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Décisions

CA Chambéry, 2e ch. civ., 1 juillet 2008, n° 07/01134

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Monard Ferreira

Conseillers :

M. Betous, M. Grozinger

Avoués :

SCP Forquin - Rémondin, SCP Dormeval-Puig

Avocat :

Me Chabrun

TGI Saint-Julien-en-Genevois, 20 mars 20…

20 mars 2007

Exposé des faits

Par un jugement en date du 20 mars 2007 le Tribunal d'Instance de Saint-Julien-en-Genevois a :

- Rejeté l'exception d'incompétence.

- Reçu l'opposition formée par Monsieur Bernard P. à l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 19 avril 2006 à la requête de Monsieur Maurice P..

- Dit et jugé que Monsieur P. et la SARL LES ECURIES DU MANOIR étaient liés par une convention de dépôt vente et que cette convention a pris fin en octobre 2005.

- Ordonné à Monsieur P. de venir récupérer son cheval dès la signification du présent jugement et à défaut l'a condamné à régler des frais de pension à la SARL LES ECURIES DU MANOIR à hauteur 200 € TTC par mois jusqu'à l'enlèvement définitif.

- Condamné Monsieur P. à payer à la SARL LES ECURIES DU MANOIR une pension sur la base de 200 € TTC par mois du 1er novembre 2005 jusqu'au jour du jugement.

- Débouté la SARL LES ECURIES DU MANOIR de sa demande en paiement pour le cheval FEU VERT.

- Fixé la créance de Monsieur P. à l'encontre de Monsieur P. à la somme de 2000 €.

- Condamné Monsieur P. à payer Monsieur P. la somme de 2000 €.

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.

- Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur P. a interjeté appel le 22 mai 2007.

Il expose exploiter un élevage de chevaux dénommé l'élevage de la CISTRE.

Il précise avoir placé un cheval dénommé FERRY BOAT au sein de la SARL LES ECURIES DU MANOIR afin de vendre ce cheval sans contrat de dépôt-vente conclu par écrit.

La SARL avait accepté de prendre gracieusement à sa charge les différents frais concernant l'animal dans le but de le vendre et d'en tirer un bénéfice.

Monsieur P. se serait porté acquéreur du cheval au mois de novembre 2004 pour une somme de 10 672 € .

Pour des raisons inconnues la vente n'aurait pas été finalisée.

La fille de Monsieur P. aurait régulièrement monté l'animal en cause pendant une année. Des soins ont été nécessaires et Monsieur P. précise avoir reçu des factures vétérinaires.

Il soutient qu'aucun contrat n'a lié les parties. Il s'agissait d'un simple échange de bons procédés par lesquels la SARL LES ECURIES DU MANOIR acceptait de prendre en charge les frais d'entretien de FERRY BOAT dans le but d'en tirer un bénéfice lors de sa vente.

Monsieur P. souligne n'avoir accepté cette situation que sous la réserve qu'on ne lui réclame aucun frais.

La vente n'est pas intervenue alors que les parties étaient en accord sur la chose et le prix. Seule la SARL LES ECURIES DU MANOIR serait responsable de cet échec.

Concernant le cheval FEU VERT aucun contrat n'a été conclu et l'animal a été monté en concours pendant trois mois à titre gracieux. Aucune somme ne serait ainsi due.

Monsieur P. conclut à l'infirmation du jugement déféré et au débouté de Monsieur P..

Il réclame la condamnation de ce dernier à lui verser la somme de 8 831,26 € avec intérêts légaux à compter du 6 mars 2006 ainsi qu'une somme de 2 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il demande la condamnation de la SARL LES ECURIES DU MANOIR à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive outre un montant de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur P. et la SARL LES ECURIES DU MANOIR font valoir en réponse que Monsieur P., éleveur, avait placé deux chevaux pour leur commercialisation. Il s'agissait bien d'un dépôt-vente conclu entre professionnels. Aucun prix plancher n'avait été fixé et Monsieur P. en voulait 10 500 € alors que la vente ne pouvait excéder un montant de 7 500 €. Il appartenait ainsi au propriétaire de récupérer son animal comme le lui avait demandé la SARL.

En laissant volontairement son cheval Monsieur P. bénéficiait d'installations et d'un service lui permettant de maintenir son cheval au mieux de sa forme. Il ne pouvait ignorer le coût de l'animal en pension.

Dans le cadre du même contrat de dépôt vente le cheval FEU VERT avait été mis au travail.

Monsieur P. a repris ce dernier sans régler aucune somme.

Monsieur P. avait donné son accord à la vente et il appartenait au propriétaire de régler le problème de la rémunération de son intermédiaire.

Il est réclamé ainsi par les intimés la condamnation de Monsieur P. à payer à la SARL LES ECURIES DU MANOIR la somme de 400 € TTC par mois depuis le 1er décembre 2005 jusqu'au 1er avril 2006.

Ils demandent la somme de 30 € HT par jour à compter du 1er avril 2006 jusqu'au parfait enlèvement du cheval après paiement intégral de toutes les condamnations.

La SARL LES ECURIES DU MANOIR sollicite la somme de 1 500 € au titre des pensions et travail sur le cheval FEU VERT outre les sommes de 1 000 € à titre de dommages et intérêts et de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur P. demande les mêmes sommes à titre de dommages et intérêts et en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'arrêt a été mis en délibéré au 1er juillet 2008.

Motifs

SUR CE

#1 Attendu qu'il résulte des documents produits aux débats que dans le courant de l'année 2004 Monsieur P. a confié un cheval dénommé FERRY BOAT à la SARL LES ECURIES DU MANOIR ; qu'aucun contrat écrit n'a été signé entre les parties ;

#2 Attendu qu'il est constant que le cheval n'avait pas été pris en pension ; que son dépôt avait pour objectif de procéder à sa vente ; que les courriers échangés attestent de cette réalité et de la commune intention des parties sur ce point ; que notamment Monsieur P. a réclamé la réalisation de la vente à plusieurs reprises ; que la SARL LES ECURIES DU MANOIR n'a jamais contesté que la remise du cheval devait entraîner la vente de ce dernier ; que Monsieur P. écrivait le 30 mars 2006 que l'animal avait été laissé en dépôt vente et qu'il avait souhaité l'acquérir ;

Attendu qu'il ressort des documents présentés que la vente n'est pas intervenue ; que les parties n'ont manifestement pas pu trouver un accord sur le prix et notamment Monsieur P. et la SARL LES ECURIES DU MANOIR ; qu'il n'est pas possible au vu des éléments présentés d'en imputer expressément la responsabilité à une seule des parties ;

Attendu qu'il est constant que la SARL LES ECURIES DU MANOIR a demandé à Monsieur P. de venir récupérer son animal à compter du 1er décembre 2005 ; qu'ainsi l'accord concernant le dépôt du cheval était résilié à compter de cette date ; que le propriétaire ne pouvait pas continuer à imposer la présence de son cheval sur la propriété de la SARL sans l'accord de cette dernière et en l'absence de contrepartie financière convenue ;

#3 Attendu qu'ainsi Monsieur P. doit assumer les frais d'entretien de son cheval à compter de la fin des relations contractuelles d'origine ;

Attendu qu'il n'est présenté aucun élément permettant de faire droit à la somme mensuelle de 400 € représentant le coût des frais de pension pour un cheval ; qu'aucun tarif opposable aux clients potentiels n'est produit ;

Attendu en outre que Monsieur C. atteste que le cheval était au pré et non en gardiennage dans les écuries de l'établissement ; qu'au surplus Monsieur P. a acquitté un certain nombre de frais et notamment des factures de soins ; qu'il y a donc lieu de confirmer la somme de 200 € mensuelle arrêtée par le premier juge concernant le coût des frais devant être supportés par Monsieur P. jusqu'à la reprise du cheval ;

Attendu que Monsieur P. et Monsieur P. n'ont été liés par aucun contrat ; qu'aucune vente ou location n'ont été expressément conclues ;

#4 Attendu que Monsieur P. a reconnu que sa fille avait monté régulièrement le cheval pendant plusieurs mois ; que Monsieur P. n'avait pas consenti à cet usage et n'avait pas mis son animal à la disposition de clients de la SARL LES ECURIES DU MANOIR sans aucune contrepartie onéreuse ; que son consentement concernant l'utilisation de son animal ne pouvait pas s'entendre au-delà d'un essai ponctuel et limité destiné à se prononcer sur l'achat de ce dernier; qu'un usage gratuit pendant plusieurs mois constituait ainsi une pratique non autorisée par ses soins lui ayant occasionné un préjudice ;

Attendu que l'indemnisation de Monsieur P. sera arrêtée à hauteur de la somme de 2 000 € ; que le premier jugement sera confirmé ;

Attendu qu'il n'est justifié d'aucun élément contractuel concernant le cheval FEU VERT ; qu'il est cependant constant que cet animal a été remis à la SARL LES ECURIES DU MANOIR pendant une durée de trois mois ; qu'il y a lieu de considérer que la même convention matérialisant un dépôt vente avait été conclue; que l'animal avait été retiré d'un commun accord sans qu'une cession ne soit intervenue ; qu'en conséquence la SARL LES ECURIES DU MANOIR ne peut réclamer aucune somme à Monsieur P. au titre des frais d'entretien ; que la demande sur ce point sera ainsi rejetée ;

Attendu que Monsieur P. ne justifie d'aucun préjudice effectif et distinct du fait de l'attitude de la SARL LES ECURIES DU MANOIR ; que la demande à ce titre ne sera pas accueillie ;

#5 Attendu que Monsieur P. et la SARL LES ECURIES DU MANOIR n'établissent pas la réalité d'un préjudice du fait de la procédure de Monsieur P., qui était partiellement fondée ; que les prétentions indemnitaires seront écartées ;

#6 Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les sommes exposées au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi.

Déclare l'appel recevable en la forme.

Au fond.

Confirme le jugement du Tribunal d'Instance de Saint-Julien-en-Genevois en date du 20 mars 2007 sauf en ce qu'il a dit que la convention de dépôt vente avait pris fin en octobre 2005 et que les pensions pour le cheval FERRY BOAT étaient dues par Monsieur P. à compter du 1er novembre 2005.

Le réforme sur ces points et statuant à nouveau.

Dit que le contrat de dépôt vente ayant lié Monsieur P. et la SARL LES ECURIES DU MANOIR a pris fin à compter du 1er décembre 2005.

Condamne Monsieur P. à payer à la SARL LES ECURIES DU MANOIR la somme mensuelle de 200 € TTC à compter du 1er décembre 2005 jusqu'à l'enlèvement définitif du cheval FERRY BOAT.

Déboute les deux parties de leurs autres demandes.

Laisse les dépens de la procédure d'appel à la charge de Monsieur P. dont distraction au profit de la SCP DORMEVAL-PUIG suivant les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Ainsi prononcé en audience publique le 1er juillet 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, et signé par Madame Chantal MONARD FERREIRA, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND, Greffier.