 7,15 euros, n’a pu être exécutée face aux ordres de

Dexia LSRA en raison de leur saisie tardive. Informé de cette exécution seulement partielle, M. Obadia s’en est étonné en ces termes : « Non, non, non, si c’est comme cela, il y a eu une erreur de votre côté. Il n’y a rien ici, tout aurait dû être fait ». Le cours s’étant ensuite établi en deçà de ces niveaux, ne permettant pas l’exécution de ces ordres face au marché, M. Obadia a fait abaisser leur prix au niveau de la meilleure limite à l’achat.

Il en résulte que les modalités des ordres de M. Obadia, qui étaient calibrés en termes de moment, de prix et de volume, conjuguées à sa certitude que ces ordres allaient, en dépit de leur prix élevé, être rapidement exécutés, à sa réaction de surprise en apprenant que tel n’était pas le cas et à la baisse subséquente et significative de leur prix, constituent un indice de transmission par M. Lemaire de l’information relative aux caractéristiques des ordres d’achat de Dexia LSRA.

Concernant les ordres d’achat du 28 décembre 2011 portant sur 220 000 titres Havas au prix maximum de3,26 euros, il y a lieu de constater que :

- après la transmission, par Dexia à LCM, d’instructions en vue de l’achat de 500 000 titres au prix maximum de 3,26 euros, M. Obadia a passé, par l’intermédiaire d’IDB, sept ordres de vente portant sur 92 100 titres à des prix compris entre 3,20 euros et 3,26 euros ;

- conformément aux indications saisies par M. Lemaire dans le blotter, l’équipe de trading de LCM a ensuite passé, entre 9h00h41 et 9h06h34, douze ordres d’achat portant sur 215 000 titres Boursorama à des prix compris entre 3,20 euros et 3,26 euros qui ont conduit à l’exécution de six des sept ordres de vente de M. Obadia ;

- après deux baisses successives du prix du reliquat de l’ordre restant de M. Obadia, ce dernier a cédé 2 025 titres supplémentaires au prix de 3,23 euros à Dexia LSRA, face à deux nouveaux ordres d’achat portant sur 5 000 titres, passés par l’équipe de trading de LCM entre 9h18 et 9h19.

Il doit également être relevé que la limite la plus élevée des ordres de M. Obadia se situait, comme celle des ordres de Dexia LSRA, à la 23ème meilleure limite et que le volume de titres proposé à la vente par ce dernier représentait légèrement plus de 40 % de celui recherché par Dexia LSRA.

Ainsi, pour ce cas également, il apparaît que les caractéristiques des ordres de M. Obadia ont permis d’optimiser les chances d’exécution face à ceux Dexia LSRA, M. Obadia ayant cédé 90 615 titres Havas sur les 92 100 qu’il détenait à Dexia LSRA lors de la séance du 28 décembre 2011.

Au regard des constatations qui précèdent et pour les raisons déjà exposées lors de l’examen des opérations réalisées sur le titre Alten, il n’est pas établi, contrairement aux allégations de M. Lemaire, que l’abaissement du prix des ordres de M. Obadia à 3,23 euros révèle une ignorance de la limite maximum des ordres à intervenir de Dexia LSRA.

Il s’ensuit que les modalités des ordres de M. Obadia, calibrés en termes de prix et de volume pour rencontrer ceux de Dexia LSRA, conjuguées à la synchronisation de leurs interventions respectives sur le marché, constituent un indice de transmission par M. Lemaire de l’information relative aux caractéristiques des ordres d’achat de Dexia LSRA.

S’agissant des ordres d’achat du 28 novembre 2012 portant sur 22 000 titres Klépierre au prix maximum de 28,99 euros, il résulte des pièces de la procédure que :

- entre 8h57 et 9h18, M. Marc Albert Obadia a échangé plusieurs sms avec le numéro de Mme B et contacté IDB à plusieurs reprises afin de donner instruction de vendre 5 000 actions Klépierre en affichant une quantité de 1 000 titres, et d’acheter parallèlement des titres qui devraient, une fois acquis, être également placés à la vente ;

- en exécution de ces instructions, IDB a notamment entré, à 9h01, un ordre de vente portant sur 5 000 titres au prix de à 28,95 euros et, à 9h08, un ordre de vente portant sur 1 000 titres au prix de 28,99 euros ;

- de 9h20 à 9h22, l’équipe de trading de LCM a passé trois ordres d’achat pour le compte de Dexia LSRA portant sur 22 000 titres à des prix compris entre 28,78 et 28,99 euros, conformément aux indications saisies par M. Lemaire dans le blotter à 9h19, qui ont permis l’exécution du premier ordre de M. Obadia mais pas du second ;

- cinq minutes après ces opérations, M. Obadia a envoyé un sms au numéro de Mme B et s’est entretenu à plusieurs reprises avec le courtier IDB des ventes réalisées et de la poursuite de ses achats ; il a adressé un autre sms au numéro de Mme B en fin de matinée.

En outre, les limites les plus hautes des ordres d’achat de Dexia LSRA et de vente de M. Obadia se situaient au même niveau, à la 21ème meilleure limite, et ce dernier a vendu au fonds, au cours de la séance bourse considérée, 5 000 de ses 6 000 titres Klépierre positionnés à la vente, ce qui représentait un peu moins d’un tiers du volume recherché par le fonds.

La conjonction des modalités des ordres de vente de M. Obadia, une nouvelle fois calibrés en termes de moment, de prix et de volume afin de rencontrer ceux de Dexia LSRA à l’achat, et de la proximité des sms échangés entre le téléphone de M. Obadia et celui de sa mère, alors détenu par M. Lemaire, avec leurs interventions constitue un indice de transmission par ce dernier de l’information relative aux caractéristiques des ordres d’achat de Dexia LSRA.

Quant aux ordres d’achat du 7 décembre 2012 portant sur 19 000 titres Klépierre au prix maximum de 29,30 euros, il y a lieu de relever que :

- de 8h51 à 8h59, IDB a passé plusieurs séries d’ordres de vente pour le compte de M. Obadia, portant sur la totalité de sa position, soit 14 076 titres, qui soit ont été annulés soit n’ont pu être exécutés puis a entré, à 9h00, quatre ordres de vente sur Euronext, portant sur 3 136 titres, à des prix allant de 29,20 euros à 29,27 euros, le reste de ses titres, soit 8 669 titres, étant parallèlement proposé à la vente sur d’autres plateformes ;

- entre 9h15m54s et 9h18m49s, l’équipe de trading de LCM a passé six ordres d’achat portant sur 19 000 titres à des prix compris entre 29 et 29,30 euros, conformément aux indications saisies par M. Lemaire dans le blotter à 9h15 ;

- de 9h18m13s à 9h18m50s, IDB a passé quatre ordres de vente supplémentaires pour le compte de M. Obadia portant sur 653 titres à 29,21 euros ou 29,22 euros selon les cas ; après l’exécution des ordres de Dexia LSRA, M. Obadia a encore passé douze autres ordres de vente à des prix allant de 29,21 euros à 29,26 euros, qui ont été exécutés en quasi-totalité face au marché.

Par ailleurs, la limite la plus élevée des ordres de M. Obadia se situait à la 26ème meilleure limite, seulement trois centimes en deçà de celle de Dexia LSRA. Si les ordres de vente passés par M. Obadia sur Euronext ne portaient que sur 3 789 titres, dont un tiers (1 243 titres) a in fine été vendus à Dexia LSRA, le mis en cause a proposé, au total, 14 076 titres à la vente au cours de cette séance, soit 75 % de la quantité recherchée par le fonds.

M. Lemaire fait valoir, dans la lignée de ses précédentes observations, qu’il aurait été « incohérent » pour M. Obadia de cantonner sa meilleure limite vendeuse à 29,27 euros puis de l’abaisser ensuite à 29,26 euros s’il avait eu connaissance du fait que Dexia LSRA s’apprêtait à passer des ordres d’achat à des prix allant jusqu’à 29,30 euros.

Les éléments du dossier ne permettent cependant pas d’établir qu’une telle modification aurait été effectuée par M. Obadia. Au demeurant, cet argument, de même nature que celui invoqué relativement aux opérations réalisées sur les titres Alten et Havas, appelle une réponse identique.

Ainsi, les ordres de vente de M. Obadia étaient calibrés en termes de moment, de prix et de volume avec ceux de Dexia LSRA et leurs interventions synchronisées, circonstances qui constituent un indice de transmission par M. Lemaire de l’information portant sur les caractéristiques des ordres d’achat de Dexia LSRA.

Relativement aux ordres d’achat du 23 février 2012 portant sur 33 000 titres Rallye au prix maximum de 27 euros, il doit être observé que :

- à la suite de plusieurs sms échangés avec le numéro de sa mère, M. Obadia, qui avait déjà passé la veille deux ordres de vente portant sur 11 500 titres au prix de 27 euros, a contacté IDB à 8h59 à l’effet de vendre 2 500 titres supplémentaires au prix de 27,10 euros et l’ensemble des titres restants, soit 16 046 titres, à 27,70 euros, en présentant le tout « en lots de 300 » ; les ordres correspondants ont été passés entre 9h01 et 9h04 ;

- à 9h55, M. Obadia a adressé un sms au numéro de Mme B puis a contacté IDB en vue de baisser à 26,99 euros le prix de l’un des ordres de la veille, portant sur 10 000 titres, en sollicitant une présentation de ses titres « en lots de 300 » ;

- à 12h13, Mme A a appelé M. Lemaire pour lui demander d’acquérir des titres Rallye en lui indiquant « tu paies pas plus que 27 [...] Euh... voilà, up to 40 000, quoi, un million d’euros, grosso modo » ;

- entre 12h26 et 12h29, M. Obadia a échangé des sms avec le numéro de téléphone de sa mère puis appelé IDB afin d’abaisser le prix de l’ensemble ses autres ordres à 26,99 euros ; ces changements ont été effectués à 12h30m03s et 12h30m21s ;

- entre 12h29m26s et 12h31m35s, l’équipe de trading de LCM a passé quatre ordres d’achat portant sur un total de 33 000 titres au prix de 27 euros, conformément aux indications saisies par M. Lemaire dans le blotter, permettant l’exécution d’une grande partie des ordres de M. Obadia ; un nouvel ordre d’achat portant sur 505 titres a ensuite été passé à 12h37m13s, toujours au prix de 27 euros.

Il convient de relever que le prix le plus élevé des ordres de M. Obadia, qui correspondait à la

13ème meilleure limite, était inférieur d’un centime à celui des ordres de Dexia LSRA, que le volume de titres proposé à la vente par M. Obadia représentait plus de 85 % de celui acheté par Dexia LSRA et qu’au cours de la séance considérée, 22 517 titres sur les 28 546 qu’il détenait ont été cédés à ce fonds.

Les modalités des ordres de M. Obadia, qui étaient calibrés avec ceux de Dexia LSRA en termes de prix, de volume et de moment, conjuguées à une volonté de dissimulation manifestée par l’émission d’ordres iceberg et aux échanges de sms entre M. Obadia et la ligne téléphonique de sa mère, alors utilisée par M. Lemaire, constituent un indice de transmission par ce dernier de l’information relative aux caractéristiques des ordres d’achat de Dexia LSRA.

S’agissant, enfin, des ordres d’achat du 29 janvier 2013 portant sur 30 000 titres Nexity au prix maximum de 23,79 euros, il convient de constater que :

- entre 8h45 et 8h51, M. Obadia a reçu un sms de la personne utilisant le téléphone de Mme B et envoyé un sms en réponse ;

- à 9h00, IDB a passé cinq ordres de vente pour le compte de M. Obadia portant sur 17 500 titres Nexity, ensuite annulés pour être repassés à des prix identiques, allant de 23,69 à 23,89 euros, mais pour des quantités moindres (12 400 titres) ;

- au même moment, M. Lemaire a saisi les instructions de Dexia LSRA dans le blotter et l’équipe de trading de LCM a passé, à 9h00m39s et à 9h01m42s, deux ordres d’achat portant sur un total de 1 500 titres aux prix respectifs de 23,59 et 23,65 euros ;

- entre 9h02 et 9h08, M. Obadia a échangé de nouveaux sms avec le numéro de Mme B ; parallèlement, IDB a passé pour son compte un ordre de vente portant sur 347 titres au prix de

23,79 euros, annulé trois des ordres de vente existants puis repassé, entre 9h08m05s et

9h08m35s, des ordres portant sur les mêmes quantités mais à des prix inférieurs (compris entre 23,77 et 23,78 euros) ;

- de 9h08m52s à 9h11m02s, l’équipe de trading de LCM a passé cinq nouveaux ordres d’achat pour le compte de Dexia LSRA portant sur 27 000 titres à des prix compris entre 23,69 et 23,79 euros, qui ont permis l’exécution d’une grande partie des ordres de M. Obadia ;

- à 9h11m02s, IDB a entré neuf nouveaux ordres de vente pour le compte de M. Obadia portant sur un total de 3 600 titres au prix de 23,78 euros, également exécutés face aux ordres d’achat de Dexia LSRA.

La limite la plus élevée des ordres de vente de M. Obadia, qui se situait à la 12ème meilleure limite, correspondait précisément à celle des ordres de Dexia LSRA, et le volume proposé par lui à la vente représentait 60 % de celui recherché par le fonds, auquel il a d’ailleurs cédé, au cours de la séance considérée, 14 520 de ses 17 847 titres positionnés à la vente sur Euronext.

Il est à noter que la chronologie relative à cette séance, sur laquelle M. Lemaire n’a formulé aucune observation au motif qu’elle était « absente de l’annexe 3 » au rapport du rapporteur, figure bien en annexe 3-8 à ce rapport (cotes 1616 et suivantes).

En conséquence, les modalités des ordres de M. Obadia, calibrés en termes de prix, de volume et de moment afin d’optimiser ses chances de rencontrer ceux de Dexia LSRA, conjuguées aux échanges de sms constatés entre M. Obadia et la ligne téléphonique de sa mère, détenue par M. Lemaire, constituent un indice de transmission par ce dernier de l’information relative aux caractéristiques des ordres d’achat de Dexia LSRA.

Sur la force probante du faisceau d’indices relatif aux modalités des ordres de M. Obadia et à son comportement en carnet MM. Lemaire et Obadia contestent la force probante de ce faisceau d’indices au motif qu’aucune information privilégiée n’existait au moment où le second a acheté des actions en vue de les revendre.

Cet argument apparaît cependant inopérant dès lors qu’il est reproché à M. Obadia d’avoir utilisé les informations privilégiées, non pour acheter les titres litigieux, mais pour céder ceux déjà acquis à Dexia LSRA.

Au demeurant, il résulte des déclarations concordantes faites par Mme A et M. Lemaire devant les enquêteurs, que ce dernier était informé des « niveaux d’intervention » de Dexia LSRA « sur les valeurs concernées » et adressait parfois même des propositions d’investissement au fonds tant sur des valeurs « trait[ées] de façon récurrente » que « pour du trading plus occasionnel », ce dont il s’infère qu’il pouvait être amené à détenir, en amont, des informations sur les opérations projetées par Dexia LSRA.

En outre, les achats de titres Klépierre, du 27 novembre 2012, Rallye, des 21 et 22 février 2012, et Nexity, des 24 et 25 janvier 2013, réalisés par M. Obadia faisaient directement suite à des échanges de sms entre ce dernier et la ligne téléphonique de Mme B, utilisée par M. Lemaire ainsi que l’établissent les chronologies annexées par le rapporteur à son rapport.

Dès lors que M. Lemaire a pu transmettre à M. Obadia des informations sur les opérations de

Dexia LSRA, parfois plusieurs jours avant leur réalisation, l’antériorité des achats de titres réalisés par M. Obadia par rapport à l’apparition des informations privilégiées n’apparaît pas de nature à remettre en cause la force probante du faisceau d’indices.

Par ailleurs, si M. Lemaire fait valoir que les opérations de M. Obadia peuvent s’expliquer par la mise en application de recommandations issues d’analyses « chartistes » qu’il produit au soutien de ses observations, il n’est pas démontré que celles-ci aient été communiquées à M. Obadia, a fortiori avant la réalisation des opérations en cause, et ce dernier n’a jamais soutenu avoir utilisé des éléments de cette nature.

Ainsi, le rapprochement de l’ensemble des indices retenus établit de manière non équivoque la communication à M. Obadia par M. Lemaire de sept informations relatives aux caractéristiques des ordres d’achat de Dexia LSRA sur les titres Alten, Boursorama, Havas, Klépierre (à deux reprises), Rallye et Nexity.

M. Lemaire, qui a eu accès aux informations privilégiées du fait de ses fonctions de vendeur actions chez LCM, entre dans la catégorie des initiés primaires mentionnée au 3° de l'article 622-2 du règlement général de l'AMF, de sorte qu’il est présumé savoir que ces informations présentaient un caractère privilégié.

Le manquement reproché à M. Lemaire est donc caractérisé en tant qu’il concerne les sept séances précitées.

Sur les manquements d’utilisation d’une information privilégiée reprochés à M. Obadia

Outre les indices examinés ci-dessus, la notification de griefs invoque le caractère atypique des opérations de M. Obadia au regard de ses habitudes d’investissement, orientées sur des valeurs du CAC 40 ou ayant une capitalisation boursière très élevée, et le contenu de ses échanges avec IDB, qualifié de « troublant ».

Il apparaît cependant que sur les six valeurs en cause, quatre - Havas, Klépierre, Rallye et Nexity – étaient admises à la négociation sur le compartiment A d’Euronext et représentaient des capitalisations boursières supérieures à un milliard d’euros.

Il en résulte que le premier indice supplémentaire relevé par la poursuite n’est pas établi.

S’agissant du second indice, il ressort des retranscriptions des conversations téléphoniques intervenues entre M. Obadia et IDB le 19 septembre 2011 relativement à ses opérations sur le site Boursorama que ce dernier s’attendait à une cession rapide de ses titres pourtant positionnés à des limites très hautes dans le carnet. Surpris d’apprendre que tel n’était pas le cas à la suite des interventions de Dexia LSRA,M. Obadia a reproché à la banque « une erreur de [son] côté » et déploré l’occasion manquée de vendre ses titres « à sept et plus ».

 

Les propos tenus par M. Obadia suggèrent en outre qu’il disposait d’informations précises sur l’évolution du cours du titre Boursorama (« ici les actions, nous savons exactement ce qui se passe avec. [...] Si je veux vendre, vous comprenez que je vais vendre à bon marché maintenant ? [...] il s’agit d’argent et c’est dommage de le perdre [...] Cette action tombera à 6.50 ») et sur les différents intervenants (« Soyez gentil, ne me dites rien, mon ordre aurait dû passer [...] Non, non, vous ne comprenez pas. Pour cette action, il ne peut pas me raconter des histoires. Car je sais exactement qui investit dedans. Vous comprenez ? »).

Plusieurs autres échanges dénotent également un empressement de la part de M. Obadia, qui a insisté à plusieurs reprises pour que ses ordres soient entrés avant l’ouverture de la séance de bourse, de même que sa volonté de dissimuler la réalité de ses interventions au moyen d’ordres iceberg.

La réunion de ce dernier indice et de ceux retenus lors de l’examen du manquement reproché à M. Lemaire établit de manière non équivoque que seule la détention par M. Obadia des informations privilégiées relatives aux caractéristiques des ordres d’achat à venir de Dexia LSRA peut expliquer le positionnement et les caractéristiques de ses ordres.

M. Obadia, qui entre dans la catégorie des initiés « secondaires » prévue au dernier alinéa de l’article 622-2 du règlement général de l’AMF, était à l’époque des faits trésorier de la ville de Tel Aviv et intervenait régulièrement sur des valeurs cotées françaises et étrangères, de sorte qu’il savait ou aurait dû savoir que les informations litigieuses avaient un caractère privilégié.

Le manquement reproché à M. Obadia est donc caractérisé en tant qu’il concerne les sept séances précitées.

III. Sur le grief d’exploitation abusive d’informations relatives à des ordres en attente d’exécution notifié à M. Lemaire

Il est reproché à M. Lemaire d’avoir exploité abusivement des informations relatives aux ordres passés pour le compte de Dexia LSRA en transmettant à M. Obadia les 34 informations privilégiées litigieuses.

M. Lemaire conclut à sa mise hors de cause au motif que la communication de ces informations à M. Obadia n’est pas établie et qu’en tout état de cause, celle-ci ne caractérise pas, à elle seule, une exploitation abusive dès lors qu’il n’en a tiré aucun profit.

Aux termes du III de l’article 314-66 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction issue de l’arrêté du 15 mai 2007, non modifiée depuis dans un sens plus doux : « le prestataire de services d’investissement ne doit pas exploiter abusivement des informations relatives à des ordres de clients en attente d’exécution et il est tenu de prendre toutes les mesures raisonnables en vue d’empêcher un usage abusif de ces informations par l’une quelconque des personnes concernées mentionnées au II de l’article 313-2 ».

Selon le II de l’article 313-2 du règlement général de l’AMF, dans la même rédaction, non modifiée depuis dans un sens plus doux, « une personne concernée est toute personne qui est : [...] / 3° Un salarié du prestataire ou d’un agent lié du prestataire de services d’investissement ».

L’article 314-1 du règlement général de l’AMF, dans la même rédaction, non modifiée depuis dans un sens plus doux, prévoit que « les dispositions du présent chapitre [...] s’appliquent également aux services d’investissement et services connexes fournis en France par des succursales établies en France par des prestataires de services d’investissement agréés dans d’autres Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen ».

Enfin, l’article 315-73 du règlement général de l’AMF, devenu l’article 315-66, dans la même rédaction, non modifiée depuis dans un sens plus doux, prévoit quant à lui : « Les dispositions des chapitres IV [dont fait partie l’article 314-66] et V du présent titre s’appliquent aux personnes concernées mentionnées au II de l’article 313-2 des succursales établies en France par des prestataires de services d’investissement agréés dans d’autres Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen ».

Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que l’interdiction d’exploiter abusivement des informations relatives à des ordres de clients en attente d’exécution prévue par le III de l’article 314-66 du règlement général de l’AMF s’applique aux salariés des succursales établies en France par des prestataires de services d’investissement agréés dans d’autres Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen et, par suite, à M. Lemaire, salarié de LCM, succursale française de la société britannique Louis Capital Market UK LLP.

Il convient de déterminer si la transmission d’informations par M. Lemaire à M. Obadia peut s’analyser en une exploitation abusive d’informations au sens du III l’article 314-66 du règlement général de l’AMF.

Se servir d’une information à des fins détournées caractérise une exploitation abusive de celle-ci alors même que son auteur n’aurait pas, directement ou indirectement, effectué une opération pour compte propre ou réalisé un profit.

La communication à un tiers au prestataire de services d’investissement des caractéristiques d’un ordre en attente d’exécution d’un client de ce dernier entre donc dans les prévisions des dispositions précitées.

En l’espèce, comme il a été dit, M. Lemaire a communiqué à M. Obadia les informations privilégiées relatives aux caractéristiques des ordres d’achat de titres Alten le 8 novembre 2011, Boursorama le 19 septembre, Havas le 28 décembre 2011, Klépierre les 2 novembre et 7 décembre 2012, Rallye le 23 février 2012 et Nexity le 29 janvier 2013.

Il doit plus largement être relevé que :

- dans la quasi-totalité des cas retenus par les notifications de griefs (33 sur 36) les interventions de M. Obadia et de Dexia LSRA n’ont été séparées que de quelques minutes ;

- pour l’ensemble des cas, le volume de titres acheté par Dexia LSRA a représenté en moyenne le double de celui vendu par M. Obadia, ce qui a permis l’exécution, dans 78 % des cas, d’au moins 80 % des ordres de vente passés par M. Obadia ;

- l’écart constaté entre les limites les plus élevées des ordres respectifs de M. Obadia et de

Dexia LSRA, le plus souvent nul, ne représentait que 0,01 euro sur la moyenne des 36 séances considérées ;

- dans 14 cas sur 36, M. Obadia a ajusté à la baisse les limites de ses ordres de vente en attente dans le carnet afin qu’elles ne dépassent pas celles des ordres d’achat qui allaient être saisis pour le compte de Dexia LSRA ;

- lorsque certains des ordres de vente de M. Obadia n’ont pu être exécutés face à Dexia, en dépit de la concordance de prix, ce dernier a modifié leur prix à la baisse, parfois jusqu’à la meilleure limite opposée.

Ainsi, les ordres de M. Obadia étaient systématiquement calibrés en termes de moment, de volume et de prix pour rencontrer ceux de Dexia LSRA. Cette circonstance, atypique en raison de sa récurrence, conjuguée au comportement de M. Obadia avant et après la passation des ordres de Dexia LSRA tel que décrit ci-dessus et à la teneur de ses échanges avec IDB, dont les retranscriptions révèlent notamment qu’il agissait avec le concours de partenaires résidant en France (« je voudrais te dire, ça n’est pas la première fois que ça m’arrive et ... (il tousse) les gens en France ils ... ça les fait frissonner, ils ne comprennent pas ça [...] regarde, nous avons des partenaires là-dedans, [...] j’ai reçu [...] un SMS et ça ne leur ... ça ne leur paraît pas correct », établit que ce dernier détenait des informations sur les caractéristiques des ordres qui allaient être passés pour le compte de Dexia LSRA, transmises par M. Lemaire.

En communiquant de telles informations à M. Obadia, M. Lemaire a exploité abusivement des informations relatives à des ordres de Dexia LSRA, cliente de LCM, en attente d’exécution.

Le grief est donc constitué.

SANCTIONS ET PUBLICATION

Le II b) et c) de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier prévoit, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 28 juillet 2013, non modifiée depuis dans un sens plus favorable : « II. - La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : [...] b) Les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 17° du II de l’article L. 621-9 au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l’Autorité des marchés financiers en vigueur [...] ; c ) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, s’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié ou s’est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d’une fausse information ou à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent : - un instrument financier [...] admis aux négociations sur un marché réglementé [...] ».

Sont notamment visés par le 1° du II de l’article L. 621-9 du même code, dans sa version en vigueur du 3 août 2011 au 30 janvier 2013, non modifiée depuis dans un sens plus favorable : « Les prestataires de services d’investissement agrées ou exerçant leur activité en libre établissement en France ainsi que les personnes morales placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte ».

Le III de l’article L. 621-15 prévoit, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 28 juillet 2013, non modifiée depuis dans un sens plus favorable, que les sanctions applicables sont : « [...] b) Pour les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8°,11°,12°,15° à 17° du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des activités ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés en cas de pratiques mentionnées aux c et d du II ou à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés dans les autres cas ; [...] c) Pour les personnes autres que l’une des personnes mentionnées au II de l’article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c et d du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés [...] ».

Il en résulte que M. Lemaire peut être sanctionné sur le fondement du II c) et du II b) de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier au titre, respectivement, de la violation de l’obligation d’abstention de communiquer des informations privilégiées et de l’interdiction d’exploiter abusivement des informations relatives à des ordres en attente d’exécution et qu’il encourt l’une des sanctions disciplinaires prévues au

III c) du même article et, en sus ou à la place, une sanction pécuniaire d’un montant maximum égal à 15 millions d’euros ou au décuple des profits éventuellement réalisés.

M. Obadia peut quant à lui faire l’objet d’une sanction sur le fondement du II c) de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dont le montant maximum s’élève, en application du III du même article, à 100 millions d’euros ou au décuple des profits éventuellement réalisés.

Aux termes du III ter de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, en vigueur depuis le 11 décembre 2016 : « Dans la mise en œuvre des sanctions mentionnées aux III et III bis, il est tenu compte notamment :

- de la gravité et de la durée du manquement ;

- de la qualité et du degré d’implication de la personne en cause ;

- de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s’agissant d’une personne physique de ses revenus annuels, s’agissant d’une personne morale de son chiffre d’affaires total ;

- de l’importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ;

- des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où elles peuvent être déterminées ;

- du degré de coopération avec l’Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veiller à la restitution de l’avantage retiré par cette personne ;

- des manquements commis précédemment par la personne en cause ;

 - de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement ».

Le caractère répété des manquements retenus à l’encontre de M. Lemaire et le contexte dans lequel ils ont été commis, à savoir à l’occasion de l’exercice de fonctions de vendeur actions, leur confèrent une particulière gravité. Si M. Lemaire conteste à présent avoir privilégié les intérêts de M. Obadia par rapport à ceux de Dexia LSRA, il avait pourtant déclaré aux enquêteurs que M. Obadia devait, en contrepartie des conseils dispensés, lui présenter des relations susceptibles de lui confier des fonds s’il décidait de créer son propre hedge fund.

Les éléments du dossier permettent dès lors de retenir que M. Lemaire a fait profiter M. Obadia d’informations confidentielles au détriment des autres investisseurs et de l’intégrité du marché dans l’espoir d’en retirer à terme un bénéfice personnel.

Selon ses déclarations au rapporteur, M. Lemaire perçoit des revenus annuels compris entre [...] et [...] euros et dispose d’un patrimoine financier de [...].

Au regard de ces éléments, il convient de prononcer à son encontre une sanction pécuniaire

450 000 euros et une interdiction d’exercer une activité d’exécution des ordres pour compte de tiers pendant 10 ans.

Les sept opérations d’initié retenues à l’encontre de M. Obadia ont permis à ce dernier de réaliser une plus-value de 49 605 euros, montant qui n’a suscité aucune observation de la part de l’intéressé.

Cependant, cette plus-value ne constitue que l’un des éléments pertinents pour déterminer le montant de la sanction qui sera prononcée à l’encontre de M. Obadia. La multiplicité des manquements commis par M. Obadia et la volonté de ce dernier de dissimuler la réalité de ses opérations, notamment au moyen d’ordres iceberg, doivent également être pris en considération.

Il sera en conséquence prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 496 000 euros.

En se bornant, au soutien de sa demande de non-publication de la présente décision ou de publication de celle-ci sous forme anonymisée, à faire état des répercussions qu’aurait la révélation de son identité sur sa situation professionnelle, M. Lemaire ne justifie pas d’un préjudice grave et disproportionné ou de nature à perturber gravement la stabilité du système financier ou encore le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours.

La publication de la présente décision sera donc ordonnée, sans anonymisation à l’égard des personnes sanctionnées.

PAR CES MOTIFS,

Et ainsi qu’il en a été délibéré par M. Jean Gaeremynck, président de la 2ème section de la commission des sanctions, par MM. Christophe Lepitre et Lucien Millou, membres de la 2ème section de la commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance, la commission des sanctions :

- prononce à l’encontre de M. Sylvain Lemaire une sanction pécuniaire de 450 000 € (quatre cent cinquante mille euros) et une interdiction d’exercer une activité d’exécution des ordres pour compte de tiers pendant 10 ans ;

- prononce à l’encontre de M. Marc Albert Obadia une sanction pécuniaire de 496 000 € (quatre cent quatre-vingt-seize mille euros) ;

- ordonne la publication de la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers et fixe à cinq ans à compter de la date de la présente décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.