CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 13 septembre 2012, n° 11/17362
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Kelly (SAS)
Défendeur :
Autorité des Marchés Financiers
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lachacinski
Conseillers :
Mme Beaudonnet, Mme Meslin
Avocats :
Me Sutour, Me Joseph
La société anonyme Nortène est la société mère du groupe Nortène spécialisé dans la fabrication et la distribution de produits destinés au jardinage ainsi qu'à l'équipement et la décoration des jardins. Cette société est cotée au fixing au compartiment C d'Eurolist d'Euronext Paris.
La société par actions simplifiée Kelly est la holding intermédiaire du pôle 'activité jardin' du groupe GSTI. Elle a pour président M. Tramier, qui exerce également les fonctions de président du conseil d'administration de la société GSTI.
En 2005, dans la perspective d'une prise de contrôle de la société Nortene, la société Kelly a acquis 82 000 actions Nortène.
Le 21 juillet 2006, la SA Nortène a publié au BALO un communiqué annonçant un chiffre d'affaires consolidé prévisionnel, pour l'exercice clos le 30 septembre 2006, de 124 millions euros.
Elle a, le 13 septembre 2006, annoncé dans un nouveau communiqué, un chiffre d'affaires de 119 millions euros et un résultat autour d'un million euros pour la même période.
En réalité, la société Nortène rencontrait à l'époque d'importantes difficultés. Le chiffre d'affaires consolidé effectivement réalisé pour l'exercice 2006 s'est élevé à 119,6 millions euros et le résultat a fait apparaître une perte de 4,8 millions euros.
C'est dans ce contexte qu'à la demande de la société Nortène, un mandataire ad hoc a été désigné le 31 octobre 2006 afin d'aider la société à réunir les investissements nécessaires à sa pérennité.
A cette fin, ce mandataire a contacté, le 4 décembre 2006, des investisseurs potentiels parmi lesquels la société GSTI, mère de la société Kelly, en la personne de son secrétaire général, M. Monin.
A cette date, la société Kelly, qui avait commencé à céder ses titres Nortène à la suite de la rupture, le 8 septembre 2006, des pourparlers en cours avec le dirigeant de cette dernière, détenait encore 58 681 actions Nortène, soit 7,40% du capital.
Après l'échange intervenu entre M. Monin et le mandataire ad hoc de la société Nortène, la société Kelly a poursuivi les cessions de titres Nortène, liquidant le solde de sa participation, pour un montant total de 997 024,75 euros, entre le 7 et le 13 décembre 2006.
Au regard de l'écart entre les chiffres prévisionnels et les comptes définitifs de la société Nortène pour l'exercice clos le 30 septembre 2006 et compte tenu de l'augmentation significative du volume des transactions portant sur le titre Nortène fin 2006, le Secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a, le 15 mars 2007, ouvert une enquête sur le marché de ce titre à compter du 1er juin 2006.
Les enquêteurs de la Direction des enquêtes et de la surveillance des marchés (DESM) se sont rendus le 16 octobre 2007 dans les locaux de la société GSTI, afin de se faire remettre des documents. Ils y ont été reçus par M. Monin, secrétaire général du groupe GSTI. Le procès-verbal de remise de documents qui a été établi retrace les déclarations effectuées sur les lieux par ce dernier.
Au vu du rapport d'enquête et sur décision de la commission spécialisée n°2 du collège de l'AMF, le Président de cette Autorité a, par lettre du 18 février 2008, notifié des griefs :
- à la société Nortène et au président de son directoire M. Wallon, pour manquement relatif à l'information du public en raison de la communication au marché les 21 juillet et 13 septembre 2006 d'informations inexactes, imprécises ou trompeuses sur ses prévisions de chiffre d'affaires et de résultats de l'exercice clos le 30 septembre 2006 ;
- à la société Kelly et à son président M. Tramier, pour manquement d'initié en raison de l'utilisation, entre le 6 et le 13 décembre 2006, d'une information privilégiée relative à la situation particulièrement obérée de la société Nortene et au risque corrélatif d'un état de cessation des paiements imminent ;
Par décision du 5 mars 2009 (ci-après la Décision), la commission des sanctions de l'AMF, retenant tous les griefs, a, notamment prononcé une sanction de 150 000 euros à l'encontre de la société Kelly ainsi qu'une sanction de 5 000 euros à l'encontre de M. Tramier et a ordonné des mesures de publication.
La Décision retient, sur ces derniers griefs, que les informations précises, non connues du public et de nature à avoir une influence défavorable sur le cours du titre Nortène, transmises le 4 décembre 2006 par le mandataire ad hoc de Nortène à M. Monin et dont M. Tramier a immédiatement été informé, constituent des informations privilégiées et qu'elles ont été utilisées par la société Kelly et M. Tramier qui ont continué après le 4 décembre à céder les titres Nortène détenus par la société Kelly ;
Par arrêt du 30 mars 2010, la cour d'appel de Paris a rejeté les recours formés par la société Kelly et par M. Tramier contre de la Décision, après avoir, notamment, rejeté la demande de ces derniers tendant à l'annulation de la procédure pour irrégularité de l'audition le 16 octobre 2007 de M. Monin par les enquêteurs de la DESM.
Sur pourvoi formé par la société Kelly et par M. Tramier, la Cour de cassation a, par arrêt du 24 mai 2011, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt du 30 mars 2010. Il est reproché à la cour d'appel d'avoir privé sa décision de base légale, au regard des articles L. 621-10, L. 621-11 et R. 621-35 du code monétaire et financier, ensemble le principe de loyauté dans l'administration de la preuve, en se déterminant 'sans constater que la personne dont les déclarations ont été recueillies par les enquêteurs dans les locaux de la société GSTI (M. Monin) avait, préalablement à celles-ci, renoncé au bénéfice des règles applicables aux auditions, visant à assurer la loyauté de l'enquête'.
LA COUR
Vu la décision de la Commission des sanctions de l'AMF du 5 mars 2009 ;
Vu l'arrêt de la Cour de cassation (Com. 24 mai 2011, n° 1018267, B.82), cassant et annulant, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 30 mars 2010 ;
Vu la déclaration de saisine déposée par la société Kelly et M. Tramier le 26 septembre 2011 ;
Vu le mémoire déposé le 26 septembre 2011 par la société Kelly et M. Tramier au soutien de leur saisine, soutenu par mémoire en réplique du 10 avril 2012 ;
Vu les observations écrites de l'Autorité des Marchés Financiers déposées le 14 février 2012 ;
Vu les observations écrites du Ministère public ;
Après avoir entendu les parties, le représentant de l'AMF, M. l'Avocat général, à l'audience du 24 mai 2012, les requérants ayant pu répliquer et ayant eu la parole en dernier ;
Considérant que la société Kelly et M. Tramier invoquent, à titre principal, la nullité du procès-verbal dressé le 16 octobre 2007 et par conséquent celle des actes subséquents, en ce compris la Décision ;
Considérant, selon les requérants, que la visite des inspecteurs de la DESM du 16 octobre 2007 dans les locaux de la société GSTI, qui avait pour objet le recueil de documents pour les besoins de l'enquête, s'est transformée en une véritable audition de M. Monin, secrétaire général du groupe GSTI, et ce en violation des dispositions des articles L. 621-10 et R.621-35 du code monétaire et financier (CMF) et du principe de loyauté, notamment mis en oeuvre par l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui garantit à toute personne le droit de ne pas être obligée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable ;
Qu'ils font notamment valoir :
- que ne peuvent être qualifiées de spontanées les déclarations effectuées par M. Monin au cours d'une visite qui a duré de 10 heures 15 à 15 heures 45 et retranscrites dans le procès-verbal du 16 octobre 2007 ; qu'il s'agit de réponses à un interrogatoire mené sur des faits anciens en violation des règles de l'enquête et des droits de la défense car cette audition a été effectuée sans convocation préalable, sur le vif, et sans possibilité d'assistance d'un conseil ;
- que le procès-verbal dressé le 16 octobre 2007, qualifié de remise de documents, est en réalité un procès-verbal d'audition qui, contrairement aux dispositions légales, n'indique pas sa nature, ce qui rend nulle la remise concomitante de documents non constatée dans un procès-verbal conforme ; qu'en outre, le non respect des règles de forme des auditions et notamment l'absence de transcription des questions posées et de délai de réflexion a eu pour conséquence une interprétation erronée des réponses de M. Monin et des imprécisions ou erreurs de M. Monin qui ne pouvait se souvenir 'sur le vif' de faits remontant à plus d'un an ;
- que, lors de leur déplacement du 16 octobre 2007, les enquêteurs ne se sont pas assurés de la renonciation de M. Monin au bénéfice des articles L. 621-10, L. 621-11 et R. 621-35 CMF ; que le manquement au devoir de loyauté résultant de la violation de ces règles ne peut être couvert par le fait que les enquêteurs ont remis à M. Monin une brochure l'informant de ses droits, d'autant que celui-ci n'a pu en prendre connaissance qu'après le départ des inspecteurs ;
Qu'ils ajoutent, en réplique aux observations de l'Autorité :
- que l'AMF ne démontre pas que M. Monin a, sans équivoque, manifesté sa volonté de renoncer
à l'assistance d'un conseil ;
- que l'AMF a, elle-même, depuis cette affaire, modifié ses procédures d'audition en adoptant le 13 décembre 2010 une 'charte de l'enquête';
- que, conformément à la jurisprudence tirée de l'article 174 du code de procédure pénale, la nullité de l'audition de M. Monin doit entraîner celle de tous les actes de procédure qui se fondent sur le procès-verbal incriminé, y compris les éléments transmis le 19 octobre à la demande de l'AMF sur la base de l'audition illégale du 16 octobre ; que, de l'aveu même de l'AMF, le grief d'utilisation d'une information privilégiée est directement caractérisé par les informations et documents obtenus à l'occasion de l'audition litigieuse ou demandés sur la base de ces informations ;
Considérant que l'AMF fait observer, à titre principal, que l'enquête a été conduite dans le respect de la loyauté et que M. Monin a renoncé à l'application des règles relatives aux auditions ;
Qu'elle expose notamment :
- que les propos recueillis dans le procès-verbal ne sont pas des réponses à des questions qui auraient été occultées, mais des déclarations spontanées qui s'enchaînent naturellement et chronologiquement;
- que la renonciation de M. Monin à se prévaloir des règles relatives aux auditions résulte sans équivoque d'actes positifs effectués en pleine connaissance de la réglementation relative aux auditions ; qu'en effet, les enquêteurs lui ont remis copie des articles L. 621-9-3 et L. 621-10 CMF ainsi qu'un document intitulé : 'Vos droits à l'occasion d'une enquête de l'Autorité des marchés financiers' ; que M. Monin a effectué des déclarations spontanées aux enquêteurs qui n'étaient pas venus l'entendre mais se faire remettre des documents ; que M. Monin a reconnu la spontanéité de ces déclarations et la conformité de leur transcription dans le procès-verbal dont il a paraphé chaque page et n'a par la suite formulé aucune observation ; que c'est donc en connaissance de cause que M. Monin a choisi de porter des informations aux enquêteurs sans solliciter la présence d'un conseil ou une audition formelle réalisée sur convocation ; que son comportement démontre qu'il avait renoncé à l'application des règles relatives aux auditions bien que le procès-verbal ne fasse pas expressément mention de cette renonciation ;
- qu'ainsi que le relève la Décision, l'existence de la procédure spécifique de l'article R. 621-35 CMF ne fait pas obstacle à ce que l'enquêteur recueille toute déclaration qui vient à lui être faite, à condition que l'entretien correspondant se déroule, comme en l'espèce, dans des conditions qui ne soient de nature à affecter ni la portée des propos ainsi relatés ni la loyauté de la procédure ;
- que les enquêteurs ont respecté les dispositions de l'article R. 621-35, alinéa 3, CMF ;
Que l'AMF soutient, à titre subsidiaire, que le procès-verbal du 16 octobre 2007, qui relate les déclarations de M. Monin, constate également la remise de documents par ce dernier et que, sur ce second point, il s'analyse en un procès-verbal de remise de documents dont la régularité ne peut être contestée, étant en outre observé qu'à l'exception de quelques éléments, c'est par courrier distinct du 19 octobre que M. Monin a communiqué aux enquêteurs les documents énoncés dans le procès-verbal litigieux ; qu'il en résulte que le retrait des déclarations spontanées de M. Monin ne saurait entraîner l'annulation de l'intégralité de la procédure, ni avoir d'incidence sur la Décision qui ne s'est pas fondée sur les déclarations de M. Monin pour caractériser le manquement ;
Considérant que sont invoqués les textes suivants du CMF :
Article L. 621-10 :
'Les enquêteurs peuvent, pour les nécessités de l'enquête, se faire communiquer tous documents, quel qu'en soit le support, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunications dans le cadre de l'article L. 34-1 du code des postes et télécommunications et les prestataires mentionnés aux 1 et 2 de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 et en obtenir la copie. Ils peuvent convoquer et entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations. Ils peuvent accéder aux locaux à usage professionnel.'
Article L. 621-11 :
'Toute personne convoquée a le droit de se faire assister d'un conseil de son choix. Les modalités de cette convocation et les conditions dans lesquelles est assuré l'exercice de ce droit sont déterminées par décret en Conseil d'Etat.'
Article R 621-35 :
'Les enquêteurs peuvent convoquer et entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations.
'La convocation est adressée à l'intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception, remise en main propre ou par acte d'huissier huit jours au moins avant la date de convocation. Elle fait référence à l'ordre de mission nominatif de l'enquêteur établi par le secrétaire-général ou son délégataire. Elle rappelle à la personne convoquée qu'elle est en droit de se faire assister d'un conseil de son choix.
'Les procès-verbaux établis dans le cadre des enquêtes énoncent la nature, la date et le lieu des constatations opérées. Ils sont signés par l'enquêteur et la personne concernée par les investigations. En cas de refus de celle-ci, mention en est faite au procès-verbal'.
Considérant que ces textes confèrent aux enquêteurs la faculté de se faire communiquer tous documents pour les nécessités de l'enquête, de convoquer et entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations et d'accéder aux locaux à usage professionnel ; qu'ils encadrent strictement le pouvoir d'audition reconnu aux enquêteurs, en précisant qu'il s'exerce sur convocation respectant un certain délai, faisant référence à l'ordre de mission de l'enquêteur et rappelant à la personne convoquée son droit de se faire assister du conseil de son choix ;
Qu'il en résulte que les enquêteurs ne peuvent entendre une personne susceptible de leur fournir des informations sans respecter les garanties, destinées à assurer la loyauté de l'enquête, prévues par ces textes, à moins que la personne concernée renonce expressément, en toute connaissance de cause et avant d'être entendue sur le fond, au bénéfice desdites garanties et notamment au bénéfice d'un délai et à celui de l'assistance d'un conseil ;
Considérant qu'en l'espèce, après ouverture, le 15 mars 2007, par le Secrétaire général de l'AMF d'une enquête sur le marché du titre Nortène à compter du 1er juin 2006, des ordres de mission concernant cette enquête ont, les 15 mars et 9 octobre 2007, été confiés à deux inspecteurs de la DESM ;
Que ces inspecteurs se sont rendus le 16 octobre 2007 dans les locaux de la société GSTI où ils ont été reçus par M. Monin, secrétaire général du groupe GSTI ; qu'a été établi à cette date un procès-verbal dit 'de remise de documents' signé par les deux enquêteurs et par M. Monin qui en ont, en outre, paraphé chaque page ;
Considérant qu'il est précisé qu'accueillis par M. Monin, les enquêteurs lui ont indiqué les motifs de leur visite et lui ont remis une copie des articles L. 621-9-3 et L. 621-10 CMF ainsi qu'un document intitulé : 'Vos droits à l'occasion d'une enquête de l'Autorité des marchés financiers' ;
Que le procès-verbal s'ouvre ensuite sur la mention : 'Monsieur Jean-Pierre Monin nous déclare spontanément :...' ; que suivent sur plus d'une page lesdites déclarations, non interrompues par des questions, relatant l'historique des relations entre le groupe GSTI et le groupe Nortène, les raisons ayant conduit GSTI à envisager le rachat de Nortène puis à renoncer à ce projet en 2006 et précisant que la décision de renoncer audit projet 'a été confortée lorsque nous avons appris, au mois de novembre ou au mois de décembre 2006 de mémoire, que Nortène avait été placée sous mandat ad hoc. Nous l'avons appris car c'est le mandataire ad hoc lui-même, auquel Philippe Wallon avait fait part de nos propositions antérieures, qui nous a appelé, pour nous demander si nous étions disposés à apporter sous huit jours 8 à 12 millions d'euros à Nortène...'
Qu'à l'issue de ces déclarations, il est mentionné : 'Demandons alors à M. Jean-Pierre Monin de bien vouloir nous communiquer les documents suivants :....' ; que certains documents ont été remis le jour même, M. Monin s'engageant à faire parvenir dans les meilleurs délais d'autres documents demandés ;
Considérant qu'il en résulte que le procès-verbal litigieux ne mentionne pas que M. Monin, dont des déclarations sur le fond ont ainsi été recueillies par les enquêteurs dans les locaux de la société GSTI, aurait, préalablement à celles-ci, renoncé au bénéfice des règles sus-rappelées applicables aux auditions et notamment à son droit à un délai et à son droit à l'assistance d'un conseil ;
Considérant qu'ainsi que le souligne l'AMF, outre une copie des articles L. 621-9-3 et L. 621-10 CMF, a été remis à M. Monin un document intitulé : 'Vos droits à l'occasion d'une enquête de l'Autorité des marchés financiers';
Considérant que ce document est daté de septembre 2005 ; que, selon l'AMF (courriel du 31 octobre 2007), il ne 'constitue en rien une charte opposable en tant que telle à l'AMF'...'Il s'agit davantage d'une compilation des textes du COMOFI applicables à la matière que nous remettons par courtoisie aux personnes sollicitées dans le cadre de nos enquêtes' ;
Considérant que ce document précise en préambule : 'Le présent document a 'pour objet de vous faire connaître vos droits à l'occasion d'une procédure d'enquête de l'Autorité des marchés financiers. Il vous est adressé en même temps que la convocation en vue d'une audition.'; que ce document comporte quatre titres, le premier intitulé : 'Comment sont décidées les enquêtes de l'Autorité des marchés financiers', le deuxième : 'Les pouvoirs des enquêteurs', le troisième : 'L'audition' et le dernier : 'Les suites de l'enquête'; que les informations y sont données avec des renvois aux articles du code monétaire et financier, qui sont cités mais non reproduits ;
Que le titre relatif aux pouvoirs des enquêteurs, rappelle que les enquêteurs ont un droit d'accès aux locaux à usage professionnel et peuvent se faire communiquer, à l'occasion de ces visites tout document ; qu'il souligne que le secret professionnel ne peut être opposé aux enquêteurs et que le fait de mettre obstacle à une mission de contrôle ou d'enquête de l'AMF constitue un délit (article L. 642-2 du CMF) ;
Que le titre relatif aux auditions indique notamment qu'une convocation à fin d'audition, rappelant le droit à assistance d'un conseil, est adressée huit jours au moins avant la date de l'audition, que l'audition peut intervenir à tout moment à la demande de la personne intéressée et que la personne auditionnée peut renoncer au délai de huit jours ;
Considérant que force est de constater :
- d'une part, que n'a pas été remise à M Monin copie des articles L. 621-11 et R. 621-35 sus-rappelés du CMF,
- d'autre part, que le document joint aux seuls textes qui lui ont été communiqués ne contient, en ses dispositions relatives aux pouvoirs des enquêteurs lorsqu'ils se rendent dans les locaux professionnels afin d'obtenir communication de documents, aucune indication relative à d'éventuelles déclarations ou à une éventuelle audition de la personne présente dans les locaux et ce, alors même que cette personne n'ayant pas été convoquée, n'est pas incitée à se référer au titre du document relatif aux auditions ;
Qu'il en résulte qu'il n'est pas établi que M. Monin - à supposer même qu'il ait pu, avant d'effectuer des déclarations, lire la documentation qui lui a été remise le jour de la visite- ait eu une connaissance certaine et non équivoque de l'applicabilité des règles relatives aux auditions lorsqu'il a effectué des déclarations dans ses locaux professionnels où les enquêteurs s'étaient rendus pour se faire remettre des documents ;
Considérant que, dès lors qu'aucun élément ne démontre que M. Monin a, préalablement à ses déclarations, été précisément informé de ses droits, l'AMF ne peut tirer argument du caractère spontané des déclarations de celui-ci et du fait que ces déclarations sont relatées dans un procès-verbal paraphé et signé par M. Monin qui n'a pas formulé d'observations ultérieures, pour soutenir établi que, bien que le procès-verbal ne le mentionne pas, l'intéressé aurait, préalablement à ses déclarations et en toute connaissance de cause, renoncé au bénéfice des règles relatives aux auditions;
Considérant, en définitive, qu'aucun élément ne permet d'affirmer que M. Monin, dont les déclarations ont été recueillies par les enquêteurs dans les locaux de la société GSTI, aurait, préalablement à celles-ci, renoncé au bénéfice des règles applicables aux auditions, visant à assurer la loyauté de l'enquête ;
Qu'il convient, par conséquent, de faire droit à la demande des requérants en ce qu'elle tend à l'annulation tant de ces déclarations que de l'entier procès-verbal 'de remise de documents' du 16 octobre 2007 dès lors qu'il ne peut, au vu des éléments demandés par les enquêteurs, être exclu que des documents aient été demandés en raison de la teneur des déclarations de M. Monin ;
Considérant que les déclarations de M. Monin, en ce qu'elles font état du fait que le groupe GSTI a appris au cours du mois de novembre ou de décembre 2006 que Nortène avait été placée sous mandat ad hoc, ont servi de support nécessaire aux actes d'enquête subséquents tendant à démontrer que la société Kelly et M. Tramier, lui-même entendu le 9 novembre 2007, disposaient d'une information privilégiée sur la situation réelle de Nortène ; que ces actes sont donc, par voie de conséquence, nuls ;
Considérant, enfin, que l'AMF ne peut soutenir que le retrait de la procédure des déclarations de M. Monin serait 'sans incidence sur la décision de la Commission des sanctions qui ne s'est nullement fondée sur les propos du secrétaire général de la société GSTI pour caractériser le manquement aujourd'hui contesté';
Qu'en effet, pour caractériser le caractère privilégié de l'information détenue et utilisée par les requérants, la Décision retient (page 8) que l'information visée par la notification de griefs consiste 'en la situation financière particulièrement obérée de la société Nortène...et recouvre les éléments transmis par le mandataire ad hoc de Nortène à M. Jean-Pierre Monin lors de leur conversation téléphonique du 4 décembre 2006, à savoir, en particulier, la nomination d'un mandataire ad hoc au sein de Nortène ayant pour mission...', alors que 'l'information dont disposait le public au sujet de Nortène laissait croire à une situation financière moins obérée que celle ressortant des éléments transmis le 4 décembre 2006...' et que 'si elle avait été connue du public, l'information en cause...aurait été de nature à...avoir...une influence défavorable sur le cours du titre Nortène' ;
Considérant, par conséquent, que les requérants sont fondés en leur demande principale tendant à l'annulation de l'ensemble de la procédure et de la Décision ; que leurs demandes principales étant accueillies, il n'y a pas lieu d'examiner les demandes qu'ils forment à titre subsidiaire ;
Considérant que la Décision ayant ordonné des mesures de publication, il convient de faire droit à la demande des requérants tendant à la publication du présent arrêt sur le site de l'AMF 'selon les mêmes formes que celles utilisées pour publier la décision de la Commission des sanctions...';
Considérant que l'équité conduit à allouer aux requérants une somme globale de 4 000 euros en remboursement forfaitaire des frais exposés;
PAR CES MOTIFS
Annule le procès-verbal de remise de documents du 16 octobre 2007 et la procédure subséquente;
Prononce l'annulation de la décision de la Commission des sanctions du 5 mars 2009 ;
Ordonne la publication de la présente décision sur le site de l'Autorité des marchés financiers selon les mêmes formes que celles utilisées pour publier la décision de la Commission des sanctions du 5 mars 2009;
Condamne l'Autorité des marchés financiers à payer à la société Kelly et à M. Tramier une somme globale de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette les autres demandes des parties;
Condamne l'Autorité des marchés financier’s aux dépens.