Cass. crim., 10 avril 2013, n° 12-82.303
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Avocats :
Me Foussard, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 4, 209, 1741 et 1750 du code général des impôts, 50 de la loi n° 52-401 du 14 avril 1952, 2, 3, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale, violation de la loi ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de fraude fiscale ;
"aux motifs que, sur le délit d'omission d'écritures dans les documents comptables pour la période de 2002 et 2003, ce délit est, comme l'a relevé dans sa décision le tribunal correctionnel de Rouen, établi par le procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité en date du 27 août 2004, les documents présentés par M. X... aux autorités fiscales lors du contrôle étant insuffisants pour répondre aux exigences d'une comptabilité applicables au régime des micro-entreprises ; que, sur les délits de soustraction frauduleuse à l'établissement et au paiement de l'impôt pour les périodes de 2002 et 2003, pour caractériser ces délits, les autorités fiscales ont reconstitué le chiffre d'affaires de M. X... pour ces deux années après évaluation de l'activité professionnelle réellement exercée et ont, en conséquence, modifié les déclarations effectuées en matière de TVA, en matière de bénéfices industriels et commerciaux et en matière d'impôt sur le revenu ; qu'il convient de vérifier ces calculs en distinguant les deux périodes d'activité professionnelle réellement exercées par M. X... ; que, sur l'année 2002, M. X... a reconnu, lors de l'enquête de police, avoir exercé l'activité de ventes de produits alimentaires en Grande-Bretagne dès l'année 2002 et que les recettes de cette activité étaient versées en espèce sur son compte bancaire personnel soit 36 000 euros, outre la somme de 13 000 euros correspondant aux achats effectués auprès des fournisseurs ; qu'il a également admis avoir effectué tous ses achats en espèces et n'avoir effectué aucune déclaration fiscale pour cette activité auprès des autorités françaises ou anglaises ; que, par ailleurs, M. X... a continué à exercer son activité ambulante de vente de chaussures ; que d'ailleurs M. Y..., auditionné lors de l'enquête de police, a indiqué qu'il travaillait à mi-temps pour la vente de chaussures sur les marchés pour le compte de M. X... ; qu'ainsi, c'est donc à bon droit que les autorités fiscales ont pris en compte dans l'évaluation du chiffre d'affaires l'activité générée tant par la vente ambulante de chaussures que par la vente de produits alimentaires ; que l'intention frauduleuse de M. X... 120248/FB/CBV est patente du fait, d'une part, d'une fausse déclaration de qualité de forain, et d'autre part, de l'absence de déclaration de recettes de ses activités professionnelles alors même qu'une partie d'entre elles était versée en espèces sur son compte bancaire personnel ; que les faits reprochés pour l'année 2002 sont donc parfaitement établis ; que, sur l'année 2003, il ressort des pièces de la procédure que M. X... a créé avec trois autres associés une société de droit anglais, LMC Organisations limited, immatriculée le 27 janvier 2003, dont le siège social est Hydra house, 26 North Street, Ashford, Kent, avec un capital social d'un montant de 10 livres ; que les actionnaires sont Mme Z... (1 action), M. X... (4 actions), M. A... (2 actions), M. B... (2 actions) et M. C... (2 actions) ; qu'à l'exception de Mme Z..., aucun des associés, et en particulier M. X... n'avait sa résidence en Grande-Bretagne ; que, dans ses auditions devant les services de police, M. X... a reconnu être le gérant de cette société et que les recettes provenant de l'activité de la vente de produits alimentaires sur les marchés en Grande-Bretagne étaient versés en espèces sur son compte bancaire, après paiement en espèces des fournisseurs et des salariés travaillant sur les marchés, MM. C... et B... ; que M. X... a indiqué avoir établi des bulletins de salaire soumis au droit anglais sans toutefois en justifier dans la présente procédure ; que si M. Y... a bien effectué la demande de radiation de la société LMC le 7 Juin 2004 et le 7 juin 2003, ayant reconnu lui-même une erreur de date et les services de police confirmant cette erreur, il n'en demeure pas moins que M. X... n'établit nullement que son activité de vente de produits alimentaires sur les marchés anglais a été réalisée durant l'année 2003 par l'intermédiaire de cette société ; qu'en effet, cette société, dont le siège social est une simple adresse de domiciliation, ne possède aucun local et aucun matériel de transport, a un capital social dérisoire et n'a pas de compte bancaire ; que M. X... a produit au dossier quelques factures d'hôtel en Angleterre pour la période de septembre à décembre 2003 dont aucune n'est au nom de la société LMC puisque deux sont au nom de M. X... et les autres au nom de M. B... ; qu'il a également produit des récépissés de location d'emplacement de marché pour 2003 mais, là encore, ces documents sont au nom de M. B... ; qu'il en est de même, en l'absence de factures au nom de la société LMC, d'une part de l'attestation du 19 juin 2006 signée par M. D... pour la société Brittany Ferries selon laquelle M. X... et ses associés ont régulièrement emprunté ses lignes pour se rendre en Grande-Bretagne durant l'année 2003 et ce, dans le cadre de leur activité de "French market", et d'autre part, de l'attestation d'un fournisseur (la société 120248/FB/CBV Salaisons Montserret) selon laquelle les produits alimentaires étaient livrés en France à M. X... ; qu'enfin, et en tout état de cause, les autorités anglaises ont indiqué, le 11 octobre 2005, dans le cadre de l'enquête, que la société LMC n'avait déposé aucun bilan auprès de leurs services, en particulier auprès des services fiscaux, et n'avait jamais déposé de déclaration au service de l'impôt sur les sociétés ; que, d'ailleurs, le bilan de l'activité de la société LMC pour l'année 2003, signé mais non daté par M. X..., a été adressé seulement le 5 juin 2006 aux services de l'impôt ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de considérer que M. X... a, durant l'année 2003, perçu directement et personnellement les recettes provenant de son activité de vente de produits alimentaires en Grande-Bretagne ; que, par ailleurs, il a admis avoir continué en 2003 son activité de vente de chaussures, au besoin, par l'intermédiaire de son épouse ; qu'ainsi, c'est donc à bon droit que les services fiscaux ont pris en compte dans l'évaluation du chiffre d'affaire, l'activité générée tant par la vente ambulante de chaussures que par la vente des produits alimentaires ; que l'intention frauduleuse de M. X... est là encore parfaitement caractérisée par la fausse déclaration de la qualité de forain, par l'absence de déclaration de recettes de ses activités professionnelles, alors même que celles-ci étaient remises pour l'essentiel en espèces sur ses comptes bancaires, y compris personnels mais également par la création de cette société de droit anglais LMC qui n'a eu aucune réelle activité en 2003 ; que les faits reprochés pour l'année 2003 sont donc parfaitement établis ;
"1) alors que les juges sont tenus d'examiner les éléments de preuve produits par les parties ; qu'au soutien de ses conclusions, le demandeur avait produit plusieurs bulletins de paie de salariés de la société de droit anglais LMC et portant sur la période d'avril à novembre 2003, démontrant que l'activité de cette société en Grande-Bretagne n'était pas fictive et que l'imposition des bénéfices ainsi réalisés ne pouvait être requise en France ni être mise à la charge de M. X... ; qu'en relevant que si M. X... avait indiqué avoir établi des bulletins de salaires soumis au droit anglais, il n'en justifiait pas dans la présente procédure, pour en déduire que l'activité de la société LMC en Grande-Bretagne était fictive et que les recettes de cette activité étaient directement perçues par le prévenu, sans examiner les pièces ainsi produites au débat par le demandeur, la cour d'appel a violé l'article 427 du code de procédure pénale ;
"2) alors que l'insuffisance de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que, dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir que la société LMC avait réglé une somme de 8 329,44 . au titre de l'impôt sur les sociétés pour la période du 27 janvier au 31 décembre 2003, démontrant ainsi que cette personne morale avait une activité réelle en Grande-Bretagne ; qu'au soutien de cette argumentation, il produisait au débat le document "Inland Revenue" attestant de la réalité de l'imposition de la société LMC en Grande-Bretagne ; qu'en se bornant à énoncer que les autorités anglaises ont indiqué que la société LMC n'avait jamais déposé de déclaration au service de l'impôt sur les sociétés, pour en déduire que l'activité de cette société était fictive et que les recettes de cette activité de vente de produits alimentaires étaient en réalité directement perçues par M. X..., sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'appel du prévenu, ni analyser, même sommairement, le document susvisé, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.