Cass. com., 10 mars 1987, n° 85-14.561
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Perdriau
Rapporteur :
M. Gigault de Crisenoy
Avocat général :
M. Cochard
Avocats :
Me Pradon, Me Henry, SCP Labbé et Delaporte
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que les sept compagnies d'assurances mentionnées en tête du présent arrêt (les compagnies d'assurances) font grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 mars 1985) d'avoir déclaré le tribunal de commerce de Marseille incompétent pour connaître de leur demande en réparation du dommage résultant d'avaries constatées à l'arrivée, à Marseille, d'une marchandise transportée sur le navire " Pegasus Pride " puis sur l' " Ercole Lauro " armés par la société japonaise Nippon yusen kaisha, transporteur, alors, selon le pourvoi, que, d'une part, aux termes de l'article 14 du Code civil dont les dispositions étaient revendiquées par les compagnies d'assurances, l'étranger, même résidant hors de France pourra être cité devant les tribunaux français pour l'exécution des obligations contractées par lui en France ou en pays étranger envers des Français, que ce chef de compétence est fondé, non sur les droits nés des faits litigieux, mais sur la nationalité des parties, et que la cour d'appel n'a pu dénier la compétence de la juridiction française qu'en violation de l'article 14 du Code civil ; alors que, d'autre part, la cour d'appel, tout en constatant que les dispositions de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile étaient inapplicables au cas de l'espèce, ne pouvait, sans une contradiction irréductible, déduire du fait que les conditions dérogatoires de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile ne se trouvaient pas remplies, que la clause attributive de compétence litigieuse était licite, et qu'elle a de ce fait entaché son arrêt d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors qu'enfin, lorsqu'une partie française est concernée, doit être déclarée illicite et inopposable une clause attributive de compétence à une juridiction étrangère dans la mesure où elle prive la partie française des dispositions légale, d'ordre public français protectrices de ses intérêts, et que, pour en avoir décidé autrement et pour avoir déclaré licite la clause du connaissement attribuant compétence pour connaître du différend à la juridiction japonaise, la cour d'appel a violé l'article 14 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'article 14 du Code civil, qui n'est pas d'ordre public, ne faisait pas obstacle à l'application de la clause contenue dans le connaissement, dont se prévalaient les compagnies d'assurances, et attribuant compétence à une juridiction étrangère pour les litiges nés de l'exécution de la convention ;
Attendu, en second lieu, que la contradiction alléguée, qui porte non sur les éléments de fait relevés par la cour d'appel mais sur les conséquences juridiques qu'elle en a tirées, ne peut donner ouverture à cassation ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que les compagnies d'assurances font encore grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi qu'il a été dit, alors, selon le pourvoi, que, d'une part, dès l'instant où elle constatait que le transport en cause était soumis aux dispositions de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 incorporée à la législation française interne par la loi du 9 avril 1936 et les textes subséquents, la cour d'appel ne pouvait priver les compagnies d'assurances, demandeurs français, des dispositions protectrices légales incluses dans l'article 3, paragraphe 8, de la convention de Bruxelles qui déclarent nulle et de nul effet toute clause de connaissement ayant directement ou indirectement pour objet ou pour effet de soustraire le transporteur aux règles qu'elle édicte et qu'en déclarant opposable la clause attributive de compétence à une juridiction japonaise, la cour d'appel a violé l'article 3, paragraphe 8, de la convention de Bruxelles ; alors que, d'autre part, la cour d'appel ne pouvait sans contradiction valider la clause attributive de compétence à une juridiction japonaise, tout en constatant que le transport était soumis aux dispositions contraires de la convention de Bruxelles et qu'elle a de ce chef entaché son arrêt d'une violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors qu'enfin, en vertu de l'article 29 de la loi du 18 juin 1966, est nulle et de nul effet toute clause ayant directement ou indirectement pour objet ou pour effet de soustraire le transporteur à la responsabilité définie à l'article 27 de la loi, que tel est le cas d'une clause attributive de compétence à une juridiction étrangère pour connaître d'un différend relatif au transport maritime de marchandises dont le destinataire est français et que la cour d'appel n'a pu se refuser de déclarer la clause en cause inefficace, qu'en violation de l'article 29 de la loi du 18 juin 1966 ;
Mais attendu, en premier lieu, que la contradiction entre des motifs de droit ne constitue pas un cas d'ouverture à cassation ;
Attendu, en second lieu, que ni l'article 3-8 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, ni l'article 29 de la loi du 18 juin 1966, ne s'opposent à la validité d'une clause du connaissement attribuant compétence à une juridiction étrangère pour les litiges nés de l'exécution de la convention ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est enfin reproché à la cour d'appel de s'être prononcée comme elle l'a fait, alors, selon le pourvoi, qu'il résultait des termes du connaissement que celui-ci n'avait été signé au recto que par le seul transporteur et non par le chargeur, que le visa de celui-ci n'apparaissait qu'au seul verso du connaissement émis à ordre destiné à permettre au destinataire de retirer la marchandise, et que la cour d'appel n'a pu décider que la clause attributive de compétence était opposable au destinataire de la marchandise, car le chargeur l'aurait approuvée, que par dénaturation du connaissement ;
Mais attendu que la cour d'appel n'a pas dénaturé le connaissement en retenant que les clauses qu'il contenait avaient été approuvées par le chargeur et étaient opposables au destinataire ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.