Livv
Décisions

AMF, 19 mai 2014, n° SAN-2014-09

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Membres :

M. Goulard, Mme Fulgeras, M. Thouch, M. Millou

Président :

Mme Tric

AMF n° SAN-2014-09

18 mai 2014

La 2 -ème section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après : « AMF ») ;

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 621-10, L. 621-14, L. 621-15, ainsi que ses articles

R. 621-5 à R. 621-7, R. 621-38 à R. 621-40 ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 221-1, 223-1, 223-2, 2 et 632-1 dans leur version applicable à l’époque des faits ;

Vu les notifications de griefs adressées le 25 octobre 2012 à la société Risc Group et à MM. B et A, par lettres recommandées avec demande d’avis de de réception ;

Vu la décision du 9 novembre 2012 de la Présidente de la Commission des sanctions désignant M. Bernard Field, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 15 novembre 2012 informant les mis en cause de la nomination de M. Bernard Field en qualité de rapporteur et leur rappelant la faculté d’être entendus, à leur demande, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 16 novembre 2012 informant les mis en cause, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, de ce qu’ils disposent de la faculté de demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois ;

Vu les observations écrites avec demande d’audition présentées par Me Patrick Jaïs pour le compte de la société Risc Group datées du 21 décembre 2012 ;

Vu les observations écrites et demande d’audition présentées par Me Patrick Jaïs pour le compte de M. B datées du 21 décembre 2012 ;

Vu les observations écrites et demande d’audition présentées par Me Patrick Jaïs pour le compte de M. A datées du 21 décembre 2012 ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 28 janvier 2013, par lesquelles le rapporteur invitait la société Risc Group et MM. B et A, en qualité de mis en cause, à être entendus ;

Vu le procès-verbal d’audition de M. B du 25 février 2013 ;

Vu les procès-verbaux d’audition de la société Risc Group et de M. A du 27 février 2013 ;

Vu les éléments complémentaires versés à la procédure par M. B le 28 février 2013 ;

Vu le rapport de M. Bernard Field en date du 5 septembre 2013 ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 9 septembre 2013 informant les mis en cause de la date de la séance de la Commission des sanctions appelée à statuer sur les griefs notifiés auxquelles était joint le rapport du rapporteur ;

Vu les observations écrites en réponse au rapport du rapporteur présentées par Me Patrick Jaïs pour le compte de la société Risc Group en date du 7 octobre 2013 ;

Vu les observations écrites en réponse au rapport du rapporteur présentées Me Patrick Jaïs pour le compte de M. B en date du 7 octobre 2013 ;

Vu les observations écrites en réponse au rapport du rapporteur présentées par Me Patrick Jaïs pour le compte de M. A en date du 7 octobre 2013 ;

Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 9 octobre 2013 du Président de la 2ème sectionde la Commission des sanctions adressée au conseil des mis en cause ;

Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 14 octobre 2013 et les courriers déposés par porteur le 22 octobre 2013 informant les mis en cause de la composition de la Commission des sanctions au cours de la séance du 7 novembre 2013, et de leur faculté de demander la récusation d’un ou plusieurs de ses membres ;

Vu le jugement du 24 octobre 2013 du tribunal de commerce de Nanterre prononçant l’ouverture d’un redressement judiciaire à l’égard de Risc Group et désignant Maître Gay en qualité d’administrateur judiciaire avec une mission d’assistance et Maître Legras de Grandcourt en qualité de mandataire judiciaire de la société ;

Vu la lettre avec demande d’avis de réception et les courriers déposés par porteur du 6 novembre 2013 informant les mis en cause et leur conseil du report de la séance du 7 novembre 2013 ;

Vu le jugement du 18 décembre 2013 du tribunal de commerce de Nanterre prononçant la liquidation judiciaire de Risc Group et nommant Maître Legras de Grandcourt en qualité de liquidateur judiciaire de la société ;

Vu le jugement du 20 décembre 2013 du tribunal de commerce de Nanterre ordonnant la cession des actifs de Risc Group au bénéfice de la société Financière LR, repreneur ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 17 janvier 2014 informant les mis en cause de la date de la séance de la Commission des sanctions appelée à statuer sur les griefs notifiés ;

Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 23 janvier 2014 informant Maître Gay, administrateur judiciaire de Risc Group, de la date de la séance et de l’invitation du Président de la

Commission des sanctions à se présenter à la séance, conformément aux dispositions de l’article R. 621-40 II du code monétaire et financier ;

Vu la lettre avec demande d’avis de réception et les courriers déposés par porteur du 27 janvier 2014 informant les mis en cause de la composition de la Commission des sanctions au cours de la séance du 26 février 2014, et de leur faculté de demander la récusation d’un ou plusieurs de ses membres ;

Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 29 janvier 2014 informant Maître Legras de Grandcourt, liquidateur judiciaire de Risc Group, de la date de la séance et de l’invitation du Président de la Commission des sanctions à se présenter à la séance, conformément aux dispositions de l’article R. 621-40 II du code monétaire et financier ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance du 26 février 2014 :

- M. Bernard Field, en son rapport ;

- Mme Virginie Adam, représentant le Collège de l’AMF ;

- M. Hubert Gasztowtt, représentant du directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- la société Risc Group représentée par M. A ;

- M. A ;

- M. B ;

- Maîtres Patrick Jaïs et Jérôme Lanfranchi du cabinet De Pardieu Broccas Mafféi pour le compte de

MM. A et B ;

- Maître Gay, administrateur judiciaire de la société Risc Group ;

- Maître Legras de Grandcourt, liquidateur judiciaire de la société Risc Group ;

Les mis en cause ayant eu la parole en dernier.

FAITS

La société anonyme Risc Group (ci-après « Risc Group ») a pour activité la vente de services informatiques externalisés.

La cotation de ses titres, admis aux négociations sur le compartiment C d’Eurolist Paris, est suspendue depuis le 29 juin 2012, date à laquelle la société a entamé des négociations avec ses créanciers en vue de restructurations opérationnelles et financières qui n’ont finalement pas abouti. Elle a été mise en redressement judiciaire le 24 octobre 2013, puis en liquidation judiciaire le 18 décembre 2013. Un plan de cession des actifs de Risc Group au profit d’un repreneur a été adopté par le tribunal de commerce le 20 décembre 2013.

La société est dirigée par M. A, qui est président-directeur général depuis le 18 décembre 2009. Il est également président-directeur général et principal actionnaire de la société STS Group qui détient, depuis le 15 janvier 2010, 29,3% du capital de Risc Group. La société STS Group fait également l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire depuis le 18 décembre 2013.

L’exercice de la société cour du 1 er juillet au 31 décembre de chaque année.

De 2006 à mi-2008, Risc Group a connu une progression significative de son activité et de son résultat. Son activité était séparée en deux pôles, le pôle Inbox, destiné aux TPE-PME disposant de cinq à cent postes informatiques et réalisant 63% du chiffre d’affaires pour l’exercice 2007/2008, et le pôle IT Solutions, destiné aux PME disposant de plus de cent postes informatiques et réalisant 37% du chiffre d’affaires pendant la même période.

Cette tendance s’est brutalement inversée au cours de l’exercice 2008/2009, la performance du groupe s’étant dégradée à partir du mois d’octobre 2008 pour se poursuivre au cours des mois de novembre et décembre 2008.

Au début de l’exercice 2008/2009, Risc Group a annoncé au marché, par deux communiqués de presse des 18 septembre et 22 octobre 2008, son « objectif ambitieux » de 106/108 millions d’euros de chiffre d’affaires pour cet exercice, ainsi qu’une marge opérationnelle de 9 à 11%. Ces objectifs ont été maintenus le 31 octobre 2008, lors de la publication du rapport financier annuel au 30 juin 2008, puis le 18 décembre 2008, dans la présentation de l’assemblée générale annuelle de la société publiée sur son site Internet.

Le 8 janvier 2009, M. B a donné une interview par téléphone, publiée le 9 janvier sur le site Internet de ChannelNews et publiée par Risc Group le 19 janvier 2009, portant sur la réorganisation de la gouvernance de la société.

Répondant à une question du journaliste, sur l’actionnariat de la société, il a indiqué : « Notre capitalisation est ainsi passée de plus de 100 M d’euros au plus haut à moins 40 M d’euros actuellement, alors que nous disposons de 18 M d’euros de trésorerie et que nous n’avons pas de dette ».

Par des communiqués de presse des 12 et 20 janvier 2009, publiés les 13 et 21 janvier, Risc Group a annoncé qu’après la décision de l’assemblée générale du 18 décembre 2008 de dissocier les fonctions pour assurer la gouvernance de la société et la démission consécutive de son ancien président directeur général, il a été procédé à la nomination d’un nouveau directeur général, M. B, administrateur de Risc Group depuis 2003, ayant été désigné comme président du conseil d’administration le 18 décembre 2008.

Le communiqué de presse publié le 21 janvier 2009 relatif à la nouvelle organisation de sa direction indiquait :« L’activité du second trimestre d’octobre à décembre 2008 est conforme aux prévisions sur le pôle IT Solutions et néanmoins inférieure aux prévisions initiales sur le pôle Inbox. Fort de ce constat, l’équipe de direction a mis en place des actions correctrices nécessaires pour maintenir le niveau d’activité sur le second semestre de l’exercice ».

Le 19 février 2009, Risc Group a annoncé, dans un communiqué de presse, son chiffre d’affaires pour le premier semestre de l’exercice 2008/2009, de 39,8 millions d’euros, en augmentation de +28% par rapport au semestre comparable de l’exercice précédent. Le communiqué prévoyait une révision de l’objectif de chiffre d’affaires « sur une base de 90 à 94 millions d’euros » et un résultat net en perte sur le premier semestre. Il indiquait que le pôle Inbox (TPE) était « en deçà des prévisions, alors que le pôle ITS (PME) tient le rythme »

Cette tendance à la baisse a été confirmée le 19 mars 2009 par un communiqué de presse relatif au résultat du premier semestre de l’exercice 2008/2009, par lequel Risc Group informait le marché que le chiffre d’affaires pour le premier semestre s’élevait à 40,2 millions d’euros pour un résultat opérationnel de -2,8 millions d’euros. Il précisait que la société enregistrait une perte d’activité de -12,9 millions d’euros, dont 7,5 millions d’euros résultaient de l’impact négatif de l’annulation du retraitement des créances cédées suite à une renégociation des contrats d’affacturage, dans le cadre de laquelle les affactureurs renonçaient à se faire garantir par Risc Group en cas d’impayé des échéances du crédit-bail par ses clients. Ce communiqué ajoutait : « Le groupe dispose au 31 décembre 2008 d’une trésorerie de 13,3 M€ pour une dette financière globale de 6,1M€ ».

Le 11 novembre 2010, M. A a diffusé sur le blog Bourse pour tous un message dans lequel il indiquait notamment « la valeur de RISC est trop élevée quand on constate les océans de pertes dont nous avons hérité ! » ;

« Vraisemblablement sa capitalisation [va] baisser [...] et donc une baisse potentielle du titre [...] par 2 ! » ; la société est « au bord du gouffre » ; « ce n’est pas nous qui vous [petits actionnaires] volons ce sont les lois du marché » ;

« Tous les spéculateurs qui se plaignent peuvent quitter l’actionnariat de RISC, nous ne les retiendrons pas car ils sont nuisibles à la société ».

Ce message a suscité une réaction de la direction des émetteurs de l’AMF qui a adressé, le 16 novembre 2010, à M. A un courrier lui rappelant les règles inhérentes à la communication des sociétés cotées, auquel ce dernier a répondu le 23 novembre, en expliquant ses propos.

Enfin, par courrier du 17 mai 2011, le conseil de trois actionnaires de Risc Group a informé l’AMF que, selon eux, la société aurait diffusé des informations fausses et trompeuses entre le 1er juillet 2008 et le 30 juin 2009. Ce courrier a été suivi du dépôt d’une plainte par les mêmes actionnaires classée sans suite mais transmise à l’AMF, dans laquelle sont notamment évoquées les publications susvisées des mois de septembre à décembre 2008, ainsi que l’interview du 8 janvier 2009 de M. B.

Procédure

C’est dans ce contexte que le Secrétaire général de l’AMF a décidé, le 23 juin 2011, l’ouverture d’une enquête portant sur « l’information financière de la société Risc Group, à compter du 1 er juillet 2008 ».

Par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception du 31 mai 2012 et en application de l'article 144-2-1 du règlement général de l'AMF, la Direction des enquêtes et des contrôles (ci-après : « DEC ») a adressé à Risc Group, M. B, à titre personnel, et M. A, à titre personnel en sa qualité de président directeur général de Risc Group, des lettres les informant de manière circonstanciée des faits éventuellement susceptibles de leur être reprochés au regard des constats des enquêteurs.

Le 29 juin 2012, Risc Group, MM. B et A ont déposé, par l’intermédiaire de leur conseil, Me Patrick Jais, leurs observations en réponse à ces lettres circonstanciées.

Après examen du rapport d’enquête, achevé le 10 septembre 2012 après prise en compte des différentes réponses aux lettres circonstanciées, la Commission spécialisée n°2 du Collège, lors de sa séance du 25 septembre 2012, a décidé de notifier des griefs à la société Risc Group ainsi qu’à MM. B et A, ce qui a été fait par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception du 25 octobre 2012.

En substance, il est fait grief à :

- Risc Group d’avoir, en violation de l’article 223-5 du règlement général de l’AMF, manqué à son obligation de divulguer rapidement au public le changement significatif concernant l’information privilégiée relative à ses prévisions financières en tenant compte des performances effectives par rapport à ses objectifs annoncés ;

- M. B d’avoir, en violation de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, manqué à son obligation de s’abstenir de diffuser une information inexacte, imprécise ou trompeuse au public en indiquant, dans son interview du 8 janvier 2009, que la société disposait d’une trésorerie de 18 millions d’euros et n’avait pas de dette ;

- M. A d’avoir, en violation des articles 223-1, 221-1 et 632-1 du règlement général de l’AMF, communiqué une information inexacte, imprécise, insincère ou trompeuse au public dans ses messages postés sur le blog Bourse pour tous.

Conformément aux dispositions de l'article R. 621-38 du code monétaire et financier, le Président de l'AMF a transmis, le 25 octobre 2012, copie de la notification de griefs à la présidente de la Commission des sanctions qui a désigné, le 9 novembre 2012, M. Bernard Field en qualité de rapporteur, ce dont les mis en cause ont été informés par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception du 15 novembre 2012 leur rappelant la faculté d'être entendus, à leur demande, conformément au I de l'article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception du 16 novembre 2012, le secrétariat de la Commission des sanctions a informé les mis en cause, en application de l'article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, de leur faculté de demander la récusation du rapporteur dans le délai d'un mois, dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code.

Le 21 décembre 2012, les mis en cause ont déposé leurs observations en réponse aux notifications de griefs, par l'intermédiaire de leur avocat, Me Patrick Jais, et ont, à cette occasion, demandé à être entendus.

Par courriers du 28 janvier 2013, conformément à leurs demandes, le rapporteur a invité M. B, Risc Group et M. A à se présenter pour être entendus les 25 et 27 février 2013.

Le rapporteur a procédé à l’audition, le 25 février 2013, de M. B, assisté de son conseil et, le 27 février 2013, de Risc Group, assistée de son conseil et de son secrétaire général, et de M. A, assisté de son conseil.

Par courrier du 28 février 2013, M. B a versé de nouvelles pièces au dossier de la procédure.

Par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception du 9 septembre 2013, auxquelles étaient jointes le rapport du rapporteur, les mis en cause ont été convoqués à la séance de la Commission des sanctions du 7 novembre 2013.

Le 7 octobre 2013, après avoir bénéficié d’une prorogation de délai, Me Patrick Jais a déposé des observations en réponse au rapport du rapporteur au profit de chacun des mis en cause, la société Risc Group et M. A sollicitant que la séance de la Commission des sanctions ne soit pas publique.

Cette demande a été rejetée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 9 octobre 2013 du Président de la 2 -ème section de la Commission des sanctions.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 14 octobre 2013 et par courriers remis par porteur du 22 octobre 2013, les mis en cause ont été informés de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance, ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l'article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, la récusation de l'un ou l'autre des membres de cette Commission.

Par lettre avec demande d'avis de réception et par courriers déposés par porteur du 6 novembre 2013, les mis en cause et leur conseil ont été informés du report de la date de la séance.

Par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception du 17 janvier 2014, les mis en cause ont été convoqués à la séance de la Commission des sanctions du 26 février 2014.

Par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception des 23 et 29 janvier 2014, l’administrateur judiciaire et le liquidateur judiciaire de Risc Group ont été invités à se présenter à la séance de la Commission des sanctions du 26 février 2014 afin d’être entendus par le Président de la Commission des sanctions, conformément aux dispositions de l’article R. 621-40 II du code monétaire et financier.

Par lettre avec demande d'avis de réception et par courriers déposés par porteur du 27 janvier 2014, les mis en cause ont été informés de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance, ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l'article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, la récusation de l'un ou l'autre des membres de cette Commission.

MOTIFS DE LA DECISION

SUR LE GRIEF NOTIFIE A RISC GROUP

Considérant qu’il est reproché à la société Risc Group, d’ « avoir manqué à son obligation d’information en s’abstenant d’informer le public avant son communiqué du 19 février 2009, du fait que les objectifs de chiffre d’affaires et de marge opérationnelle sur l’exercice 2008/2009 ne pourraient pas être atteints et que le résultat net du groupe serait vraisemblablement négatif sur le premier semestre de l’exercice 2008/2009 », alors que la société avait annoncé et réaffirmé dans des publications des 18 septembre, 22 octobre, 31 octobre et 18 décembre 2008, ces objectifs « ambitieux » ; que la notification de griefs poursuit en indiquant qu’il apparaît que, dès le 30 décembre 2008, le management de la société était informé de la dégradation de sa situation, et notamment d’un chiffre d’affaires consolidé sur les cinq premiers mois de l’exercice 2008/2009 très en deçà des objectifs fixés et publiés ;

Que l’information relative aux objectifs de chiffre d’affaires et de marge opérationnelle était bien une information privilégiée, précise et susceptible d’avoir une influence sur le cours, rendue publique à plusieurs reprises ; que la notification de griefs en conclut que « le public pourrait ne pas avoir été informé dans les meilleurs délais des difficultés financières rencontrées par Risc Group et que la publication des informations le 20 janvier 2009 ne reflétait pas la réalité de ces difficultés à atteindre les objectifs de chiffre d’affaires et de marge opérationnelle dont la société avait pourtant une connaissance précise, ce qui était de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du marché et à la protection des investisseurs » ;

Considérant que le grief est fondé sur l’article 223-5 du règlement général de l’AMF, inchangé depuis les faits, qui dispose « Tout changement significatif concernant des informations privilégiées déjà rendues publiques doit être divulgué rapidement selon les mêmes modalités que celles utilisées lors de leur diffusion initiale » ;

Considérant que, selon l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, l’information privilégiée est une information précise et susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du titre ; qu’en l’espèce, l’information relative aux objectifs de chiffre d’affaires et de marge opérationnelle de Risc Group sur l’exercice 2008/2009, rendue publique du 18 septembre 2008 au 18 décembre 2008, affiche, en s’appuyant sur des chiffres précis, une politique de développement et de croissance qualifiée de nouvelle étape importante, caractérisée par des objectifs de chiffre d’affaires et de marge opérationnelle ambitieux ; que cette politique est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de sa décision d‘investir dans le titre Risc Group ; qu’elle est donc susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du titre ; que la mise en cause ne conteste d’ailleurs pas le caractère privilégié de cette information ;

Considérant que le changement significatif, visé à l’article 223-5 du règlement général de l’AMF, est ici constitué par l’impossibilité pour la société de remplir les objectifs qu’elle avait précédemment annoncés, impossibilité cristallisée par la dégradation du chiffre d’affaires d’octobre 2008, confirmée par les résultats du mois de novembre 2008 ; que la mise en cause reconnait qu’il s’agit « d’un changement significatif d’une information privilégiée qui devait rapidement faire l’objet d’une communication » ;

Considérant qu’il convient donc de rechercher à quelle date la mise en cause a eu connaissance de ce changement significatif et si elle en a donné rapidement l’information conformément à l’article 223-5 du règlement général de l’AMF ;

Considérant qu’il n’est pas contesté qu’un décalage d’environ un mois était nécessaire entre la constatation du chiffre d’affaires par les différentes entités du groupe Risc Group et l’envoi par le directeur financier du reporting mensuel au secrétaire général et au directeur général, l’analyse complète des reportings mensuels par le directeur financier pouvant « nécessiter un temps additionnel pouvant s’avérer plus ou moins long en fonction des circonstances de l’espèce » ;

Considérant que les premiers signes de dégradation des chiffres de la société sont survenus au mois d’octobre 2008, quatrième mois de son exercice comptable ; que le reporting, transmis le 26 novembre 2008 par le directeur financier à la direction, fait apparaître un chiffre d’affaires consolidé de 25,2 millions d’euros et un résultat net en perte de 1,79 millions d’euros, soit un écart respectivement de -6,1 millions et de -2 millions d’euros par rapport au budget prévisionnel, et une marge opérationnelle de 0,25% au lieu des 5,2% attendus ; que la mise en cause soutient que cette situation n’avait rien d’inquiétant dès lors que le mois de septembre avait enregistré des performances record et que les résultats du mois d’octobre avaient été affectés par un séminaire commercial ayant mobilisé l’ensemble du personnel de la société pendant une semaine ;

Considérant, cependant, que le mois de novembre 2008, cinquième mois de l’exercice, a confirmé les mauvais résultats de la société ; que le reporting, transmis par courriel du 30 décembre 2008 par le directeur financier au secrétaire général, fait apparaître un chiffre d’affaires consolidé de 31,93 millions d’euros et un résultat net en pertes de -2 millions d’euros, soit un écart respectivement de -9 millions et de -3,1 millions d’euros par rapport au budget prévisionnel ; que ce courriel précise : « RV le 27 janvier prochain pour évaluer le premier semestre de l’année fiscale qui devrait être négatif » ;

Considérant que le secrétaire général de Risc Group, qui a indiqué que le reporting définitif consolidé de ce mois de novembre 2008 avait été finalisé « autour du 10/15 janvier 2009 » a admis, s’agissant de la remontée de l’information financière pendant la période du 30 novembre 2008 au 20 janvier 2009, « Nous pouvions déjà anticiper que nous serions en pertes sur fin décembre 2008 » ; qu’il résulte de son audition par le rapporteur qu’à partir de décembre 2008, la société a commencé à avoir une mauvaise performance en Espagne pour des raisons de technologie « car la Box ne fonctionnait pas », et que la Belgique « déviss[ait] complètement »; qu’il a reconnu que « le mois de décembre ne pouvait pas rattraper octobre et novembre » ;

Considérant que ces mauvais résultats sont intervenus dans un contexte particulier défavorable, lié à la démission du Président directeur général, suivie du départ de commerciaux ;

Considérant que le secrétaire général et le directeur financier étaient en charge, pour le compte de Risc Group, de l’élaboration des reportings financiers, des comptes, du budget et de sa révision depuis au moins 2006 ; qu’ils avaient donc la capacité d’analyser les chiffres d’octobre et de novembre 2008 et de les mettre en perspective avec les chiffres des trois premiers mois de l’exercice et du budget prévisionnel ; qu’ainsi, le secrétaire général a indiqué au rapporteur : « Nous pouvions déjà anticiper que nous serions en pertes sur fin décembre 2008. Je n’avais pas le moyen de donner d’informations plus précises. Mais j’aurais pu indiquer que nous étions en pertes » ;

Considérant qu’il se déduit de ces éléments que la société a eu connaissance, au plus tard à la mi-janvier 2009, de l’impossibilité d’atteindre les objectifs qu’elle avait annoncés publiquement à plusieurs reprises ; que dès lors elle était tenue d’informer « rapidement » le marché de ce changement significatif des objectifs précédemment annoncés ;

Considérant que l’article 223-5 du règlement général de l’AMF, qui exige que tout « changement significatif » d’une information privilégiée déjà rendue publique soit divulgué « rapidement », exige également que cette divulgation soit effectuée « selon les mêmes modalités que celles utilisées lors de [sa] diffusion initiale » ;

Considérant que Risc Group soutient avoir rempli son obligation de divulgation au marché du changement significatif affectant l’information privilégiée relative à ses objectifs de chiffre d’affaires et de marge opérationnelle précédemment rendue publique, par la publication du communiqué du 20 janvier 2009, complété par le communiqué du 19 février 2009 contenant des informations chiffrées, après analyse de la nouvelle direction ;

Considérant que l’annonce des objectifs de chiffre d’affaires et de marge opérationnelle pour l’exercice 2008/2009 a fait l’objet d’un communiqué de presse du 18 septembre 2008 intitulé « Perspectives 2008-2009 : - Forte croissance organique attendue - Accélération du développement International / Objectif d’activité de 106 à 108 M€ sur 12 mois : + 42% / Objectif de résultat opérationnel : de 9 à 11% du CA », dans lequel la société détaillait ces objectifs ; que le communiqué de presse du 22 octobre 2008, dans lequel la société réaffirme lesdits objectifs comprenait également, dans son intitulé, la mention « Objectif de CA 2008/2009 (12 mois) : 106/108 M€ » ; que cette annonce d’objectifs a également été reprise dans le rapport annuel 2007/2008 publié le 31 octobre 2008, et réitérée dans le document remis aux actionnaires et publié sur le site Internet de la société pour l’assemblée générale du 18 décembre 2008 ;

Considérant que le communiqué daté du 20 janvier 2009 et publié le 21 janvier 2009 est intitulé « Risc Group :

Transition assurée et nouvelle organisation en place » ; que son dernier paragraphe, relatif à l’activité, indique :

« Le chiffre d’affaires du second trimestre de l’exercice 2008/2009 sera publié le 13 février 2009 après bourse.

L’activité du second trimestre d’octobre à décembre 2008 est conforme aux prévisions sur le pôle IT Solutions et néanmoins inférieure aux prévisions initiales sur le pôle Inbox. / Fort de ce constat, l’équipe de direction a mis en place des actions correctrices nécessaires pour maintenir le niveau d’activité sur le second semestre de l’exercice » ; que l’intitulé de ce communiqué de presse n’évoque pas les objectifs de la société et n’attire pas l‘attention du lecteur sur les objectifs annoncés pour l’exercice 2008/2009 ; que le texte n’aborde l’activité du groupe que de manière succincte pour la période d’octobre à décembre 2008 en indiquant seulement que cette activité est« inférieure aux prévisions initiales sur le pôle Inbox » ; que cette indication ne constitue pas une annonce claire de la modification des objectifs précédemment annoncés ; que contrairement à ce que soutient la mise en cause, aucun calcul « élémentaire » ne permet aux investisseurs de comprendre que les objectifs annoncés ne pourront être remplis ; que le communiqué poursuit en indiquant « Fort de ce constat, l’équipe de direction a mis en place des actions correctrices nécessaires pour maintenir le niveau d’activité sur le second semestre de l’exercice » ; que la société indique ainsi clairement à ses investisseurs que si l’activité du pôle Inbox n’a pas été conforme aux objectifs pour la période d’octobre à décembre 2008, elle met en œuvre les mesures nécessaires pour que ceux-ci puissent néanmoins être atteints ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les termes du communiqué de presse du 20 janvier 2009 n’étaient pas suffisamment explicites pour informer le marché de l’existence d’un changement significatif concernant l’atteinte des objectifs précédemment annoncés ; que d’ailleurs, l’annonce d’un avertissement sur le résultat n’a été envisagée par la société qu’à partir du 22 janvier 2009, M. B indiquant dans un courriel ce jour-là : « De plus, il faut à cette date convenir de la rédaction du CP avec avertissement sur le CA de l’exercice et sur le résultat » (cote R214) ; que le communiqué de presse paru la veille, le 21 janvier, n’a donc pas été élaboré à l’époque pour donner un « avertissement sur résultats » au public ;

Considérant que le changement significatif affectant l’information privilégiée précédemment rendue publique n’a été divulgué au marché que cinq semaines après la constatation par la société de l’impossibilité d’atteindre ses objectifs de résultat précédemment annoncés par un communiqué du 19 février 2009, qui évoque de façon précise le « changement significatif » survenu ; que s’il peut exister une nuance entre l’exigence de la communication « dès que possible » de l’information privilégiée posée par l’article 223-2 du règlement général de l’AMF et celle de la divulgation « rapidement » d’un changement significatif d’une information privilégiée posée par l’article 223-5 du même règlement, il n’en demeure pas moins qu’une exigence de célérité est imposée à l’émetteur par ces deux articles ;

Considérant que rien n’obligeait Risc Group à attendre pour divulguer ce changement au marché d’avoir la révision chiffrée et précise des objectifs précédemment annoncés ; qu’une information claire faisant état de ce qu’elle n’était plus en mesure de les atteindre eut été, dans un premier temps, suffisante avant de pouvoir communiquer sur les chiffres retenus comme constituant les nouveaux objectifs ; que ses actionnaires avaient d’ailleurs manifesté, par de nombreux courriels qu’ils lui adressaient tout au long du mois de janvier et jusqu’au communiqué du 19 février 2009, leurs inquiétudes sur l’absence de communication sur la santé financière de la société et sa capacité à atteindre ses objectifs, inquiétudes qui avaient également été mises en avant, dès le 6 janvier 2009, par l’agence chargée de la communication de Risc Group, qui indiquait notamment au secrétaire général, dans la liste des « Points à éclaircir » : « 2/ Objectifs annoncés 2008 et 2011 / Suite à l’AG : il demeure peu crédible pour les actionnaires qu’à 10 jours de la clôture du T2 (le 18/12) Risc Group n’ait pas une visibilité sur son activité : elle est bonne ou pas. Beaucoup redoutent un profit warning sur l’exercice en cours » ; que la mise en cause a pourtant attendu pour communiquer cette information primordiale au marché l’issue du processus de révision du budget, opéré semestriellement, lors de la publication du chiffre d’affaires pour le 1 er semestre de l’exercice ;

Considérant que dès lors que Risc Group avait connaissance de son incapacité à atteindre les objectifs qu’elle avait annoncés, la crise de gouvernance qu’elle traversait à cette période est sans incidence sur la caractérisation du manquement ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’impossibilité, constatée par la société au plus tard le 15 janvier 2009, d’atteindre les objectifs de résultats précédemment annoncés, constituait un changement significatif de l’information privilégiée déjà rendue publique qui n’a été divulguée au public que le 19 février 2009, soit cinq semaines plus tard ; que le délai ainsi pris pour rendre l’information publique ne peut pas être qualifié de « rapide » ; que la société a donc manqué à son obligation au titre de l’article 223-5 du règlement général de l’AMF ;

SUR LE GRIEF NOTIFIE A M. B

Considérant que M. B soutient que les enquêteurs ont manqué à leur devoir de loyauté en ne tenant pas compte de son courrier du 25 avril 2012 qui visait à rectifier l’état de trésorerie du 2 janvier 2009 et en ne l’ayant pas annexé de façon apparente au rapport d’enquête ; qu’il fait valoir qu’il n’était pas destinataire du reporting du 2 janvier 2009 et n’avait pas connaissance des derniers chiffres communiqués en interne au sein de la société, de sorte que l’utilisation de ce reporting sans la correction effectuée par la suite est déloyale ; qu’il reproche également aux enquêteurs de ne pas avoir auditionné le directeur financier et l’ancien président directeur général de Risc Group ; qu’il en conclut que « l’ensemble de ces irrégularités, d’une gravité indiscutable, est ainsi de nature à porter atteinte [à ses] droits de la défense, à son droit au contradictoire, et à l’obligation de loyauté qui s’impose » à la DEC, et sollicite « l’annulation de la procédure ou, à tout le moins, [sa] mise hors de cause » ;

Considérant cependant que le principe du contradictoire n’est applicable qu’à compter de la notification des griefs aux mis en cause ; que l’article L. 621-10 du code monétaire et financier, inchangé depuis les faits, autorise les enquêteurs à « convoquer et entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations » ; que « les services d’enquête de l’AMF déterminent librement la nature et l’étendue des investigations auxquelles ils décident de procéder dans le cadre de l’enquête qui leur est confiée » ; que les enquêteurs sont libres de déterminer les éléments qu’ils entendent annexer et utiliser dans leur rapport d’enquête sous réserve du respect de leur devoir de loyauté ;

Considérant que le courrier rectificatif transmis par M. B à la DEC le 25 avril 2012 est annexé à sa réponse à la lettre circonstanciée qui lui a été adressée, réponse elle-même été annexée au rapport d’enquête ; que ce courrier rectificatif figure également en annexe de ses observations en réponse à la notification de griefs ; que, quand bien même il ne serait pas expressément évoqué dans le rapport d’enquête et la notification de griefs, ce document a bien été intégré à la procédure ; qu’il est au demeurant utilisé par M. B dans le cadre de sa défense ; qu’enfin, M. B a eu devant le rapporteur, et devant la Commission des sanctions, la possibilité de faire état de tout élément favorable à sa défense qui en serait issu ;

Considérant, d’ailleurs, que le rapport et la notification de griefs évoquent l’information sur la situation de trésorerie de la société disponible en interne au moment de l’interview de M. B, début janvier 2009, pour la comparer aux montants indiqués par lui dans cet interview, moment auquel il convient de se placer ; qu’il importe donc peu que cette information ait été ou non rectifiée par la suite ;

Considérant qu’ainsi, aucune atteinte au principe du contradictoire ou aux droits de la défense, ni aucun manquement à l’obligation de loyauté des enquêteurs ne sont démontrés ;

Considérant qu’il est reproché à M. B d’avoir « communiqué, lors d’une interview publiée par le magazine ChannelNews le 8 janvier 2009 visant à recueillir [ses] déclarations en [sa] qualité de Président de Risc Group de l’époque, une information inexacte, imprécise ou trompeuse sur la situation financière de la société » en indiquant : « nous disposons de 18 M€ de trésorerie et nous n’avons pas de dette », alors que le reporting financier du 2 janvier 2009, communiqué en interne, faisait ressortir une trésorerie nette cumulée du groupe de 6,78 millions d’euros et une dette de 7,5 millions d’euros ; que la notification de griefs ajoute « vous saviez, ou auriez dû savoir, en votre qualité de Président du conseil d’administration de Risc Group et au vu des éléments en interne que les informations délivrées au public dans le cadre de votre interview étaient inexactes et imprécises » ;

Considérant que le grief est fondé sur l’article 632-1 du règlement général de l’AMF qui disposait, dans sa version applicable à l’époque des faits et non modifiée depuis lors dans un sens moins sévère : « Toute personne doit s’abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers émis par voie d’appel public à l’épargne au sens de l’article L. 411-1 du code monétaire et financier, y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses. [...] » ;

Considérant qu’il résulte des déclarations de M. B aux enquêteurs qu’à l’occasion du changement de gouvernance de Risc Group fin 2008, un journaliste de ChannelNews a publié un article sur le site Internet du magazine le 6 janvier 2009, indiquant que l’ancien dirigeant avait été « écarté de son poste de PDG de Risc Group » ; que Risc

Group a alors souhaité apporter un correctif à cet article, afin de clarifier « les conditions dans lesquelles la nouvelle équipe de direction de la société a[vait] été mise en place » ; que, selon M. B « le journaliste n’acceptait de corriger son article que par une interview du président du conseil d’administration » qui a été réalisée par téléphone le 8 janvier 2009, publiée le 9 janvier 2009 sur le site de ChannelNews, puis sur le site Internet de Risc Group le 19 janvier 2009 ;

Considérant que l’interview ne devant porter, selon lui, que sur la réorganisation de la gouvernance de la société, M. B a pris le risque de l’effectuer seul, sans contact préalable avec le directeur financier ou le secrétaire général de la société, et sans l’aide ni l’assistance de l’agence en charge de la communication financière de la société ;

Considérant qu’à la troisième question du journaliste relative à l’actionnariat de la société, M. B, au lieu de s’abstenir de répondre, a fait une déclaration reproduite dans les termes suivants : « Notre capitalisation est ainsi passée de plus de 100 M€ au plus haut à moins de 40 M€ actuellement, alors que nous disposons de 18 M€ de trésorerie et que nous n’avons pas de dette », tandis que six jours auparavant, le 2 janvier 2009, le directeur financier, avait transmis par courriel un reporting interne faisant apparaître au 30 novembre 2008 un niveau de trésorerie de 6,7 millions d’euros et une dette financière de 7,5 millions d’euros ; que si M. B conteste ces montants qu’il affirme ne pas avoir connus, et si, postérieurement, le communiqué de presse du 19 mars 2009 indique que le groupe disposait au 31 décembre 2008 d’une trésorerie de 13,3 millions d’euros pour une dette financière globale de 6,1 millions, il n’en demeure pas moins qu’au jour de l’interview et de sa publication, la dernière situation de la trésorerie connue était celle résultant du reporting ;

Considérant que M. B conteste la façon dont ses propos ont été retranscrits, soutenant qu’ils ont été tronqués et que les informations communiquées sont mentionnées sans être remises dans leur contexte ; qu’il soutient que l’évocation du niveau de trésorerie fait référence non pas à la situation de la société au jour de l’interview mais aux chiffres communiqués lors de la dernière assemblée générale de la société, le 18 décembre 2008, au cours de laquelle avaient été repris les chiffres de l’exercice clôturé le 30 juin 2008, tandis que l’indication de l’absence de dette fait référence à l’annonce faite, lors de cette même assemblée générale, de l’annulation de la garantie antérieurement données aux affactureurs, la dette « leasers », à la suite de la renégociation des contrats d’affacturage en septembre 2008 ;

Considérant cependant qu’aucune de ces précisions ne figure dans l’interview publiée ; que les informations ainsi données pouvaient être comprises par le marché comme étant effectives au 8 janvier 2009 et non au 30 décembre 2008 ; que l’information sur le niveau de trésorerie et l’état d’endettement de la société communiquée au marché le 9 janvier 2009 à l’occasion de la publication de l’interview était donc imprécise et inexacte ; que M. B, qui s’est désintéressé d’une publication dont il connaissait l’importance pour la société Risc Group, a d’ailleurs laissé celle-ci publier l’interview telle quelle sur son site Internet le 19 janvier 2009, soit dix jours après sa publication sur

Channel News ;

Considérant que M. B fait valoir qu’il n’est pas responsable des propos tenus par un journaliste qui n’agissait pas comme son représentant mais sous sa seule responsabilité ;

Considérant cependant, que c’est M. B qui, dans l’intérêt de Risc Group, a accepté de donner cette interview, et non le journaliste qui en a pris l’initiative ; qu’il s’agissait d’une interview destinée à recueillir ses déclarations, et non de simples dires rapportés sans son assentiment ou d’une analyse de journaliste agissant à titre professionnel pour recommander un investissement sous sa propre responsabilité ; que M. B, qui fait état de sa longue carrière à la direction d’une banque et de ses qualités professionnelles et qui connaissait bien Risc Group dont il était administrateur depuis 2003, aurait dû procéder aux vérifications qui s’imposaient avant d’autoriser la publication de l’interview ; qu’en négligeant de le faire, il a communiqué par l’intermédiaire du journaliste une information dont, à tout le moins, il aurait dû savoir qu’elle était inexacte et imprécise ; que le manquement est donc caractérisé à son encontre ;

SUR LE GRIEF NOTIFIE A M. A

Considérant qu’il est reproché à M. A d’ « avoir manqué à l’obligation d’abstention de diffuser des informations inexactes ou trompeuses, à l’occasion d’un échange de messages électroniques portés à la connaissance du public sur le blog « Bourse pour tous », le 11 novembre 2010, relatifs à la société Risc Group dont [il est] le président directeur général » ; que dans le message ainsi échangé (ci-après : « le Message »), M. A a « notamment écrit que : « La valeur de RISC est trop élevée quand on constate les océans de pertes dont nous avons hérité ! » ; « vraisemblablement sa capitalisation [va] baisser (...) et donc une baisse potentielle du titre (...) par 2 ! » ; « ce n’est pas nous qui vous [petits actionnaires] volons ce sont les lois du marché » ; « tous les spéculateurs qui se plaignent peuvent quitter l’actionnariat de RISC, nous ne les retiendrons pas car ils sont nuisibles à la société » » ; que la notification de griefs relève que « l’information a été diffusée en [sa] qualité de Président directeur général de Risc Group et identifiable comme telle par le public par le biais d’un support à caractère non officiel » et qu’elle « portait [...] sur la valeur de la société, sa valorisation boursière et sur les pertes subies, sans pour autant comporter de données chiffrées précises» ; qu’ainsi, selon la notification de griefs, cette information pourrait « revêtir un caractère inexact, imprécis et insincère au sens des dispositions de l’article 223-1 du règlement général de l’AMF », ce que M. A savait ou aurait dû savoir, au sens de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, en sa qualité de Président directeur général de la société, étant précisé que « l’étude du marché du titre Risc Group montre que la publication de ce message a été suivie d’importants volumes à la vente qui ont entraîné une baisse du cours », alors qu’aucune autre information susceptible de produire un tel effet sur le cours du titre Risc Group n’a été diffusée ;

Considérant que la notification de griefs vise les articles 223-1, 221-1 et 632-1 du règlement général de l’AMF ; que selon l’article 223-1, inchangé depuis les faits, « L'information donnée au public par l'émetteur doit être exacte, précise et sincère » ; que l’article 221-1 in fine, inchangé depuis les faits, prévoit que « Les dispositions du présent titre sont également applicables aux dirigeants de l’émetteur, de l’entité ou de la personne morale concernés » ; que l’article 632-1 du règlement général de l’AMF disposait, dans sa version en vigueur à l’époque des faits et non modifiée depuis lors dans un sens moins sévère : « Toute personne doit s’abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers (Arrêté du 2 avril 2009) « ... », y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses [...] » ;

Considérant que le mis en cause fait valoir que la baisse du cours du titre a débuté dès le 28 septembre 2010 et qu’elle était plus importante la veille de la publication du Message que le lendemain de celle-ci, le titre chutant de

8,82% entre le 10 et le 11 novembre et de 3,23% entre le 11 et le 12 novembre 2010, de sorte qu’il ne peut être considéré que la chute du cours du titre entre le 11 et le 15 novembre 2010 est uniquement due à la publication du Message ; qu’il convient néanmoins de relever que l’absence d’effet sur le cours du titre concerné de la communication d’informations inexactes, imprécises, insincères ou trompeuses est sans incidence sur la caractérisation du manquement de communication d’une fausse information ;

Considérant que le mis en cause souligne que le Message a été publié sur le blog « Bourse pour tous » dans un contexte particulier, qui faisait suite à une réunion d’information des actionnaires qui s’est tenue le 28 septembre 2010, au cours de laquelle la direction de Risc Group a exposé la stratégie mise en place pour que le titre Risc Group abandonne son statut de valeur spéculative sur le marché et redevienne une valeur de rendement et que le compte-rendu de cette réunion a été publié par la société sur son site Internet le 29 septembre 2010, accompagné de la présentation qui y avait été faite, de sorte que le Message ne fait que reprendre des informations qui avaient déjà été communiquées au marché ;

Considérant, cependant, que le fait que l’information critiquée ait déjà été communiquée au marché ne permet pas pour autant d’en déduire qu’elle est exacte, précise, sincère et non trompeuse ; que le compte-rendu de la réunion d’information et de la présentation qui y a été faite indiquent seulement que l’action est stable, que le titre Risc Group abandonne son statut de valeur spéculative pour devenir une valeur de rendement, et qu’une baisse du chiffre d’affaires est à prévoir pour les neuf prochains mois ; qu’aucune explication n’y est toutefois donnée permettant d’établir un lien entre ces trois éléments ; qu’aucune référence n’y est faite à une dégradation de la valeur du titre et à un désinvestissement des actionnaires, ni à un « PER » (multiplicateur pour déterminer la valorisation boursière d’une société cotée) ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutient le mis en cause, ces documents ne différent pas du Message seulement sur la forme et sur le ton employé, mais aussi sur le fond ;

Considérant que le Message est une « réponse collective à différents mails » agressifs ; que les passages cités par la notification de griefs contiennent des expressions générales et imprécises sur des informations financières, dans la mesure où M. A n’indique pas à quoi font référence les « océans de pertes » évoqués, qu’il ne précise pas non plus l’identité des personnes visées par l’emploi du « nous » ni du « vous » alors qu’il est également dirigeant de STS Group, et qu’il procède à une critique de la valorisation du titre Risc Group et à une annonce d’une dégradation potentielle du cours « par 2 » sans donner aucun chiffre ni d’explication claire sur les raisons d’une telle dégradation ; que l’ensemble de ces imprécisions, qui va au-delà d’une réponse générale et pédagogique aux blogueurs sur le ton polémique qui était le leur, contribue à l’absence de clarté du Message et, par conséquent, à son absence d’exactitude et à son caractère trompeur ; que si le mis en cause justifie ainsi ses propos : « je ne comprenais pas que les petits porteurs ne comprennent pas ce que j’avais expliqué lors de la réunion des actionnaires le 28 septembre. [...] Je souhaitais leur indiquer que le cours de bourse est un profit multiplié par un PER. Tant qu’on est sur des baisses mécaniques de chiffre d’affaires, le PER ne peut pas être élevé et donc je voulais les prévenir contre une baisse mécanique du cours de bourse pour qu’ils ne soient pas trompés », le Message ne contient aucune allusion à cette baisse anticipée du chiffre d’affaires ; que l’information ainsi donnée ne peut être qualifiée de précise, exacte et non trompeuse dès lors que l’un des deux éléments qui sous-tendent le raisonnement n’est pas évoqué et qu’aucune articulation n’est faite entre les différentes idées présentées ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. A, outre le ton et la forme employés, a donné une information sur la valorisation de la société et son titre imprécise et trompeuse car incitant les actionnaires à céder leurs actions et inexacte en l’absence de présentation cohérente des idées et du raisonnement ;

Considérant que M. A, président-directeur général de la société depuis le 18 décembre 2009, a reconnu être l’auteur du Message ; qu’il résulte de la combinaison des articles 221-1 et 223-1 du règlement général de l’AMF que le manquement à l’article 223-1 susvisé lui est en conséquence imputable ; qu’en outre, en sa qualité de dirigeant de la société, il « savait ou aurait dû savoir » au sens de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, que l’information communiquée était fausse ; qu’il a d’ailleurs fait publier, sur le site Internet de la société, quelques jours après la publication du Message, une interview expliquant et précisant la portée de celui-ci mais sans s’y prononcer sur la valeur boursière de la société ni sur l’évaluation du cours du titre ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’information portant sur l’appréciation et l’évolution de la valorisation de la société, la possible dégradation du cours du titre, les pertes de la société et le potentiel départ d’actionnaires, communiquée au marché par M. A dans son message publié sur le site « Bourse pour tous » le 11 novembre 2010, était inexacte, imprécise et trompeuse au sens des articles 223-1 et 632-1 du règlement général de l’AMF, et, en conséquence, que le manquement est caractérisé ;

SANCTION ET PUBLICATION

Considérant que selon l’article 621-15 II c) du code monétaire et financier, la Commission des sanctions peut sanctionner toute personne qui s’est livrée à la diffusion d’une fausse information ou à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 621-14 du même code ; que l’article L 621-14 alinéa 1 er , dans sa rédaction applicable aux faits de la cause, vise des « manquements de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché »;

Considérant qu’il résulte de la combinaison des articles L. 621-15 II c) et L. 621-14 I du code monétaire et financier que le manquement à l’obligation de divulguer rapidement tout changement significatif d’une information privilégiée déjà rendue publique constitue un manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement du marché, susceptible d’être sanctionné par la Commission des sanctions ;

Considérant qu’il résulte de l’article L. 621-15 II c) du code monétaire et financier que le manquement à l’obligation de s’abstenir de communiquer des informations susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses, fondé sur les articles 223-1 et 632-1 du règlement général de l’AMF est susceptible d’être sanctionné par la Commission des sanctions ;

Considérant que les faits incriminés se sont déroulés en janvier et février 2009 en ce qui concerne Risc Group et le 8 janvier 2009 en ce qui concerne M. B ; qu’en application de l’article L. 621-15 III c) du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur entre le 6 août 2008 et le 24 octobre 2010, date d’entrée en vigueur de la loi du 22 octobre 2010, la Commission peut prononcer à leur encontre une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 10 millions d’euros ou au décuple des profits éventuellement réalisés ; qu’en ce qui concerne M. A, les faits se sont déroulés le 11 novembre 2011, après l’entrée en vigueur de la loi susvisée ; que le plafond de la sanction encourue est de 100 millions d’euros ou du décuple des profits éventuellement réalisés ;

Considérant que la société Risc Group fait aujourd’hui l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ; que compte tenu de la gravité des faits et de sa situation, il y a lieu de prononcer, à son encontre une sanction pécuniaire de 50 000 euros ;

Considérant que compte tenu de la gravité respective des manquements reprochés à M. B et M. A mais aussi du contexte dans lequel ils sont intervenus, il y a lieu de prononcer à l’encontre de M. B une sanction pécuniaire de 10 000 euros et à l’encontre de M. A une sanction de 5 000 euros ;

Considérant que la publication de la présente décision ne risque ni de perturber gravement les marchés financiers ni de causer un préjudice disproportionné aux mis en cause ; qu'elle sera donc ordonnée ;

PAR CES MOTIFS,

Et après en avoir délibéré sous la présidence de Mme Marie-Hélène Tric, par M. Guillaume Goulard, Mme Anne-José Fulgeras, membres de la 2ème section de la Commission des sanctions, et M. Miriasi Thouch, membre de la 1 ère section de la Commission des sanctions, suppléant de M. Lucien Millou, par application du I de l’article R. 621-7 du code monétaire et financier, en présence du secrétaire de séance,

DÉCIDE DE :

- prononcer à l’encontre de la société Risc Group une sanction pécuniaire de 50 000 € (cinquante mille euros) ;

- prononcer à l’encontre de M. B une sanction pécuniaire de 10 000 € (dix mille euros) ;

- prononcer à l’encontre de M. A une sanction pécuniaire de 5 000 € (cinq mille euros) ;

- publier la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers.