Cass. crim., 22 janvier 2003, n° 02-81.530
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Samuel
Avocats :
SCP Vuitton, Me Foussard
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 227, L. 228 et L. 232 du Livre des procédures fiscales, 1175 et 117 de la loi du 24 juillet 1966 dans leur rédaction applicable à la cause, 1741, 1742 et 1743 du Code général des impôts, 131-26 du Code pénal et de l'article 593 du Code de procédure pénale, insuffisance de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté les exceptions d'irrecevabilité de l'action publique et civile soulevées par Alain X..., la nullité de la citation directe en l'absence de saisine de la Commission des infractions fiscales, l'a déclaré coupable de fraude fiscale et a statué sur l'action publique et l'action civile exercée par l'administration des Impôts ;
"aux motifs que les services fiscaux ont saisi la Commission pour ce qui concerne le représentant de la société, Bernard Y... ; que dans la présente affaire, la commission a apprécié l'existence de la plainte et la garantie de la fraude fiscale avant de donner son avis sur les poursuites engagées ; mais si dans le cadre de la saisine "in rem" de la commission, la plainte ne visait que le représentant légal de la SA à savoir le président directeur général, Bernard Y..., par contre la direction des services fiscaux portait également plainte contre toute personne dont la culpabilité à titre d'auteur principal ou de complice viendrait à être établie ;
"alors, d'une part, que le directeur général unique d'une société anonyme qui dispose d'une délégation générale de pouvoirs en vertu de l'article 117 de la loi du 24 juillet 1966 dans sa rédaction applicable à l'espèce, a la qualité de mandataire social ; qu'en conséquence, les dispositions de l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales applicables au redevable de l'impôt, ou, s'il s'agit d'une personne morale à celui qui en est le mandataire social, auraient dû être mises en oeuvre au bénéfice d'Alain X... qui avait cette qualité ; qu'en décidant le contraire, la Cour a violé les textes visés au moyen ;
"alors, d'autre part, qu'il résulte des conclusions de l'administration des Impôts qu'elle exerçait l'action civile qu'elle tient de l'article L. 232 du Livre des procédures fiscales à l'encontre d'Alain X... pris uniquement en sa qualité de directeur général de la société anonyme Capi-Plante, c'est-à-dire en sa seule qualité de mandataire social ; qu'en conséquence, la Cour, tenue par les conclusions de cette partie civile, ne pouvait faire droit à ses demandes dès lors que les dispositions de l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales avaient été méconnues ; qu'en déclarant néanmoins l'action civile de l'administration des Impôts recevable et en faisant droit à ses demandes, la Cour a violé les textes visés au moyen ;
"alors, enfin, que l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales, est applicable à tout mandataire social, quelle que soit la dénomination que la loi lui a conférée ; qu'en application de l'article R. 228-2 du Livre précité le mandataire social doit être averti des griefs formulés contre lui et invité à faire parvenir dans un délai de 30 jours les informations écrites qu'il jugerait nécessaires ; qu'en privant Alain X... du bénéfice de ces dispositions en s'attachant uniquement sa qualité de directeur administratif et financier, co-auteur de l'infraction reprochée à Bernard Y..., la Cour a violé les droits de la défense" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Bernard Y..., président du conseil d'administration de la société anonyme Capiplante, et Alain X..., responsable administratif et financier de la société, ont été poursuivis, du chef de fraude fiscale, pour avoir dissimulé une partie des sommes sujettes à l'impôt en souscrivant des déclarations de TVA minorées ; qu'avant toute défense au fond, Alain X... a fait valoir que, en l'absence d'avis de la commission des infractions fiscales le concernant et en l'absence de plainte le visant personnellement, la procédure n'avait pas été régulièrement engagée à son encontre ;
Attendu que, pour écarter ces exceptions, la cour d'appel énonce notamment que si les services fiscaux ont saisi la commission des infractions fiscales pour ce qui concerne Bernard Y..., représentant de la société, l'avis de cette commission, dont la saisine présente un caractère réel et non personnel, n'emporte pas de limitation quant aux personnes contre lesquelles les poursuites peuvent être engagées par le ministère public à la suite de la plainte de l'administration fiscale ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que les articles L. 228 et R. 228-2 du Livre des procédures fiscales n'imposent pas, lorsque le contribuable est une personne morale, que l'ensemble des dirigeants sociaux soient avisés de la saisine de la commission des infractions fiscales, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 227 et L. 232 du Livre des procédures fiscales, 1741 et 1743 du Code général des impôts, 122-2 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Alain X... coupable de fraude fiscale et l'a condamné à une peine de 18 mois d'emprisonnement assortie du sursis à exécution et à une amende de 15 000 euros et l'a dit solidairement tenu avec Bernard Y... et la société Capi-Plante au paiement des impôts fraudés, des majorations et des pénalités fiscales y afférentes ;
"aux motifs qu'Alain X... a parfaitement reconnu la matérialité de l'infraction tout en minimisant sa responsabilité en expliquant qu'il agissait sous les ordres de Bernard Y... et ce dans le cadre d'un lien de subordination en qualité de responsable administratif et financier de la société ;
qu'il a ainsi déclaré "A l'époque, je remplissais les fonctions de responsable administratif et financier de la SA et ne pouvais pas ne pas être au courant des majorations de droit à déduction de la TVA. J'étais chargé de superviser techniquement les déclarations fiscales et notamment les déclarations de TVA... Sur la période litigieuse, il est exact que les droits à déduction ont été majorés pour pouvoir faire de la trésorerie sur la TVA ; en effet, Bernard Y... m'avait indiqué avoir mis en place de nouvelles politiques commerciales et dans l'attente des résultats, il m'a demandé de faire de la trésorerie. Lors du précédent contrôle fiscal, Bernard Y... m'avait déjà demandé de procéder de la sorte, qu'Alain X... a mis au service de Bernard Y... sa compétence technique en matière fiscale pour permettre à la société qui l'employait de se servir de la TVA comme d'une avance sur trésorerie, Alain X..., en tant qu'actionnaire (3 % du capital) était parfaitement conscient du caractère délictueux de son comportement et ne saurait aujourd'hui s'exonérer de sa responsabilité en arguant de ses interventions auprès du tribunal de Commerce, qui apparaissent bien tardives, l'assignation en référé dans le but de faire procéder à la désignation d'un administrateur provisoire n'ayant été délivrée que le 2 décembre 1997 ; que les longues années de silence, faisant suite à un premier redressement fiscal pour des causes identiques ne peuvent plaider en faveur de la bonne foi d'Alain X... ;
que l'entente, du moins sur le principe de la fraude, a eu des conséquences importantes sur le montant du détournement financier commis au préjudice de l'Etat et en conséquence de l'ensemble des contribuables ; qu'il ne s'agissait pas d'une erreur passagère, mais d'une fraude parfaitement organisée et réfléchie, connue et même revendiquée au point qu'il apparaissait en comptabilité "des provisions pour "risques de pénalités de mauvaise foi lors de la future vérification" ;
"alors que le délit de fraude fiscale suppose que le prévenu ait agi volontairement, c'est-à-dire librement et sans contrainte ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions délaissées Alain X... invoquait sa bonne foi et la force majeure en soulignant qu'il avait refusé de signer les déclarations litigieuses, que Bernard Y... exerçait des pressions sur ses salariés et qu'il avait en vain tenté de s'opposer par les moyens à sa disposition à la fraude ; qu'en retenant le prévenu dans les liens de la prévention sans répondre à ce moyen péremptoire, la Cour a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.