CE, 6e et 1e sous-sect. réunies, 7 février 2007, n° 288373
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Laprade
Rapporteur :
M. Dacosta
Commissaire du gouvernement :
M. Aguila
Avocats :
SCP de Chaisemartin, Courjon, SCP Delaporte, Briard, Trichet
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 décembre 2005 et 21 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Alain-Pierre A, demeurant ... ;
M. A demande au Conseil d'Etat, à titre principal, d'annuler la décision en date du 4 octobre 2005 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé à son encontre une interdiction de participer à la négociation d'instruments financiers pour une durée de cinq ans et a prescrit la publication de cette sanction au Bulletin des annonces légales obligatoires, ainsi que sur le site internet et dans la revue de l'Autorité des marchés financiers et, à titre subsidiaire, de diminuer la durée de l'interdiction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu le décret n° 2003-1109 du 21 novembre 2003 ;
Vu le règlement général du Conseil des marchés financiers homologué par l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 14 octobre 1997 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. A et de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la autorité des marchés financiers,
- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler ou, subsidiairement, de réformer la décision en date du 4 octobre 2005 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé à son encontre une interdiction de participer à la négociation d'instruments financiers pour une durée de cinq ans et a prescrit la publication de cette sanction au Bulletin des annonces légales obligatoires, ainsi que sur le site internet et dans la revue de l'Autorité des marchés financiers ;
Sur la régularité de la décision attaquée :
Considérant que la première section de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers s'est réunie pour examiner le dossier de M. A le 10 mars 2005 et a rendu sa décision lors de sa séance du 4 octobre 2005 ; qu'aucun élément nouveau n'est survenu entre les deux dates ; qu'à la seule exception du rapporteur, dont l'article R. 621-40 du code monétaire et financier excluait qu'il participât à la délibération de la formation, sa composition était identique ; qu'il suit de là que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la procédure aurait été irrégulière, du fait du délai écoulé entre les deux séances ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les membres de la formation ont été convoqués le 25 février 2005 pour la séance du 10 mars 2005 et que les pièces principales du dossier leur ont été simultanément adressées par le secrétariat de la commission ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'ils n'auraient pas bénéficié d'un délai suffisant pour prendre connaissance du dossier ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ; qu'aucune règle ou aucun principe n'imposait le respect d'un délai minimal pour la convocation des membres de la commission des sanctions à la séance du 4 octobre 2005, au cours de laquelle ils se sont bornés à poursuivre leur délibération et à se prononcer sur la sanction ;
Considérant que si, en vertu de l'article 20 du décret du 21 novembre 2003, alors applicable, le président de la formation peut faire entendre, au cours de la séance à laquelle la personne mise en cause est convoquée, toute personne dont il estime l'audition utile, faculté dont il a usé lors de la séance du 10 mars 2005, aucune disposition de cet article ne prescrit que soit dressé un procès-verbal de telles auditions ou que la décision rendue retrace leur contenu ; que, contrairement à ce qui est soutenu, l'absence d'un procès-verbal ne saurait être regardée comme faisant obstacle à l'exercice de son office par le Conseil d'Etat statuant sur la requête dirigée contre la décision de la commission des sanctions ;
Considérant que si la décision par laquelle la commission des sanctions, en application des dispositions du code monétaire et financier applicables à la date des faits, a rendu publique la sanction qu'elle a prononcée constitue, en l'espèce, une sanction complémentaire, celle-ci n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de la motivation d'ensemble de la sanction principale ;
Sur le bien-fondé de la décision attaquée :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, alors salarié de la banque CPR, a procédé, en 2001 et 2002, à de nombreuses opérations de vente et d'achat d'obligations à des cours dont il ne pouvait ignorer le caractère anormal, permettant à un autre établissement de la place de dégager des marges indues ; que, contrairement à ce qu'il indique, la situation précaire dans laquelle se trouvait alors la banque CPR, qui a cessé son activité peu après, ne pouvait justifier le caractère particulièrement désavantageux de ces transactions ; que M. A ne saurait, en l'espèce, s'exonérer de sa responsabilité en invoquant une insuffisance du contrôle interne de la banque ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la commission des sanctions se serait fondée sur des faits matériellement inexacts ;
Considérant que la commission des sanctions, qui a procédé à un examen approfondi de l'ensemble des circonstances de l'espèce, pouvait légalement, pour éclairer son choix quant au niveau approprié de la sanction, se référer à une affaire dont elle avait eu antérieurement à connaître ; qu'elle n'a, ainsi, commis aucune erreur de droit ;
Considérant qu'eu égard à l'atteinte portée aux intérêts tant de son employeur que de l'un de ses clients, la sanction prononcée ne saurait être regardée comme disproportionnée, alors même que M. A n'aurait pas tiré de profit personnel de ses agissements ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est fondé à demander ni l'annulation ni la réformation de la décision attaquée ;
DECIDE
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Alain-Pierre A, à l'Autorité des marchés financiers et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.