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Décisions

Cass. crim., 11 juillet 2017, n° 15-86.825

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Rapporteur :

Mme Pichon

Avocat général :

M. Valat

Avocats :

SCP Foussard et Froger, SCP Ortscheidt

Toulouse, du 26 oct. 2015

26 octobre 2015

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X... était le directeur général de la société Mona Lisa promotion, gérante de différentes sociétés civiles de construction et de vente (SCCV), filiales du groupe Mona Lisa ; que la SCCV Les jardins de Ramel, dont le siège social est situé à Aix-en-Provence, a été constituée pour la construction d'une résidence sur la commune de Bagnères-de-Luchon et son exploitation confiée à une autre société du groupe ; qu'une procédure de vérification relative à la comptabilité de la société Les jardins de Ramel a été menée par l'administration fiscale et s'est déroulée dans des locaux attenants à cette résidence appartenant au groupe Mona Lisa ; que l'administration fiscale, après avis favorable de la commission des infractions fiscales, a déposé plainte auprès du ministère public en raison de minorations dans les déclarations mensuelles de TVA sur la période du 1er janvier au 31 août 2007, le chiffre d'affaires déclaré ayant été de 7 869 998 euros alors que celui réalisé était de 9 354 195 euros entraînant une différence de 290 903 euros entre la TVA collectée et celle déclarée ; qu'en sa qualité de dirigeant, M. X... a été directement cité devant le tribunal correctionnel du chef de fraude fiscale ; qu'après avoir rejeté les exceptions de nullité et de prescription soulevées, les premiers juges ont relaxé M. X..., faute de caractérisation de l'élément intentionnel, et débouté l'administration des impôts de ses demandes ; que le ministère public, l'administration fiscale et le prévenu ont interjeté appel ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 47 B et L. 52 du Livre des procédures fiscales, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité de la procédure de vérification de la SCCV Les jardins de Ramel ;

"aux motifs que M. X... conteste la régularité de la procédure qui n'aurait pas donné lieu à un débat oral et contradictoire, en ce que la vérification s'est faite à Bagnères-de-Luchon, c'est à dire sur le chantier et non pas au siège de la SCCV qui est à Aix-en- Provence, avenue Guillibert de la Lauzière ; que l'article L. 47 du livre des procédures fiscales fait obligation à l'administration fiscale de mettre en oeuvre un examen contradictoire de la situation fiscale après que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification, portant mention qu'il a la faculté de se faire assister par un avocat ; qu'il n'est pas contesté que cette formalité a été régulièrement faite ; que l'article 13 du livre des procédures fiscales stipule que la vérification de la comptabilité s'effectue "sur place", c'est à dire dans les locaux de l'entreprise vérifiée, vérification qui n'est pas entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle n'a pas eu lieu dans ces locaux, notamment lorsque la comptabilité ne se trouve pas dans les locaux et que d'un commun accord entre le représentant de l'entreprise et le vérificateur, la vérification se déroule au lieu où se trouve la comptabilité ; que s'agissant d'une SCCV, aux termes de l'alinéa 2 de l'article 38 de l'annexe III du code général des impôts, elle doit souscrire ses déclarations fiscales auprès du service des impôts du lieu de situation des constructions ; qu'il est constant que la SCCV Les jardins de Ramel a fait ses déclarations de TVA auprès du service des impôts de St Gaudens, en raison de l'adresse de construction des immeubles boulevard Amédée à Bagnères-de-Luchon ; qu'en conséquence, la vérification a été opérée au lieu de situation de l'immeuble en construction ; que la société en a été avisée et a accepté le principe du contrôle en ce lieu, d'abord en demandant un report de la première intervention du 27 octobre 2009 au 10 novembre 2009 et ensuite en désignant pour cette nouvelle date Mme Y... par un mandat ainsi rédigé : "mandat de présentation fiscale : M. Z..., conformément à votre demande, nous vous informons que nous donnons mandat à Mme Sarah Y..., pour vous fournir tous les éléments comptables nécessaires à la vérification de notre société notamment sur l'exercice 2006 " ; que sur proposition de cette dernière, les entretiens se sont déroulés dans les locaux attenants de l'hôtel appartenant également au même groupe Mona Lisa, pour des questions pratiques et de confort ; que les trois interventions ont eu lieu en ce lieu les 27 octobre, 16 décembre 2009 et 18 mars 2010 précédées d'un échange de quatre courriers dont le gérant a été systématiquement rendu destinataire, l'administration manifestant sa présence dans chacun d'entre eux ; que M. X... est donc mal fondé à soutenir une irrégularité de la procédure de vérification, en arguant que le mandat de Mme Y... était limité "à une présentation fiscale" ce qui s'entendrait de la seule remise de documents sans que cette personne n'ait de compétence particulière pour soutenir le débat oral conformément à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, alors que dans l'intérêt même du contribuable, la vérification comporte une discussion, ce que M. X... n'ignore pas puisque plusieurs des sociétés qu'il a dirigées ont connu des contrôles fiscaux ;

"et aux motifs non contraires que les méconnaissances de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales qui impose que le contribuable soit informé de son droit d'être assisté d'un avocat et l'absence de débat oral et contradictoire au cours de la vérification fiscale, ayant porté atteinte aux droits de la défense, sont les seules irrégularités affectant les opérations administratives préalables à l'engagement des poursuites pénales pour fraude fiscale susceptibles de conduire à l'annulation de la procédure par le juge judiciaire ; que l'avis de vérification reprenant les mentions légales a été adressé le 7 octobre 2009 au lieu de situation de l'immeuble à Bagnères-de-Luchon ; qu'il en a été accusé réception le 8 octobre 2009 ; que les opérations de vérification se sont déroulées du 27 octobre au 18 mars 2010 sur le lieu de situation des immeubles construits, que la déclaration fiscale devait être souscrite auprès du service des impôts de ce lieu ; que le gérant de la société a demandé le report de la première intervention, puis a mandaté Mme Y..., comptable, pour représenter la société ; que les opérations de vérification se sont poursuivies dans des locaux attenant appartenant à une société membre du même groupe ; que trois interventions sur place étaient effectuées avec la représentante désignée par le gérant, toutes les propositions de rendez-vous ayant été adressées au gérant qui pouvait participer aux réunions ; qu'ainsi, notamment par courrier du 3 décembre 2009, le vérificateur écrivait au gérant à l'adresse du siège de la société à Aix-en-Provence, qu'il souhaitait le rencontrer à Bagnères-de-Luchon avant le 19 décembre 2009 ; qu'encore, il proposait par courriers des 26 janvier 2010, 24 février 2010 adressée au gérant à Aix-en-Provence des réunions de travail à Bagnères-de-Luchon ; que M. X... qui a reçu ces courriers, n'a ni demandé la modification du lieu de la vérification qui s'était déroulée en accord outre le contribuable et l'administration au lieu de situation des immeubles, ni ne s'est déplacé au lieu convenu, ni n'a retiré le mandat confié à sa comptable ; que le gérant a réceptionné les propositions de rectification et a fait des observations par courrier du 15 janvier 2010 ; qu'ainsi, à supposer qu'il y ait lieu à contestation sur le lieu de la vérification, il apparait d'une part qu'une inobservation éventuelle de L. 13 du Livre des procédures fiscales quant au lieu de la vérification ne saurait constituer un motif d'annulation de la procédure par le juge pénal et d'autre part, que lors de la vérification, il y a bien débat oral et contradictoire satisfaisant aux exigences du l'article 47 du Livre des procédures fiscales ;

"alors que selon les articles L. 47 et L. 52 du Livre des procédures fiscales, en particulier, l'une des garanties du contribuable qui fait l'objet d'une vérification est de se voir assurer soit chez lui, soit au siège de l'entreprise vérifiée, de la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ; qu'en écartant le moyen de nullité de la procédure de vérification fiscale, tiré de ce que celle-ci s'était déroulée dans l'hôtel construit par la SCCV Les jardins de Ramel situé sur la commune de Bagnères-de-Luchon, lieu de situation de l'immeuble, et non au siège social de cette société, situé à Aix-en-Provence, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité soulevée par le prévenu et tirée de la nullité de la procédure administrative de vérification fiscale en ce que celle-ci ne s'est pas déroulée dans les locaux de la société vérifiée, la cour d'appel se prononce par les motifs propres et adoptés repris au moyen ;

Qu'en cet état, et dès lors que, d'une part, la méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales et l'absence de débat oral et contradictoire au cours de la vérification fiscale, ayant porté atteinte aux droits de la défense, sont les seules irrégularités susceptibles de conduire à l'annulation de la procédure par le juge judiciaire, d'autre part, il n'est pas contesté que le lieu où se sont déroulées les opérations de vérification n'a pas constitué un obstacle à la possibilité, pour le représentant de la société, d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire, l'arrêt attaqué n'encourt pas le grief allégué ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741, 1743 et 1750 du code général des impôts, L. 227 du Livre des procédures fiscales, 121-3 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X..., en qualité de gérant de la SCCV Les jardins de Ramel, coupable des faits de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt par omission de déclaration, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale ;

"aux motifs que l'élément matériel de l'infraction résulte dans la comparaison des chiffres d'affaires déclarés à l'occasion de la déclaration mensuelle de TVA et de celui effectivement réalisé, soit une minoration de 1 484 197 euros sur la période de janvier à août 2007, représentant 15 % du chiffre d'affaires, et d'une collecte de TVA de 1 833 422 euros pour une TVA collectée et déclarée de 1 542 518 euros, soit une différence de 290 903 euros conservée dans l'entreprise et représentant une fraude de 33 %, la circonstance que l' origine de cette discordance n'ait pas été identifiée par l'administration fiscale restant inopérante ; que l'élément moral de l'infraction de fraude fiscale résulte non pas dans la preuve d'une volonté délibérée de frauder, comme l'a jugé le tribunal correctionnel, mais dans la conscience par le prévenu de l'inexactitude des déclarations faites à l'administration ; que d'une part, la déclaration et l'attestation du comptable montrent que cette situation était connue au sein du service de comptabilité et de M. X..., peu important qu'il n'ait pas donné d'instruction de frauder ; que d'autre part, le chiffre d'affaires d'une société et les taux d'imposition constituent des données essentielles et déterminantes de la vie économique d'une société qu'un dirigeant ne peut avoir méconnue dès lors que le chiffre d'affaires déclaré serait au mieux proche de celui de l'année 2006, et ce en contradiction avec les résultats florissants de l'entreprise à l'époque ; qu'en conséquence, le délit est caractérisé dans son élément intentionnel et le jugement sera infirmé en ce qu'il a relaxé M. X... ;

"1°) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision et que la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en retenant que la déclaration et l'attestation du comptable de la société contrôlée « montrent que la situation ayant donné lieu aux poursuites était connue au sein du service de comptabilité et de M. X... », motifs qui sont en contradiction avec le contenu de ces pièces dans lesquelles M. A... invoquait une situation de décalage d'imputation pour les SCCV Pierre Fourche, Toits du Dévoluy et Toits du Val d'Aoste, et précisait que M. X..., en sa qualité de dirigeant de la société SCCV Les jardins de Ramel, l'avait chargé d'établir les formalités fiscales de cette société, cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes visés au moyen ;

"2°) alors qu' il appartient aux parties poursuivantes de rapporter la preuve de l'élément intentionnel de l'infraction de fraude fiscale ; qu'en retenant la circonstance que M. X... avait conscience de l'inexactitude des déclarations faites à l'administration fiscale, tout en constatant que l'origine de la discordance entre le montant du chiffre d'affaires résultant des déclarations de TVA mensuelles et celui effectivement réalisé n'avait pas été identifiée, ce dont il résultait que ni l'administration fiscale, ni le ministère public n'avaient établi, comme il leur incombait, le caractère volontaire de l'omission concernée, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"3°) alors que l'intention coupable doit résulter d'un fait imputable au prévenu caractérisant une manoeuvre destinée à tromper l'administration fiscale ; que la cour d'appel a considéré que « le chiffre d'affaires d'une société et les taux d'imposition constituent des données essentielles et déterminantes de la vie économique d'une société qu'un dirigeant ne peut avoir méconnue dès lors que le chiffre d'affaires déclaré serait au mieux proche de celui de l'année 2006, et ce en contradiction avec les résultats florissants de l'entreprise à l'époque » ; qu'en statuant par ces motifs, impropres à caractériser un fait imputable à M. X... constitutif d'une manoeuvre destinée à tromper l'administration fiscale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"4°) alors que l'élément intentionnel de l'infraction poursuivie s'apprécie à la date de la souscription de la déclaration mensuelle de TVA litigieuse ; qu'en retenant M. X... dans les liens de la prévention, sans constater qu'à la date de souscription des déclarations de TVA mensuelles prétendument minorées, celui-ci avait connaissance de la minoration du chiffre d'affaires mensuel déclaré, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen" ;


Attendu que, pour retenir la culpabilité du prévenu du chef de fraude fiscale, les juges d'appel se prononcent pas les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que, d'une part, la seule constatation d'une minoration volontaire dans les déclarations portant sur la TVA imputée au dirigeant de société, tenu de veiller au respect par la personne morale de ses obligations fiscales, suffit à caractériser, en tous ses éléments tant matériel qu'intentionnel, le délit de fraude fiscale sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence de manoeuvres frauduleuses, d'autre part, l'appréciation relative à la conscience de l'inexactitude des déclarations faites à l'administration fiscale relève du pouvoir souverain des juges du fond, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et sans inverser la charge de la preuve, justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 1745 du Livre des procédures fiscales, 121-3 du code pénal, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale, principe de proportionnalité ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné M. X... au paiement des impôts fraudés (209 203 euros) et les pénalités afférentes en solidarité avec la SCCV les jardins de Ramel ;

"aux motifs que l'élément matériel de l'infraction résulte dans la comparaison des chiffres d'affaires déclarés à l'occasion de la déclaration mensuelle de TVA et de celui effectivement réalisé, soit une minoration de 1 484 197 euros sur la période de janvier à août 2007, représentant 15 % du chiffre d'affaires, et d'une collecte de TVA de 1 833 422 euros pour une TVA collectée et déclarée de 1 542 518 euros, soit une différence de 290 903 euros conservée dans l'entreprise et représentant une fraude de 33 %, la circonstance que l' origine de cette discordance n'ait pas été identifiée par l'administration fiscale restant inopérante ; que l'élément moral de l'infraction de fraude fiscale résulte non pas dans la preuve d'une volonté délibérée de frauder, comme l'a jugé le tribunal correctionnel, mais dans la conscience par le prévenu de l'inexactitude des déclarations faites à l'administration ; que d'une part, la déclaration et l'attestation du comptable montrent que cette situation était connue au sein du service de comptabilité et de M. X..., peu important qu'il n'ait pas donné d'instruction de frauder ; que d'autre part, le chiffre d'affaires d'une société et les taux d'imposition constituent des données essentielles et déterminantes de la vie économique d'une société qu'un dirigeant ne peut avoir méconnue, dès lors que le chiffre d'affaires déclaré serait au mieux proche de celui de l'année 2006, et ce en contradiction avec les résultats florissants de l'entreprise à l'époque ; qu'en conséquence, le délit est caractérisé dans son élément intentionnel et le jugement sera infirmé en ce qu'il a relaxé M. X... ;

"et aux motifs que l'administration est recevable en sa constitution de partie civile et bien fondée à demander le paiement des impôts fraudés en solidarité avec la SCCV ;

"alors que le principe de proportionnalité induit que les juges du fond ne prononcent la solidarité fiscale entre la société et son dirigeant social que si celui-ci a commis une faute, caractérisée par son implication personnelle dans les faits de fraude fiscale poursuivis ; qu'à défaut le prononcé de la solidarité fiscale est disproportionnée par rapport à sa finalité qui tend à garantir le recouvrement de la créance du Trésor Public ; qu'en se bornant à retenir que l'administration fiscale était bien-fondée à demander le paiement de l'impôt fraudé à M. X..., en solidarité avec la SCCV Les jardins de Ramel, sans rechercher si cette mesure n'était pas disproportionnée en l'absence de toute implication personnelle de M. X... dans les faits de fraude fiscale poursuivis, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen" ;

Attendu que M. X... ne saurait faire grief à l'arrêt d'avoir ordonné à son encontre la solidarité fiscale avec la société redevable légale de l'impôt fraudé, sans rechercher l'absence de disproportion entre cette solidarité et son implication personnelle dans les faits, dès lors que la mesure de solidarité fiscale, que les juges peuvent légalement prononcer à l'égard de la personne condamnée pour fraude fiscale, ne revêt pas le caractère d'une punition ;

Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 232 du Livre des procédures fiscales, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a condamné M. X... à payer à l'administration fiscale la somme de 290 203 euros au titre de l'impôt fraudé en solidarité avec la SCCV Les jardins de Ramel ;
"aux motifs que l'administration fiscale est recevable en sa constitution de partie civile et bien fondée à demander le paiement des impôts fraudés en solidarité avec la SCCV ;

"1°)alors que la constitution de partie civile de l'administration fiscale, prévue par l'article L. 232 du Livre des procédures fiscales, se trouve limitée dans ses effets par les dispositions mêmes de ce code qui réservent à cette administration le pouvoir de déterminer et de mettre elle-même à la charge du fraudeur, non seulement le montant des droits, taxes, redevances ou impositions éludés frauduleusement, mais encore celui des majorations et amendes fiscales ; qu'ainsi, le juge répressif, incompétent pour se prononcer sur l'assiette de l'impôt, ne peut condamner le prévenu à payer à l'administration fiscale une somme au titre des impôts fraudés ; qu'en condamnant M. X... à payer à l'administration fiscale la somme de 290 203 euros au titre des impôts fraudés, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"2°) alors que les juges du fond, statuant sur l'action fiscale, doivent se prononcer dans la limite des conclusions dont ils sont saisis ; que dans ses conclusions d'appel, le directeur général des finances publiques demandait seulement l'application des dispositions de l'article 1745 du code général des impôts ; qu'en condamnant M. X... à payer à l'administration fiscale la somme de 290 203 euros au titre des impôts fraudés, quand cette somme n'avait pas été sollicitée par l'administration fiscale, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Vu l'article 1745 du code général des impôts ;

Attendu qu'il se déduit de ce texte qu'il n'appartient pas au juge pénal de fixer le montant des impôts éludés sur lesquels peut trouver à s'exercer la solidarité avec le redevable légal prononcée à l'égard de la personne condamnée en application des articles 1741, 1742 ou 1743 du même code ;

Attendu que, par conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, l'administration fiscale a demandé le bénéfice de la solidarité prévue par la disposition susvisée ; que les juges ont condamné le prévenu au paiement des impôts fraudés, en indiquant, entre parenthèses, la somme de 290 203 euros, et les pénalités afférentes en solidarité avec la société Les jardins de Ramel ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse, en date du 26 octobre 2015, mais en ses seules dispositions ayant condamné "M. X... au paiement des impôts fraudés (290 203 euros) et les pénalités afférentes en solidarité avec la SCCV Les jardins de Ramel", toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT que M. X... sera solidairement tenu, avec la SCCV Les jardins de Ramel, au paiement de l'impôt fraudé ainsi qu'à celui des pénalités fiscales y afférentes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Toulouse et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.