CA Aix-en-Provence, 2e ch., 16 février 2017, n° 15/18599
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Gran Gelato Italiano (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseillers :
M. Fohlen, M. Prieur
Avocats :
Me Kayal, Me Nalbone
Exposé des faits
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur Benaïssa B. exerce une activité de commerçant ambulant de confiseries.
Selon facture n° 1201332 du 1° août 2012, monsieur Benaïssa B. a acquis pour son activité professionnelle une machine à glace de type SoftyBar n° de série 1088568, auprès de la société GRAN GELATO ITALIANO, ce au prix de 5.561,40 euros TTC.
Le 24 septembre 2012, monsieur Benaïssa B. a remis la machine à glace à la société GRAN GELATO ITALIANO en dépôt gratuit aux fins de revente.
Le 10 juillet 2013, monsieur B. souhaitant récupérer la machine qui n'avait pas été vendue s'est déplacé dans les locaux de la société GRAN GELATO ITALIANO où il a constaté que la configuration et le numéro de série de la machine à glace se trouvant dans les locaux de la société GRAN GELATO ITALIANO ne correspondaient pas à celle qu'il avait remis en dépôt vente, et a accepté le prêt d'une machine à glace SoftyBar n° 1085862.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 août 2013, le conseil de monsieur B. a mis en demeure de lui rembourser le prix de la machine à glace acquise le 1° août 2012.
Par lettre du 12 août 2013, la société GRAN GELATO ITALIANO a répondu effectivement que la machine à glace acquise par monsieur B. avait fait l'objet de modifications à l'initiative du constructeur.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 septembre 2013, le conseil de monsieur B. a informé la société GRAN GELATO ITALIANO que la machine à glace concernée ayant été modifiée sans l'accord de monsieur B. et utilisée, celui-ci n'entendait pas la récupérer et en demandait le remboursement.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 octobre 2013, la société GRAN GELATO ITALIANO répondu que la machine à glace avait bénéficié d'améliorations consistant dans le changement complet du programmateur électronique de la machine dit 'display' et l'ajout d'une sécurité de porte (réglette anti-arrachement), et que monsieur B. en était informé depuis le 10 juillet 2013.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 octobre 2013 réitérée le 7 novembre 2013, la société GRAN GELATO ITALIANO a proposé à monsieur B. de lui restituer la machine SoftyBar n° 1085868 et de reprendre la machine n°1085862 qui lui avait été prêtée en juillet.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 janvier 2014, le conseil de monsieur B. a proposé à la société GRAN GELATO ITALIANO une solution transactionnelle qui est restée sans suite.
Par acte du 19 juin 2014, Monsieur Benaïssa B. a assigné la SAS GRAN GELATO ITALIANO devant le tribunal de commerce de Toulon au visa des articles 1917 et suivants du code civil aux fins de voir :
- dire que la société GRAN GELATO ITALIANO a commis une faute contractuelle,
- condamner la société GRAN GELATO ITALIANO à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'ensemble des préjudices subis par Monsieur B.
- enjoindre la société GRAN GELATO ITALIANO de lui restituer la machine à glace SOFTY BAR n° de série 1088568
- condamner la SAS GRAN GELATO ITALIANO à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
Par jugement contradictoire du 7 octobre 2015, le tribunal de commerce a :
- constaté que la société GRAN GELATO ITALIANO n'a pas respecté les articles 1927 et 1930 du code civil,
- condamné la société GRAN GELATO ITALIANO à restituer à monsieur B. la machine à glace SOFTY BAR n°1088568,
- donné acte à monsieur B. de ce qu'il entend restituer à la société GRAN GELATO ITALIANO la machine à glace n°10885862,
- condamné la société GRAN GELATO à payer à Monsieur B. la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement
Par déclaration au greffe de la cour du 21 octobre 2015, monsieur Benaïssa B. a régulièrement relevé appel de cette décision à l'encontre de la SAS GRAN GELATO ITALIANO.
Dans ses dernières conclusions du 13 avril 2016, monsieur Benaïssa B. demande à la cour au visa des articles 1917 et suivants du code civil, de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
dit que la société GRAN GELATO ITALIANO n'a pas respecté les articles 1927 et 1930 du code civil
•
condamné la société GRAN GELATO ITALIANO à restituer à monsieur B. la machine à glace Softy Bar n° de série 1088568
•
condamné la société GRAN GELATO ITALIANO à payer à Monsieur B. la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
•
- réformer le jugement pour le surplus,
- dire que la société GRAN GELATO ITALIANO est responsable des fautes contractuelles qu'elle a commises,
- condamner la société GRAN GELATO ITALIANO au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'ensemble des préjudices subis par monsieur B.,
- débouter la société GRAN GELATO ITALIANO de son appel incident et rejeter l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société GRAN GELATO ITALIANO au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
Monsieur Benaïssa B. soutient :
- que la machine à glace qui lui a été prêté en juillet 2013 était défectueuse,
- que la société GRAN GELATO ITALIANO ne rapporte pas la preuve de ce que les interventions réalisées sur la machine appartenant au concluant constituent des améliorations, et qu'en tout état de cause cette machine ne nécessitait aucune amélioration,
- que la société GRAN GELATO ITALIANO a manqué à ses obligations contractuelles de garde, conservation et non usage de la chose telles que définies à l'article 1930 du code civil dès lors qu'elle a laissé le fabricant récupérer la machine, que cette machine a été modifiée et utilisée, ce sans l'accord du concluant alors que la machine lui avait été remise en dépôt gratuit,
- que selon jurisprudence de la cour de cassation, la perte ou la détérioration de la chose laisse présumer une faute du dépositaire, qui ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en établissant la cause étrangère ou l'absnece de faute de sa part,
- qu'en outre la société GRAN GELATO ITALIANO est dans l'incapacité de restituer la machine même qui lui a été confiée,
- que le concluant subit un préjudice matériel du fait de la détérioration de la machine par les modifications et utilisations qui en ont été faites, ainsi que du fait de la perte de valeur de la machine du fait des modifications et du temps écoulé, que la valeur marchande de la machine a diminué,
- que le concluant subit également un préjudice financier pour les saisons 2012 et 2013, et qu'il a perdu le marché des ventes de glace puisque les mairies limitent les autorisations de vendre tel ou tel produit.
Dans ses dernières conclusions du 17 février 2016, la société GRAN GELATO ITALIANO demande à la cour de :
- recevoir l'appel incident qu'elle a formé à l'encontre du jugement, sur le fondement des articles 548 et suivants du code de procédure civile,
- infirmer le jugement déféré,
- dire que la société GRAN GELATO ITALIANO n'a pas commis de faute de nature à causer un préjudice à monsieur B.,
- débouter Monsieur B. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, reconventionnellement
- condamner monsieur Benaïssa B. à venir récupérer sa machine à glace Softy Bar n° de série 1088568 et à restituer la machine à glace n° de série 10885862 prêtée par la société GRAN GELATO ITALIANO, ce dans les quinze jours de la signification du jugement à intervenir, et à défaut sous astreinte de 150 euros par jour de retard,
- condamner Monsieur B. à payer à la société GRAN GELATO ITALIANO la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur B. aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.
La société GRAN GELATO ITALIANO fait valoir :
- que la machine vendue à monsieur B. n'était affectée d'aucun défaut de fonctionnement, que c'est par convenance personnelle que monsieur B. a souhaité la revendre , et que c'est par courtoisie et geste commercial que la concluante a accepté de prendre la machine en dépôt gratuit sans s'engager aucunement à la vendre de manière effective, - que la machine concernée a bénéficié d'améliorations consistant dans le changement complet du programmateur électronique et d'une sécurité de porte, décidées et offertes par le fabricant à toutes les machines en stock,
- que monsieur B. ne démontre pas que la machine qui lui a été prêtée le 10 juillet 2013 ne fonctionnait pas,
- qu'il ne justifie pas de l'existence de traces de griffures et de chocolat sur la machine, et qu'en tout état de cause il s'est servie de la machine à plein rendement du 1° août 2012 au 24 septembre 2012,
- qu'il résulte de la combinaison des articles 1927, 1928 et 1933 que le dépositaire n'est tenu que d'une obligation de moyen, et qu'en cas de détérioration de la chose, il peut s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve qu'il n'a commis aucune faute,
- que la concluante n'a pas utilisé la chose, mais lui a simplement apporté des améliorations, et a cherché à la vendre conformément à l'accord des parties,
- que monsieur B. a utilisé la machine de manière intensive au cours de l'été 2012,
- que la demande de dommages et intérêts formée par monsieur B. n'est pas fondée, dès lors qu'il n'est pas démontré que la machine ait été détériorée, que les améliorations apportées à la machine ne sont pas à l'origine d'une perte de valeur bien au contraire, que monsieur B. ne peut se plaindre du temps écoulé dès lors qu'il n'est pas venu chercher la machine malgré les courriers de la concluante, que monsieur B. qui a utilisé la machine pendant tout l'été 2012 ne justifie d'aucune perte financière.
Motifs
#1 MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l'article 1927 du code civil :
'Le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu'il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent.'
Aux termes de l'article 1930 :
'Il ne peut se servir de la chose déposée sans la permission expresse ou présumée du déposant.'
Aucune pièce ne démontre que la société GRAN GELATO ITALIANO aurait détérioré la machine concernée, les modifications qui lui ont été apportées gratuitement par le constructeur et qui consistent dans le changement complet du programmateur électronique de la machine dit 'display' et l'ajout d'une sécurité de porte (réglette anti-arrachement), constituant des améliorations et non des détériorations, et étant de nature à faciliter sa revente et à améliorer sa valeur.
Aucune pièce ne démontre que la machine aurait été utilisée à l'insu de monsieur B., les photos produites ne comportant pas de date, et rien ne permettant d'établir qu'il s'agit de la machine concernée.
Aucune pièce ne démontre que la machine prêtée à monsieur B. en juillet 2013 et qu'il a conservée, n'aurait pas fonctionné.
#2 Aucune pièce ne démontre que monsieur B. aurait subi un préjudice financier dès lors qu'il disposait au cours des saisons d'été 2012 et 2013 d'une machine à glace, la première achetée, la seconde prêtée, et rien n'établit qu'il aurait perdu l'opportunité d evendre des glaces sur certains marchés.
Monsieur B. ne peut se prévaloir du temps passé qui aurait diminué la valeur marchande de la machine concernée, dès lors que la société GRAN GELATO ITALIANO a proposé à monsieur B. de lui restituer la machine SoftyBar n° 1085868 et de reprendre la machine n°1085862 qui lui avait été prêtée en juillet 2013, par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 octobre 2013 réitérée le 7 novembre 2013.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté monsieur B. de sa demande de dommages et intérêts, infirmé pour le surplus, et il sera statué dans les termes du dispositif, l'astreinte étant fixée à 70 euros par jour de retard pendant trois mois.
Il n'y a pas lieu en équité d efaire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient en équité de condamner monsieur B. à payer à la société GRAN GELATO ITALIANO la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté monsieur Benaïssa B. de sa demande de dommages et intérêts,
Infirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions, et statuant à nouveau
Condamne monsieur Benaïssa B. à venir récupérer la machine à glace Softy Bar n° de série 1088568 dans les locaux de la société GRAN GELATO ITALIANO, et à restituer la machine à glace n° de série 10885862 prêtée par la société GRAN GELATO ITALIANO, ce dans les quinze jours de la signification du présent arrêt, et à défaut sous astreinte de 70 euros par jour de retard pendant trois mois,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur B. aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.