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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 29 octobre 2014, n° 14/19098

PARIS

Ordonnance

Infirmation

AMF, du 9 juill. 2014

9 juillet 2014

Par  décision du 9 juillet 2014, la 1re section de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (l'AMF), retenant que M. Michaël S. et M. Azad S., son frère, avaient commis un manquement d'initié, le premier, en acquérant le 14 octobre 2011 740 titres de la société Cybernétix alors qu'il détenait une information privilégiée relative à la préparation d'une offre publique d'achat sur les titres de cette société par la société Technip, annoncée au public le 4 novembre 2011, en violation des article 621-1, 621-2 et 622-2 du règlement général de l'AMF, titres revendus le 18 novembre 2011 en réalisant une plus-value de 4 077 €, le second en acquérant entre le 6 et le 12 octobre 2011 2559 titres de la société Cybernétix dans les mêmes conditions, titres revendus les 9 et 22 novembre 2011 en réalisant une plus-value de 17 044 euros, a prononcé à l'encontre de M. Michaël S. une sanction pécuniaire de 12 000 €, à l'encontre de M. Azad S. une sanction pécuniaire de 50 000 € et a décidé de publier cette décision sur le site Internet de l'AMF.

M. Michaël S. a formé un recours en réformation contre cette décision suivant déclaration du 18 septembre 2014. Invoquant les conséquences manifestement excessives que l'exécution de cette décision est susceptible d'entraîner, il a, par requête du même jour, formé une demande de sursis à exécution tant pour la sanction pécuniaire que pour la publication, à tout le moins, sur ce point, l'anonymisation de ses nom et prénom, dans l'attente de la décision de la cour d'appel saisie du recours.

Par ordonnance du 23 septembre 2014, nous avons fixé la date de l'audience pour statuer sur cette demande au 15 octobre 2014.

A cette audience, le conseil de l'intéressé, développant les termes de sa requête, a exposé que la sanction pécuniaire infligée, qui paraît disproportionnée au regard de l'avantage tiré des investissements, équivaut à 2,3 fois le montant de son bénéfice mensuel, d'un montant de 5 275,50 euros, et qu'il décaisse actuellement plus qu'il n'encaisse sur son compte professionnel ; qu'il ne peut donc régler le montant de la sanction sans contracter un emprunt ou aliéner un bien. Il a ajouté qu'eu égard à sa profession d'avocat, la publication de la décision non anonymisée sur le site de l'AMF, du fait notamment de l'utilisation des moteurs de recherche, est professionnellement, et de manière irréversible, disqualifiante en ce qu'elle porte atteinte à son crédit et à son honorabilité, éléments qui constituent des critères essentiels aux yeux de la clientèle des avocats.

L'Autorité des marchés financiers, qui a déposé des observations écrites le 10 octobre 2014, estimant que M. Michaël S. ne rapporte pas la preuve lui incombant des conséquences manifestement excessives sur les plans tant patrimoniaux que professionnel, que l'exécution de la décision est susceptible d'entraîner, a conclu au rejet de la demande.

Le ministère public, reprenant ses conclusions écrites du 13 octobre 2014, a émis le même avis.

SUR QUOI,

Il résulte de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier que les recours formés contre les décisions individuelles de l'Autorité des marchés financiers relevant de la compétence judiciaire n'ont pas d'effet suspensif sauf si la juridiction en décide autrement. Dans ce cas, la juridiction saisie peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision contestée si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Il appartient au demandeur au sursis de rapporter la preuve de telles conséquences.

En l'espèce, à l'appui de sa demande, M. Michaël S., qui exerce la profession d'avocat depuis 1996, s'est borné à produire le compte de résultat fiscal de l'année 2013 et l'annexe à la déclaration n° 2035 correspondants à la détermination de la valeur ajoutée produite au cours de l'exercice, dont il résulte que son bénéfice annuel a été de 63 305 euros, soit 5 275,50 € par mois. Les pièces nouvelles versées aux débats à l'audience, soit la synthèse mensuelle de son compte courant professionnel au 31 août et au 30 septembre 2014, des relevés de compte et une déclaration des revenus au 25 septembre 2014 n'apportent pas d'éléments nouveaux sur la situation de l'intéressé.

Celui-ci n'a pas en revanche fourni son avis d'imposition 2013 et celui des années précédentes ; il n'a pas davantage communiqué de documents relatifs la composition de son patrimoine alors que, lors de son audition par le rapporteur de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, le 7 mars 2014, il a déclaré être propriétaire d'un appartement d'une valeur de 600 000 € acquis pour partie au moyen d'un emprunt dont le solde est de 60 000 €, d'un appartement en Espagne d'une valeur de 350 000 €, d'une mini Austin d'une valeur de 15 000 € et d'une Porsche d'une valeur de 72 000 € ; qu' il a également indiqué détenir des valeurs mobilières, acquises à la suite de la revente d'un appartement à Puteaux en 2010 ayant généré une plus-value de 100 000 €, et avoir investi en bourse.

Il ne démontre dès lors pas que le paiement de la sanction pécuniaire de 12 000 €, dont il n'appartient pas au premier président d'apprécier si elle présente ou non un caractère disproportionné, entraînerait pour lui des conséquences manifestement excessives au regard de sa situation patrimoniale, alors qu'il lui est manifestement loisible d'emprunter cette somme s'il n'entend pas aliéner une partie de son patrimoine et que ni la souscription d'un emprunt ni la vente d'un bien n'entraîneraient en elles-mêmes des conséquences manifestement excessives.

Il n'établit pas davantage que la publication de la sanction infligée, qui constitue la règle, sur le site internet de l'AMF pourrait avoir de telles conséquences sur le plan professionnel, le seul exercice de la profession d'avocat étant à cet égard insuffisant, alors que le site précité précise qu'un recours est pendant contre la décision.

Les conditions exigées pour l'octroi d'un sursis à exécution n'étant ainsi pas réunies, il convient de rejeter la demande de M. Michaël S. à cet effet.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement,

Rejetons la demande de sursis à exécution de la décision rendue le 9 juillet 2014 par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers formée par M. Michaël S.,

Le condamnons aux dépens,

Disons que conformément aux dispositions de l'article R. 621-46 VIII du code monétaire et financier, la présente décision sera notifiée par le greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.