Cass. 1re civ., 26 février 1991, n° 88-10.189
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jouhaud
Rapporteur :
M. Kuhnmunch
Avocat général :
M. Gaunet
Avocats :
SCP Le Bret et Laugier, Me Vuitton, SCP Coutard et Mayer
Attendu qu'un incendie, dont la cause est restée inconnue, a détruit, en 1985, l'atelier de la société Lacrouts-Cazenave ainsi que le matériel, les marchandises et les produits en cours de fabrication qui s'y trouvaient ; que cette société avait souscrit auprès de la compagnie Abeille-Paix une police pour l'ensemble des marchandises diverses appartenant tant à elle-même qu'à des tiers ; que la société Lacrouts-Cazenave, ayant reçu de son assureur une certaine somme, l'a assigné en paiement d'une indemnité complémentaire pour ses dommages personnels ainsi que d'une autre pour la valeur de marchandises appartenant à des tiers non assurés ; que la Royal Insurance Company Limited, déclarant assurer cumulativement avec l'Abeille-Paix des marchandises que les sociétés Franco-Belge de fabrication de combustibles et Comatel avaient entreposées dans les locaux sinistrés, est intervenue à l'instance en demandant la condamnation de l'Abeille-Paix au paiement de sommes d'argent sur les dommages de ces deux sociétés au titre de la part lui incombant dans ces assurances cumulatives ; que la Royal Insurance a également demandé que l'Abeille-Paix soit condamnée à lui payer l'indemnité réglée par la première à la société Franco-Belge de fabrication de combustibles pour perte de matériel ; que l'arrêt attaqué n'a pas admis l'existence d'un cumul d'assurances en ce qui concerne les marchandises et a fait droit à la demande de la Royal Insurance en ce qui concerne le remboursement de la somme correspondant à une perte de matériel, en faisant courir les intérêts à compter de l'intervention volontaire à l'instance de la Royal Insurance ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 112-1 et L. 121-4 du Code des assurances, ce dernier dans sa rédaction de la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 applicable à la cause ;
Attendu qu'il résulte du premier texte que si l'assurance pour le compte de qui il appartiendra souscrite par un détenteur ou un dépositaire est une assurance de responsabilité, dans le cas où sa responsabilité est engagée à l'égard du propriétaire du bien détruit, elle est une assurance de chose lorsque ce bien est détruit sans que la responsabilité du détenteur ou du dépositaire puisse être retenue ; que, selon le second texte, il y a assurance cumulative dès lors que plusieurs polices sont souscrites sans fraude pour le même intérêt contre le même risque ;
Attendu que la cour d'appel a jugé qu'il n'y avait pas cumul d'assurances entre la police souscrite auprès de la compagnie Abeille-Paix par la société Lacrouts-Cazenave pour les marchandises détenues par elle appartenant à des tiers et celles souscrites auprès la Royal Insurance couvrant les marchandises appartenant aux sociétés Franco-Belge de fabrication de combustibles et Comatel entreposées dans les locaux sinistrés ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la police souscrite pour le compte de qui il appartiendra par la société Lacrouts-Cazenave ne pouvant produire effet comme assurance de responsabilité dès lors qu'aucune faute de cette société n'avait été établie, la cause de l'incendie étant restée inconnue, cette assurance devait produire effet comme assurance de chose et que l'on se trouvait en présence d'assurances de chose cumulatives, bien que conclues par des personnes différentes, contractées sans fraude pour le même intérêt et contre le même risque, les juges du second degré ont violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen ;
Vu l'article 1153 du Code civil ;
Attendu que, dès lors que, suivant quittance subrogative, un assureur a versé à son assuré la somme nécessaire à la réparation du dommage, les intérêts au taux légal sur cette somme sont dus par la personne tenue à réparation à compter de la date de la quittance subrogative ;
Attendu que la cour d'appel n'a fait courir les intérêts de la somme que l'Abeille-Paix a été condamnée à payer à la Royal Insurance en remboursement de l'indemnité que celle-ci avait réglée à la société Franco-Belge de fabrication de combustibles pour perte de matériel qu'à compter de l'intervention volontaire de la Royal Insurance à l'instance ;
Attendu qu'en statuant ainsi, les juges du second degré ont violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 octobre 1987, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.