Cass. crim., 15 mai 2008, n° 07-86.262
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dulin
Rapporteur :
Mme Canivet-Beuzit
Avocats :
Me Foussard, SCP Célice, Blancpain et Soltner
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 du code général des impôts, L. 47 du livre des procédures fiscales, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591, 593 et 609 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les époux X... coupables du délit de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt et les a condamnés pénalement ;
"aux motifs qu'« il ressort des pièces du dossier et des débats à l'audience que lorsqu'ils ont déposé leurs déclarations de revenus pour les années 2000 et 2001, la seconde n'ayant été déposée qu'en cours de procédure de vérification, soit en février 2003, ils n'ont mentionné aucun revenu imposable, faisant état d'un déficit commercial de 170 000 francs la première année, et 25 000 francs la seconde ; que l'administration fiscale a déclenché une procédure de vérification en janvier 2003 ; que les investigations ont fait apparaître, d'une part, que les époux X... utilisent plusieurs comptes bancaires ouverts soit à leur nom, soit au nom de membres de leur famille leur ayant donné procuration (fille du couple et mère de Madame) et, d'autre part, que sur ces comptes ont été déposées des sommes leur appartenant à hauteur de 1 671 264 francs pour l'année 2000 et 1 265 068 francs pour l'année 2001 ; qu'il existe, à côté de ces comptes personnels, un compte professionnel à partir duquel le fisc a estimé les revenus professionnels imposables, ce qui n'a pas fait l'objet d'une plainte pénale de la part de l'administration ; que les époux X... ont plusieurs fois été invités à s'expliquer sur l'origine des sommes apparaissant sur ces comptes, mais ils ne l'ont jamais fait, même partiellement ; qu'au premier courrier en date du 7 février 2003 leur proposant un entretien, les époux X... ont répondu qu'ils ne s'y rendraient pas ; que la lettre du 27 février 2003 leur proposant un nouvel entretien n'a pas été retirée ; qu'ils ont eux-mêmes annulé un entretien proposé pour le 16 juin 2003 ; qu'une demande d'éclaircissement leur a été envoyée d'abord le 29 juillet 2003, mais elle n'a pas été réclamée, puis le 29 août 2003, mais ils n'y ont pas plus répondu ; qu'enfin, la lettre portant proposition de rencontre du 31 octobre 2003 n'a pas été retirée ; que c'est donc au terme d'une procédure parfaitement contradictoire que le redressement a été notifié aux époux X... le 5 décembre 2003, l'administration du fisc considérant qu'ils ont minoré leur déclaration de revenus au titre des années 2000 et 2001, à raison de la dissimulation de revenus dont l'origine, l'objet et la nature n'ont pu être déterminées en l'absence d'explications ou de justifications fournies par eux et malgré les demandes répétées qui leur ont été adressées ; que le fisc a finalement retenu comme constitutive c'une infraction pénale la dissimulation des revenus d'origine indéterminée, hors bénéfices industriels et commerciaux, à hauteur de 244 629 euros pour 2000, et 185 236 euros pour 2001, soit un montant de droits éludés respectivement de 133 113 euros et 92 197 euros ; qu'à l'audience, Marie-Jeanne X..., à chaque question de quelque nature qu'elle soit, a répondu ne rien savoir, affirmant ne s'occuper de rien et être incapable de dire quels sont les revenus du couple, ni d'où ils proviennent ; qu'Antoine X... n'a pas comparu devant la cour ; qu'il a fait parvenir un certificat médical lui prescrivant un « bilan » et un bulletin d'hospitalisation, mais que dans aucun de ces deux documents, produits au dernier moment, il n'est mentionné ni qu'il y ait eu urgence, ni que pour un simple « bilan », il était absolument impossible de choisir un autre jour que celui de l'audience ; que pour ces raisons, la cour a refusé le renvoi de l'affaire ; que le mutisme de Marie-Jeanne X..., de même que le choix d'Antoine X... d'effectuer un bilan de santé le jour de l'audience et non la veille ou le lendemain ou à une quelconque autre date alors qu'il connaissait le jour de l'audience depuis des semaines, sont la suite logique de leur comportement de fuite tout au long de la procédure fiscale, l'un et l'autre ayant toujours refusé de répondre à la moindre question concernant les revenus d'origine indéterminée décelés sur leurs comptes bancaires ; que lors de son audition par la police en juillet 2005, Antoine X..., après avoir admis connaître ses obligations fiscales, a mis en avant le fait qu'il a été incarcéré de juin 2001 à janvier 2003 ; qu'il a ensuite indiqué qu'il reconnaît dans leur principe les faits reprochés, mais non les montants retenus par l'administration fiscale ; qu'il a précisé ensuite avoir utilisé les comptes bancaires de sa femme et de sa fille, car à l'époque il était interdit bancaire et n'avoir jamais été aux entretiens proposés par l'administration car il était « traumatisé » et «mal conseillé» ; qu'il a en fin d'audition demandé un rééchelonnement de sa dette ; que s'agissant de l'incarcération d'Antoine X..., la cour relève qu'elle a cessé au moment où débutait la procédure fiscale de vérification des revenus, ce qui rendait alors Antoine X... totalement disponible pour fournir toutes les informations utiles concernant les sommes apparaissant sur les comptes bancaires utilisés par le couple ; que cette incarcération étant intervenue après l'envoi de la déclaration des revenus de l'année 2000, elle n'a été en rien un obstacle à ce qu'il reporte sur le formulaire destiné au fisc le montant des revenus imposables ; que par ailleurs, si des document comptables ont été saisis dans le cadre d'une autre procédure, le procureur de la République en a ordonné la restitution par ordonnance du 19 février 2003, sur la fiche de saisie des livres comptables a été portée la mention manuscrite « scellés restitués le 13.03.03 », et l'administration fiscale, postérieurement à cette date, soit en mai 2003, a eu accès au « grand livre exercice 2000 », objet de la saisie 02/B, ce qui suppose que ce document ait (sic) bien été restitué ; que surtout, et quoi qu'il en soit de la réalité de cette restitution, les époux X... n'ont jamais démontré que les revenus d'origine indéterminée trouvés sur leurs comptes bancaires personnels aient pour seule origine les revenus de l'activité professionnelle d'Antoine X..., gérant en nom propre de deux discothèques, l'une comportant en plus un établissement de restauration-débit de boissons ; que ce n'est donc pas la saisie provisoire de documents comptables propres à l'activité commerciale d'Antoine X... qui a fait obstacle à ce qu'ils fournissent au fisc toutes les explications utiles sur les sommes portées aux crédits de leurs comptes bancaires personnels et démontrent de la sorte que leurs très importants revenus étaient non imposables ; que Marie-Jeanne X... est l'épouse d'Antoine X... ; qu'à ce titre, et en application de l'article 170-1-1 bis du code général des impôts, elle était tenue de signer avec son mari la déclaration des revenus de leur foyer, ce qu'elle a fait certaines années ; qu'elle savait donc inéluctablement ce qui était et n'était pas déclaré par rapport aux ressources réelles de la famille ; qu'il importe peu que les deux époux aient été mariés sous le régime de la séparation des biens ; que, d'autre part, Marie-Jeanne X... était co-titulaire avec son mari d'un des comptes bancaires utilisés, seule titulaire d'un autre, et avait procuration sur un troisième ouvert au nom de sa propre mère ; que par le biais de ces deux derniers comptes, elle a personnellement fourni certains des moyens utilisés par le couple pour répartir ses revenus sur plusieurs comptes et dans plusieurs établissements bancaires, ceci afin de ne pas en faire apparaître le montant total sur un seul compte ; que tout ceci, outre son choix depuis 2003 de ne répondre à aucune des questions posées, ce qui suppose qu'elle ne soit pas en mesure d'apporter un début de réponse convaincante aux raisons de la non déclaration des revenus du couple au fisc, démontre suffisamment qu'elle a participé en pleine connaissance de cause au mécanisme frauduleux poursuivi » ;
"alors que l'observation d'un débat oral et pleinement contradictoire lors de l'examen des pièces de comptabilité et l'assistance ou la représentation par un conseil constituent des garanties essentielles des droits de la défense dont il appartient à la juridiction pénale d'assurer le respect ; que les demandeurs faisaient valoir et produisaient les courriers adressés à l'administration fiscale aux termes desquels ils donnaient mandat de représentation à leur expert-comptable en charge de leur comptabilité professionnelle et personnelle, afin d'assurer une discussion contradictoire sur les éléments retenus à leur encontre ; que la cour d'appel, qui se borne à retenir l'absence de réponse des époux X... aux entretiens sollicités par l'administration fiscale, a privé sa décision de base légale, violant les articles visés au moyen" ;
Attendu qu'il ne résulte ni du jugement ni des conclusions déposées que les demandeurs, qui ont comparu devant le tribunal correctionnel, aient soulevé, devant cette juridiction, avant toute défense au fond, l'exception de nullité de la procédure de vérification fiscale ;
Que, si la cour d'appel a cru, à tort, devoir y répondre, le moyen, qui reprend cette exception devant la Cour de cassation, est irrecevable par application de l'article 385 du code de procédure pénale ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 170 et 1741 du code général des impôts, L. 227 du livre des procédures fiscales, 121-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les époux X... coupables de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt et les a condamnés pénalement ;
"aux motifs que « s'agissant de l'incarcération d'Antoine X..., la cour relève qu'elle a cessé au moment où débutait la procédure fiscale de vérification des revenus, ce qui rendait alors Antoine X... totalement disponible pour fournir toutes les informations utiles concernant les sommes apparaissant sur les comptes bancaires utilisés par le couple ; que cette incarcération étant intervenue après l'envoi de la déclaration des revenus de l'année 2000, elle n'a été en rien un obstacle à ce qu'il reporte sur le formulaire destiné au fisc le montant des revenus imposables ; que par ailleurs, si des documents comptables ont été saisis dans le cadre d'une autre procédure, le procureur de la République en a ordonné la restitution par ordonnance du 19 février 2003, sur la fiche de saisie des livres comptables a été portée la mention manuscrite « scellés restitués le 13.03.03 », et l'administration fiscale, postérieurement à cette date, soit en mai 2003, a eu accès au « grand livre exercice 2000 », objet de la saisie 02/B, ce qui suppose que ce document ait bien été restitué ; que surtout, et quoi qu'il en soit de la réalité de cette restitution, les époux X... n'ont jamais démontré que les revenus d'origine indéterminée trouvés sur leurs comptes bancaires personnels aient pour seule origine les revenus de l'activité professionnelle d'Antoine X..., gérant en nom propre de deux discothèques, l'une comportant en plus un établissement de restauration-débit de boissons ; que ce n'est donc pas la saisie provisoire de documents comptables propres à l'activité commerciale d'Antoine X... qui a fait obstacle à ce qu'ils fournissent au fisc toutes les explications utiles sur les sommes portées aux crédits de leurs comptes bancaires personnels et démontrent de la sorte que leurs très importants revenus étaient non imposables ; que Marie-Jeanne X... est l'épouse d'Antoine X... ; qu'à ce titre, et en application de l'article 170-1-1 bis du code général des impôts, elle était tenue de signer avec son mari la déclaration des revenus de leur foyer, ce qu'elle a fait certaines années ; qu'elle savait donc inéluctablement ce qui était et n'était pas déclaré par rapport aux ressources réelles de la famille ; qu'il importe peu que les deux époux aient été mariés sous le régime de la séparation des biens ; que, d'autre part, Marie-Jeanne X... était co-titulaire avec son mari d'un des comptes bancaires utilisés, seule titulaire d'un autre, et avait procuration sur un troisième ouvert au nom de sa propre mère ; que par le biais de ces deux derniers comptes, elle a personnellement fourni certains des moyens utilisés par le couple pour répartir ses revenus sur plusieurs comptes et dans plusieurs établissements bancaires, ceci afin de ne pas en faire apparaître le montant total sur un seul compte ; que tout ceci, outre son choix depuis 2003 de ne répondre à aucune des questions posées, ce qui suppose qu'elle ne soit pas en mesure d'apporter un début de réponse convaincante aux raisons de la non déclaration des revenus du couple au fisc, démontre suffisamment qu'elle a participé en pleine connaissance de cause au mécanisme frauduleux poursuivi » ;
"alors, d'une part, que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'en retenant qu'en application des dispositions de l'article 170 du code général des impôts, Marie-Jeanne X..., exerçant uniquement un mandat électif, était tenue de signer avec son mari, qui exploitait en nom propre deux discothèques, la déclaration des revenus du foyer, la cour d'appel qui en déduit la culpabilité de Marie-Jeanne X... a posé une présomption de responsabilité pénale du fait des prétendus agissements de son époux, violant les articles visés au moyen ;
"alors, d'autre part, que la cour d'appel qui déduit la participation de Marie-Jeanne X... au mécanisme frauduleux de son absence de réponse aux raisons de la non déclaration des revenus du couple au fisc, cependant qu'il lui appartenait de démontrer la connaissance qu'elle pouvait avoir de la consistance exacte des revenus que son époux tirés de l'exploitation de deux discothèques et qu'il devait déclarer, a violé les articles visés au moyen ;
"alors, enfin, que constitue un obstacle à la souscription d'une déclaration détaillée des revenus d'un couple, l'incarcération de l'un des membres du foyer et la saisie des documents comptables de son exploitation ; qu'en l'espèce, Antoine X... a été incarcéré du 23 juin 2001 au 18 janvier 2003 et les comptes de son activité professionnelle ont été concomitamment saisis par l'autorité judiciaire, de sorte qu'en faisant reproche aux époux X... de ne pas avoir souscrit de déclaration pour les revenus perçus l'année 2001, cependant qu'ils ne disposaient d'aucun moyen pour satisfaire aux prescriptions de l'article 170 du code général des impôts, la cour d'appel a violé les articles visés au moyen" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, que les époux X... sont poursuivis pour s'être frauduleusement soustraits à l'établissement et au paiement total de l'impôt sur le revenu exigible, d'une part en souscrivant une déclaration d'ensemble des revenus fortement minorée au titre de l'année 2000, d'autre part, en s'abstenant de souscrire la déclaration de leurs revenus au titre de l'année 2001 ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation des époux X... qui soutenaient que l'incarcération d'Antoine X... et la saisie concomitante de sa comptabilité les ont mis dans l'impossibilité absolue de remplir leurs obligations fiscales, l'arrêt retient que, si celui-ci a été détenu entre juin 2001 et janvier 2003, cette incarcération, d'une part, est survenue postérieurement à l'envoi de la déclaration des revenus de l'année 2000, d'autre part, n'est pas constitutive d'un événement de force majeure ayant empêché la déclaration des revenus de l'année 2001 ; que les juges ajoutent que les époux X... n'ont jamais démontré que les revenus d'origineindéterminée se trouvant sur leurs comptes bancaires personnels avaient pour seule provenance les revenus de l'activité professionnelle d'Antoine X..., et qu'ainsi, la saisie provisoire de documents comptables propres à cette activité commerciale n'a pu faire obstacle à ce qu'ils fournissent à l'administration fiscale toutes les explications utiles sur les sommes portées au crédit de ces comptes ;
Attendu que, pour dire les époux X... coupables de fraude fiscale, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les époux X... étaient en mesure de remplir leurs obligations fiscales nonobstant l'incarcération du mari et la saisie de sa comptabilité professionnelle, la cour d'appel, qui a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.