AMF, 2 juillet 2019, n° SAN-2019-10
AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Membres :
Mme Belliard, Mme Le Lorier, M. Gizard, Mme Meyenberg
Président :
Mme Tric
Procédure n° 18-01
Décision n°10
Personnes mises en cause :
La société Invest Securities
Société anonyme
Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 439 866 112
Dont le siège social est situé 73 boulevard Haussmann à Paris (75008)
Prise en la personne de son représentant légal, M. Jean-Emmanuel Vernay
Ayant élu domicile chez Me Caroline Mirieu de Labarre du cabinet MirieuSauty, 34 rue du
Général Foy à Paris (75008)
M. Louis Carlotta
Entrepreneur individuel
Né le [...] à [...]
Domicilié [...]
Ayant élu domicile chez Me Amandine Crot-Cosserat et chez Me Arnaud Péricard du cabinet
Pech de Laclause Bathmanabane & Associés, 8 place Vendôme à Paris (75001)
La société Portal Conseil
Société à responsabilité limitée
Immatriculée au RCS de Montpellier sous le numéro 499 326 403
Dont le siège social est situé 26 allée Jules Milhau Les Bureaux du Triangle à Montpellier (34 000)
Prise en la personne de son représentant légal, M. Jean-Luc Portal
Ayant élu domicile chez Me Gilles Vermont du cabinet Delsol Avocats, 4 bis rue du Colonel Moll à Paris (75017)
La société Exec Finance
Société à responsabilité limitée
Immatriculée au RCS de Montpellier sous le numéro 491 703 013
Dont le siège social est situé 1025 avenue Henri Becquerel 10 Parc Club Millénaire à
Montpellier (34 0000)
Prise en la personne de son représentant légal, M. Alain Terzulli
Ayant élu domicile chez Me Amandine Crot-Cosserat et chez Me Arnaud Péricard du cabinet
Pech de Laclause Bathmanabane & Associés, 8 place Vendôme à Paris (75001)
La 1ère section de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après : « AMF ») :
Vu le code monétaire et financier et notamment ses articles L. 214-24, L. 214-24-1, L. 533-1, L. 533-11 et L. 541-8-1 ;
Vu le règlement général de l’AMF et notamment ses articles 314-3, 421-1, 421-2.
Après avoir entendu au cours de la séance publique du 14 juin 2019 :
- M. Bernard Field, en son rapport ;
- M. Xavier Jalain, représentant le collège de l’AMF ;
- La société Invest Securities, représentée par son directeur général, M. Jean-Emmanuel Vernay, et assistée par son conseil Me Caroline Mirieu de Labarre ;
- M. Louis Carlotta assisté par ses conseils Me Amandine Crot-Cosserat et Me Arnaud Péricard ;
- La société Portal Conseil, représentée par son gérant, M. Jean-Luc Portal, et assisté par son conseil Me Gilles Vermont ;
- La société Exec Finance, représentée par son gérant, M. Alain Terzulli, et assistée par ses conseils Me Amandine Crot-Cosserat et Me Arnaud Péricard.
Les mis en cause ayant eu la parole en dernier.
FAITS
La société Invest Securities (ci-après « Invest Securities »), créée en 2001 et dont le directeur général est M. Jean-Emmanuel Vernay, est un prestataire de service d’investissement (ci-après : « PSI ») qui exerce notamment le service de réception, transmission et exécution d’ordres pour le compte de tiers, le conseil en investissement et le placement non garanti.
Invest Securities a conclu, d’une part, le 15 juin 2015 une convention (ci-après la « Convention Émetteur/Prestataires ») avec Viagefi 6 Limited, fonds d’investissement de droit anglais (ci-après le « Fonds ») spécialisé dans l’acquisition et la revente de biens immobiliers avec réserve de droit d’usage et d’habitation, aux termes de laquelle une mission de placement des actions de ce Fonds auprès de souscripteurs lui a été confiée.
Elle a conclu, d’autre part, plusieurs contrats d’apporteur d’affaires avec des conseillers en investissements financiers (ci-après « CIF »), organisant les conditions de sa mise en relation, par ces derniers, de clients potentiels susceptibles de souscrire à ce Fonds, notamment, les 24 et 25 août 2015, avec M. Louis Carlotta et les sociétés Portal Conseil et Exec Finance, respectivement gérées par MM. Jean-Luc Portal et Alain Terzulli.
Chacun de ces apporteurs d’affaires s’est inscrit en tant que CIF sur le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance tenu par l’ORIAS et a adhéré à la Chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine (CNCGP) ou à l’Association nationale des conseils financiers (ANACOFI-CIF).
À l’époque des faits, soit entre le 25 août 2015 et le 29 janvier 2017, M. Carlotta, Portal Conseil et Exec Finance ont conseillé à respectivement quatre, deux et neuf clients de souscrire à des actions du Fonds et ont perçu, à ce titre, des commissions d’apport.
Par communiqué du 23 janvier 2017, l’AMF a attiré l’attention du public sur le produit Viagefi 6 Limited en indiquant que ce fonds d’investissements alternatif (ci-après « FIA ») britannique n’était pas autorisé à la commercialisation en France.
PROCÉDURE
Le 30 janvier 2017, le secrétaire général de l’AMF a décidé de procéder à un contrôle du respect par Invest Securities de ses obligations professionnelles ce qui a donné lieu à l’établissement d’un rapport du 29 mai 2017.
Le 21 avril 2017, le secrétaire général de l’AMF a décidé de procéder à un contrôle du respect par Portal Conseil de ses obligations professionnelles ce qui a donné lieu à l’établissement d’un rapport du 6 juillet 2017.
Le 31 mai 2017, le secrétaire général de l’AMF a décidé de procéder à un contrôle du respect par M. Carlotta et Exec Finance de leurs obligations professionnelles ce qui a donné lieu à l’établissement de rapports du 7 septembre 2017.
Ces rapports de contrôle ont été adressés respectivement à Invest Securities par lettre du 1er juin 2017, à Portal Conseil par lettre du 11 juillet 2017, ainsi qu’à M. Carlotta et Exec Finance par lettres du 12 septembre 2017. Ces lettres les informaient qu’ils disposaient d’un délai d’un mois pour présenter des observations.
Par lettres des 13 juillet 2017, 18 août 2017, 17 octobre 2017 et 20 octobre 2017, Invest Securities, Portal Conseil, M. Carlotta et Exec Finance ont, chacun, déposé leurs observations.
La commission spécialisée n° 2 du collège de l’AMF a décidé, le 7 décembre 2017, de notifier des griefs à Invest Securities. La notification de griefs a été adressée à Invest Securities par lettre du 15 janvier 2018.
La commission spécialisée n° 3 du collège de l’AMF, a décidé, le 15 décembre 2017, de notifier des griefs à M. Carlotta, Portal Conseil et Exec Finance et de leur adresser une proposition d’entrée en voie de composition administrative.
Les notifications de griefs assorties des propositions d’entrée en voie de composition administrative ont été adressées à M. Carlotta, Portal Conseil et Exec Finance par lettres du 25 janvier 2018.
Une copie de la notification de griefs d’Invest Securities a été transmise le 15 janvier 2018 à la présidente de la commission des sanctions, conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier.
Il est reproché à Invest Securities d’avoir, en méconnaissance des dispositions des articles L. 533-1 et L. 533-11 du code monétaire et financier ainsi que de l’article 314-3 du règlement général de l’AMF, manqué à son obligation d’agir de manière professionnelle avec le soin qui s’impose afin de favoriser l’intégrité du marché et servir au mieux les intérêts de ses clients, en ne procédant pas aux vérifications nécessaires préalablement à la commercialisation du Fonds et en exécutant des ordres de souscription sur un titre non autorisé à la commercialisation en France.
Par décision du 22 janvier 2018, la présidente de la commission des sanctions a désigné M. Miriasi Thouc en qualité de rapporteur.
Par lettre du 8 février 2018, Invest Securities a été informée qu’elle disposait d’un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier.
Le 14 mars 2018, Invest Securities a présenté des observations en réponse à la notification de griefs.
À défaut de conclusion d’accord de composition administrative, une copie des notifications de griefs deM. Carlotta, Portal Conseil et Exec Finance a été transmise par lettres du 18 juillet 2018 à la présidente de la commission des sanctions, conformément aux dispositions des articles R. 621-14-1 et R. 621-37-5 du code monétaire et financier. Ces lettres invitaient M. Carlotta, Portal Conseil et Exec Finance à faire parvenir des observations écrites dans un délai de deux mois à compter de la réception du courrier les informant de la transmission des notifications de griefs à la présidente de la commission des sanctions.
Il est reproché à M. Carlotta, Portal Conseil et Exec Finance d’avoir, en méconnaissance des dispositionsdu 1° et du 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier, manqué à leur obligation de se comporter avec loyauté et d’agir avec équité ainsi que d’exercer leur activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent, le tout au mieux des intérêts de leurs clients, en conseillant et en faisant souscrire à ces derniers des titres non autorisés à la commercialisation en France. Les notifications de griefs de M. Carlotta,
Portal Conseil et Exec Finance précisent que le grief notifié serait aggravé par le fait que dans le cadre des souscriptions litigieuses ils ont diffusé des informations imprécises, inexactes et trompeuses à des clients dont le profil ne correspondait pas aux caractéristiques du produit conseillé.
Par décision du 11 septembre 2018, la présidente de la commission a des sanctions a désigné
M. Bernard Field en qualité de rapporteur, en remplacement de M. Miriasi Thouch.
Par lettres du 18 septembre 2018, Invest Securities, M. Carlotta, Portal Conseil et Exec Finance ont été informés qu’ils disposaient d’un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier.
Respectivement le 18 septembre 2018, le 18 octobre 2018 et le 2 novembre 2018, Portal Conseil, M. Carlotta et Exec Finance ont déposé des observations en réponse à la notification de griefs. Portal Conseil, M. Carlotta et Exec Finance ont été entendus par le rapporteur respectivement le 10 janvier 2019, le 16 janvier 2019 et le 17 janvier 2019, et, à la suite de leur audition, Exec Finance et M. Carlotta nt déposé des observations le 24 janvier 2019.
Par lettre du 24 janvier 2019, Invest Securities a été informée par le rapporteur qu’à la suite de l’échec desprocédures de composition administrative ouvertes à l’égard de M. Carlotta, Portal Conseil et Exec Finance, leurs notifications de griefs avaient été ajoutées à la procédure et qu’elle avait ainsi la possibilité de faire parvenir de nouvelles observations en réponse à la notification de griefs.
Le 22 mars 2019, Invest Securities a présenté de nouvelles observations en réponse à la notification de griefs.
Invest Securities a été entendue par le rapporteur le 3 avril 2019.
Le rapporteur a déposé son rapport le 9 mai 2019.
Par lettres du 10 mai 2019 auxquelles était joint le rapport du rapporteur, Invest Securities, M. Carlotta, Portal Conseil et Exec Finance ont été convoqués à la séance de la commission des sanctions du 14 juin 2019 et informés qu’ils disposaient d’un délai de quinze jours pour présenter des observations en réponse au rapport du rapporteur, conformément aux dispositions du III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.
Par lettres du 16 mai 2019, Invest Securities, M. Carlotta, Portal Conseil et Exec Finance ont été informés de la composition de la formation de la commission des sanctions appelée à délibérer lors de la séance du 14 juin 2019 ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres.
Des observations en réponse au rapport du rapporteur ont été déposées le 27 mai 2019 par Portal Conseil, le 29 mai 2019 par M. Carlotta et Exec Finance et le 31 mai 2019 par Invest Securities.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I. Sur les moyens de procédure
1. Moyens de procédure soulevés par Invest Securities
Sur la violation des principes du contradictoire et des droits de la défense
1. Invest Securities soutient que les faits qui lui sont reprochés et les qualifications juridiques retenues n’étaient pas formulés de façon claire et précise dans la notification de griefs, de sorte que le principe du contradictoire et les droits de la défense ont été violés. Elle relève que la notification de griefs a substantiellement réduit le champ de la poursuite et s’est fondée sur deux notions juridiques, celles de « commercialisation active » et celle d’«exécution d’ordres pour le compte de tiers », qui n’avaient jamais été évoquées auparavant dans le cadre de la procédure.
2. Cependant, d’une part, le collège de l’AMF, conformément au I de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier et en application du principe d’opportunité des poursuites, décide de la nature et de l’étendue des griefs qu’il notifie. Le respect du principe de la contradiction et des droits de la défense, garantis par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, exige que les griefs soient formulés de façon suffisamment claire et précise pour que l’intéressé connaisse les faits qui lui sont reprochés et la qualification juridique envisagée.
3. En l’espèce, la notification de griefs retient d’abord qu’Invest Securities n’a pas procédé aux vérifications nécessaires avant de fournir le service de placement en vue de la commercialisation du Fonds en France, ensuite, qu’elle a exécuté des ordres sur un titre non admis à la commercialisation en France, de sorte qu’elle aurait manquée aux dispositions des articles L. 533-1 et L. 533-11 du code monétaire et financier et 314-3 du règlement général de l’AMF.
4. Elle indique donc de manière claire et précise les faits reprochés à Invest Securities ainsi que les qualifications juridiques envisagées.
5. D’autre part, en relevant qu’Invest Securities « a participé de manière active à la commercialisation en France d’un Fonds n’ayant reçu aucune autorisation » et qu’elle a « fourni aux investisseurs le service d’exécution d’ordres pour le compte de tiers », puis en renvoyant aux dispositions du 2° de l’article D. 321-1 du code monétaire et financier, la notification de griefs ne s’est pas fondée sur des notions nouvelles, sans lien avec les éléments du dossier.
6. Ainsi, Invest Securities a été en mesure de présenter sa défense, ce qu’elle a fait en présentant des observations claires et précises en réponse à la notification de griefs ainsi qu’au rapport du rapporteur, puis en faisant valoir ses observations oralement lors de la séance.
Sur la violation du principe d’égalité des armes
7. Invest Securities expose que le dossier concernant la commercialisation des actions du Fonds a été fractionné et présenté au collège de l’AMF en plusieurs temps. Selon elle, il en est résulté une rupture d’égalité des armes à son détriment.
8. Le principe d’égalité des armes suppose que chaque partie se voit offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions telles qu’elle ne soit pas placée dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire.
9. En l’espèce, au cours du contrôle, Invest Securities a pu transmettre des documents et faire valoir ses arguments. Une fois les griefs notifiés, elle a obtenu la copie de l’intégralité du dossier soumis à la commission, a été entendue par le rapporteur et a pu présenter des observations à plusieurs stades de la procédure et, en dernier lieu, lors de la séance de la commission.
10. Par ailleurs, les dispositions de l’article L. 621-14-1 du code monétaire et financier permettent au collège, en même temps qu’il notifie des griefs, d’adresser aux personnes mises en cause une proposition d’entrée en voie de composition administrative. Ainsi, dans le cadre de procédures distinctes de celle dont la commission est saisie, le collège a conclu avec certains CIF ayant commercialisé le produit litigieux des accords de composition administrative. Ce choix du collège n’entraîne pas de rupture de l’égalité des armes dans la présente procédure.
11. Le moyen tiré de la violation du principe de l’égalité des armes doit donc être écarté.
Sur la sollicitation de mesures d’instruction complémentaires
12. Invest Securities a sollicité du rapporteur la communication des pièces de deux procédures relatives à la commercialisation des actions du Fonds ayant donné lieu à la conclusion d’accords de composition administrative, un rapprochement avec la Financial Conduct Authority (ci-après « FCA »), homologue de l’AMF au Royaume-Uni, pour obtenir des renseignements sur la procédure d’enregistrement sur le registre des « small registered UK AIFMs » et, enfin, l’établissement de la liste des CIF qui ont commercialisé directement les actions du Fonds sans son intermédiaire. Elle lui reproche d’avoir rejeté ses demandes.
13. Le rapporteur, qui procède, en application de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier, à toutes diligences utiles, apprécie souverainement s’il y a lieu ou non de réaliser des investigations complémentaires à la demande des personnes mises en cause.
14. Au demeurant, Invest Securities ne démontre pas en quoi la communication de pièces issues de procédures distinctes, sans lien avec les griefs qui lui ont été notifiés, aurait été utile. Elle ne justifie pas davantage de la pertinence d’obtenir des éléments d’information de la FCA sur la procédure d’enregistrement du Fonds au regard des seules exigences du I de l’article L. 214-24-1 du code monétaire et financier, aux termes duquel est transmise une notification à l’AMF pour chaque FIA établi dans un Etat membre de l’Union européenne avant sa commercialisation. Enfin, la circonstance que d’autres souscriptions, à les supposer établies, auraient été réalisées sans l’intermédiation d’Invest Securities est sans conséquence sur les faits qui lui sont reprochés. L’établissement d’une liste de l’ensemble de ces souscriptions n’est donc pas une mesure d’instruction utile.
15. Le moyen tiré du refus du rapporteur d’accueillir les demandes de mesures d’instruction complémentaires sera donc écarté.
2. Moyen de procédure soulevé par Portal Conseil tiré de la violation des droits de la défense
16. Portal Conseil fait valoir qu’elle n’a eu communication de l’intégralité du dossier que tardivement, après la notification de griefs, et ce de manière incompatible avec l’exercice normal des droits de la défense.
17. Elle ne tire cependant aucune conséquence juridique de la communication tardive invoquée.
18. Au demeurant, la notification de griefs de Portal Conseil précise qu’elle peut demander copie de l’intégralité des pièces du dossier, ce qu’a fait son avocat, constitué plus d’un mois après la réception du courrier notifiant à Portal Conseil qu’elle disposait d’un délai de deux mois pour faire parvenir des observations écrites en réponse à la notification de griefs.
19. En outre, Portal Conseil a présenté des observations en réponse à la notification de griefs, sans solliciter de délai supplémentaire. Elle a, par la suite, fait valoir ses observations lors de son audition par le rapporteur, puis en réponse au rapport du rapporteur et enfin lors de la séance.
20. Ainsi, le moyen tiré de la violation des droits de la défense n’est pas fondé.
II. Sur les griefs
21. Pour apprécier la caractérisation des griefs notifiés aux mis en cause, il convient de déterminer si les actions du Fonds étaient autorisées à la commercialisation en France.
22. Aux termes du I de l’article L. 214-24-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 28 juillet 2013, non modifiée depuis sur ces points dans un sens moins sévère : « Toute société de gestion de portefeuille française, toute société de gestion agréée établie dans un État membre de l’Union européenne ou tout gestionnaire établi dans un pays tiers transmet, préalablement à la commercialisation en France de parts ou actions de FIA établis dans un État membre de l’Union européenne ou dans un pays tiers auprès de clients professionnels, avec ou sans passeport, une notification à l’Autorité des marchés financiers pour chaque FIA qu’elle a l’intention de commercialiser.
[...]. » .
23. Les notifications de griefs adressées aux quatre mis en cause affirment que Viagefi 6 Limited est un FIA enregistré au Royaume-Uni.
24. Invest Securities et Portal Conseil font valoir que la poursuite, pour qualifier le Fonds de FIA, ne s’est fondée que sur l’inscription de celui-ci sur le registre des « small registered UK AIFMs » de la FCA alors qu’il ne remplit pas les critères de qualification des FIA et qu’il a ultérieurement été retiré de ce registre.
Ils soulignent encore que les fonds Viagefi 1 à 5 n’étaient pas, initialement, des FIA.
25. Cependant, il résulte de l’extrait du registre des « small registered UK AIFMs » de la FCA, annexé aux rapports de contrôle des mis en cause, que Viagefi 6 Limited était catégorisé comme FIA depuis le 20 novembre 2014.
26. Au demeurant, Viagefi 6 Limited est présenté comme tel dans la documentation juridique fournie aux souscripteurs lors du placement du produit, et notamment dans la note d’information, la plaquette commerciale et le document d’information clé pour l’investisseur.
27. Enfin, le fait que les fonds Viagefi 1 à 5, entités indépendantes, ne figuraient pas, antérieurement au
20 novembre 2014, sur le registre des « small registered UK AIFMs » de la FCA comme celui, à le supposer établi, que le Fonds ait été, postérieurement aux faits reprochés, retiré dudit registre de la FCA, sont inopérants.
28. Dès lors, en application des dispositions susvisées, la commercialisation en France du Fonds était soumise à une autorisation délivrée par l’AMF. A défaut de celle-ci, elle était interdite.
1. Sur le grief pris de la violation des articles L. 533-1 et L. 533-11 du code monétaire et financier et 314-3 du règlement général de l’AMF notifié à Invest Securities
29. Il est fait grief à Invest Securities d’avoir manqué à son obligation d’agir afin de favoriser l’intégrité du marché et au mieux des intérêts de ses clients, en méconnaissance des articles L. 533-1 et L. 533-11 du code monétaire et financier et 314-3 du règlement général de l’AMF, en ne procédant pas aux vérifications nécessaires préalables à la fourniture du service de placement en vue de la commercialisation du Fonds en France et en exécutant, par l’organisation d’un réseau de CIF, des ordres de souscription sur un titre non admis à la commercialisation en France.
Sur les textes applicables
30. L’article L. 533-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er novembre 2007, non modifiée dans un sens moins sévère, énonce que les PSI : « agissent d’une manière honnête, loyale et professionnelle, qui favorise l’intégrité du marché ».
31. L’article L. 533-11 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 1er novembre 2007 au 3 janvier 2018, non modifiée dans un sens moins sévère, précisait que les PSI : « Lorsqu’ils fournissent des services d’investissement et des services connexes à des clients, [...] agissent d’une manière honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des clients ».
32. Depuis le 3 janvier 2018, l’article L. 533-11 du code monétaire et financier énonce que les PSI autres que les sociétés de gestion de portefeuille : « Lorsqu’ils fournissent des services d’investissement et des services connexes à des clients, [...] agissent d’une manière honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des clients ».
33. Depuis cette même date, l’article L. 533-22-2-1 du code monétaire et financier précise quant à lui que les sociétés de gestion de portefeuille : « agissent d’une manière honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des investisseurs ».
34. Enfin, l’article 314-3 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur du 21 octobre 2011 au 2 janvier 2018, non modifiée dans un sens moins sévère, énonce que le PSI : « agit d’une manière honnête, loyale et professionnelle, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent, afin desservir au mieux l’intérêt des clients et de favoriser l’intégrité du marché. [...] ».
35. Les faits seront donc examinés à la lumière des dispositions précitées dans leur version applicable à l’époque des faits.
Sur la participation à la commercialisation du Fonds
36. Invest Securities soutient qu’il incombait au Fonds de demander à l’AMF l’autorisation de commercialisation en France.
37. Elle fait valoir qu’en vertu du principe de l’effet relatif des contrats, la poursuite ne peut se prévaloir de la convention Émetteur/Prestataire pour caractériser un manquement.
38. Elle ajoute que celle-ci prévoyait uniquement qu’elle était tenue de procéder aux diligences « métier » et « corporate », et non aux diligences juridiques dont le conseil du Fonds avait indiqué se charger.
39. Elle précise qu’elle a simplement collecté les ordres de souscription et que, contrairement à ce qu’indique la notification de griefs, elle n’a jamais organisé de réseau de CIF ni exécuté les ordres pour le compte des clients, ce que ni la convention Émetteur/Prestataire ni les contrats d’apporteur d’affaires ne prévoyaient ni ne rémunéraient.
40. Si la notion de « commercialisation » n’est définie par aucune disposition légale ni par aucun texte règlementaire, la Commission des opérations de bourse a précisé, dans le Bulletin mensuel publié en 2003, relatif à « la régulation de la multigestion alternative », au sujet de fonds d’investissements étrangers que : « [...] Par commercialisation d’un fonds de droit étranger, on entend sa présentation par différentes voies (publicité, démarchage ou placement par un prestataire de services d’investissement), en vue d’inciter un investisseur potentiel [...] à la souscription de part. »
41. En l’espèce, il ressort de la convention Émetteur/Prestataire qu’Invest Securities avait pour mission d’organiser le placement des actions du Fonds auprès des souscripteurs, ce qui n’est pas contesté par la mise en cause, qu’elle devait vérifier l’adéquation de l’investissement à la situation du souscripteur et recueillir, centraliser et séquestrer les bulletins de souscription ainsi que les documents utiles à la souscription.
42. Il ressort également des dossiers clients versés à la procédure, et notamment des documents intitulés « Demande de souscription – Viagefi 6 Limited », que pour chacun d’entre eux, Invest Securities a vérifié puis validé chaque demande de souscription.
43. Il est donc établi qu’Invest Securities a participé à la commercialisation du Fonds.
Sur l’absence des vérifications nécessaires préalablement à la commercialisation du Fonds
44. Invest Securities précise avoir, préalablement à la commercialisation du Fonds, procédé à certaines diligences mais avoir été trompée par le Fonds et son conseil sur la régularité de l’opération. Elle souligne le caractère flou, à l’époque des faits, de la définition et du régime de commercialisation des FIA étrangers. Elle met en avant sa bonne foi et son rôle très limité dans l’opération de commercialisation
45. Comme dit précédemment et comme le mentionnait la documentation commerciale, le Fonds était, à l’époque des faits, un FIA de droit étranger de sorte que la commercialisation en France de ses actions était subordonnée à une autorisation délivrée par l’AMF.
46. Il n’est pas reproché à Invest Securities d’avoir omis de transmettre une notification à l’AMF, préalablement à la commercialisation en France des actions du Fonds, mais d’avoir omis de réaliser des vérifications nécessaires préalablement à cette commercialisation. Les arguments d’Invest Securities sont donc partiellement inopérants.
47. Le fait pour un PSI de procéder au placement des actions d’un fonds sans s’être assuré au préalable que leur commercialisation était autorisée en France constitue un comportement nécessairement contraire à son obligation d’agir de manière professionnelle avec le soin qui s’impose pour favoriser l’intégralité du marché.
48. En l’espèce, d’une part, la convention Émetteur/Prestataire prévoyait expressément que l’opération était soumise à un enregistrement auprès de l’AMF, sur le fondement de l’article L. 214-24 du code monétaire et financier, et, contrairement à ses allégations, qu’Invest Securities, était en charge des « due diligences juridiques [...] en relation avec le(s) avocat(s) [...] de la Société », en sus des « due diligences métier ».
49. D’autre part, les pièces versées au dossier, et notamment de courriels adressés à Invest Securities les 11 juin 2014, 13 juin 2014, 22 mai 2015 et 24 juin 2015 par le conseil du Fonds, établissent que celui-ci l’a avisée du fait que le Fonds devait faire l’objet d’un enregistrement auprès de l’AMF. Ainsi, dans ses courriels respectifs du 11 juin 2014 et du 24 juin 2015, le conseil du Fonds indique : « [...] il m’aurait été agréable d’obtenir dans les meilleurs délais une simple lettre de confort mentionnant que votre société INVEST SECURITIES, en tant que PSI est chargée d’accompagner ma demande [...] dans la délivrance d’une autorisation AMF [...]. » et « [...] dans l’enregistrement qui doit être réalisé auprès de l’AMF, je suppose que celui-ci est assuré par vous ou à défaut par nos soins, mais avec votre assistance ; [...]. ».
50. Il ne peut donc être sérieusement soutenu que le conseil du Fonds avait indiqué qu’il se chargeait des diligences juridiques.
51. Il résulte de ce qui précède que la notification de griefs est fondée à indiquer que « les éléments à la disposition d’INVEST SECRUTIES étaient de nature à l’alerter sur cette absence d’autorisation ».
52. La circonstance qu’Invest Securities aurait fait confiance au Fonds et à son conseil quant à la régularité de l’opération et, de ce fait, ignoré que la commercialisation des titres n’était pas autorisée en France, n’a pas d’incidence sur la caractérisation du grief. Il en va de même, à la supposer établie, de la réalisation d’autres diligences préalablement à la commercialisation.
53. En outre, il convient de souligner que la Directive AIFM a été transposée en droit français par l’ordonnance n°2013-687 du 25 juillet 2013, soit deux ans avant la date des faits reprochés, et que l’AMF a publié de la doctrine à ce sujet afin de guider les professionnels, de sorte que l’argument tiré du caractère flou de la notion de FIA et de son régime est inopérant.
54. Enfin, l’obligation d’agir de manière professionnelle faite aux PSI est indifférente à un quelconque élément moral et la bonne foi, ou le rôle mineur joué par celui-ci dans la commercialisation du produit litigieux, est sans incidence sur la caractérisation du manquement.
55. Ainsi, en ne procédant pas aux vérifications nécessaires avant le placement des actions du Fonds, dont la commercialisation n’était pas autorisée en France, Invest Securities n’a pas exercé son activité de manière professionnelle, avec le soin qui s’impose, pour favoriser l’intégrité du marché et, partant, a méconnu les dispositions des articles L. 533-1 du code monétaire et financier et 314-3 du règlement général de l’AMF.
Sur l’exécution d’ordres de souscription sur un titre non admis à la commercialisation
56. Lors de la séance, le représentant du collège a déclaré que celui-ci renonçait à poursuivre ce sous-grief. Il convient de lui en donner acte.
57. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le manquement d’Invest Securities à son obligation d’agir de manière professionnelle, avec le soin qui s’impose, pour favoriser l’intégrité du marché, en violation des dispositions des articles L. 533-1 du code monétaire et financier et 314-3 du règlement général de l’AMF, est caractérisé, mais seulement en ce qu’elle n’a pas procédé aux vérifications nécessaires avant de fournir le service de placement en vue de la commercialisation du Fonds.
2. Sur le grief pris de la violation des 1° et 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier notifié à M. Carlotta
58. Il est fait grief à M. Carlotta d’avoir méconnu les dispositions des 1° et 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier en conseillant et en faisant souscrire à ses clients des actions du Fonds alors qu’il n’était pas autorisé à la commercialisation en France.
59. M. Carlotta soutient qu’Invest Securities était seule soumise aux dispositions des articles L. 214-24-1 du code monétaire et financier et 421-3 du règlement général de l’AMF et qu’il lui a fait confiance, ainsi qu’au Fonds, quant à la régularité de l’opération, de sorte qu’il ne savait pas que la commercialisation en France était interdite.
60. Il fait valoir qu’en sa qualité d’apporteur d’affaires il n’avait aucune obligation de vérifier les affirmations d’Invest Securities, les informations disponibles sur le site de la FCA ou encore les informations contenues dans la documentation commerciale du Fonds.
61. Il précise qu’il a respecté les obligations professionnelles qui lui incombaient en tant que CIF
(établissement d’un document d’entrée en relation, d’une lettre de mission, d’un rapport écrit etc.) et qu’avant de recommander le produit litigieux à ses clients il a pris en compte leurs attentes, objectifs et profils de risque.
62. Il souligne qu’il a remis à ses clients la documentation commerciale du Fonds et qu’il leur a précisé les risques encourus.
63. Selon lui, les quatre clients concernés étaient des investisseurs aguerris, ayant accepté un risque modéré, et étaient informés que l’investissement était réservé à des investisseurs professionnels.
64. Enfin, il relève que ces clients n’ont subi aucun préjudice et n’ont formulé aucune réclamation.
Sur les textes applicables
65. Le 1° et le 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier, dans leur rédaction en vigueur du 24 octobre 2010 au 2 janvier 2018 énonçaient : « Les conseillers en investissements financiers doivent :
/ 1° Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients ;
/ 2° Exercer leur activité, dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent aux mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de services adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs ; »
66. Depuis le 3 janvier 2018, le 1° et le 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier indiquent que : « Les conseillers en investissements financiers doivent :
/ 1° Agir d’une manière honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des clients ;
/ 2° Exercer leur activité, dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent, au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de service adaptée et proportionnée à leurs
besoins et à leurs objectifs ; »
67. Ces nouvelles dispositions, qui sont équivalentes aux précédentes, sont insusceptibles de recevoir une application rétroactive.
68. Les faits seront donc examinés à la lumière des dispositions précitées dans leur rédaction en vigueur du 24 octobre 2010 au 2 janvier 2018.
Sur le manquement aux obligations prévues aux 1° et 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier reproché à M. Carlotta
69. Comme dit précédemment, en application du I de l’article L. 214-24-1 du code monétaire et financier, la commercialisation en France des actions du Fonds était subordonnée à une autorisation délivrée par l’AMF et, à défaut d’obtention de celle-ci, était interdite.
70. Afin de déterminer si les dispositions invoquées sont applicables en l’espèce, il convient de rechercher si la commercialisation des actions du Fonds est intervenue dans le cadre de l’une des activités susceptibles d’être exercées par un CIF en application du I ou du II de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier.
71. Aux termes des articles D. 321-1 5° du code monétaire et financier et 314-43 du règlement général de l’AMF, le service de conseil en investissement se caractérise par la fourniture à un tiers de recommandations personnalisées qui concernent une ou plusieurs transactions portant sur un instrument financier.
72. En l’espèce, les quatre clients ayant souscrit des actions du Fonds ont reçu et contresigné un document intitulé « lettre de mission », qui figure au dossier.
73. Ce document précise la mission de M. Carlotta en indiquant que celui-ci réaliserait, dans un premier temps, un audit ou un bilan de la situation patrimoniale du client comprenant sa situation financière, son expérience et ses objectifs en matière d’investissement puis, formulerait des conseils à partir des informations obtenues.
74. Ces clients ont renseigné un questionnaire de profil de risques ainsi qu’un recueil d’informations sur leur situation professionnelle, matrimoniale, familiale et patrimoniale.
75. Ils ont indiqué dans une lettre versée au dossier avoir conféré un mandat à M. Carlotta pour se voir
conseiller des placements et investissements adaptés à la gestion de leur patrimoine.
76. Lors de son audition par le rapporteur, M. Carlotta a déclaré : « J’ai sélectionné dans mes clients ceux qui étaient en capacité de souscrire à ce produit [...] ».
77. Il ressort de l’ensemble de ces éléments que le conseil prodigué par M. Carlotta était présenté comme adapté au client. Il a donc formulé une recommandation personnalisée au sens de l’article 314-43 du règlement général de l’AMF.
78. Cette recommandation portait sur l’acquisition d’actions du Fonds qui correspondait à une société de placement à capital fixe à responsabilité limitée immatriculée en Angleterre et au Pays de Galles, titres qui étaient assimilables à des instruments financiers en application des articles L. 211-1 et L. 211-41 du code monétaire et financier.
79. Il s’ensuit qu’à l’occasion de la commercialisation des actions du Fonds, M. Carlotta a fourni un conseil en investissement tel que défini au 5° de l’article D. 321-1 du code monétaire et financier, activité qui entre dans les prévisions du 1° du I de l’article L. 541-1 du même code.
80. Il résulte des pièces du dossier que M. Carlotta a mis à la disposition de ses clients la documentation commerciale du Fonds et qu’il a conseillé et fait souscrire quatre d’entre eux, entre le 25 août 2015 et le 10 octobre 2016, pour un montant total de 360 000 euros.
81. Le fait pour un CIF de recommander un investissement dans des instruments financiers sans s’être assuré au préalable que leur commercialisation était autorisée en France constitue un comportement nécessairement contraire à l’intérêt des clients, qui doivent bénéficier de conseils professionnels s’inscrivant dans le respect de la règlementation applicable.
82. Le respect par M. Carlotta de ses autres obligations de CIF, la confiance faite à Invest Securities et au Fonds et son intervention en seule qualité d’apporteur d’affaires, sont sans incidence sur la caractérisation du grief. De même, l’absence de préjudice causé aux clients concernés ou de réclamation de ces derniers n’est pas de nature à influer sur la caractérisation du grief.
83. Ainsi, en recommandant à quatre clients d’investir dans des actions du Fonds, dont la commercialisation n’était pas autorisée en France, M. Carlotta n’a pas exercé son activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de ses clients et, partant, a méconnu le 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier.
84. La notification de griefs ne précise pas en quoi M. Carlotta aurait, à raison des mêmes faits, contrevenu également à l’obligation faite aux CIF de « se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients » prévue au 1° de même article, de sorte qu’il n’y a pas lieu de retenir un manquement sur ce fondement.
Sur les circonstances aggravantes
85. La notification de griefs soutient que le manquement de M. Carlotta est aggravé par le fait qu’il a diffusé des informations imprécises, inexactes et trompeuses auprès de clients dont le profil ne correspondait pas aux caractéristiques du produit conseillé.
86. Il convient d’observer que la diffusion d’informations imprécises, inexactes et trompeuses et l’inadéquation du produit conseillé au profil des clients, relatives à une activité prohibée ne peuvent être retenues au titre de manquements à une obligation qui se trouve privée de sens et de contenu. En revanche, si elles sont établies, elles peuvent constituer des circonstances aggravantes du grief de commercialisation en France du Fonds sans autorisation préalable de l’AMF.
87. En l’espèce, la plaquette commerciale du Fonds indiquait que celui-ci était « agréé par la Financial Conduct Authority (FCA) dans le cadre de la directive AIFM appliquée aux marchés financiers européens » et qu’il s’agissait d’une société « de droit européen », alors que le Fonds était simplement enregistré sur le registre des « small registered UK AIFMs ».
88. Néanmoins, il ne peut être retenu au vu de cette seule inexactitude contenue dans la plaquette commerciale du Fonds que M. Carlotta aurait diffusé des informations imprécises, inexactes et trompeuses auprès de ses clients.
89. En revanche, il ressort des dossiers des clients ayant souscrit aux actions du Fonds, et notamment de leurs questionnaires de profil de risques et de leurs questionnaires souscripteurs joints à leurs bulletins de souscription versés à la procédure, que ces derniers avaient accepté un risque modéré et qu’ils étaient non professionnels, tandis que la note d’information du Fonds destinait le produit conseillé à des investisseurs professionnels et présentait des risques notamment de perte de capital et de liquidité.
90. Le caractère inadéquat du produit conseillé au profil des clients n’est pas remis en cause par le fait que ces clients étaient informés des risques encourus et de ce que cet investissement était réservé à des investisseurs professionnels.
91. En conséquence, l’inadéquation avérée du produit conseillé au profil des clients constitue une circonstance aggravante du manquement relatif au conseil et à la souscription des actions du Fonds non autorisé à la commercialisation en France.
3. Sur le grief pris de la violation des 1° et 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier notifié à Portal Conseil
92. Il est fait grief à Portal Conseil d’avoir méconnu les dispositions des 1° et 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier en conseillant et en faisant souscrire à ses clients des actions du Fonds alors qu’il n’était pas autorisé à la commercialisation en France.
93. Portal Conseil soutient que l’obligation de diligence qui pèse sur les CIF n’est pas une obligation de résultat et que la transposition de la Directive AIFM, très technique, au sein du code monétaire et financier n’est intervenue que quelques mois avant les faits reprochés.
94. Elle fait valoir qu’elle a fait confiance au Fonds et à son conseil quant à la régularité de l’opération, de sorte qu’elle a été trompée.
95. Elle souligne que la commercialisation d’un FIA à des investisseurs non professionnels n’est par principe pas interdite et que l’un de ses clients, qui répondait aux critères de qualification de l’investisseur professionnel au sens de l’article D. 533-11 du code monétaire et financier, avait consenti à être traité comme tel.
96. Selon elle, il appartenait à Invest Securities de vérifier l’adéquation du profil des investisseurs.
Concernant l’information diffusée sur les risques encourus, Portal Conseil considère que le rapport sur lequel se fonde la notification de griefs ne constitue pas un acte de commercialisation et qu’elle a informé ses clients des risques encourus, comme le confirme une attestation de l’un de ses clients, en leur diffusant la documentation commerciale du Fonds qui mentionnait ces risques.
97. Enfin, elle conteste le caractère inadéquat du produit conseillé au profil des clients, au regard des solutions globales de placement proposées à ces derniers et souligne qu’ils ont tous deux attestés du caractère adapté de la recommandation.
Sur les textes applicables
98. Les textes applicables sont les mêmes que ceux concernant M. Carlotta.
99. Les faits seront donc examinés à la lumière des dispositions précitées dans leur rédaction en vigueur du 24 octobre 2010 au 2 janvier 2018.
Sur le manquement aux obligations prévues aux 1° et 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier reproché à Portal Conseil
100. Il convient d’observer au préalable, si, dans le cadre de la commercialisation du Fonds, le contrat d’apporteur d’affaires a été conclu entre Invest Securities et Portal Invest, et non Portal Conseil, il résulte des pièces des dossiers clients versées à la procédure que tant Portal Conseil que Portal Invest sont intervenues dans cette commercialisation.
101. Par ailleurs, comme dit précédemment, en application du I de l’article L. 214-24-1 du code monétaire et financier, la commercialisation en France des actions du Fonds était subordonnée à une autorisation délivrée par l’AMF et, à défaut d’obtention de celle-ci, était interdite.
102. Afin de déterminer si les dispositions invoquées sont applicables en l’espèce, il convient de rechercher si la commercialisation des actions du Fonds est intervenue dans le cadre de l’une des activités susceptibles d’être exercées par un CIF en application du I ou du II de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier.
103. Aux termes des articles D. 321-1 5° du code monétaire et financier et 314-43 du règlement général de l’AMF, le service de conseil en investissement se caractérise par la fourniture à un tiers de recommandations personnalisées qui concernent une ou plusieurs transactions portant sur un instrument financier.
104. En l’espèce, les deux clients ayant souscrit des actions du Fonds ont reçu et contresigné un document intitulé « lettre de mission », qui mentionne que la mission de Portal Conseil consiste à « bâtir une stratégie patrimoniale permettant d’atteindre vos objectifs » et « proposer des solutions de placement adaptées ». Cette lettre précisait également que les clients, lors d’un entretien, avaient indiqué leurs objectifs d’investissement.
105. L’un des clients, notamment dans un document intitulé « Synthèse et préconisations », a fourni des informations relatives à sa situation financière et à ses objectifs d’investissement. Il y était indiqué :
« Compte tenu de l’importance des capitaux et de la faiblesse des charges fixes [...] peut adopter [...] une gestion équilibrée ».
106. Le dossier de l’autre client comprend une étude patrimoniale et un document intitulé « Analyse et préconisations », qui font mention d’informations sur sa situation personnelle et patrimoniale, ainsi qu’un questionnaire profil de risques.
107. L’ensemble de ces éléments démontre que le conseil prodigué par Portal Conseil était présenté comme adapté aux clients et, ainsi, qu’elle a formulé une recommandation personnalisée au sens de l’article 314-43 du règlement général de l’AMF.
108. Comme dit précédemment, cette recommandation portait sur l’acquisition de titres qui étaient assimilables à des instruments financiers en application des articles L. 211-1 et L. 211-41 du code monétaire et financier.
109. Il s’ensuit qu’à l’occasion de la commercialisation des actions du Fonds, Portal Conseil a fourni un conseil en investissement tel que défini au 5° de l’article D. 321-1 du code monétaire et financier, activité qui entre dans les prévisions du 1° du I de l’article L. 541-1 du même code.
110. Il résulte des pièces du dossier et notamment de ses déclarations écrites et de son audition par le rapporteur, que Portal Conseil a mis à la disposition de ses clients la documentation commerciale du Fonds et qu’il a conseillé et fait souscrire deux d’entre eux, entre le 7 septembre 2015 et le 3 mai 2016, pour un montant total de 600 000 euros.
111. Comme il a été dit précédemment, le fait pour un CIF de recommander un investissement dans des instruments financiers sans s’être assuré au préalable que leur commercialisation était autorisée en France constitue un comportement nécessairement contraire à l’intérêt des clients, qui doivent bénéficier de conseils professionnels s’inscrivant dans le respect de la règlementation applicable.
112. Interrogé par le rapporteur sur les diligences réalisées préalablement à sa recommandation d’investissement, Portal Conseil a déclaré : « C’était essentiellement des diligences relatives au produit lui-même et à son modèle économique. Je n’étais pas focalisé sur le cadre règlementaire ».
113. Le fait que Portal Conseil a fait confiance à Invest Securities ou au Fonds quant à la régularité de l’opération est sans incidence sur la caractérisation du grief.
114. La transposition de la Directive AIFM, intervenue en droit français par l’ordonnance n°2013-687 du 25 juillet 2013, soit plus de deux ans avant la date des faits reprochés, et sa technicité sont des arguments inopérants.
115. Ainsi, en recommandant à deux clients d’investir dans des actions du Fonds, dont la commercialisation n’était pas autorisée en France, Portal Conseil n’a pas exercé son activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de ses clients et, partant, a méconnu le 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier.
116. A l’instar de celle de M. Carlotta, la notification de griefs de Portal Conseil ne précise pas en quoi cette dernière aurait, à raison des mêmes faits, contrevenu également à l’obligation faite aux CIF de « se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients » prévue au 1° de même article, de sorte qu’il n’y a pas lieu de retenir un manquement sur ce fondement.
Sur les circonstances aggravantes
117. La notification de griefs soutient que le manquement de Portal Conseil est aggravé par le fait qu’elle a diffusé des informations imprécises, inexactes et trompeuses auprès de clients dont le profil ne correspondait pas aux caractéristiques du produit conseillé.
118. Comme expliqué précédemment, ces faits ne peuvent caractériser que des circonstances aggravantes du grief relatif à la commercialisation en France du Fonds sans autorisation préalable de l’AMF.
119. En l’espèce, il ressort d’un document intitulé « Financement des projets associatifs et caritatifs – Ingénierie financière » versé au dossier, que Portal Conseil a indiqué à l’un de ses clients que le risque attaché au produit conseillé était « extrêmement faible puisque l’on n’investit pas dans une seule opération mais dans un fonds qui mutualise plusieurs dizaines d’opérations ».
120. Contrairement aux allégations de Portal Conseil, et conformément à la position AMF n°2010-05 qui retient une définition large de l’acte de commercialisation comme étant « la présentation d’un instrument financier par différentes voies [...] », ce document constitue bien un tel acte.
121. Comme dit précédemment, il résulte de la note d’information du Fonds que le produit présentait des risques notamment de perte de capital et de liquidité, de sorte que l’information relayée dans le document susmentionné était erronée.
122. Si le recueil de bonne compréhension joint au bulletin de souscription et la remise d’autres documents informait le client des risques encourus, cette circonstance n’est pas de nature à remettre en cause le caractère erroné de l’information contenue dans le document critiqué.
123. L’attestation du client produite par Portal Conseil ne fait d’ailleurs aucune mention de ces risques.
124. Ainsi, il sera retenu, au titre d’une circonstance aggravante, que Portal Conseil a diffusé une information inexacte et trompeuse auprès d’un de ses clients.
125. En outre, il ressort des dossiers des clients ayant souscrit aux actions du Fonds que ces derniers avaient un profil de risque équilibré et qu’ils étaient non professionnels.
126. Si, comme le souligne Portal Conseil, l’un de ses clients, un fonds de dotation, dans son recueil de bonne compréhension joint à son bulletin de souscription, consentait à être traité comme tel, cette simple déclaration n’est pas conforme à la procédure de renonciation à la protection accordée aux clients non professionnels édictée à l’article 314-7 du règlement général de l’AMF.
127. Portal Conseil fait valoir que le montant du bilan et des capitaux propres du groupe associatif auquel ce fonds de dotation appartient est supérieur aux seuils fixés par ce texte. Cependant, ce texte prévoit de prendre en compte les « états comptables individuels » de l’entité en cause, donc en l’espèce du fonds de dotation lui-même, qui bénéficie de la personnalité juridique. Le bilan et les capitaux des propres de ce fonds, respectivement de 368 107 euros et 364 154 euros au 31 décembre 2015, sont inférieurs à ces seuils.
128. Enfin, si, comme le souligne à raison Portal Conseil, ces clients étaient informés des risques encourus et du fait que cet investissement était réservé à des investisseurs professionnels, cela n’est pas de nature à remettre en cause le caractère inadéquat du produit conseillé au profil des clients.
129. En conséquence, l’inadéquation du produit conseillé au profil des clients étant avérée, elle constitue une circonstance aggravante du manquement relatif au conseil et à la souscription des actions du Fonds non autorisé à la commercialisation en France.
4. Sur le grief pris de la violation des 1° et 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier notifié à Exec Finance.
130. Il est fait grief à Exec Finance d’avoir méconnu les dispositions des 1° et 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier en conseillant et en faisant souscrire à ses clients des actions du Fond alors qu’il n’était pas autorisé à la commercialisation en France.
131. Exec Finance soutient qu’Invest Securities était seule soumise aux dispositions des articles L. 214-24-1 du code monétaire et financier et 421-3 du règlement général de l’AMF et qu’elle lui a fait confiance, ainsi qu’au Fonds, quant à la régularité de l’opération, de sorte qu’elle ne savait pas que la commercialisation en France était interdite.
132. Elle fait valoir qu’en sa qualité d’apporteur d’affaires elle n’avait aucune obligation de vérifier les affirmations d’Invest Securities, les informations disponibles sur le site de la FCA ou encore les informations contenues dans la documentation commerciale du Fonds.
133. Elle souligne que l’AMF avait connaissance, dès 2015, de la commercialisation en France du Fonds par certains CIF.
134. Elle précise qu’elle a respecté ses obligations professionnelles en tant que CIF (établissement d’un document d’entrée en relation, d’une lettre de mission, d’un rapport écrit, etc.) et que la recommandation faite à ses clients d’investir dans le produit litigieux était adaptée et proportionnée à leurs besoins et objectifs. Elle indique qu’elle a remis à ses clients la documentation commerciale du Fonds et qu’elle leur a précisé les risques encourus.
135. Selon elle, ses clients étaient certes des non professionnels mais étaient informés que l’investissement était réservé à des investisseurs professionnels. Enfin, elle relève que ses clients n’ont subi aucun préjudice et n’ont formulé aucune réclamation.
Sur les textes applicables
136. Les textes applicables sont les mêmes que ceux concernant M. Carlotta et Portal Conseil.
137. Les faits seront donc examinés à la lumière des dispositions précitées dans leur rédaction en vigueur du 24 octobre 2010 au 2 janvier 2018.
Sur le manquement aux obligations prévues aux 1° et 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier reproché à Exec Finance
138. Comme dit précédemment, en application du I de l’article L. 214-24-1 du code monétaire et financier, la commercialisation en France des actions du Fonds était subordonnée à une autorisation délivrée par l’AMF et, à défaut d’obtention de celle-ci, était interdite.
139. Afin de déterminer si les dispositions invoquées sont applicables en l’espèce, il convient de rechercher si la commercialisation des actions du Fonds est intervenue dans le cadre de l’une des activités susceptibles d’être exercées par un CIF en application du I ou du II de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier.
140. Aux termes des articles D. 321-1 5° du code monétaire et financier et 314-43 du règlement général de l’AMF, le service de conseil en investissement se caractérise par la fourniture à un tiers de recommandations personnalisées qui concernent une ou plusieurs transactions portant sur un instrument financier.
141. En l’espèce, les neuf clients ayant souscrit des actions du Fonds ont reçu et contresigné un document intitulé « lettre de mission », qui figure au dossier.
142. Selon ce document, la mission d’Exec Finance était d’auditer la situation patrimoniale et financière de ses clients, d’évaluer la politique de placement, mettre en place une stratégie de gestion à moyen et long terme intégrant les objectifs de gestion personnelle et présenter des solutions sur mesure.
143. Ce même document indiquait que les clients avaient, au préalable, complété un recueil d’informations et avaient fait part de leur situation patrimoniale et matrimoniale ainsi que de leurs objectifs. Ils ont, en outre, reçu et contresigné des documents intitulés « document d’entrée en relation » et « rapport de mission ». De plus, ils ont renseigné des questionnaires de profil de risque et des questionnaires patrimoniaux.
144. Il ressort de l’ensemble de ces éléments que le conseil prodigué par Exec Finance était présenté comme adapté au client.
145. Ainsi, Exec Finance a formulé une recommandation personnalisée au sens de l’article 314-43 du règlement général de l’AMF.
146. Comme dit précédemment, cette recommandation portait sur l’acquisition de titres qui étaient assimilables à des instruments financiers en application des articles L. 211-1 et L. 211-41 du code monétaire et financier.
147. Il s’ensuit qu’à l’occasion de la commercialisation des actions du Fonds, Exec Finance a fourni un conseil en investissement tel que défini au 5° de l’article D. 321-1 du code monétaire et financier, activité qui entre dans les prévisions du 1° du I de l’article L. 541-1 du même code.
148. En l’espèce, il résulte des pièces du dossier, qu’Exec Finance a mis à la disposition de ses clients la documentation commerciale du Fonds et qu’il a conseillé et fait souscrire neuf d’entre eux, entre le 23 mars 2016 et le 29 janvier 2017, pour un montant total de 640 000 euros.
149. Comme dit précédemment, le fait pour un CIF, de recommander un investissement dans des instruments financiers sans s’être assuré au préalable que leur commercialisation était autorisée en France constitue un comportement nécessairement contraire à l’intérêt des clients, qui doivent bénéficier de conseils professionnels s’inscrivant dans le respect du règlement applicable.
150. De surcroît, il convient de souligner que l’AMF a, le 23 janvier 2017, publié sur son site internet une mise en garde du public relativement à l’interdiction de commercialisation en France du produit litigieux et qu’Exec Finance a, postérieurement à cette mise en garde fait souscrire deux clients.
151. Les circonstances selon lesquelles Exec Finance aurait respecté ses obligations de CIF tenant à la formalisation de ses relations clients, fait confiance à Invest Securities et au Fonds quant à la régularité de l’opération et ne soit intervenu qu’en qualité d’apporteur d’affaires, sont sans incidence sur la caractérisation du grief.
152. L’argument tiré de la connaissance par l’AMF dès 2015 de la commercialisation par des CIF du produit litigieux n’exonère pas Exec Finance de ses obligations au titre de son statut. Il est donc inopérant.
153. Enfin, l’absence de préjudice causé aux clients concernés n’est pas de nature à influer sur la caractérisation du grief.
154. Ainsi, en recommandant à neuf clients d’investir dans des actions du Fonds, dont la commercialisation n’était pas autorisée en France, Exec Finance n’a pas exercé son activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de ses clients et, partant, a méconnu le 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier.
155. La notification de griefs ne précise pas en quoi Exec Finance aurait, à raison des mêmes faits, contrevenu également à l’obligation faite aux CIF de « se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients » prévue au 1° de même article. Il n’y a pas donc pas lieu de retenir un manquement sur ce fondement.
Sur les circonstances aggravantes
156. La notification de griefs soutient que le manquement d’Exec Finance est aggravé par le fait qu’elle a diffusé des informations imprécises, inexactes et trompeuses auprès de clients dont le profil ne correspondait pas aux caractéristiques du produit conseillé.
157. Comme dit précédemment, ces faits ne peuvent caractériser que des circonstances aggravantes du grief relatif à la commercialisation en France du Fonds sans autorisation préalable de l’AMF.
158. En l’espèce, la plaquette commerciale du Fonds indiquait que celui-ci était « agréé par la Financial Conduct Authority (FCA) dans le cadre de la directive AIFM appliquée aux marchés financiers européens », alors que le Fonds était simplement enregistré sur le registre des « small registered UK AIFMs ».
159. Néanmoins, à l’instar de ce qui a été retenu pour M. Carlotta, il ne peut être considéré au vu de cette seule inexactitude contenue dans la plaquette commerciale du Fonds qu’Exec Finance aurait diffusé des informations imprécises, inexactes et trompeuses auprès de ses clients.
160. En revanche, il ressort des dossiers des clients ayant souscrit aux actions du Fonds, et notamment de leurs questionnaires de profil de risques, des lettres de mission, des recueils d’informations ainsi que des rapports de mission, que ces derniers avaient accepté un risque modéré et qu’ils étaient non professionnels, alors qu’il résulte de la note d’information du Fonds ainsi que du document d’information clé pour l’investisseur que le produit conseillé était destiné à des investisseurs professionnels et présentait des risques, notamment de perte de capital et de liquidité.
161. Si, comme le souligne Exec Finance, ces clients étaient informés des risques encourus et du fait que cet investissement était réservé à des investisseurs professionnels, cela n’est pas de nature à remettre en cause le caractère inadéquat du produit conseillé au profil des clients.
162. Enfin, nonobstant le consentement de chacun des clients d’Exec Finance, dans le recueil de bonne compréhension joint à leur bulletin de souscription ou par lettre séparée, pour être traité comme des clients professionnels, Exec Finance leur a permis d’accéder à un investissement en dépit des restrictions figurant dans la documentation commerciale.
163. En conséquence, l’inadéquation du produit conseillé au profil des clients étant avérée, elle constitue une circonstance aggravante du manquement relatif au conseil et à la souscription des actions du Fonds non autorisé à la commercialisation en France.
SANCTIONS ET PUBLICATION
164. Invest Securities a manqué à son obligation d’agir de manière professionnelle, avec le soin qui s’impose, pour favoriser l’intégrité du marché, en violation des dispositions des articles L. 533-1 du code monétaire et financier et 314-3 du règlement général de l’AMF.
165. M. Carlotta, Portal Conseil et Exec Finance ont manqué à leur obligation d’exercer leur activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de leurs clients, en violation du 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier.
166. Les manquements ont eu lieu du 25 août 2015 au 29 janvier 2017.
167. Le III de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur à compter du 24 octobre 2010, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, dispose : « Les sanctions applicables sont : a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12°, 15° à 17° du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l’article L. 546-1; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d'euros ou au décuple du montant de l'avantage retiré du manquement si celui-ci peut être déterminé ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; »
168. Le premier alinéa de l’article L. 621-17 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 7 mai 2005, non modifié depuis dans un sens moins sévère, dispose que : « Tout manquement par les conseillers en investissements financiers définis à l’article L. 541-1 aux lois, règlements et obligations professionnelles les concernant est passible des sanctions prononcées par la commission des sanctions selon les modalités prévues aux I, a et b du III, IV et V de l’article L. 621-15. »
169. Il en résulte qu’Invest Securities, M. Carlotta, Portal Conseil et Exec Finance encourent, en sus ou à la place des sanctions disciplinaires, une sanction pécuniaire d’un montant maximum de 100 millions d’euros ou du décuple des profits éventuellement réalisés.
170. Le III ter de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 11 décembre 2016, définit comme suit les critères à prendre en compte pour déterminer la sanction : « Dans la mise en œuvre des sanctions mentionnées aux III et III bis, il est tenu compte notamment :
- de la gravité et de la durée du manquement ;
- de la qualité et du degré d’implication de la personne en cause ;
- de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s’agissant d’une personne physique de ses revenus annuels, s’agissant d’une personne morale de son chiffre d’affaires total ;
- de l’importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés;
- des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où elles peuvent être déterminées ;
- du degré de coopération avec l’Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veiller à la restitution de l’avantage retiré par cette personne ;
- des manquements commis précédemment par la personne en cause ;
- de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement. »
171. Invest Securities a perçu, au titre de sa mission de placement du Fonds, un montant total évalué à 104200 euros.
172. Selon ses dernières observations, le chiffre d’affaires et le résultat net d’Invest Securities, au titre de l’exercice 2018, s’élevaient respectivement à 5 032 469 euros et – 133 481 euros.
173. Compte tenu de la gravité du manquement commis et de sa durée, de l’absence de préjudice et de la situation financière de la société, il lui sera infligé un blâme et une sanction pécuniaire de 90 000 euros.
174. M. Carlotta a perçu, au titre de la commercialisation du Fonds, une commission totale de 14 996 euros.
175. Il ressort des états financiers produits par lui, au titre de l’exercice 2017, que son résultat net s’élevait à 41 005 euros.
176. Compte tenu de la gravité du manquement commis et de sa durée, de l’absence de préjudice et de la situation financière de la société, il lui sera infligé une sanction pécuniaire de 20 000 euros.
177. Portal Conseil a perçu, au titre de la commercialisation du Fonds, une commission totale de 42 000 euros.
178. Il ressort des états financiers produits par elle, au titre de l’exercice 2017, que son chiffre d’affaires et son résultat net s’élevaient respectivement à 109 180 euros et – 26 518 euros. Compte tenu de la gravité du manquement commis et de sa durée, de l’absence de préjudice et de la situation financière de la société, il lui sera infligé une sanction pécuniaire de 50 000 euros.
179. Exec Finance a perçu, au titre de la commercialisation du Fonds, une commission totale de 48 700 euros.
180. Il ressort des états financiers produits par elle, au titre de l’exercice clos le 30 juin 2017, que son chiffre d’affaires et son résultat net s’élevaient respectivement à 291 109 euros et 21 238 euros.
181. Compte tenu de la gravité du manquement commis et de sa durée, de l’absence de préjudice et de la situation financière de la société, il lui sera infligé une sanction pécuniaire de 60 000 euros.
182. Le V de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur à partir du 11 décembre 2016, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, dispose : « La décision de la commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. / La commission des sanctions peut décider de reporter la publication d'une décision ou de publier cette dernière sous une forme anonymisée ou de ne pas la publier dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes : / a) Lorsque la publication de la décision est susceptible de causer à la personne en cause un préjudice grave et disproportionné, notamment, dans le cas d'une sanction infligée à une personne physique, lorsque la publication inclut des données personnelles ; / b) Lorsque la publication serait de nature à perturber gravement la stabilité du système financier, de même que le déroulement d'une enquête ou d'un contrôle en cours. »
183. Invest Securities et Portal Conseil ont demandé l’absence de publication ou, a minima, l’anonymisation de la décision.
184. Cependant, la publication de la présente décision n’est ni susceptible de leur causer un préjudice grave et disproportionné, ni de nature à perturber gravement la stabilité du système financier ou encore le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours. Elle sera donc ordonnée, sans anonymisation.
PAR CES MOTIFS,
Et ainsi qu’il en a été délibéré par Mme Marie-Hélène Tric, présidente de la commission des sanctions, par Mme Edwige Belliard, Mme Anne Le Lorier, M. Bruno Gizard et Mme Ute Meyenberg, membres de la 1ère section de la commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance, la commission des sanctions :
- prononce à l’encontre de la société Invest Securities un blâme ainsi qu’une sanction pécuniaire de 90 000 € (quatre-vingt-dix mille euros) ;
- prononce à l’encontre de M. Louis Carlotta une sanction pécuniaire de 20 000 € (vingt mille euros) ;
- prononce à l’encontre de la société Portal Conseil une sanction pécuniaire de 50 000 € (cinquante mille euros) ;
- prononce à l’encontre de la société Exec Finance une sanction pécuniaire de 60 000 € (soixante mille euros) ;
- ordonne la publication de la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers et fixe à cinq ans à compter de la date de la présente décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.