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Décisions

Cass. com., 20 janvier 1998, n° 95-20.724

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Apollis

Avocat général :

M. Raynaud

Avocat :

SCP Célice, Blancpain et Soltner

Pau, 1re ch., du 4 sept. 1995

4 septembre 1995

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation, que la société Jardel messagerie (société Jardel) a confié à une société Claudius transport, la traction de sa semi-remorque contenant des colis dont elle avait accepté le transport dans le cadre d'un groupage ; que le chargement ayant été détruit à la suite d'un accident de la circulation, la société Jardel a assigné son assureur, la compagnie Préservatrice Foncière (La Préservatrice) en garantie des indemnités qu'elle a versées aux propriétaires des marchandises ;

Sur le pourvoi en tant qu'il concerne l'arrêt du 1er février 1995 :

Vu les articles 455, 605 et 606 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'à l'encontre des dispositions figurant dans le dispositif des décisions judiciaires en dernier ressort ;

Attendu que M. de X..., ès qualités de syndic de la liquidation des biens de la société Jardel a formé un pourvoi contre l'arrêt du 1er février 1995 ; que les moyens de ce pourvoi ne concernent aucune partie du dispositif de cet arrêt ; qu'ainsi le pourvoi est irrecevable ;

Sur le pourvoi, en tant qu'il concerne l'arrêt du 4 septembre 1995 :

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. de X..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande et de l'avoir en conséquence condamné à restituer à son assureur les sommes que celui-ci lui avait versées en exécution de l'arrêt cassé, alors, selon le pourvoi, d'une part, que ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 96 et suivants du Code de commerce et 1134 du Code civil l'arrêt qui retient que la société Jardel avait sous-traité le transport à la société Claudius et pris la qualité de commissionnaires de transport, faute d'avoir tenu compte du fait que le transport litigieux avait été effectué au moyen d'une semi-remorque appartenant à la société Jardel, l'intervention de la société Claudius n'ayant consisté qu'à tracter ladite semi-remorque ; alors, d'autre part, que faute de s'être expliqué sur ce moyen essentiel des conclusions d'appel, l'arrêt a également violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt qui retient que la société Jardel n'aurait eu que la qualité de commissionnaire de transport, faute de s'être expliqué sur le moyen des conclusions faisant valoir que sur les feuilles de transport et sur les bordereaux de groupage ladite société apparaissait bien en qualité de transporteur ;

Mais attendu que l'arrêt relève, d'un côté, que l'assureur ne couvrait les conséquences de la responsabilité contractuelle du transporteur à raison de tous les dommages, pertes ou avaries matérielles survenues aux marchandises que lorsque celles-ci étaient transportées par lui, et, d'un autre côté, que le transporteur avait fait exécuter le déplacement de sa semi-remorque remplie de marchandises par la société Claudius ; que, par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que le syndic fait encore grief à l'arrêt d'avoir dit que les sommes que La Préservatrice avait versées en vertu de l'arrêt cassé devaient lui être restituées, alors, selon le pourvoi, que selon l'article 13 de la loi du 13 juillet 1967, "aucun créancier dont la créance a son origine antérieurement au jugement de règlement judiciaire ou de liquidation des biens et même au cas où l'exigibilité de cette créance interviendrait après ledit jugement, ne peut prétendre avoir une créance sur la masse" ; que l'article 55 du décret du 22 décembre 1967 ajoute que la procédure de vérification des créances doit recevoir application même si "à défaut de titre, le créancier est dans l'obligation de faire reconnaître son droit" ; qu'en l'espèce, la créance de La Préservatrice a son origine dans la poursuite par la société Jardel par assignation du 26 mai 1983 devant le tribunal de commerce de Toulouse, soit bien antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective à l'encontre de la société Jardel en date du 30 juillet 1985 ; qu'il s'ensuit que c'est en violation des textes précités que l'arrêt a énoncé que la compagnie d'assurances n'était pas tenue de produire sa créance au motif que celle-ci "remonte à l'arrêt de cassation du 11 juin 1991", à savoir l'arrêt qui avait censuré la décision de confirmation ayant condamné ladite compagnie d'assurances sur l'action introduite par la société Jardel ;

Mais attendu que l'origine de la créance d'indu est le fait juridique du paiement ; que l'arrêt relève que La Préservatrice avait remboursé à la société Jardel les sommes que celle-ci avait versées aux victimes du sinistre en exécution du jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 28 octobre 1985 confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 16 mai 1989, lequel a été cassé par la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation le 11 juin 1991 ; qu'il en résulte que la créance d'indu de cet assureur était postérieure à l'ouverture de la procédure collective en date du 30 juillet 1985 et n'avait pas à être produite ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux justement critiqués, la décision déférée se trouve justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 1153, alinéa 3, du Code civil ;

Attendu que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détient en vertu d'une décision de justice exécutoire n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;

Attendu que le tribunal de commerce avait condamné La Préservatrice au paiement d'une certaine somme à la société Jardel avec exécution provisoire et que l'arrêt infirmatif rendu sur renvoi après cassation a condamné la société Jardel à restitution avec intérêts au taux légal à compter du 11 juin 1991, date de la cassation de l'arrêt du 16 mai 1989 confirmant la décision des premiers juges ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le paiement objet de la restitution n'avait pas été obtenu en vertu de l'arrêt cassé mais du jugement du 28 octobre 1985 et que la cassation intervenue avait eu pour seul effet de remettre la cause et les parties dans la situation où elles étaient avant le prononcé de l'arrêt cassé, ce dont il résulte que l'arrêt prononcé le 4 septembre 1995 par la cour d'appel de renvoi constitue la décision ouvrant droit à restitution, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il convient de mettre fin au litige par application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi formé contre l'arrêt du 1er février 1995 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts des sommes allouées à La Préservatrice à compter du jour de la notification de l'arrêt de cassation du 11 juin 1991, l'arrêt rendu le 4 septembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.