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Décisions

Cass. com., 23 juin 2004, n° 02-17.937

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Paris, 1re ch. civ. H du 5 mars et du 27…

27 juin 2002

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 5 mars 2002 et 27 juin 2002), qu'au début de l'année 1999, un rapprochement a été envisagé entre la société de droit canadien Alcan et la société Péchiney ;

que le 13 avril 1999, les présidents de ces deux sociétés ont tenu, en présence notamment de M. X..., directeur de la stratégie et du contrôle de gestion du groupe Péchiney, une réunion au cours de laquelle la société Alcan a proposé une fusion des deux sociétés ; que le 18 avril 1999, M. X... a passé un ordre d'achat de 3 920 titres Alcan qui a été exécuté le 21 avril au cours de 27,03 euros ;

que ces titres ont été revendus le 25 août 1999 au cours de 32,75 euros ;

que par décision du 18 septembre 2001, la Commission des opérations de bourse (la Commission) a estimé que M. X..., qui détenait une information privilégiée en raison de ses fonctions au sein de la société Péchiney, avait manqué à l'obligation d'abstention que lui imposait l'article 2 de son règlement n° 90 08, que l'opération lui avait procuré un avantage injustifié et qu'il avait porté atteinte à l'égalité d'information des investisseurs, et prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 37 570 euros assortie d'une mesure de publication ; que M. X... a formé un recours contre cette décision ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que le président de la Commission fait grief à l'arrêt du 5 mars 2002 d'avoir invité les parties à s'expliquer sur l'éventuelle nullité de la décision du 18 septembre 2001 alors, selon le moyen :

1 ) qu'il n'est pas dérogé aux dispositions générales du nouveau Code de procédure civile pour les recours formés contre les décisions de sanction de la Commission, laquelle constitue alors un Tribunal au sens de l'article 6, 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les contestations afférentes à la régularité de la composition de la juridiction doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats, faute de quoi aucune irrégularité ne pourra être ultérieurement prononcée de ce chef, même d'office ; qu'ainsi que l'avait fait valoir la Commission dans ses observations écrites, M. X... avait nécessairement eu connaissance des noms des membres composant la Commission à l'ouverture de la séance du 18 septembre 2001, à laquelle il était présent, assisté de son conseil, par la consultation préalable du dossier mis à sa disposition en application de l'article 6 du décret du 23 mars 1990 modifié, où figurait le procès-verbal d'une précédente séance du 24 juillet 2001 à laquelle lui et son conseil étaient également présents, et mentionnant ces noms et avait pu se rendre compte de l'identité des membres de la Commission lors des deux séances successives ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait relever d'office l'irrégularité de la composition de la Commission sans rechercher si M. X... n'avait pas eu connaissance de cette composition au plus tard à l'ouverture de la séance du 18 septembre 2001 (manque de base légale au regard des articles 10 du décret du 23 mars 1990 modifié, 6, 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 430, alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile) ;

2 ) que le juge ne peut relever d'office que les moyens de droit et non pas les moyens mélangés de fait et de droit ; que la cour d'appel ne pouvait donc relever d'office le moyen pris de ce que le rapporteur et des personnes intéressées auraient participé à la décision, ces faits n'étant pas dans le débat (violation des articles 12 et 16 du nouveau Code de procédure civile) ;

Mais attendu, d'une part, que la procédure des injonctions et des sanctions suivie devant la Commission des opérations de bourse, régie par le titre 1er du décret du 23 mars 1990, n'est pas soumise aux dispositions du nouveau Code de procédure civile, peu important à cet égard que la Commission constitue un tribunal au sens de l'article 6, 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas relevé d'office le moyen pris de ce que le rapporteur ou des personnes intéressées auraient participé à la décision mais celui, de pur droit, pris de la circonstance que celle-ci, qui ne comportait pas l'indication du nom des membres ayant délibéré, ne permettait pas de contrôler qu'elle avait été rendue dans les conditions d'indépendance et d'impartialité requises ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que le président de la Commission fait grief à l'arrêt du 27 juin 2002 d'avoir annulé la décision de la Commission et dit n'y avoir lieu à sanction à l'égard de M. X... alors, selon le moyen, que la cassation de l'arrêt du 5 mars 2002 entraînera l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt du 27 juin 2002 qui en est la suite et la conséquence, en application de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'unique grief formulé à l'encontre de l'arrêt du 5 mars 2002 ayant été rejeté, le moyen est devenu inopérant ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que le président de la Commission fait encore grief à l'arrêt du 27 juin 2002 d'avoir annulé la décision de la Commission du 18 septembre 2001 alors, selon le moyen :

1 ) que si le principe d'impartialité objective interdit à un juge qui a déjà connu de l'affaire d'exercer ensuite dans la même affaire des fonctions juridictionnelles, l'approbation par la Commission du procès-verbal d'une séance antérieure, à l'issue de laquelle a été prononcée une sanction, constitue une formalité purement administrative (violation de l'article 6, 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales) ;

2 ) que l'absence de dispositions législatives ou réglementaires régissant les modes de preuve de la composition de la Commission rendait cette preuve admissible par tout moyen ; que la cour d'appel devait donc apprécier la valeur probante du procès-verbal et de l'attestation des membres de la Commission (violation de l'article 1153 du Code civil) ;

Mais attendu que toute décision d'un tribunal doit contenir l'indication du nom des juges qui en ont délibéré ; que la cour d'appel a retenu à bon droit que le défaut d'indication du nom des membres ayant délibéré ne pouvait être suppléé ni par l'approbation, lors d'une séance ultérieure, du procès-verbal de la séance à l'issue de laquelle avait été prise la décision, ni par l'attestation signée par les membres de la Commission affirmant avoir siégé lors de cette séance ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que le président de la Commission fait enfin grief à l'arrêt du 27 juin 2002 d'avoir dit n'y avoir lieu à sanction à l'égard de M. X... alors, selon le moyen, qu'outre la notification du grief général d'avoir détenu des informations privilégiées "dans le cadre du projet de rapprochement entre les sociétés Péchiney et Alcan", M. X... avait reçu l'invitation à prendre connaissance des pièces du dossier établissant le caractère hostile de ce projet de la part de la société Alcan et avait pu, en outre, répondre sur ce point aux observations écrites de la Commission devant la cour d'appel (violation des articles 2 et 14 du décret du 23 mars 1990 dans leur rédaction résultant du décret du 1er août 2000 et 16 du nouveau Code de procédure civile) ;

Mais attendu qu'il n'est justifié ni de l'existence de pièces du dossier établissant le caractère hostile du projet de la part de la société Alcan ni d'observations écrites de la Commission évoquant ce point devant la cour d'appel ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.