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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 5 janvier 2010, n° 2009/06017

PARIS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fossier

Conseillers :

M. Remenieras, Mme Jourdier

Avoués :

SCP Fisselier Chiloux Boulay, Me Teytaud, SCP Bernabe Chardin Cheviller

Avocats :

Me Dumas, Me Dezeuze, Me Guerin, Me Pasturel, Me Garaud

CA Paris n° 2009/06017

4 janvier 2010

Le 7 juillet 2003 à 8H40, avant l'ouverture de la séance, la société canadienne A. a annoncé au public son projet de lancer une offre publique d'achat sur le capital de la société P., dont les titres étaient admis sur le premier marché d'Euronext Paris et éligibles au service de règlement différé ainsi qu'au New-York Stock Exchange sous forme d'American depositary receipt. Le projet d'offre, dont a été saisi le Conseil des marchés financiers le 7 juillet 2003 à 7H30, a été déposé par la banque Morgan Stanley International Co Ltd , ci-après Morgan Stanley, et Lazard Frères Banque agissant toutes deux pour le compte de la société A.. Il se décomposait en une offre mixte à titre principal assortie, à titre subsidiaire, d'une offre d'achat et d'une offre d'échange.

Les documents relatifs à l'offre déposés auprès du Conseil des marchés financiers et de la Commission des opérations de bourse, ci-après la COB, évaluaient chaque action ordinaire P. à 41 €, comportant une prime d'environ 20 % par rapport au dernier cours de clôture de l'action P., celui de la séance du 4 juillet 2003, qui était de 34,02€. Suspendue avant l'ouverture du marché, la cotation du titre n'a été reprise qu'à partir de 13 h00.L'action P., qui cotait 39,9 € à l'ouverture, a terminé la séance à 42 €.

Des achats significatifs sur le marché du titre P. et des volumes inhabituels sur le marché du call warrantP. (prix d'exercice 30 €, échéance du 19 décembre 2003) émis par BNP Paribas ayant été décelés au cours du mois précédant l'annonce de cette offre publique, le directeur général de la COB a décidé le 1er septembre 2003 de faire procéder par le service de l'inspection à une enquête sur «le marché du titre P. et de tout produit qui lui serait lié à compter du 1er juin 2003», étendue «à compter du 1er mai 2003» par décision du 29 juin 2005 du secrétaire général de l'AMF. Un rapport a été établi le 12 février 2007 par la direction des enquêtes et de la surveillance des marchés (DESM) et examiné par la commission spécialisée n°2 du collège de l'AMF.

Le 15 juin 2007, le président de l'AMF a notifié les griefs retenus aux personnes suivantes, parmi lesquelles :

1) les membres d'un premier groupe, composé de :

- M. Xavier T., pour avoir communiqué une information privilégiée à son frère M. Charles T.. M. Xavier T. occupait à l'époque des faits le poste de «Senior Assignment Associate» au sein de la banque Morgan Stanley à Londres et, à ce titre, il avait été chargé de constituer, début juin 2003, les équipes opérationnelles affectées au projet d'OPA de la société A. sur les titres de la société P..

- plusieurs autres personnes à qui étaient imputés des liens directs ou étroits avec lui, pour avoir exploité cette information privilégiée :

- M. Charles T., qui a acheté entre le 18 juin et le 4 juillet 2003 des titres P. par l'intermédiaire d'une société domiciliée aux Bahamas en réalisant, à leur revente, juste après l'annonce de l'OPA une plus-value évaluée à 1 253 000 € ;

- M. Stefano M., ami de M. Xavier T., qui a acheté à partir du 19 juin 2003 des titres P. par l'intermédiaire de quatre sociétés dont il était l'ayant droit économique en réalisant, à leur revente, peu après l'annonce, une plus-value de 1 536 277€ ;

- M. Giovanni B. di N., gérant au sein de HSBC Guyzeller Bank, qui, sur recommandation de M. Stefano M., a acheté à partir du 23 juin 2003 des titres P. pour le compte de trois clients en réalisant une plus-value de 860 000 € ;

2) les membres d'un second groupe, constitué d'opérateurs dont les interventions ont, selon la notification de griefs, été effectuées dans des conditions de nature à asseoir des suspicions de manquement d'initié :

- M. Antonello F., qui a acquis pour le compte de la société B. Invest, le 19 juin 2003, 30 000 actions P. réalisant, à la revente, le 7 juillet 2003, une plus-value de 302 534 € ;

- M. Federico P., qui connaissait M. Antonelle F., a acquis, le 26 juin 2003, 25 000 actions P. réalisant, à la revente le 7 juillet 2003, une plus-value de 254 000€.

Par une décision du 23 décembre 2008, la commission des sanctions a prononcé à l'encontre de :

- M. Xavier T., une sanction pécuniaire de 100 000 € pour avoir communiqué à son frère une information privilégiée en violation de son obligation d'abstention ;

- M. Charles T., une sanction pécuniaire de 1 500 000 € pour avoir exploité en connaissance de cause cette information privilégiée en violation de son obligation d'abstention;

- M. Stefano M., une sanction pécuniaire de 1 300 000 € pour avoir exploité en connaissance de cause cette information privilégiée en violation de son obligation d'abstention;

- M. Giovanni B. di N., une sanction pécuniaire de 100 000€ pour avoir exploité en connaissance de cause cette information privilégiée en violation de son obligation d'abstention;

- M. Antonello F. une sanction pécuniaire de 400 000€ pour avoir exploité en connaissance de cause cette information privilégiée en violation de son obligation d'abstention

- M. Federico P. une sanction pécuniaire de 350 000€ pour avoir exploité en connaissance de cause cette information privilégiée en violation de son obligation d'abstention.

La Commission des sanctions a également décidé de publier sa décision sous forme anonymisée pour les personnes mises hors de cause ou des tiers au bulletin des annonces légales ainsi que sur le site internet et dans la revue de l'autorité des marchés financiers.

LA COUR,

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation de la décision de la commission des sanctions formé le 11 mars 2009 par M. Xavier T. ;

Vu le mémoire déposé par le requérant le 26 mars 2009 ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation de la décision de la commission des sanctions formé le 4 mai 2009 par M. Charles T. ;

Vu l'exposé des moyens déposé par le requérant le 4 mai 2009 ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation de la décision de la commission des sanctions formé le 21 avril 2009 par M. Stefano M. ;

Vu le mémoire déposé par le requérant le 23 avril 2009, soutenu par son mémoire en réplique, déposé le 16 octobre 2009 ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation de la décision de la commission des sanctions formé le 16 avril 2009 par M. Giovanni B. Di N. ;

Vu le mémoire déposé par le requérant le 16 avril 2009 ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation de la décision de la commission des sanctions formé le 17 avril 2009 par M. Antonello F. ;

Vu le mémoire déposé par le requérant le 30 avril 2009, soutenu par son mémoire en réplique, déposé le 15 octobre 2009 ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation de la décision de la commission des sanctions formé le 16 avril 2009 par M. Federico P. ;

Vu le mémoire déposé par le requérant le 30 avril 2009, soutenu par son mémoire en réplique, déposé le 16 octobre 2009 ;

Vu les observations écrites de l'AMF, déposées le 11 septembre 2009 ;

Vu les observations écrites du ministère public, mises à la disposition des parties à l'audience ;

Ouï à l'audience publique du 27 octobre 2009, en leurs observations orales, les conseils des parties, qui ont été en mesure de répliquer et qui ont eu la parole en dernier, ainsi que le représentant de l'AMF et le ministère public ;

SUR CE,

Sur la procédure

Considérant que M. Xavier T. soutient que la décision déférée est entachée de nullité, dès lors, d'une part, que le dossier constitué par la DESM ne lui a pas permis d'exercer ses droits de la défense et, d'autre part, que ce service a manqué à son obligation de loyauté;

Considérant que M. Charles T. demande l'annulation de la décision déférée pour violation des droits de la défense et des principes d'égalité des armes et de loyauté dans l'accusation en ce que les investigations de la DESM ont été conduites dans des conditions «parcellaires et tout à fait contestables» et que de telles carences ont été validées par la commission des sanctions qui a tenu pour acquis des faits non prouvés et qui ne lui a pas permis d'avoir connaissance d'éléments à décharge dont il aurait pu faire état pour se disculper ;

Considérant que M. Stefano M. soutient également que la décision attaquée est nulle, en invoquant un manquement de la DESM à son obligation de loyauté ainsi qu'une violation des droits de la défense, en raison d'une dissimulation volontaire à la commission des sanctions des éléments à décharge recueillis au cours de l'enquête administrative ;

Considérant que les trois requérants se fondent, pour l'essentiel, d'une part, sur le refus de transmission de certaines informations qui a été opposé par les autorités monégasques et, d'autre part, sur le refus de verser au dossier une lettre de la Commission européenne du 22 mars 2005, M. Stefano M. se prévalant de surcroît pour sa part de la non production au dossier de courriers comportant des dénonciations anonymes ; que M. Xavier T. et M. Charles T. ajoutent que le rapport est incomplet et comporte des affirmations non établies ; qu'en toute hypothèse, M. Stefano M. prie la cour de solliciter du ministère public la transmission de cotes (D9 et 10, D740, D815, D3718,D4263,D4585, D4643 et D4665) du dossier d'instruction concernant la présente procédure qui, soit ont été soustraites, soit contribuent à lever les charges pesant sur lui ;

En ce qui concerne la transmission d'informations par les autorités monégasques :

1. Sur le courrier du 6 avril 2004

Considérant que, dans un courrier daté du 6 avril 2004 adressé à M. G., adjoint au directeur de la direction des enquêtes et de la surveillance des marchés de l'AMF, le directeur du budget et du trésor du département des Finances et de l'Economie de la Principauté de Monaco, répondant à une demande d'assistance formulée dans le cadre de l'enquête menée sur le marché des titre de la société P., a communiqué une série d'informations concernant, tout d'abord, des transactions réalisées par trois intermédiaires monégasques, concernant ensuite, les clients les plus importants ayant, à la suite de transactions menées par l'intermédiaire de la Banque du Gothard (Monaco) acquis au minimum 2000 actions P. et réalisé une plus-value théorique d'au moins 20 000 € et concernant, enfin, les ventes de plus de 2000 titres P., classées par client ; qu'il est constant, ce qui sucite les reproches des requérants, que certains noms figurant sur les listes communiquées dans ce courrier ont été masqués ;

Considérant que M. Xavier T. fait valoir qu'en raison du refus discrétionnaire ainsi opposé par les autorités monégasques à la transmission des informations relatives à certaines personnes ou entités ayant opéré sur le titre P., le dossier constitué par la DESM ne lui a pas permis d'exercer ses droits de la défense et a porté atteinte au principe du contradictoire, dès lors qu'une telle pratique l'a privé de la possibilité de présenter des éléments à décharge, en particulier en lui interdisant de prendre connaissance de l'identité d'autres personnes ayant investi sur le titre P. et d'identifier d'autres sources possibles de transmission d'information privilégiée ; qu'il ajoute que la commission des sanctions lui a opposé que le choix des autorités monégasques de préserver l'anonymat de certaines personnes ou certaines entités n'avait pas, contrairement à ce qu'il prétendait, «pour objet ou pour effet d'indiquer d'autres sources possibles de transmission» et que les personnes concernées ne relevaient pas du champ de l'enquête diligentée par l'AMF, alors que, dans cette lettre du 6 avril 2004, les autorités monégasques ont seulement indiqué que les personnes dont l'identité n'était pas communiquée «n'avaient semble-t-il aucun lien avec les personnes mises en cause», appréciation qui ne permet pas d'exclure que la communication des informations litigieuses aurait pu lui permettre d'identifier une autre source possible de transmission et donc, de se disculper ; que le «caviardage» des pièces de la procédure lui est d'autant plus préjudiciable que la commission a eu recours à la méthode du faisceau d'indices, qui est incompatible avec un dossier d'enquête insuffisamment étayé ; que tout élément permettant d'expliquer les opérations litigieuses est en effet de nature à faire échec à la présomption de transmission d'information établie par le faisceau d'indices et doit donc conduire, compte tenu de la violation des droits de la défense, à l'annulation de la décision déférée ou à tout le moins, en le privant de la possibilité d'identifier d'autres sources de transmission de l'information, à une exclusion de l'utilisation de la méthode du faisceau d'indices ;

Considérant que M. Charles T. précise que le fait que ces informations concernant des ordres d'un faible montant sont dépourvues de lien avec les personnes mises en cause ne justifie pas l'occultation des donneurs d'ordres, des ayants droit économiques, des dates et du montant des ordres et que, selon le cas, le défaut de transmission et la dissimulation de documents ne lui ont pas permis de déterminer l'existence d'éléments à décharge ; qu'en toute hypothèse, l'AMF ne pouvait pas préjuger du contenu de ces documents pour refuser de rechercher leur contenu exhaustif et soutenir que les informations manquantes, qu'elle ne connaissait pas, étaient dépourvues de lien avec les personnes mises en cause, ce procédé étant d'autant plus critiquable que la commission des sanctions s'est référée à un simple faisceau d'indices et que la connaissance d'éléments à décharge aurait été de nature à lui permettre de se disculper ;

Considérant que M. Stefano M. souligne que le refus des autorités monégasques, qui l'a privé d'un légitime accès aux informations sollicitées, a compromis l'exercice des droits de la défense ;

Mais considérant que le directeur de la DESM a justifié (cote D.0006079) que l'occultation critiquée, sur laquelle le rapporteur lui avait demandé des éclaircissements, était intervenue à la demande des autorités monégasques en raison du fait que les personnes ou entités concernées ne relevaient pas du champ de l'enquête et, qu'au surplus, elles n'avaient fait l'objet d'aucune investigation de la part du service des enquêtes et n'avaient a priori aucun lien avec les personnes mises en cause ;

Considérant qu'au regard des exigences ainsi motivées des autorités monégasques qui s'imposaient aussi aux requérants, ceux-ci ne sont dès lors pas fondés à se prévaloir d'une violation des droits de la défense ; qu'au demeurant, la réponse du directeur du budget et du trésor, cantonnée à des opérations réalisées à Monaco, n'avait, contrairement à ce qu'ils soutiennent, pas pour objet ou pour effet d'indiquer d'autres sources de transmission de l'information privilégiée et qu'au surplus, une simple lecture du courrier en cause confirme que les rubriques dans lesquelles des mentions sont occultées n'ont a priori pas de lien avec les griefs de détention, de communication et d'exploitation d'une information privilégiée formulés l'encontre de M. Xavier T., de M. Charles T. et de M. Stefano M. ;

2. Sur le courrier du 10 juillet 2006

Considérant que M. Stefano M. fait également valoir qu'un autre courrier des autorités monégasques daté du 10 juillet 2006 est incomplet ;

Mais considérant que s'il est vrai qu'à la suite d'une erreur matérielle, la page 2 de ce courrier n'avait en effet pas été versée au dossier d'enquête, cette erreur a toutefois été réparée comme l'atteste un courrier du 17 mars 2008 adressé au rapporteur par le directeur de la DESM (D.0006078) ; que le courrier complet des autorités monégasques du 10 juillet 2006, auquel le requérant a eu accès, figurant au dossier (cote D.0000949 à D.0001035 et D.0006078), la procédure n'est dès lors entachée d'aucune irrégularité de ce chef ;

En ce qui concerne le courrier de la Commission européenne du 22 mars 2005 et les autres pièces visées par M. M. :

Considérant que, dans ce courrier, la Commission européenne, répondant aux questions que l'AMF lui avait posées dans une lettre du 29 septembre 2004, lui indiquait, d'une part, que des représentants d'A. avaient pris contact avec ses services en charge du contrôle des concentrations pour la première fois le 16 juin 2003 en leur envoyant un «briefing paper» présentant une analyse préliminaire des problèmes de concurrence et, d'autre part, que les différents contacts entre les représentants d'A. et de la Commission entre le 16 juin et le 7 juillet 2003 avaient revêtu un caractère informel, de sorte qu'il n'en a pas été conservé d'enregistrements ou de minutes ;

Considérant que M. Stefano M. a demandé le 13 novembre 2008 au président de la commission des sanctions la production de ce courrier ainsi que de procès-verbaux d'audition et de confrontation figurant au dossier d'instruction (cotes D.9, D.10, D.3718, D.4263, D.4665) et que, dans ses observations du 20 novembre 2008, il a également sollicité la production de nouvelles pièces du dossier d'instruction (D.740,D.815, D.4585,et D.4643) ; qu'aux termes de la décision déférée, ces demandes, formulées dix-sept mois après la réception de la lettre de notification des griefs et un mois après la remise du rapport du rapporteur, qui n'a jamais été sollicité en ce sens, ont été considérées comme trop tardives pour pouvoir être prises en compte;

Considérant que M. Stefano M. prétend, tout d'abord, que la lettre de la Commission contredit l'affirmation qui lui est opposée selon laquelle il existait une forte probabilité que les obstacles de rapprochement soient levés et, partant, que le dépôt d'une offre soit effectué sur P. ; que, selon le requérant, le choix de l'autorité de poursuite de soustraire une pièce au dossier d'enquête puis le refus de la présidente de la commission des sanctions de faire droit à sa demande de communication, qui ne peut encourir le reproche de tardiveté, sont constitutifs d'une atteinte à l'égalité des armes et à l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme, peu important qu'il ait décidé finalement de révéler le contenu du courrier en question; qu'il expose, ensuite, que le fait que cette pièce n'ait pu être versée aux débats et discutée contradictoirement par les autres mis en cause constitue de même une atteinte au principe du contradictoire et à l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'il fait enfin valoir, en ce qui concerne l'explication donnée par le représentant du collège lors de la séance, «qu'aucune démonstration n'est rapportée de ce que les propos [qui lui sont] prêtés aient été tenus, tant et si bien que le fait que la commission des sanctions les expose sous cette forme , alors que le représentant du collège n'était pas autorisé à participer aux délibérations est de nature à faire naître un doute légitime sur l'équité et l'impartialité de la procédure» ; qu'il ajoute qu'à supposer même que ces propos aient été tenus, ils n'ont pas pour autant fait l'objet d'une communication écrite et n'ont pas davantage été soumis à une discussion contradictoire entre les parties, ce qui constitue dans tous les cas une violation de l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Considérant que M. Xavier T. soutient que la DESM a violé le principe d'égalité des armes et a manqué à son obligation de loyauté dans l'accusation en ne communiquant pas au dossier le courrier en cause, dont il ressort que, contrairement à ce qu'a estimé la décision déférée, aucun obstacle tenant au respect du droit de la concurrence n'a été levé le 16 juin 2003; qu'au surplus, la position de la commission des sanctions est dépourvue de cohérence, dès lors que, après avoir exclu toute attitude déloyale de la part de la DESM en ce qui concerne le défaut de communication de ce courrier, elle lui a reconnu malgré tout un caractère probatoire, alors qu'il démontrait l'absence de lien entre la date de ses premières opérations et une étape clé du projet d'offre dont il aurait eu connaissance ;

Considérant que, selon M. Charles T., l'absence de communication de ce courrier, qui constituait une pièce à décharge, a irrémédiablement compromis ses droits de la défense ; qu'il établit en effet que les difficultés liées à l'application du droit de la concurrence n'ont pas été résolues avant le 7 juillet 2003 et, qu'en toute hypothèse, contrairement aux affirmations du rapport d'enquête, aucune avancée n'était intervenue le 16 juin 2003, de sorte que l'opération est ainsi restée très hypothétique jusqu'au 7 juillet 2003 ; que ce courrier, délibérément dissimulé aux mis en cause, pouvait pourtant leur permettre de prouver que l'information qu'il leur est reproché d'avoir exploité en connaissance de cause n'était pas privilégiée ; que, de surcroît, la commission des sanctions ne peut à la fois leur opposer un défaut de grief du fait de leur ignorance de cette pièce et de son contenu et s'en servir malgré tout comme élément probatoire pour motiver sa décision ;

Mais considérant, s'agissant en premier lieu du courrier de la Commission, que les reproches des requérants sont désormais dépourvus d'objet, dès lors que le contenu de ce courrier, qui figure au dossier pénal auquel M. M., en sa qualité de mis en examen, avait accès et qu'il estimait utile à sa défense, a été reproduit dans un courrier du 3 décembre 2008 versé au dossier, dont une copie a été adressée à tous les mis en cause qui ont pu en prendre connaissance, ce qui a rendu ainsi possible un débat contradictoire devant la commission des sanctions lors des séances des 22 et 23 décembre 2008 ; qu'il s'ensuit que toutes les questions soulevées par les requérants au sujet de ce courrier relèvent, en réalité, du débat de fond ;

Considérant, au demeurant, que le fait que l'AMF ait procédé à une sélection des pièces du dossier finalement soumis à la commission des sanctions n'est pas, en soi, de nature à vicier la procédure, à moins qu'il ne soit démontré que, manquant à son devoir de loyauté, elle n'ait distrait des éléments de nature à influer sur l'appréciation, par la commission des sanctions puis, le cas échéant, par la cour, du bien fondé des griefs retenus  ou qu'elle a porté concrètement atteinte aux droits de la défense ; que, s'agissant du courrier en cause, la décision relate les explications du représentant du collège, qui a indiqué, en séance, que si ce courrier n'avait pas été versé au dossier, c'est parce qu'il «semblait dépourvu d'incidences sur la présente espèce et (...) fournissait en annexe l'identité de plusieurs fonctionnaires de la Commission européenne à l'égard desquels aucun soupçon n'avait été maintenu, alors qu'ils étaient susceptibles d'avoir reçu des informations sur le projet de rachat de P. par les dirigeants d'A. lors de l'examen des questions de concurrence liées à cette opération» ; que de telles explications suffisent à établir que cette pièce n'a pas été écartée de manière déloyale, et qu'il n'est pas démontré non plus précisément qu'il a été porté atteinte aux droits de la défense ; qu'au surplus, contrairement à ce qu'avance M. Stefano M., les propos du représentant du collège qui ne sont contestés ni par M. Xavier T. ni par M. Charles T., procèdent d'un simple éclairage des termes du débat qui a été introduit par M. Stefano M. lui même à la suite de sa demande de production de pièces et ne révèlent aucune intervention en dehors de ce cadre ; qu'enfin, les mentions de la décision déférée suffisent à établir que, contrairement aux insinuations de M. Stefano M., le représentant du collège, qui n'était pas tenu de procéder à la communication d'observations écrites avant la séance de la commission, n'a pas participé au délibéré ;

Considérant, s'agissant en second lieu des autres pièces du dossier du juge d'instruction, que M. M. n'a pas exposé à à la cour les motifs justifiant sa demande de production de ces pièces, dont il ne précise ni la teneur ni le lien avec les griefs qui lui sont reprochés ;

Que sa demande sera rejetée ;

En ce qui concerne les dénonciations anonymes visant M. Stefano M. :

Considérant que ce requérant se plaint aussi que des dénonciations anonymes adressées à l'AMF, dont l'une au moins le visait nommément dans des termes particulièrement agressifs, n'ont été ni versés au dossier d'enquête ni annexés à la notification de griefs ; que, dans ces conditions, le fait que des éléments qui ont pu contribuer à la détermination des griefs formulés à son encontre, n'ont été portés ni à sa connaissance ni à celle de la commission des sanctions, constitue une violation des droits de la défense ;

Considérant que s'il est vrai que l'AMF a été destinataire d'un courrier comportant une dénonciation anonyme visant M. Stefano M., force est de constater, d'une part, que ce courrier a été transmis au juge d'instruction et qu'en sa qualité de mis en examen, M. Stefano M. a été mis en mesure d'en prendre connaissance et, d'autre part, que le requérant ne démontre pas pour autant que, manquant à son devoir de loyauté, l'AMF l'ait distrait alors qu'il était de nature à influer sur l'appréciation portée par la commission des sanctions puis, le cas échéant, par la cour, du bien fondé des griefs retenus ; qu'au demeurant, s'agissant, par nature, d'un élément à charge, M. Stefano M. ne peut utilement soutenir qu'il aurait été privé d'un moyen de défense ;

En ce que ce qui concerne la conduite de l'enquête et le contenu du rapport :

Considérant que M. Xavier T. prétend que, malgré la durée de l'enquête, la DESM n'a pas conduit d'investigations sur l'ensemble des comportements qu'elle estimait atypiques ; qu'ainsi, le rapport n'a pas permis d'établir de façon précise le «périmètre» exact des personnes initiées tant au sein de la Commission européenne qu'au sein des équipes opérationnelles ayant eu connaissance du projet d'offre (A., banque Lazard, F., P.) ; que, par ailleurs, alors que le secrétaire général de l'AMF avait demandé l'inclusion dans la période sous examen de l'ensemble des transactions sur le titre P. à compter du mois de mai 2003, la DESM a retenu à tort que la première acquisition atypique datait du 18 juin 2003, ce que contredit pourtant par une analyse sommaire du volume des opérations concernant le titre P. qui révèle une activité anormale sur le titre dès le 5 mai 2003 : le volume traité au mois de mai 2003 est en effet une fois et demie supérieur à la moyenne des mois de février, mars, avril 2003 ; que le rapport n'a pas non plus permis d'identifier l'origine de la transmission d'information privilégiée sur le projet d'offre mis en évidence par une dépêche d'agence du 3 juillet 2003 qui avait fait état d'une rumeur d'offre d'achat de la société A. visant P. et que, de même, la DESM a identifié des personnes physiques, la plupart de nationalité italienne, dont les comportements d'achat sur le titre P. étaient atypiques ; que de telles imprécisions, auxquelles s'ajoutent les inexactitudes et les contradictions du rapport d'enquête ont privé la commission des sanctions ainsi que les personnes sanctionnées d'une information complète ; qu'au surplus, de telles lacunes sont d'autant plus graves qu'une enquête sérieuse aurait pu permettre d'identifier d'autres sources de transmission de l'information privilégiée et aboutir à sa mise hors de cause ;

Considérant que M. Charles T. soutient que les enquêteurs de l'AMF n'ont pas effectué d'investigations concernant les transactions réalisées sur le titre P. par les résidents monégasques et la Banque du Gothard et HSBC Monaco qui les représentaient , alors pourtant qu'une partie significative des ordres considérés comme illicites par l'AMF ont été émis par ces deux banques ; que le rapport reconnaît également qu'il n'a pas davantage enquêté sur tous les comportements atypiques constatés «puisqu'en ce qui concerne les opérateurs suisses, au vu des nombreuses demandes faites auprès de la CBF, certaines ont été d'un commun accord abandonnées», sous prétexte que «les donneurs d'ordres et bénéficiaires économiques n'ont pu être identifiés ou contactés par le service des enquêtes, en l'absence de succès de la coopération internationale, ou du fait d'enjeux secondaires» ; que ces explications laissent planer des soupçons sur les raisons qui ont conduit l'AMF, au stade de l'enquête, à ignorer certaines pistes en faveur d'autres et au détriment de la bonne information de la commission des sanctions et des personnes sanctionnées ; que l'AMF n'a pas davantage enquêté sur d'éventuels manquements suggérés dans son rapport par le cabinet F. à la suite de mouvements portant sur des volumes de titres pourtant dix fois supérieurs à ceux de la société Newton Inv. Corp par l'intermédiaire de laquelle il a agi, ce qui contredit le parti pris retenu par l'AMF de ne s'intéresser qu'aux ordres d'une certaine importance et qu'il semble, par ailleurs, que d'autres personnes ayant eu connaissance de l'opération (équipes d'A., cadres de P., préposés, conseils externes, administrateurs, membres de la Merger Task Force de la Commission européenne) auraient également pu intervenir sur le titre ; que l'AMF a aussi négligé ses explications sur le recours à Newton Inv. Corp, structure juridique qui a été mise en place à la demande de HSBC et dont il n'est pas l'ayant droit économique, agissant en effet en vertu d'un mandat qui lui avait été confié par ses beaux-parents, et qu'elle a par ailleurs inutilement stigmatisé l'utilisation faite de l'adresse postale de M. Stefano M. afin de domicilier les seuls relevés de compte de Newton Inv. Corp alors qu'il s'agit d'une demande à HSBC pour répondre à une obligation réglementaire ; que toutes ces imprécisions et allégations laissent planer un doute sur la qualité et le sérieux de l'enquête menée par la DESM et, conduisant la commission des sanctions à se prononcer sur le fondement d'éléments incomplets, voire erronés ont porté atteinte aux droits de la défense des personnes mises en cause ;

Considérant que M. Stefano M. observe, pour sa part, que les conditions dans lesquelles l'enquête a été conduite et dans lesquelles le collège a engagé des poursuites démontrent que les investigations ont été menées exclusivement à charge, en critiquant incidemment le fait qu'alors qu'il est de nationalité italienne, il a été entendu, lors de l'enquête, en langue française ;

Mais considérant, en premier lieu, que la critique formulée par M. Stefano M. au sujet de l'emploi de la langue française n'est pas fondée, dès lors qu'il est constant qu'il a été entendu à Monaco, son lieu de résidence et dont la langue officielle est le français, assisté d'un avocat et qu'il ressort du dossier qu'il a répondu aux questions qui lui étaient posées, en français, par les enquêteurs sans que ni lui ni son conseil ne leur aient fait part de la moindre objection liée à l'emploi de cette langue à la place de l'italien ou d'une quelconque difficulté de compréhension des questions posées ;

Considérant, en second lieu, que les reproches exprimés par les requérants sur la nature et l'étendue des investigations conduites par les enquêteurs ainsi que sur le caractère prétendument à charge de l'enquête sont également dépourvues de portée, dès lors que les services d'enquête de l'AMF déterminent librement la nature et l'étendue des investigations auxquelles ils décident de procéder dans le cadre de l'enquête qui leur est confiée ; que si cette phase de la procédure n'est pas soumise au principe contradictoire, les requérants n'ont nullement été privés de présenter des observations au rapporteur dès l'ouverture de la phase contradictoire, après la notification des griefs, puis devant la commission des sanctions ; qu'au demeurant, le contenu du rapport et les conclusions du rapporteur ne constituent qu'un des éléments de la procédure soumise, à l'issue d'un débat contradictoire, à la commission des sanctions et qu'ils ne peuvent, en soi, avoir d'incidence sur la légalité externe de sa décision ;

Considérant, en définitive, que, sous couvert d'une critique de la validité de la procédure, les contestations de M. Xavier T., de M. Charles T. et de M. Stefano M. visant l'enquête et le rapport portent en réalité sur des éléments du dossier débattus devant le rapporteur puis devant la commission des sanctions qui font précisément l'objet du fond du débat qui a été tranché par la décision déférée à la cour,

Que les moyens d'annulation de la décision tirés d'une violation des droits de la défense, des principes d'égalité des armes et de loyauté dans l'accusation ne sont pas fondés ;

Sur les textes applicables

Considérant qu'il est constant que les faits visés par la notification de griefs ont été commis en juin et juillet 2003 ;

Considérant que l'article 1er alinéa 5, du règlement n°90-08, alors applicable, prévoyait que «le terme information privilégiée signifie une information non publique, précise, concernant un ouplusieurs émetteurs, une ou plusieurs valeurs mobilières, un ou plusieurs contrats à terme négociables, un ou plusieurs produits financiers cotés qui, si elle était rendu publique, pourrait avoir une incidence sur le cours de la valeur, du contrat ou du produit financier concerné» ;

Que l'article 4 du même règlement énonçait que «les personnes auxquelles a été communiquée une information privilégiée à l'occasion de l'exercice de leurs professions ou de leurs fonctions ne doivent pas exploiter, pour compte propre ou pour compte d'autrui, une telle information sur le marché ou la communiquer à des fins autres ou pour une activité autre que celles à raison desquelles elle a été communiquée» ;

Que l'article 5 précisait que «Toute personne qui, en connaissance de cause, possède une information privilégiée provenant directement ou indirectement d'une personne mentionnée aux articles 2,3 et 4 du présent règlement, ne doit pas exploiter, pour compte propre ou pour compte d'autrui, une telle information sur le marché» ;

Considérant que l'arrêté du 12 novembre 2004 a abrogé avec effet immédiat le règlement COB n°90-08, en lui substituant le règlement général de l'AMF dont il porte l'homologation ;

Considérant qu'en application de l'article 47 de la loi n°2003-706, les règlements de la COB demeurent applicables jusqu'à leur abrogation et que, dès lors, avant l'entrée en vigueur du règlement général de l'AMF, le règlement n°90-08 a continué de s'appliquer aux faits et situations qu'il visait, et notamment à l'exploitation susceptible d'avoir été faite, en l'espèce, d'une information privilégiée ; qu'en effet, le nouveau texte a pour effet de maintenir les manquements objet des griefs puisque, tout en abrogeant le règlement COB, il en reprend le contenu dans des dispositions qui, même si elles sont différentes dans la forme, restent pour l'essentiel équivalentes au fond ;

Considérant cependant que le règlement général de l'AMF a modifié deux notions:

1. est désormais interdite, non seulement «l'exploitation» prévue par le règlement COB n°90-08, mais aussi la simple «utilisation» d'une information privilégiée» ;

2.l'influence sur les cours que l'information serait susceptible d'avoir si elle était rendue publique est désormais qualifiée de «sensible», alors que le règlement COB n°90-08 ne faisait référence qu'à une «incidence sur les cours» ;

Considérant que l'extension de la définition du comportement incriminé n'est pas applicable aux manquements, antérieurs à l'entrée en vigueur des articles 621-1 et 622-1 du règlement général, reprochés en l'espèce, les mis en cause devant bénéficier de l'application des dispositions antérieures moins sévères, tandis que la qualification de «sensible» donnée à l'influence sur les cours est constitutive d'une loi plus douce, immédiatement applicable aux manquements d'initiés fondés sur le règlement n°90-08 ;

Considérant, dès lors, que comme l'a décidé à bon droit la commission des sanctions dont la décision n'a, sur ce point, n'a pas été critiquée par les requérants, c'est en application des dispositions du règlement COB n°90-08, maintenues par les articles 621-1 et 622-2 du règlement général de l'AMF, que les faits de communication et d'exploitation d'une information privilégiés poursuivis en l'espèce sont définis et demeurent susceptibles d'être sanctionnés, sous la seule réserve concernant l'influence «sensible» sur les cours que l'information serait susceptible d'avoir ;

Sur le fond

Considérant que M. Xavier T. prétend qu'il n'était pas en possession d'une information privilégiée, dès lors que son rôle s'est borné à constituer les équipes opérationnelles de Morgan Stanley le 2 juin 2003 et, qu'après cette date, il n'a plus eu de contacts avec les membres de ces équipes, de sorte qu' il n'a jamais eu connaissance de la réunion du conseil d'administration de la société A. du 3 juin 2003 qui a évoqué le projet d'OPA sur les titres P. ; qu'en sa qualité d'«assignment associate» (ou «staffer») au sein du département Investment Banking du bureau de Londres de Morgan Stanley, «position administrative de support en charge de la gestion des ressources humaines de ce département», il ne connaissait pas les détails du projet d'offre et n'était pas en mesure de suivre son évolution ; qu'en tout état de cause, le caractère strictement confidentiel de ce projet interdisait les échanges entre les membres de l'équipe et avec les clients de Morgan Stanley ; qu'au surplus, le fait qu'un projet était «actif» ne signifie pas pour autant qu'il allait se réaliser, puisque environ un projet sur quatre aboutit à un accord effectif ; qu'enfin, la simple connaissance du mandat relatif au projet d'offre confié à Morgan Stanley ne constitue pas une information précise au sens de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF dès lors que, compte tenu de ses fonctions, il n'a jamais détenu d'information lui permettant de déterminer si l'offre d'A. sur P. avait des chances raisonnables d'aboutir ;

Considérant que ce requérant critique également la décision déférée en ce qu'elle a retenu qu'un faisceau d'indices permettait de conclure à une transmission d'information privilégiée, alors qu'en ce qui le concerne, la méthode du faisceau d'indices ne peut recevoir application, puisque, d'une part, la DESM n'a pas établi l'absence de preuve tangible de la détention de l'information, en particulier en ce qui concerne d'éventuels contacts avec M. Charles T. pendant la période litigieuse et, d'autre part, que les services d'enquête de l'AMF n'ont pas effectué d'investigations sur d'autres origines possibles des opérations incriminées, en ajoutant que la commission des sanctions n'a pas pris en considération le fait que M. Charles T. et M. Stefano M. avaient tous deux massivement investi sur le titre P. en 2002 ; qu'en tout état de cause, le faisceau d'indices visé par la commission des sanctions est insuffisant pour conclure à une transmission d'information, dès lors que quatre éléments au moins la contredisent:

- les ordres passés par M. Charles T. étaient conformes à ses habitudes d'investissement;

- la date de ses premières opérations ne correspond pas à une «date clé» du projet d'offre dont M. Xavier T. aurait eu connaissance ;

- la nature de l'information détenue par M. Xavier T. exclut tout intérêt de communication à un tiers ;

- de simples contacts entre deux frères ne suffisent pas à démontrer la transmission d'information privilégiée ;

Considérant que M. Charles T. fait valoir, tout d'abord, s'agissant de la détermination de la date à laquelle l'information selon laquelle A. allait lancer une offre publique est devenue privilégiée, qu'il s'était en effet convaincu de la préparation d'une opération visant les titres de P., d'une part à partir de simples déductions issues de son analyse du marché et, d'autre part, à partir d'informations qui avaient toutes été préalablement portées à la connaissance du public-transactions antérieures et consolidation constante du secteur, tentative de fusion en 1999, prédisposition de P. à jouer un rôle dans une transaction capitalistique-ou constituaient des données de marché-cours de bourse, volumes échangés- qui, en tant que telles, n'étaient pas susceptibles d'avoir une influence sur le cours du titre P.; qu'il fait valoir, en outre, que l'information en cause n'est devenue suffisamment précise pour recevoir la qualification de privilégiée qu'après le 2 juillet 2003 ; qu'à cet égard, la décision déférée retient à tort la circonstance du «dépôt imminent d'une offre publique», dès lors que les conditions préalables essentielles lui conférant effectivement des chances d'aboutir, telles que la valorisation de la société cible, le financement de l'offre publique ou encore l'autorisation de déposer un projet d'offre par l'organe compétent de l'initiateur n'étaient pas réunies à la date, retenue par la commission des sanctions, du 3 juin 2003 ; qu'ainsi, l'objet de la réunion du conseil d'administration d'A. du 26 juin 2003 était limité à une présentation «des raisons en faveur de l'offre (...), les comptes rendus de due diligence, ainsi que les discussions avec les autoritésde la concurrence» et que les travaux d'évaluation de P. n'ont été portés à la connaissance d'A. que le 30 juin 2003, de sorte que la fixation des modalités de l'offre est intervenue plus de dix jours après ses premiers achats; que, de surcroît, la négociation du financement de l'offre n'a débuté qu'entre le 23 et le 27 juin 2003 et que ce financement n'a été avalisé par le conseil d'administration d'A. qu'au cours de sa séance du 2 juillet 2003; que ce n'est dès lors qu'à cette date que l'information en cause est devenue privilégiée, puisque c'est au cours de cette séance, qu'après avoir pris connaissance de la position de la Commission européenne ainsi que des éléments relatifs au financement de l'offre et de l'évaluation de la cible et de la parité d'échange, que le conseil d'administration d'A. a autorisé le lancement de l'offre en donnant une délégation de pouvoirs au président ; qu'avant cette autorisation, il était en effet impossible de considérer que le projet d'offre avait des chances d'aboutir ; que, par surcroît, c'est également à partir de cette date que, comme le reconnaît le rapport d'enquête, des rumeurs relayées par la presse, qui l'ont conduit à procédé à son dernier achat d'actions P. le 4 juillet 2003, ont commencé à circuler sur le marché ;

Considérant que M. Charles T. soutient, ensuite, qu'en toute hypothèse, la commission des sanctions, qui devait établir que l'information en cause provenait d'une personne préalablement initiée dans le cadre de sa profession, ne disposait d'aucune preuve (procès-verbal d'audition, retranscription d'enregistrements téléphoniques) permettant d'identifier de manière certaine l'origine de l'information qu'il aurait prétendument exploitée; que le seul lien de parenté avec M. Xavier T. n'est pas un élément pertinent pour caractériser la transmission d'une information privilégiée ; qu'à ce sujet, les intéressés qui, d'un commun accord, avaient décidé de ne jamais aborder ensemble des sujets de nature professionnelle, ont donné toutes les explications utiles, étant de surcroît rappelé que Morgan Stanley imposait à tous ses salariés le strict respect des règles de secret professionnel et de confidentialité ;

Considérant que le requérant prétend encore qu'il n'a jamais exploité en connaissance de cause une information privilégiée et, qu'à cet égard, compte tenu des explications données sur les raisons de son investissement, le recours au faisceau d'indices, qui n'est qu'un mode de preuve subsidiaire, est contestable ; qu'ainsi, il résultait de nombreuses données et informations publiques que P. devrait participer à la consolidation inexorable du secteur de l'aluminium et des métaux et «vraisemblablement en tant que cible»; que, depuis l'échec de la tentative de fusion en 1999 entre A., Algroup et P., celle-ci était une entreprise isolée, financièrement fragile, et de ce fait, faiblement valorisée, qui, à l'inverse d'A., dont la trésorerie était pléthorique, avait souffert du ralentissement économique de la période 2001-2003; que, dès lors, l'acquisition de P. par A. en juillet 2003 constituait l'aboutissement d'une stratégie connue de tous, ce qui rendait en 2003 le titre P. hautement spéculatif, avec une augmentation des volumes échangés et du cours, étant observé que le rapport d'enquête reconnaît lui-même que, pour l'ensemble du marché, l'éventualité d'une offre publique sur P. était même très vraisemblable depuis 1999 ; que ces éléments sont corroborés non seulement par diverses analyses sur la valeur du titre P., dont celles de Merrill Lynch du 13 mai 2003 et de Goldman Sachs du 5 juin 2003, qui soulignaient une opportunité intéressante pour les investisseurs, mais encore par les propos du président de P. qui s'était déclaré favorable à un rapprochement avec une autre entreprise du secteur de l'aluminium, dont A.;

qu'au surplus, M. Charles T. souligne qu'il avait déjà procédé au début de 2002 à un investissement significatif dans le titre P., déjà fondé, comme celui qui lui est désormais reproché, sur son analyse du marché issue de données publiques et que c'est par un processus d'investissement similaire qu'il a de nouveau acquis des titres P. après avoir procédé à une nouvelle analyse du marché dans le contexte d'une hausse d'activité et d'une communication accrue sur le titre ;

Considérant que M. Charles T. fait enfin valoir, à titre subsidiaire, que le faisceau d'indices visé par la commission des sanctions ne peut être retenu :

- qu'en ce qui concerne les montants investis en titres P. et leur proportion par rapport à l'actif net de Newton Inv. Corp, la commission des sanctions a retenu à tort un pourcentage de 99 % de l'actif de ce compte alors que ce ratio n'était, en réalité, que de 55 % en raison des disponibilités globales-effet de levier compris-dont Newton Inv. Corp et le compte ouvert à la banque Julius Baer bénéficiaient, chiffre qui n'avait rien d'anormal et qui, de surcroît, est cohérent avec ses habitudes d'investissement ;

- que, s'agissant du volume de call warrants acquis par M. Charles T., évalué à 53 % du volume échangé le 2 juillet 2003, cet indice est erroné, s'agissant d'un marché très étroit sur lequel l'acquisition d'un faible nombre de ces titres aurait très rapidement représenté une part importante du volume journalier : que les warrants acquis pour le compte de Newton Inv. Corp représentaient moins de 1 % des produits P. traités ce jour-là et 4 % de l'investissement global réalisé par Newton Inv. Corp sur le titre P. ;

- que l'indice tiré des contacts réguliers avec M. Xavier T. est inopérant, puisque des relations entre membres d'une même famille ne peuvent permettre de présumer la transmission d'une information privilégiée ;

- qu'en ce qui concerne, enfin, l'arrêt des achats le 4 juillet 2003 et la fermeture du compte de Newton Inv. Corp le 15 septembre 2003, le requérant explique qu'il a considéré que le dépôt de l'offre publique d'A. annoncée le 7 juillet 2003 correspondait non seulement à l'événement attendu par le marché mais aussi que la plus-value réalisée par l'effet de cette opération dépassait ses attentes, de sorte que son objectif était ainsi atteint ; qu'il aurait pu continuer à acheter des titres P. après le 7 juillet 2003 afin d'anticiper une surenchère sur le titre, mais que, ne disposant pas d'information privilégiée portant sur les intentions d'A. relatives à P., il a agi en investisseur prudent en soldant ses positions et en réalisant les bénéfices sur le titre ;

Considérant que M. Stefano M. expose, de son côté, en premier lieu, que la probabilité d'une offre publique d'A. sur P. n'était pas une information privilégiée et qu'il s'est fondé sur des informations publiques pour définir sa stratégie d'investissement sur le titre P. à compter du 19 juin 2003 ; qu'en effet, l'information en cause n'est devenue précise que postérieurement à ses achats, au plus tôt à la date du 2 juillet 2003 ; que les allégations de la commission des sanctions sur les dates alternatives des 3 et /ou 16 juin 2003 comme celles auxquelles l'information relative à l'offre publique a pu revêtir un caractère précis sont contredites par les pièces du dossier ; qu'ainsi :

- il n'est pas établi qu'A. aurait pris la décision de se conformer aux exigences de la Commission européenne le 3 juin 2003, car le procès-verbal du conseil d'administration ne prend pas position sur ce point ;

- aucun élément du dossier ne confirme que les dirigeants d'A. auraient su à compter du 16 juin 2003 qu'il n'y avait plus obstacle d'ordre réglementaire au principe d'un rapprochement avec P. ; qu'à l'opposé, les éléments fournis par le cabinet F. à la DESM indiquent que des contacts écrits et téléphoniques ont été pris avec la Commission européenne du 13 juin jusqu'au 7 juillet et que, pendant cette période, celle-ci n'a jamais donné sa position sur l'offre publique ;

- qu'au surplus, dans la lettre du 23 mars 2005, la Commission européenne confirme que les contacts ayant eu lieu avec les représentants d'A. entre le 16 juin et la 7 juillet avaient un «caractère préliminaire et largement informel» ;

Qu'ainsi, à l'époque où il a effectué ses achats de titres P., l'information selon laquelle une offre publique pourrait être déposée par A. sur P. ne revêtait pas une probabilité telle qu'elle lui aurait conféré un caractère précis, ce qui a été confirmé par les représentants de Morgan Stanley qui , lors de leur audition, ont déclaré que l'information n'était devenue précise, au plus tôt, qu' après la décision du conseil d'administration d'A., prise le 2 juillet 2003, de lancer l'offre ; que ses interventions sur le titre P. après le 4 juillet 2003 sont intervenues dans le prolongement des opérations qu'il avait précédemment réalisées sur la base des analyses du marché du titre P. et de la société P. et elles ont été confortées par les rumeurs, abondamment relayées par les medias, sur une éventuelle prise de contrôle imminente de P., qui rendu l'information litigieuse publique ; que le rapport a d'ailleurs lui-même évoqué de telles rumeurs dès le 16 juin 2003 puis, de façon plus soutenue, le 3 juillet 2003 ; qu'à tout le moins, l'existence de ces rumeurs, combinées avec l'analyse à laquelle il s'est livré des informations publiques dont il disposait sur P., constitue l'explication de ses opérations sur les titres de cette société ; qu'en tout état de cause, le caractère sensible qu'une telle information pourrait avoir eu sur le cours n'est pas démontré, étant observé, à cet égard, qu'alors que, selon le rapport, c'est le caractère inamical de l'offre qui était de nature à exercer une influence sur le cours la décision déférée retient une «démonstration rétrospective» reposant sur le pourcentage d'augmentation du prix du titre à compter du 7 juillet 2003 ; qu'il n'était cependant pas établi par le dossier que M. Stefano M. aurait eu connaissance d'une offre hostile, étant observé que le projet de 1999 consistait en une fusion tripartite amicale et non en une acquisition hostile avec prime ;

Considérant que le requérant souligne, en deuxième lieu, que l'application de la méthode du faisceau d'indices concordants, qui opère un renversement de la charge de la preuve, ne peut s'appliquer que lorsqu'aucune autre explication ne peut être donnée aux agissements d'un individu sur le marché ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, puisqu'il a justifié les motifs des opérations qui lui sont reprochées et, qu'en tout cas, aucun des indices retenus par la commission des sanctions n'est de nature à caractériser la possession et l'exploitation d'une information privilégiée, dès lors :

- qu'il n'avait de relation suivie ni avec M. Charles T. ni avec M. Giovanni B. Di N., qu'il avait seulement croisés à l'occasion d'événements mondains, étant au surplus observé que l'AMF n'a même pas cherché si des contacts téléphoniques étaient intervenus entre eux ;

- qu'aucune conséquence ne peut être tirée de l'envoi par HSBC des relevés de compte de Newton Inv. qui n'a été opéré que pour des raisons administratives ;

- que les montants investis par les quatre sociétés sont habituels au regard de sa stratégie d'investissement, constante depuis plusieurs années ;

- qu' il avait déjà acquis des titres P. en 2002 dans des conditions comparables ;

- que la portée des études financières de Goldman Sachs ne peut, compte tenu de la notoriété de cette banque, être minimisée par les rares analyses d'autre banques ;

- que les allégations de M. Giovanni B. Di N. sur une prétendue rétrocession des plus-values sont démenties par le dossier ;

Considérant que le requérant précise que ce sont en effet, des raisons étrangères à toute détention d'une information privilégiée qui ont déterminé l'achat de titres P., à partir d'informations publiques, notamment le fait :

- que P. apparaissait comme un candidat idéal à un rapprochement dans un secteur en pleine consolidation ;

- que son exclusion de la fusion envisagée en 1999/2000 avait mis en évidence son isolement, qui constituait sa principale faiblesse ;

- que cette opération avait constitué un signal adressé au marché, selon lequel cette entreprise avait besoin d'un partenaire et qu'elle ne cesserait de s'affaiblir si elle n'en trouvait pas un ;

- qu'elle était contrainte, à terme, de se restructurer à grande échelle, en raison notamment de la baisse des prix de l'aluminium ;

- qu'elle ne parvenait pas à atteindre la taille critique face à de gros concurrents ;

- que les cours bas des titres P. suscitaient la «convoitise» d'autres sociétés ;

- qu'il continuait de surveiller attentivement l'évolution du cours du titre depuis 2002 et d'en suivre les résultats financiers ;

- qu'au début de 2003, des signes de redressement du cours étaient perceptibles et que P. connaissait une amélioration significative de ses résultats ;

- que, depuis le mois de mai 2003, les volumes des titres échangés avaient augmenté par rapport à la moyenne des trois mois précédents et qu'une «explosion des prix» était intervenue à partir de la mi-mai ;

- que les analyses financières de Goldman Sachs et Merrill Lynch recommandaient l'achat du titre ;

- que les déclarations de M. R., dirigeant de P., médiatisées dès le 16 juin 2003, étaient assez inhabituelles de la part d'un président de société cotée qui doit normalement s'abstenir de formuler des conjectures, de peur de susciter la spéculation sur le titre de la société qu'il dirige ;

- que le caractère prudent et progressif de ses acquisitions de titres P. à compter du 19 juin2003 ne correspond pas au comportement d'une personne qui dispose d'une information privilégiée ;

- que la date de début d'acquisition des titres, le 19 juin, infirme en tout cas l'hypothèse d'une information détenue à compter du 3 juin 2003, voire à compter du 16 juin 2003 ;

- que le fait qu'il n'a pas revendu dès le 9 juillet les titres ainsi acquis démontre que, loin de détenir une information privilégiée, son acquisition répondait en réalité à une stratégie d'investissement prudente et réfléchie, avec un objectif raisonnable de prix de revente ;

Qu'en définitive, la décision déférée n'a pas pris en considération le fait qu'il s'était déjà livré dans le passé à des opérations sur le titre P., qu'il était un investisseur averti rompu aux opérations boursières, et qu'il disposait de solides compétences financières, ainsi que le fait que ses décisions d'investissement reposaient à l'époque sur les recommandations de nombreux analystes relayées par la presse financière, qu'il consultait ; que la commission des sanctions a refusé d'envisager que ce n'est que par coïncidence fortuite que son investissement a été concomitant des opérations préparatoires à l'offre publique d'A. sur P. ;

Considérant que M. Giovanni B. Di N. expose qu'en application de l'article 5 du règlement COB relatif à l'utilisation d'une information privilégiée, le bénéficiaire d'une telle information doit non seulement la détenir par le canal de l'une des catégories d'initiés visées par le règlement mais encore l'avoir utilisée en sachant qu'il s'agissait d'une information présentant cette caractéristique : ce bénéficiaire doit être conscient que lui a été communiquée une information sur la base de laquelle il faut s'abstenir d'opérer sur le titre concerné ; qu'en l'espèce, à supposé démontré le caractère privilégié de l'information qui lui aurait été transmise, il ressort cependant du dossier que le rapporteur, en préambule de ses observations, reconnaît implicitement mais nécessairement que l'analyse des circonstances dans lesquelles M. Giovanni B. Di N. a réalisé les opérations incriminées ne lui permet pas de prouver qu'il avait effectivement conscience que l'information était privilégiée et lui interdisait en conséquence d'opérer sur le marché («La question, inédite, qui est posée est donc de savoir si une recommandation fournie sur le fondement d'une informationprivilégiée peut conduire la personne qui la reçoit à être un initié. Votre rapporteur vous propose de considérer que cette circonstance établit la détention de l'information privilégiée en cause, lorsque la personne qui a reçu la recommandation ne pouvait pas ne pas savoir que cette recommandation était fondée sur une information privilégiée»); qu'en se proposant de prouver, non pas que M. Giovanni B. Di N. savait, mais qu'il «ne pouvait pas ne pas savoir»,le rapporteur «a glissé subrepticement» des dispositions de l'article 5 du règlement COB à celles de l'article 622-2 du règlement AMF qui lui a succédé, son raisonnement revenant alors à prouver que M. Giovanni B. Di N. «savait nécessairement»;

Considérant que le requérant indique que la commission des sanctions a décidé qu'il avait agi en conscience à partir de deux indices-le fait que s'il connaissait le titre P., cette valeur ne faisait pas partie de celles qu'il suivait et le fait qu'il a procédé à l'acquisition d'actions pour le compte de ses clients «sans avoir préalablement procédé à une quelconque analyse de ce qui lui avait été dit»-ne peuvent permettre d'établir qu'il a utilisé «en connaissance de cause» une information privilégiée qui lui interdisait d'opérer sur le marché ; que le fait qu'il ne suivait pas le titre P. ne prouve pas qu'il avait alors nécessairement conscience que l'information transmise était privilégiée, alors qu'il a toujours reconnu avoir opéré sur la base d'un conseil de M. Stefano M. qui s'était révélé très inspiré en d'autres circonstances ; qu'en définitive, dès lors que la question de savoir s'il peut être qualifié d'initié doit être examinée au regard des seules dispositions de l'article 5 du règlement COB 90.08, le rapporteur et la commission des sanctions auraient dû établir :

- que la recommandation faite à M. Giovanni B. Di N. reposait sur une information privilégiée, alors qu'il reste à prouver que l'information était privilégiée, ce que contestent «les présumés initiés du premier cercle» ;

-qu'elle provenait directement ou indirectement d'une personne figurant dans les premiers cercles d'initiés alors qu'il a indiqué qu'il ne connaissait pas les frères T. et que, dès lors, il n'existe aucun élément qui lui aurait permis d'imaginer que M. Stefano M. pouvait être informé de manière privilégiée d'une éventuelle opération sur le titre P. ;

- surtout, qu'il avait conscience que la recommandation était fondée sur une information privilégiée ;

Qu'à l'opposé, plusieurs éléments démontrent qu'il n'avait pas conscience d'agir sur le fondement d'une telle information :

- l'absence de passation d'ordre d'achat à titre personnel : en effet, s'il avait eu conscience du caractère privilégié de l'information transmise par M. Stefano M., il aurait sans doute été enclin, comme les autres opérateurs mis en cause, à acheter personnellement des titres P.;

- l'importance relative des montants investis dans l'intérêt de certains de ses clients accrédite encore cette thèse : il a en effet expliqué aux enquêteurs de la DESM que les opérations réalisées pour ses clients, qui représentaient entre 2,5 % et au maximum 10 % de leur fortune globale pouvaient être qualifiés de «normales à importantes» ;

- l'explication donnée sur les raisons qui l'ont poussé à faire confiance à M. Stefano M. est plausible et cohérente : la demande par celui-ci d'une rétribution conditionnelle aux profits éventuellement réalisés n'était pas suffisante pour l'inciter à investir, étant précisé qu'en l'absence d'opération à court terme, il lui était facile de «ressortir» du marché sans perte significative, compte tenu de la très faible volatilité du cours de l'action P. durant les derniers mois précédant leur achat; dans ces conditions, il était parfaitement indifférent que M. Stefano M. précise l'origine et la nature exacte de son information ;

- il n'entretenait aucun lien personnel avec le premier cercle d'opérateurs identifiés, censé regrouper les personnes ayant «des liens directs sinon étroits avec M. Xavier T.» et n'avait pas non plus de liens étroits avec M. Stefano M. qu'il avait connu lorsqu'ils travaillaient tous deux à UBS et avec qui les échanges étaient cantonnés au cadre professionnel ;

Qu'il conclut que la commission des sanctions n'est pas parvenue à établir, par un faisceau d'indices graves, précis et concordants que, comme l'exige l'article 5 du règlement COB applicable en l'espèce, il a opéré «en connaissance de cause» ;

Sur l'existence d'une information privilégiée

Considérant qu'aux termes des notifications de griefs, l'information relative au «dépôt imminent» ou «aux grandes chances de dépôt imminent» d'une offre publique d'achat de la société A. sur les titres de la société P. a revêtu, dès le 3 juin 2003 et, à tout le moins, le 16 juin 2003, les caractéristiques d'une information privilégiée ;

Considérant qu'une information privilégiée est, au sens de l'article 1er alinéa 5, du règlement n°90-08, une information précise, non publique et susceptible d'avoir une influence sensible sur les cours ;

Considérant , tout d'abord, sur la précision de l'information, que l'article 621-1 du Règlement général de l'AMF énonce qu' «une information est réputée précise si elle fait mention d'un ensemble de circonstances ou d'un événement qui s'est produit ou qui est susceptible de se produire et s'il est possible d'en tirer une conclusion quant à l'effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés» ;

Considérant qu'en ce qui concerne une OPA, la notion de précision implique l'existence d'un projet suffisamment défini entre les parties pour avoir des chances raisonnables d'aboutir, peu important l'existence d'aléas inhérents à toute opération de cette nature quant à la réalisation effective de ce projet et sans que soit nécessairement arrêté un prix ;

Considérant qu'il est constant qu'en mars 2003, le président d'A. a rencontré M. Jean-Pierre R., président directeur général de P., pour évaluer les possibilités de rapprochement entre les deux sociétés ; que, le 25 avril 2003, s'est tenue à New-York une réunion entre les représentants d'A., de Morgan Stanley et de S. &C. ; qu'après avoir opéré une révision de la faisabilité de la transaction avec P., la direction d'A. a réuni son comité exécutif le 23 mai 2003 ; que, le 28 mai 2003, une nouvelle réunion des représentants d'A., de Morgan Stanley-M. Michel Z.-et de S. &C. a eu lieu, afin de discuter des conditions relatives à l'émission de l'offre d'achat ; que, le 2 juin 2003, M. Xavier T. «Senior Assignment Associate» au département des fusions et acquisitions de Morgan Stanley, a été chargé de désigner les équipes opérationnelles affectées au projet d'OPA;

Considérant que c'est dans ces conditions que, le 3 juin 2003, la direction d'A. a présenté à son conseil d'administration un rapport sur une possible acquisition de P. par la voie d'une offre publique ; que, si rien ne permet d'affirmer que le conseil d'administration aurait alors accepté les conditions, fixées ultérieurement par la Direction de la concurrence de la Commission européenne, auxquelles était subordonné un rapprochement entre les deux sociétés, il est toutefois établi par le dossier qu'ont été communiqués aux membres de ce conseil d'administration des éléments précis sur la société P. ainsi que sur les termes de l'offre publique d'achat inamicale envisagée ; qu'il a d'ailleurs été souligné que, si la société A. devait maintenir son projet d'acquisition, il conviendrait d'agir vite ; que, non seulement les membres du conseil d'administration n'ont formulé aucune objection sur l'acquisition proposée, mais que plusieurs d'entre eux ont même encouragé la société A. à poursuivre dans cette voie; que la cour observe également pour sa part qu'il ressort du dossier (cote R.000782) que, le surlendemain de cette réunion, le 5 juin 2003, A. est passé à une phase opérationnelle significative en confiant à la société Publicis Consultants une mission d'assistance et de conseil sur la définition et la mise en oeuvre de sa communication et de ses relations publiques pour la préparation de son offre sur P. ;

Considérant, dès lors, qu'au vu de ces éléments, c'est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, que la commission des sanctions a constaté que l'information telle que visée par la notification de griefs était précise au motif que le projet d'offre publique avait de la sorte des chances raisonnables d'aboutir dans un délai proche et qu'il était alors possible d'en tirer une conclusion quant aux effets qui pourraient en résulter sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés, peu important l'existence d'aléas, inhérents à toute opération de cette nature ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il importe peu qu'à la date du 3 juin 2003, n'aient été arrêtés ni le prix de l'offre ni les modalités de son financement, ou encore que celle-ci n'ait officiellement été approuvés par le conseil d'administration que le 2 juillet suivant ;qu'est tout aussi indifférente la circonstance que l'opération ait été suspendue à l'accord des autorités de la concurrence, cette circonstance laissant subsister la réalité du projet et, dès lors, le caractère précis de l'information;

Qu'au surplus, la cour observe que l'annonce de l'offre publique est intervenue avant la notification formelle du projet auprès des autorités de la concurrence et a fortiori bien avant l'accord que celles-ci ont donné à la suite de contacts qui se sont noués à partir du 16 juin 2003; que le document déposé par A. devant le Conseil des marchés financiers afin d'obtenir une décision de recevabilité de son projet d'offre sur P. comporte d'ailleurs expressément la référence à ce que l'opération intervenait sous la condition suspensive de son approbation par les autorités de la concurrence européenne mais également américaine ;

Considérant, ensuite, sur le caractère non public de l'information, que c'est également à juste titre que la commission a relevé que le public n'a pas alors été informé de façon précise du projet d'offre publique d'A., puisque les recommandations contradictoires de la presse financière dont les requérants font état, soit n'évoquaient pas une offre publique ultérieure, soit le faisaient de manière vague ;

Qu'ainsi, la cour constate que le 13 mai 2003, l'analyse de Merrill Lynch recommandait d'acheter des titres P. avec un objectif de cours de 54,81 € par action(cote R.0001400), alors que le titre valait 24,39 €, sans aucune référence au fait que P. puisse être rachetée; que, si le 5 juin 2003, Goldman Sachs a formulé une recommandation «outperform» avec un objectif de cours compris entre 34 et 40 € que pourrait proposer un acquéreur potentiel(R.000763 à R.000768), le 18 juin, BNP Paribas Equities se disait prudente (cote R.000750 et R.000751) alors que, le 20 juin, Deutsche Bank adoptait une recommandation de vente, estimant le titre surcoté (cote R.000694 à R.000735) ;

Que, comme le souligne la commission des sanctions et contrairement à ce qu'affirment les requérants, les propos, rapportés par la presse, de M. R. qui ont été tenus le 16 juin 2003 lors d'une réunion d'investisseurs, selon lesquels le rapprochement entre A. et P. pourrait être une bonne opération, ne retirent pas pour autant à l'information son caractère privilégié ; qu'en effet, d'une part, le PDG de P. , à chaque fois qu'il a été interrogé sur un tel rapprochement, a, comme il l'a confirmé à la DESM le 2 février 2004, fait les mêmes déclarations : «un tel rapprochement conserverait le sens industriel qui avait été identifié lors du projet A.-P.-A., mais il se heurterait aux mêmes objections des autorités de la concurrence et P. a désormais les moyens de sa propre politique de croissance interne et externe. Un tel rapprochement n'est pas à l'ordre du jour» (cote R.00862) ; que, d'autre part, les articles ayant rapporté les propos tenus le 16 juin 2003 ont bien mentionné le caractère purement hypothétique d'une telle opération, de sorte qu'il ne pouvait en être déduit que le rapprochement entre les deux sociétés était en train de se faire; qu'au surplus, si des rumeurs d'offre publique ont été rapportées par la presse, c'est à partir du 3 juillet 2007 et, de surcroît,dans le sens de l'affirmation ou du démenti, de sorte qu'à l'opposé de ce que soutiennent les requérants, elles ne pouvaient avoir conféré à l'information en question un caractère public;

Considérant, enfin, sur le caractère sensible de l' information, qu'il résulte de l'article 621-1 du Règlement général de l'AMF, applicable en l'espèce conformément au principe de rétroactivité in mitius, «qu'une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont liés est une information qu'un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement» ;

Considérant que tel est bien le cas en l'espèce, un projet d'offre publique étant, par nature, susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours du titre de la société cible, de sorte que l'offre publique d'achat sur les titres P. constituait une information qu'un investisseur raisonnable aurait été susceptible d'utiliser comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement ; que, d'ailleurs, à la suite du communiqué du 7 juillet 2003 sur l'offre publique d'A. sur le titre P., dont il a alors été précisé qu'elle a été fixée à un prix de 41 euros par action, soit une prime de 20,52 % par rapport au dernier cours coté, le volume échangé a représenté 10,9 millions de titres sur le marché, le titre progressant de 23,46 % à la clôture pour atteindre un cours de 42 euros ; qu'il est indifférent que cette hausse ait été précédée les 3 et 4 juillet 2003 d'une autre, qui s'était limitée à 6,31 % ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que la commission des sanctions a décidé que l'existence d'une information privilégiée relative au dépôt imminent ou aux grandes chances de dépôt imminent d'une offre publique d'achat de la société A. sur les titres P. est caractérisée dans tous ses éléments à partir du 3 juin 2003 ;

Que les moyens ne sont pas fondés ;

Sur la communication, la détention et l'exploitation de l'information privilégiée

Considérant qu'à défaut de preuve matérielle, la détention d'une information privilégiée peut être établie par un faisceau d'indices concordants, desquels il résulte que seule la détention de l'information privilégiée peut expliquer les opérations auxquelles la personne mise en cause a procédé, sans que la commission des sanctions n'ait l'obligation d'établir précisément les circonstances dans lesquelles l'information est parvenue jusqu'à la personne qui l'a utilisée ;

Considérant que, contrairement à ce que prétendent les requérants, le recours à la méthode du faisceau d'indices ne requiert pas la démonstration préalable de l'impossibilité d'obtenir une preuve matérielle de la transmission ou de l'exploitation de l'information ; qu'en outre, pour les personnes mentionnées à l'article 5 du règlement COB n° 90-08, n'est pas indispensable à la caractérisation du manquement, l'identification de celui qui est à l'origine de l'information, dès lors qu'il est avéré que cette dernière, d'une part, ne peut provenir que de l'une des personnes mentionnées aux articles 2, 3 et 4 du même règlement, d'autre part, a été exploitée en connaissance de cause ;

En ce qui concerne la communication de l'information privilégiée par M. Xavier T. et son exploitation par M. Charles T., M. Stefano M. et M. Giovanni B. Di N.:

Considérant qu'il est reproché à M. Xavier T. d'avoir communiqué à son frère, M. Charles T., l'information privilégiée qui vient d'être définie ;

Considérant qu'il est reproché à M. Charles T. d'avoir exploité cette information privilégiée ; que, selon la notification de griefs, l'enquête a mis en évidence un faisceau d'indices concordants montrant que les achats d'actions et de call warrantsP. que M. Charles T. a effectués ne pouvaient s'expliquer que par la réception de l'information privilégiée émanant de son frère, M. Xavier T. ;

Considérant que M. Xavier T., «Senior assignment associate et professionnel des opérations de fusions et acquisitions au sein de la banque Morgan Stanley de Londres, a été chargé, à partir du 2 juin 2003, de constituer les équipes opérationnelles affectées au projet d'offre publique de la société A. sur les titres de la société P. ; qu'à l'opposé de ce qu'il prétend, de telles fonctions n'impliquaient pas seulement la connaissance du «mandat relatif au projet d'offre confié à Morgan Stanley mais aussi la connaissance, d'une part, du projet d'offre publique, même s'il pouvait ignorer certains de ses détails - tels que les prix, les aspects techniques, la structure, le financement, les synergies escomptées, les restructurations envisagées ou encore les difficultés de droit de la concurrence - et, d'autre part, du stade avancé du projet puisqu'il n'a été conduit ni à compléter ni à modifier la composition des équipes qu'il avait été chargé de mettre en place ni encore à mettre fin de manière anticipée à leur participation; qu'il a d'ailleurs précisé aux enquêteurs qu'il « aurait été informé certainement» dans la journée ou dans la semaine de l'arrêt du projet d'offre sur lequel travaillaient les équipes de Morgan Stanley et que n'ayant pas reçu une telle information, il pouvait en déduire que l'offre irait à son terme ; que M. Michel Z., directeur général de Morgan Stanley, en charge du dossier P. A., qui a expliqué, lors de son audition, que «lorsque nous avons une affaire, l'agent de répartition des tâches [«assignment associate»] passe en revue les principales caractéristiques de l'affaire, si elle est de taille importante, s'il s'agit d'une industrie spécifique etc. et ensuite il décide ou il me propose ce que devrait être la bonne équipe» a d'ailleurs confirmé que M. Xavier T. était «au courant de ce qu'était la transaction» (audition de M. Michel Z. cote R.0001555);

Considérant qu'il en résulte que M. Xavier T. détenait l'information privilégiée relative au dépôt prochain d'une offre publique d'achat d'A. à compter du 3 juin 2003 et, dès lors, qu'il était un initié astreint comme tel à une interdiction absolue de communication de l'information privilégiée qu'il détenait, peu important qu'au regard des procédures internes de garantie du secret applicables au sein de Morgan Stanley, son nom ait ou non figuré sur la liste du groupe de travail affecté au dossier A. ;

Or considérant que son frère, M. Charles T., a acquis, entre le 18 juin et le 4 juillet 2003, par l'intermédiaire de la société offshore Newton Inv. Corp. établie aux Bahamas, 90 000 actions P. ainsi que 200 000 calls warrantsP. 30, opérations qui ont atteint un montant de 2 893 786 € ;

Considérant, tout d'abord, qu'au regard des habitudes d'investissement de M. Charles T., c'est à juste titre que la commission des sanctions a qualifié cet investissement d'atypique ; qu'il n'avait en effet effectué dans le passé que des opérations, significativement inférieures, «de quelques centaines de milliers d'euros et jusqu'à 1,5 million d'euros», qui ne peuvent en tout cas permettre de retenir que, comme il le soutient, il avait déjà massivement investi en 2002 sur le titre P. ;

Considérant, ensuite, que comme l'a constaté la commission des sanctions, plus de 90 % du montant du portefeuille de Newton Inv. Corp a été investi en titres P., y compris les warrants ; qu'au delà de cette constatation objective, la commission des sanctions a, contrairement à ce que soutient le requérant, pris en considération le fait que ce compte bénéficiait effectivement d'une ligne de crédit multi -devises destinée à financer l'acquisition de titres d'un montant maximal de 1 million d'euros, ce qui conduisait à retenir que l'investissement en cause représentait de toute façon le pourcentage, particulièrement important, de 55 % des capacités de financement de M. Charles T., en prenant en considération les disponibilités inscrites sur son compte ouvert dans les livres de Julius Baer et la ligne de crédit qui y était attachée ;

Considérant que même s'il est exact que le marché en question était étroit, les investissements réalisés sur le call warrantP. le 2 juillet 2003 n'en représentaient pas moins le pourcentage, important, de 53 % de ce marché ;

Considérant que contrairement à ce qu'affirme M. Charles T., ni la faible valorisation du titre à partir de mars 2003, ni la consolidation du secteur de l'aluminium, ni les déclarations du président de P., dont il a été indiqué que la portée devait être relativisée, ni d'éventuelles rumeurs ni encore des analyses financières, dont le contenu vient d'être rappelé, qui sont loin d'être unanimes, ne sont de nature à justifier à partir du 18 juin 2003 et jusqu'au 4 juillet 2003 un investissement aussi atypique, aussi massif et aussi soudain ;

Considérant, enfin , pas plus que devant la commission des sanctions, il ne justifie ce qui l'a conduit à opérer la domiciliation chez Stefano M. des courriers concernant le compte de Newton Inv. Corp puis à clôturer ce compte dans les deux mois qui ont suivi les opérations incriminées;

Considérant, dès lors, que c'est à juste titre que, sur la base de ce faisceau d'indices concordants, la commission des sanctions a conclu que les interventions de M. Charles T. sur le titre P. ne peuvent avoir d'autres explications, compte tenu des conditions dans lesquelles elles sont intervenues et de leur volume, que par la détention de l'information privilégiée; que s'il est vrai que des relations familiales ne permettent pas, en soi, de présumer une communication de cette information, il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce, compte tenu des circonstances susévoquées, elle ne pouvait lui avoir été communiquée que par son frère, M. Xavier T. qui avait, comme lui, une activité professionnelle dans le domaine financier et qu'il voyait fréquemment, comme M. Xavier T. l'a indiqué aux enquêteurs : « on se parle occasionnellement au téléphone. Ça peut aller d'une fois par semaine à deux ou trois fois par jour» ;

Considérant que tous les éléments constitutifs des manquements reprochés à M. Xavier T. et M. Charles T. étant réunis en l'espèce, les moyens doivent être rejetés ;

En ce qui concerne les griefs notifiés à M. Stefano M. et à M. Giovanni B. Di N.:

Considérant qu'il est reproché à M. Stefano M. d'avoir exploité l'information privilégiée en passant, à partir du 19 juin 2003, des ordres d'achat d'actions et de warrants P. pour le compte des sociétés P., S., Globefin et W. dont il est l'un des principaux ayants droit économiques et d'avoir ainsi réalisé, pour son compte et pour celui de sa famille, une plus-value globale de plus de 1,53 millions d'euros ; que, selon la notification des griefs, ces achats ne pourraient s'expliquer que par la transmission de l'information privilégiée dont il aurait bénéficié de la part de M. Xavier T., soit directement, soit par l'intermédiaire de son frère, M. Charles T. ;

Considérant qu'il est fait grief à M. Giovanni B. Di N., gérant au sein de HSBC Guyerzeller Bank, d'avoir, en connaissance de cause, exploité la même information privilégiée en acquérant, pour le compte de trois de ses clients, 86 000 titres P. à partir du 23 juin 2003 ;

Considérant que c'est à juste titre que la commission des sanctions a retenu qu'il existe un faisceau d'indices concordants desquels il résulte que seule la détention de l'information privilégiée peut expliquer les opérations auxquelles l'un et l'autre ont procédé ;

Considérant, en effet, tout d'abord, que l'investissement global qui a été effectué pour le compte de l'ensemble des sociétés offshore pour lesquels M. Stefano M. est intervenu a dépassé le montant de quatre millions d'euros , montant considérable au regard de la composition des portefeuilles de chacune de ces sociétés, soit : P. Inv Sa (un «gros pourcentage» selon les propos de M. Stefano M. lui-même), S. Investment Inc (24,5% du total des actifs), Globefin (44,97 % des actifs) et W. Finance Inv (26 % du total des actifs) ; qu'aucune comparaison n'est ainsi possible entre cet investissement massif avec le volume de l'investissement en titres P. - 512 102 € - qui a été effectué en février 2002 par M. Stefano M. ;

Considérant que, pour tenter de justifier son achat, celui-ci, s'il a admis ne pas suivre «particulièrement le marché français, mais le titre P. depuis plusieurs années. Je suivais les sociétés qui m'intéressaient. Je n'avais pas l'habitude d'investir dans les actions françaises» a indiqué : «j'avais des recherches qui précisaient bien qu'A. allait racheter P., l'auteur desrecherches étant Goldman Sachs»ou «[j'utilisais] des recherches fondamentales, sectorielles(...)Système Bloomberg-Reuters, j'avais accès à tous les systèmes et toutes les recherches ainsi qu'à Internet» ; qu'il a ajouté que ses interventions sur le titre seraient dues au fait que P. était un candidat isolé, contraint de ses restructurer, idéal pour un rapprochement, compte tenu du signal donné en 1999/2000, les prétendants à une telle opération réitérant fréquemment leur démarche, et qu'il a commencé à procéder à des reventes le 4 juillet 2003, soit avant l'annonce de l'opération ; que c'est à juste titre que la commission des sanctions a jugé non crédibles ces explications qui, pour l'essentiel, sont réitérées devant la cour, dès lors que la plupart de ces données, qui de surcroît, n' étaient pas univoques, étaient disponibles bien avant les interventions à l'achat de M. Stefano M. en juin 2003 et que, contrairement à ce qu'il soutient, il ressort du dossier qu'il a cédé ses titres, non à partir du 4 juillet 2003, mais entre le 9 et le 14 juillet 2003 ;

Considérant , ensuite, que les acquisitions de M. Stefano M. doivent être rapprochées de celles faites par M. Charles T. sur le fondement d'informations ne pouvant provenir que de son frère ; que M. Stefano M. a en effet débuté ses achats de titres P. le 19 juin 2003, soit le lendemain des premières interventions de M. Charles T., alors qu'il n'est pas contesté qu'il connaissait M. Xavier T., détenteur de l'information privilégiée, ainsi que M. Charles T., qui a lui-même exploité cette information privilégiée ; que les liens entre M. Stefano M. et M. Charles T. sont plus particulièrement illustrés par le fait :

- que, sans donner d'explications satisfaisantes sur ce point, M. Charles T. a fait domicilier chez M. Stefano M. les relevés de comptes de Newton Inv. Corp, structure juridique établie aux Bahamas par laquelle il opérait sur les marchés financiers et qui a été utilisée en l'espèce pour acquérir les titres P. ;

- que, peu de temps après les opérations incriminées, dans le courant de l'été 2003, M. Charles T. a quitté la Banque Morgan Stanley pour participer à la création de la société Globefin European Advisers dont l'activité unique, dans un premier temps, était de fournir des conseils à la société Globefin Asset Management qui a pour actionnaires M. Stefano M. et M. Federico M. ;

Considérant, enfin, qu'il est constant que M. Stefano M., qui connaissait depuis la fin des années 1990 M. Giovanni B. Di N., gérant au sein de la banque HSBC Guyzeller Bank (Suisse) avec qui il avait travaillé en tant que conseiller à la banque UBS à Monaco, lui a recommandé d'acheter des titres P. en échange d'une rémunération ; que c'est ainsi que M. Giovanni B. Di N. a acheté 86 000 titres P. entre le 23 juin et le 3 juillet 2003 puis les a revendus entre le 7 et le 9 juillet 2003, dégageant ainsi une plus-value de 860 000 € ; qu'il a donné aux enquêteurs les explications suivantes :

« (...) les titres ont été achetés sur la base d'une recommandation qui m'a été faite par M. Stefano M.. Plus précisément, il m'a proposé d'acquérir un titre sans en préciser le nom dans un premier temps, dans le but de réaliser une plus-value et de partager les bénéfices en découlant. M. Stefano M. m'a appelé et il m'a dit : «que la société pourrait faire l'objet d'une opération.» Pour moi il était clair que ça voulait dire une fusion ou une acquisition. Ce qui m'a intéressé c'est le fait qu'il demande une rétribution, cela donnait du poids à ses propos (...).Je n'ai pas eu de date, mais de tête, je me souviens que l'opération devait avoir lieu à plus ou moins brève échéance (...). Ensuite, j'ai proposé cette opération à quelques clients sans préciser le nom de la société. Par contre je leur ai indiqué le partage de la plus-value en fonction de son montant de 25 à 50 % (...). Sur l'accord des clients, j'ai décidé d'acquérir les titres P. (...). J'ai eu un second contact avec M. Stefano M., il m'a à ce moment donné le nom du titre» ;

Qu'il ressort en tout cas du dossier que, peu de temps après avoir reçu l'information de M. Stefano M. et alors qu'il s'agissait pourtant, d'après lui, d'une simple «recommandation» et qu'ayant admis que, même s'il connaissait le titre P., il ne s'agissait pas d'une valeur qu'il suivait, M. Giovanni B. Di N., professionnel de la finance qui ne pouvait ignorer que les ordres passés étaient susceptibles d'engager sa responsabilité a pourtant, contre toute attente, effectué des acquisitions d'actions P. pour le compte de ses clients, sans avoir à ce moment là, procédé préalablement à un minimum de vérifications ; qu'il a en effet déclaré aux enquêteurs puis confirmé à la commission des sanctions que s'il avait «dû faire faire une analyse graphique à notre analyste interne en même temps que je passais mon ordre», il ne «se souvenait cependant plus du résultat de cette analyse» et qu'en tout cas «il n'avait pas fait de vérifications» ; que, surtout, que, dans un courrier adressé à la commission fédérale des banques suisses, puis au cours de la séance de la commission des sanctions, M. Giovanni B. Di N. a précisé que des pourcentages sur les plus-values réalisées avaient été rétrocédées à M. Stefano M. au moyen d'un virement de 299 900 € fait le 11 juillet 2003, soit deux jours après la revente des derniers titres P. acquis par M. Giovanni B. Di N. pour le compte de ses trois clients en faveur de la société Globefin Asset Management et d'un versement complémentaire en espèces de 100 000 Francs Suisses ;

Considérant que, de son côté, M. Stefano M., après avoir formulé des dénégations- « Je peux avoir dit «regarde je suis en train de suivre le titre P. cela peut être intéressant» mais je ne me souviens pas avoir parlé avec M. Giovanni B. Di N. de P. et de plus je n'ai jamais demandé de rétribution à qui que ce soit »-a déclaré qu'il avait pu lui donner un conseil sur le titre au début de l'année 2003 puis a fini par reconnaître, lors de la séance de la commission des sanctions, tout en continuant à nier avoir reçu de l'argent en espèces, que le virement dont il avait bénéficié était bien lié à l'avis donné sur P. : «les montants dont a été crédité le compte de Globefin Asset Management correspondent à une somme que M. Giovanni B. Di N., de plein gré et sans [qu'il ne] l'exige, [lui] a versé en contrepartie des services et conseils que celui-ci a pu lui donner» ;

Considérant que la commission des sanctions a exactement déduit de ce faisceau d'indices concordants :

- que les achats auxquels a procédé M. Stefano M. à partir du 19 juin 2003 ne peuvent s'expliquer que par l'exploitation de l'information privilégiée provenant directement ou indirectement de M. Xavier T., lui même initié au sens du règlement COB n°90-08 ;

- que M. Giovanni B. Di N. a reçu de M. Stefano M. la même information, dont il avait conscience, compte tenu des circonstances susrappelées, d'une part qu'elle était privilégiée, peu important qu'aucune précision complémentaire ne lui ait été donnée, et que la rémunération en contrepartie ait été conditionnelle, d'autre part qu'elle provenait d'une des personnes mentionnées aux articles 2,3 et 4 du règlement COB n° 90-08 ;

Considérant qu'en exploitant en connaissance de cause l'information privilégiée, M. Stefano M. et M. Giovanni B. Di N. ont commis le manquement visé à l'article 5 de ce règlement, peu important que ce dernier n'ait pas opéré pour son compte personnel ;

Que les moyens des requérants ne sont pas fondés ;

En ce qui concerne la détention et l'exploitation de l'information par M. Antonello F. et M. Federico P. :

Considérant qu'il est reproché à M. Antonello F. d'avoir exploité l'information privilégiée précitée en acquérant le 19 juin 2003 30 000 actions P. pour le compte de la société B. Invest, dont il est l'ayant doit économique, pour des montants de l'ordre de 906000 € financés à 80 % par un découvert sur son compte en euros ; que la notification de griefs relève que M. Antonello F., qui n'est jamais intervenu dans ces proportions sur une valeur admise aux négociations en France, a reconnu avoir rétribué M. Z. pour lui avoir conseillé d'investir en actions P. et connaissait M. Federico P., lui-même acheteur, quelques jours plus tard, de 25 000 titres ;

Considérant que, pour décider que le manquement était caractérisé à l'encontre de M. Antonello F., la commission des sanctions a relevé qu'il existe un faisceau d'indices concordants résultant tant de l'acquisition atypique opéré par M. Antonello F., qu'il convenait de rapprocher de celle de M. Federico P., que de la rétrocession accordée à M. Z., d'où il résulte que l'opération ne peut s'expliquer que par la détention en connaissance de cause de l'information privilégiée, nécessairement reçue de l'une des personnes mentionnées aux articles 2, 3 et 4 du règlement COB n°90-08 ;

Considérant que c'est ainsi que la commission des sanctions a constaté :

- que l'acquisition litigieuse était significative, puisqu'elle représentait 52,59 % du portefeuille de M. Antonello F., qui n'avait jamais acheté de titres P., et que l'investissement a été de courte durée, les actions ayant été revendues dès le 7 juillet 2003 ;

- que M. Antonello F. a indiqué connaître «depuis très longtemps» M. Federico P., membre comme lui du club «Circolo Cannotiere di Roma» ;

- que, le 10 juillet 2003, trois jours après la revente des titres, assortie d'une plus-value de 302 354 €, M. Antonello F. a effectué à partir du compte B. Invest, un virement de 164 250 € à destination du compte «Focacia» dont M. Z. est titulaire et, qu'au sujet de ce versement, les explications de M. Antonello F. avaient varié, puisqu'il avait d'abord évoqué « un cadeau à son consultant» puis une gratification pour les vérifications effectuées par M. Z. avant de parler en séance d'une aide destinée à l'aider à traverser une «période difficile»;

- qu'il se déduit «de ces explications successives confuses et contradictoires» que, comme l'avait spontanément déclaré M. Antonello F. dans un premier temps, M. Z. a bien bénéficié d'une rétrocession de 55 % de la plus-value de 302 354 € dégagée à la suite des informations qu'il a fournies à M. Antonello F. ;

Or considérant, sur les caractéristiques de l'investissement effectué par M. Antonello F., que s'il est vrai qu'il n'avait en effet jamais acquis de titres P. avant le 19 juin 2003, il a cependant justifié au cours de l'enquête qu'il avait cependant déjà procédé par le biais de B. Invest à d'importantes acquisitions de titres sur le marché français, soit les 7 et 10 mai 2002, des achats de 15 000 actions Bouygues Offshore pour un prix total de 812 426,67 €, ces titres ayant été revendus le 10 mai 2002 pour 886 698,75 € ; que le requérant justifie par ailleurs que cet investissement est tout à fait comparable à ceux qui ont été faits en 2002 et 2003 sur les marchés espagnol, suédois, italien et américain et que le financement des titres P., couvert à plus de 120 % par des avoirs disponibles sur le compte ne présentait aucun caractère anormal ;

Considérant, sur l'intervention M. Z., que s'il est également exact que le requérant a fourni plusieurs explications sur les motifs de la rétribution qui lui a été accordée, il n'en demeure pas moins, d'une part, qu'il ressort du dossier que, pour au moins un autre investissement -Saeco International- n'encourant aucun reproche au regard d'un manquement d'initié, est également intervenu un virement au profit du même compte de M. Z. trois jours après la réalisation d'une plus-value, pour un montant d'environ de 50 % de celle-ci, et, d'autre part, et surtout, qu'aucun grief tenant à la communication, à ladétention et à l'exploitation d'une information privilégiée n'a été notifié à M. Z. ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les éléments retenus par la commission des sanctions ne peuvent constituer des indices précis et concordants dont il résulterait que l'opération d'achat incriminée ne peut s'expliquer que par la détention en connaissance de cause d'une information privilégiée nécessairement reçue de l'une des personnes mentionnées aux articles 2, 3 et 4 du règlement COB n°90-08 ;

Considérant que le manquement reproché à M. Antonello F. n'étant pas caractérisé à son encontre, la décision déférée doit être réformée en ce qu'elle lui a infligé une sanction pécuniaire ;

Considérant qu'il est reproché à M. Federico P. d'avoir exploité l'information privilégiée en achetant pour son compte, le 26 juin 2003, 25 000 titres P. au prix de 29,732 € par titre, soit un investissement de 743 000 € représentant plus de 70 % de son portefeuille ;

Considérant que pour décider que le manquement d'initié était caractérisé à l'encontre de M. Federico P., la commission des sanctions a également constaté qu'il existe un faisceau d'indices concordants desquels il résulte que seule la détention de l'information privilégiée peut expliquer les opérations auxquelles le mis en cause a procédé :

- le fait qu'il n'a jamais investi une somme aussi importante ;

- qu'alors qu'il se présentait comme un investisseur occasionnel prenant «des risques importants», il ne savait cependant pas à quel secteur appartenait la société A., ne suivait pas les titres français et ne s'intéressait pas à l'action P. ; qu'il a prétendu avoir décidé d'investir dans le titre P. pour la seule raison qu'au cours du mois de juin 2003, il s'était rendu à une «fête» qu'il a finalement située à Monaco à l'occasion de laquelle il aurait discuté avec deux personnes françaises et une parlant italien, qu'il ne connaîtrait pas et dont il ne se rappellerait pas le nom, qui lui «ont dit d'acheter» des actions P., que «c'était une affaire gigantesque» et que ces actions «devaient monter en peu de temps» ;

- que le lieu de cette rencontre correspond à la ville de Monaco où est domicilié M. Antonello F., ami de longue date de M. Federico P. ; que, selon ses observations écrites, M. Federico P. aurait, à la suite de l'entretien avec ces trois personnes, pris contact avec le directeur, à Rome, de la banque Banco Di Sicilia, dans laquelle il était titulaire de deux comptes, ce dernier lui ayant «rapidement confirmé l'intérêt qu'il y avait d'acheter des actions P.»; que cet élément est nouveau, M. Federico P. n'ayant, lors de son audition, évoqué que le conseil, selon lui déterminant, que lui auraient donné les personnes rencontrées à Monaco ; que si M. Federico P. avait alors donné le nom du directeur de la banque Banco Di Sicilia, ce n'était pas, comme il l'a prétendu dans ses observations ultérieures, pour avoir recueilli son avis sur le titre P., mais bien pour l'avoir chargé d'exécuter les ordres d'achat litigieux;

Considérant que la commission des sanctions en a conclu que le manquement était caractérisé, en observant :

- qu'il se déduit du caractère atypique de cet achat massif effectué sur une valeur inconnue que le «conseil» d'investissement que M. Federico P. reconnaît avoir reçu ne peut avoir été formulé que sur le fondement d'une information privilégiée émanant de l'une des personnes mentionnées aux articles 2,3 et 4 du règlement COB ; qu'il en avait bien conscience, puisqu'il a prétendu être dans l'impossibilité de donner le nom ou même de connaître celui ou ceux l'ayant renseigné ;

- que par sa date, ses circonstances et son volume, son acquisition de 25 000 actions est comparable à celle de 30 000 actions effectuée quelques jours auparavant par M. Antonello F. sur le fondement de ce que lui avait dit M. Z., de sorte qu'elles ne sont pas nécessairement sans rapport l'une avec l'autre, peu important que le titre ait poursuivi sa hausse après le 7 juillet 2003 ;

Mais considérant que M. Antonello F. ayant été mis hors de cause du chef des griefs de détention et d'exploitation d'une information privilégiée, les éléments procédant d'une comparaison du volume et de la date de ses achats avec ceux de M. Federico P. ne peuvent plus constituer des indices permettant d'établir l'exploitation d'une information privilégiée ; que s'il est vrai que l'investissement en cause est d'un montant supérieur à ceux qui ont été effectués antérieurement -154 000 € sur le titre Oliveti et 200 000 € sur le titre TC S.-et qu'il a donné des explications fluctuantes sur les circonstances à l'occasion desquelles cet investissement lui aurait été fortement recommandé, ces seules circonstances ne peuvent constituer des indices précis et concordants dont il résulterait que l'opération d'achat incriminée ne peut s'expliquer que par la la détention en connaissance de cause d'une information privilégiée nécessairement reçue de l'une des personnes mentionnées aux articles 2, 3 et 4 du règlement COB n°90-08 ;

Que, dès lors, le manquement reproché à M. Federico P. n'étant pas caractérisé à son encontre, la décision déférée sera également réformée en ce qu'elle lui a infligé une sanction pécuniaire ;

Sur les sanctions

Considérant que M. Charles T. prie la cour de réformer la décision déférée sur le montant des sanctions prononcées à son encontre, en faisant valoir que cette décision ne respecte pas le principe de proportionnalité :

- d'une part en ce qu'elle ne tient pas compte de l'absence de profit personnel puisque, agissant en l'espèce en qualité de mandataire de ses beaux-parents, et n'étant pas propriétaire des fonds investis par la société Newton Inv.Corp, qui ont été restitués, il n'a pas été bénéficiaire des plus-values réalisées par cette entité à la suite de la revente des titres ;

- d'autre part en ce que le montant de la sanction est disproportionné par rapport à ses ressources et au montant de son patrimoine, puisque même en affectant la totalité de ses revenus au paiement de la sanction pécuniaire, il ne disposerait, pour désintéresser le Trésor Public, que d'un peu plus de 150 000 € bruts par an, tout en étant contraint, par ailleurs, de vendre ses biens immobiliers, le montant de la sanction apparaissant, de surcroît, sans commune mesure avec celle qui a été infligée aux autres mis en cause ;

Considérant que M. Charles T. demande également à la cour de réformer la décision entreprise sur la mesure de publication qui, en conduisant son employeur actuel à le licencier immédiatement, risque d'entraîner pour lui des conséquences manifestement excessives ; qu'il prie la cour, à tout le moins, de lui garantir l'anonymisation des dispositions de la décision le concernant ;

Considérant que M. Stefano M. demande pour sa part à la cour :

- d'annuler la décision attaquée qui a violé le principe de proportionnalité en lui infligeant une sanction dont le montant est proche du quantum le plus élevé en l'absence de profit, alors qu'il n'a pas bénéficié de la plus-value qu'ont permis de dégager les opérations sur le titre P., les bénéficiaires économiques des quatre sociétés qui ont opéré en l'espèce étant des membres de sa famille ;

- en tout état de cause, de réformer cette décision sur le montant de la sanction pécuniaire en raison de la disproportion existant entre le montant de celle-ci et ses ressources, puisque n'exerçant plus d'activité au sein du fonds Globefin Asset Management, il en est désormais privé et que, par ailleurs, il n'est pas propriétaire de biens immobiliers ; qu'il précise, au surplus, que si, à deux reprises, en 2006 et 2007, il a disposé de plus de 150 000 € sur son compte bancaire, il s'agissait seulement de répondre, après avoir eu recours à un emprunt, aux exigences imposées par les autorités monégasques pour bénéficier d' une résidence à Monaco ;

Considérant que M. Giovanni B. Di N. prie la cour, à titre subsidiaire, de fixer la sanction pécuniaire à de plus juste proportion en tenant compte du fait qu'il n'a agi qu'en qualité de salarié d'un établissement financier, sans en tirer le moindre avantage personnel ;

Considérant que l'article L.621-15 du code monétaire et financier dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits dispose que «à l'encontre des auteurs des pratiques mentionnées à l'article L.621-14, la Commission des opérations de bourse peut, après une procédure contradictoire, prononcer les sanctions suivantes : 1. Une sanction pécuniaire qui ne peut excéder 1 500 000 euros ; 2.Ou, lorsque des profits ont été réalisés, une sanction pécuniaire qui ne peut excéder le décuple de leur montant. Le montant de la sanction pécuniaire doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits tirés de ces manquements» ;

Que l'article L.621-14 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, dispose que «la Commission des opérations de bourse peut ordonner qu'il soit mis fin aux pratiques contraires à ses règlements, lorsque ces pratiques ont pour effet de : 1. Fausser le fonctionnement du marché ; 2. Procurer aux intéressés un avantage injustifié qu'ils n'auraient pas obtenu dans le cadre normal du marché ; 3.Porter atteint à l'égalité d'information et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts ; 4. Faire bénéficier les émetteurs et les investisseurs des agissements d'intermédiaires contraires à leurs obligations professionnelles»; que ces effets sont induits par la communication et l'exploitation d'une information privilégiée qui, par nature, rompent le principe d'égalité devant l'information et perturbent le bon fonctionnement des marchés, en proportion de l'ampleur des investissements réalisés sur le marché du titre concerné ;

Considérant, en premier lieu, que la commission des sanctions a justement relevé que M. Xavier T. était, du fait de sa profession, sensibilisé aux règles relatives aux marchés financiers et à l'obligation pour les professionnels de la finance de s'abstenir de communiquer une information privilégiée ;

Considérant, en deuxième lieu, que s'agissant de M. Charles T., la commission a constaté que, se présentant lui-même comme ayant «une connaissance pointue de la finance», il connaissait les règles relatives aux marchés financiers et spécialement aux initiés, et que la société Newton Inv. Corp. pour le compte de laquelle il est intervenu et dont il est le bénéficiaire économique a réalisé une plus-value globale de 1 253 000 €, peu important qu'il ait ou non décidé de rétrocéder cette somme à ses beaux-parents, ce qu'en tout état de cause il ne justifie pas ; que, selon les documents qu'il communique à la cour, le mis en cause a d'importantes ressources qui se sont élevées à 162 948,11 € en 2008 et dispose d'un patrimoine immobilier qu'il évalue à 400 000 €, en affirmant sans le justifier, que sa femme en détient la moitié ; qu'enfin, la référence aux sanctions prononcées à l'encontre des autres mis en cause revendiquée par le requérant est inopérante au regard des dispositions de l'article L.621-15 du code monétaire et financier ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en ce qui concerne M. Stefano M., la commission a justement relevé qu'il s'est lui-même présenté comme un professionnel des marchés, de ce fait nécessairement averti des règles relatives aux initiés et a constaté qu'il avait effectué un investissement en actions et warrants de 4 288 982 €, ramené à 2 899 786 € en raison d'une erreur matérielle dans la notification de griefs, qui lui a permis de réaliser via les sociétés offshore agissant pour son compte et celui de sa famille-P. Inv SA, S. Investment Inc, Globefin et W. Finance Inv-une plus value de 1 536 2777 €, qui, compte tenu de cette erreur a été estimée à environ un million d'euros ; que, par ailleurs, aucun des documents produits par le requérant ne démontre que la sanction serait disproportionnée au regard de ses facultés contributives ;

Considérant, en dernier lieu, que M. Giovanni B. Di N., professionnel de la finance sensibilisé aux règles relatives aux marchés financiers, a acheté pour le compte de trois de ses clients des titres P. ayant permis à leur profit la réalisation d'une plus-value de 860 000 €, le montant de la sanction devant toutefois tenir compte de l'absence de profits personnels;

Considérant qu'il en résulte que la commission des sanctions a prononcé des sanctions pécuniaires à l'encontre de chacun des requérants en faisant une juste application du principe de proportionnalité ;

Considérant, sur la publication de la décision, qui n'est contestée que par M. Charles T., que l'article L.621-15 du code monétaire et financier, dans sa dernière rédaction applicable en l'espèce, dispose que «La commission des sanctions peut rendre publique sa décision (...) À moins que cette publication ne risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause» ;

Considérant qu'en l'espèce, la commission des sanctions a justifié le principe de la publication de sa décision, qui procède du principe fondamental de la publicité des décisions à forme et à contenu juridictionnel, en rappelant utilement les objectifs du législateur, qui consistent :

- d'une part, à mettre en lumière des exigences d'intérêt général relatives à la loyauté du marché, à la transparence des opérations et à la protection des épargnants qui fondent le pouvoir de sanction de la commission, et prendre en compte l'intérêt qui s'attache, pour la sécurité juridique de l'ensemble de opérateurs, à ce que ceux-ci puissent, en ayant accès aux décisions rendues, mieux appréhender le contenu des règles qu'ils doivent observer, en ayant accès aux décisions rendues, mieux appréhender le contenu des règles qu'ils doivent observer,

- d'autre part, à éviter qu'une telle mesure n'entraîne pour les mis en cause des conséquences par trop dommageables ;

Considérant, sur ce dernier point, que M. Charles T. ne démontre pas qu'il se trouve, du seul fait de sa qualité de salarié, dans une situation telle que la publication de la décision déférée serait de nature à lui causer un préjudice disproportionné ;

Que sa demande principale sera rejetée tout comme sa demande subsidiaire tendant à l'anonymisation des dispositions de la décision le concernant ;

Considérant que les recours de M. Xavier T., M. Charles T., M. Stefano M. et M. Giovanni B. Di N. seront rejetés ;

PAR CES MOTIFS

Sur le recours de M. Antonello F. et de M. Federico P., réforme la décision de la commission des sanctions en ce qu'elle leur a imputé le grief d'exploitation d'une information privilégiée et leur a infligé une sanction pécuniaire,

Rejette la demande de production de pièces formulée par M. Stefano M.,

Rejette les recours de M. Xavier T., de M. Charles T. de M. Stefano M. et de M. Giovanni B. Di N.,

Condamne M. Xavier T., M. Charles T., M. Stefano M. et M. Giovanni B. Di N. aux dépens,

Dit que en ce qui concerne M. Antonello F. et M. Federico P., les dépens resteront à la charge du Trésor public,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.