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Décisions

AMF, 21 avril 2017, n° SAN-2017-04

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Membres :

M. Soulard, M. Lepitre, M. Millou, M. Gizard

Président :

M. Gaeremynck

AMF n° SAN-2017-04

20 avril 2017

La 2 ème section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après « AMF ») ;

Vu le règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les

abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du

Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de

la Commission, notamment ses articles 7, 8 et 10 ;

Vu le règlement (UE) n° 236/2012 du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2012 sur les

ventes à découvert et certains aspects des contrats d'échange sur risque de crédit, notamment

ses articles 2 et 41 ;

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 621-14 et L. 621-15 ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 221-1, 223-37, 621-1, 622-1 et 622-2 ;

Vu les notifications de griefs du 11 mars 2016 adressées à X, M. A et M. B ;

Vu la décision du 25 avril 2016 de la présidente de la Commission des sanctions désignant

Mme Patricia Lazard Kodyra, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;

Vu les lettres du 27 avril 2016 adressées à X ainsi qu’à M. A et M. B les informant de la désignation

de Mme Patricia Lazard Kodyra en qualité de rapporteur et leur rappelant la faculté qui leur était

offerte d’être entendus par cette dernière, à leur demande, conformément au I de l’article L. 621-

39 du code monétaire et financier ;

Vu les lettres du 28 avril 2016 adressées à la société X ainsi qu’à M. A et M. B les informant de la

faculté qui leur était offerte de demander la récusation du rapporteur dans le délai d’un mois,

conformément aux articles R. 621-39-2 à R. 621-39-4 du code monétaire et financier ;

Vu la lettre du 24 mars 2016 adressée par M. B au président de l’AMF et le courrier en réponse du rapporteur du 19 mai 2016 ainsi que les courriers des 19 mai, 24 mai et 4 juillet 2016 adressés par M. B au rapporteur par l’intermédiaire de ses conseils sollicitant notamment des prorogations du délai de réponse à la notification de griefs et les réponses du rapporteur des 28 juin et 7 juillet 2016 ;

Vu les lettres du 4 mai et du 7 juin 2016 adressées au rapporteur par X et M. A, par l’intermédiaire de leurs conseils, sollicitant une prorogation du délai de réponse aux notifications de griefs et le courrier en réponse du rapporteur du 13 juin 2016 ;

Vu les observations en réponse aux notifications de griefs de X et M. A et leurs observations

complémentaires déposées, respectivement, les 17 et 30 juin 2016 ;

La Commission des sanctions

Vu les observations en réponse à la notification de griefs de M. B déposées le 3 octobre 2016 ;

Vu les procès-verbaux des auditions des mis en cause des 21 et 22 novembre 2016 ;

Vu les observations du 28 novembre 2016 adressées par M. B à la suite de son audition par le rapporteur ;

Vu les observations complémentaires déposées le 24 janvier 2017 par X et M. A ;

Vu le rapport de Mme Patricia Lazard Kodyra du 14 février 2017 ;

Vu les lettres de convocation à la séance de la Commission des sanctions du 31 mars 2017, auxquelles était joint le rapport du rapporteur, adressées le 15 février 2017 aux mis en cause ;

Vu les lettres du 21 février 2017 informant les mis en cause de la composition de la formation de la

Commission des sanctions lors de la séance et de la faculté de demander la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres ;

Vu les observations en réponse au rapport du rapporteur de M. B, déposées le 3 mars 2017 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance du 31 mars 2017 :

- Mme Patricia Lazard Kodyra en son rapport ;

- Mme Natalie Verne, représentant la directrice générale du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- Mme Audrey Micouleau, représentant le Collège de l’AMF ;

- M. A ;

- MM. (...) et Mme (...), représentants de la société

X ;

- Mes Arnaud de la Cotardière et Camille Porto du cabinet Linklaters, conseils de la société X et de

M. A ;

- M. B ;

- Mes Thierry Gontard et Marie-Christine Chaput du cabinet Simmons & Simmons, conseils de

M. B ;

- MM. Courtney Ennis et Jean-Pierre Vogel, interprètes ;

les personnes mises en cause ayant eu la parole en dernier.

I. Les faits

Eutelsat Communications (ci-après « Eutelsat »), holding du groupe Eutelsat, était, en 2011, le premier opérateur de satellites en Europe et le troisième opérateur mondial.

Le titre Eutelsat est coté sur le compartiment A d’Euronext Paris. Au 30 juin 2011, sa capitalisation boursière était de 6,823 milliards d’euros pour 220 113 982 titres.

Début 2012, le capital d’Eutelsat était détenu à 31,4 % par le groupe espagnol Abertis Infraestructuras S.A. par l’intermédiaire de sa filiale Abertis Telecom, devenue Cellnex Telecom (ci-après « Abertis »), à 25,6 % par le fonds stratégique d’investissement, à 4,1 % par d’autres actionnaires minoritaires ainsi que des salariés et dirigeants et, pour le surplus (38,9 %), par le public.

A compter du mois de juillet 2011, Abertis, qui avait décidé de céder sa participation dans Eutelsat, est entrée en relation avec cinq banques, dont [la société] X (ci-après « X »), en vue de préparer cette opération. Le 29 septembre 2011, alors qu’elle était sur le point d’être lancée, la cession a été interrompue, sans que les accords de confidentialité signés le jour même par les banques contactées n’en dévoilent les conditions.

De la fin du mois de septembre 2011 à la mi-décembre 2011, puis à nouveau au début du mois de janvier 2012, plusieurs banques, dont X, ont contacté Abertis pour évoquer l’éventuelle reprise de l’opération de cession.

Pendant la même période, X et d’autres banques ont interrogé des investisseurs potentiels sur leur éventuel intérêt pour les titres Eutelsat afin d’être en mesure de présenter des offres à Abertis en espérant ainsi obtenir un mandat de sa part si la cession de sa participation devait se concrétiser.

Des contacts ont eu lieu à l’époque entre M. A, directeur de l’équipe syndication de X, et M. B, dirigeant de Z (ci-après « Z »), société de gestion britannique du fonds Y. Le 5 janvier 2012, ils ont notamment évoqué, par téléphone, l’intérêt de M. B pour Eutelsat. Dans les instants qui ont suivi la fin de cet entretien, M. B a passé, au nom de Z et pour le compte du fonds Y, un ordre de vente à découvert portant sur 925 000 titres Eutelsat.

Le 12 janvier 2012, Abertis a cédé un bloc de titres Eutelsat par voie d’accelerated bookbuilding (construction accélérée d’un livre d’ordres, ci-après « ABB ») avec l’assistance de trois banques, dont X, retenues au terme d’une procédure d’appel d’offres qui s’est déroulée le jour même. Cette opération a porté sur 35 218 237 actions représentant 16 % du capital d’Eutelsat, à un prix unitaire de 27,85 euros, soit une décote de 6,4 % par rapport au cours de clôture du 12 janvier 2012. Elle a été annoncée au marché le 12 janvier 2012 après la clôture de la séance de bourse.

Lors de la séance de bourse du 13 janvier 2012, le cours du titre Eutelsat a ouvert à 28,15 euros et atteint, à son plus bas niveau, 27,585 euros, soit des baisses de, respectivement, 5,43 % et 7,32 % par rapport au cours de clôture du 12 janvier. Le même jour, 14 160 510 titres ont été échangés sur Euronext, contre une moyenne de 313 146 titres par jour au cours des trois mois précédents.

II. La procédure

Alerté par la Division de la surveillance des marchés qui avait remarqué des opérations de vente suspectes, notamment des ventes à découvert, pendant la période précédant le 12 janvier 2012, le secrétaire général de l’AMF a décidé, le 9 mars 2012, d’ouvrir une enquête sur le marché du titre Eutelsat à compter du 1 er janvier 2011.

Au terme de cette enquête, la Direction des enquêtes et des contrôles de l’AMF a adressé le 23 avril 2015 à X ainsi qu’à M. A et le 20 mai 2015 à M. B des lettres circonstanciées relatant les principaux éléments de faits et de droit consignés par les enquêteurs et les invitant à leur faire parvenir leurs éventuelles observations en réponse.

X et M. A, le 24 juin 2015, puis M. B, le 20 juillet 2015, ont présenté des observations en réponse aux lettres circonstanciées par l’intermédiaire de leurs conseils.

L’enquête a donné lieu à l’établissement d’un rapport daté du 11 janvier 2016.

Lors des séances des 29 octobre 2015 et 26 janvier 2016, la Commission spécialisée n° 3 du Collège de l’AMF a décidé de notifier des griefs à X, M. A et M. B. Ces notifications leur ont été adressées le 11 mars 2016, accompagnées de leur traduction en langue anglaise.

Il est reproché à :

− M. A, d’avoir transmis, sous la forme d’un avis, une information privilégiée relative à l’imminence de la cession par Abertis d’une partie de sa participation dans Eutelsat par voie d’ABB lors de sa conversation téléphonique du 5 janvier 2012 avec M. B, en violation des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF ;

− X, d’avoir transmis, sous la forme d’un avis, cette information privilégiée à M. B, par l’intermédiaire de l’un de ses préposés, M. A, en violation des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF ;

− M. B, (i) un manquement à son obligation d’abstention d’utilisation de la même information privilégiée lors de la réalisation de ventes à découvert le 5 janvier 2012 pour le compte du fonds

Y, en violation des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF, et (ii), à l’occasion de ventes à découvert portant sur le titre Eutelsat réalisées les 9 janvier, 13 janvier et 11 mai 2012, un non-respect par Z des obligations déclaratives prévues par l’article 223-37 du règlement général de l’AMF relatives au franchissement de seuils de détention de positions courtes, manquement qui lui serait imputable en tant que dirigeant de cette entité à l’époque des faits, en application de l’article 221-1 2° du même règlement.

Conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, une copie des notifications de griefs a été transmise, le 11 mars 2016, par le président de l’AMF au président de la

Commission des sanctions qui, par décision du 25 avril 2016, a désigné Mme Patricia Lazard Kodyra en qualité de rapporteur.

Les mis en cause ont été avisés par lettres du 27 avril 2016 de la faculté dont ils disposaient d’être entendus par le rapporteur à leur demande, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Les mis en cause ont par ailleurs été informés, par lettres du 28 avril 2016 qu’ils pouvaient demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier et dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code.

Des observations en réponse aux notifications de griefs ont été déposées, par l’intermédiaire de leurs conseils, par X et M. A les 17 et 30 juin 2016 ainsi que par M. B, le 3 octobre 2016.

Les mis en cause ont été entendus par le rapporteur les 21 et 22 novembre 2016. A la suite de ces auditions, les conseils de M. B ont adressé au rapporteur des documents complémentaires.

Le 14 février 2017, le rapporteur a déposé son rapport.

Par courriers du 15 février 2017, auxquels était joint le rapport du rapporteur, les mis en cause ont été convoqués à la séance de la Commission des sanctions du 31 mars 2017 et informés, d’une part, qu’ils disposaient d’un délai de quinze jours pour présenter des observations en réponse au rapport du rapporteur, conformément au III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier et, d’autre part, qu’ils avaient le droit de se faire assister de tout conseil de leur choix, en vertu du II de l’article R. 621-40 du même code.

Par courriers du 21 février 2017, les mis en cause ont été informés de la composition de la Commission des sanctions appelée à délibérer à l’issue de la séance du 31 mars 2017 ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient pour demander la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres, en application des dispositions des articles R. 621-39-2 à R. 621-39-4 du code monétaire et financier.

Des observations en réponse au rapport du rapporteur ont été déposées par M. B, par l’intermédiaire de ses conseils, le 3 mars 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur le moyen pris de la violation des droits de la défense de M. A

M. A demande « le retrait [...] des débats » de l’enregistrement et de la retranscription de son audition par la Financial Conduct Authority (ci-après « FCA »). Il fait valoir à ce sujet que, saisie d’une demande des enquêteurs via la Financial Services Authority (ci-après « FSA ») britannique,

X a dès le début de la procédure exprimé sa volonté de coopérer avec les enquêteurs mais a demandé à ce que cette autorité exerce ses pouvoirs de contrainte en application du droit local applicable. Entendu dans ce cadre par la FCA, laquelle s’était entretemps substituée à la FSA,

M. A a, au début de son audition, été informé que ses propos ne pourraient pas être utilisés dans le cadre d’une procédure portant sur des faits éventuellement constitutifs d’abus de marché à laquelle il serait partie. Or, il fait valoir que le rapport d’enquête se réfère à de nombreuses reprises aux propos qu’il a tenus lors de son audition et que l’utilisation de ces propos constitue une violation caractérisée de ses droits de la défense.

Au cours de l’enquête, l’AMF a adressé à la FCA une demande d’assistance fondée sur l’article 16 de la directive Abus de Marché n° 2003/6/CE, du Memorandum of Understanding du Comité des régulateurs européens du 26 janvier 1999 et de l’accord multilatéral portant sur la consultation, la coopération et l’échange d’informations signé dans le cadre de l’Organisation Internationale des Commissions de Valeurs Mobilières (ci-après « MMoU »). En exécution de cette demande, la FCA a convoqué M. A selon une procédure de comparution obligatoire. Le 22 septembre 2014, en préambule de son audition, un des agents de la FCA lui a indiqué qu’il était entendu en application des sections 172 et 171 de la loi sur les services et les marchés financiers de 2000, qu’il était tenu de répondre aux questions posées sous peine de poursuites pénales et que ses réponses aux questions des enquêteurs « [pouvaient] constituer des éléments de preuve admissibles dans toute procédure, mais de façon générale pas dans une procédure engagée pour vous infliger une sanction pour abus de marché ».

Il résulte de l'article 9 d) du MMoU, aux termes duquel « A moins que les Autorités n'en aient décidé autrement, les informations et documents demandés dans le cadre du présent Accord seront rassemblés conformément aux procédures en vigueur dans la juridiction de l'Autorité requise, par les personnes qu'elle aura désignées. [...] », qu’en l’absence de décision contraire, les conditions de recueil de l’audition de M. A étaient régies par le droit applicable à la FCA.

Dès lors qu’en application de ce droit, M. A s’est vu contraint de répondre aux questions des enquêteurs sous peine de sanctions pénales et qu’il a obtenu la garantie que ses propos ne pourraient être utilisés contre lui dans le cadre de poursuites pour abus de marché, il est fondé à demander que l’enregistrement et la retranscription de son audition soient écartés du dossier de la présente procédure et ne puissent servir à caractériser à son encontre un grief de communication d’une information privilégiée, manquement relevant de la catégorie des abus de marché.

II. Sur les griefs de transmission ou d’utilisation d’une information privilégiée notifiés à

X, M. A et M. B

Il est fait grief à X et à M. A d’avoir transmis à M. B, qui l’aurait utilisée, une information relative « à l’imminence de la cession par Abertis d’une partie de sa participation dans Eutelsat par voie d’ABB », en violation des dispositions des articles 621-1, 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF.

II.1. Sur les textes applicables

Les faits reprochés, qui se sont déroulés au début du mois de janvier 2012, seront examinés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuelles dispositions plus douces entrées en vigueur postérieurement.

Définition de l’information privilégiée

Aux termes de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version issue de l’arrêté du 12 novembre 2004, non modifiée depuis sur ces points dans un sens plus doux : « Une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés [...]. / Une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés [...]. / Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés [...] est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement ».

Le règlement n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (ci-après « règlement MAR »), entré en application le 3 juillet 2016, dispose, en son article 7 : « 1. Aux fins du présent règlement, la notion d’« information privilégiée » couvre les types d’information suivants : /

a) une information à caractère précis qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’influencer de façon sensible le cours des instruments financiers concernés [...] ; / 2. Aux fins de l’application du paragraphe 1, une information est réputée à caractère précis si elle fait mention d’un ensemble de circonstances qui existe ou dont on peut raisonnablementpenser qu’il existera ou d’un événement qui s’est produit ou dont on peut raisonnablement penser qu’il se produira, si elle est suffisamment précise pour qu’on puisse en tirer une conclusion quant à l’effet possible de cet ensemble de circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers [...]. [...]. /

3. [...] / 4. Aux fins du paragraphe 1, on entend par information qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’influencer de façon sensible le cours des instruments financiers [...], une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme faisant partie des fondements de ses décisions d’investissement.».

Ces dernières dispositions, qui définissent l’information privilégiée en des termes très proches de celles précitées de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, ne sont pas plus douces et, partant, ne sont pas susceptibles de recevoir une application rétroactive.

 

Définition des opérations d’initié

Aux termes de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version issue de l’arrêté du

30 décembre 2005, non modifiée depuis sur ces points dans un sens plus doux : « Toute personne mentionnée à l’article 622-2 doit s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée qu’elle détient en acquérant ou en cédant, ou en tentant d’acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information [...]. / Elle doit également s'abstenir de : 1° Communiquer cette information à une autre personne en dehors du cadre normal de son travail, de sa profession ou de ses fonctions ou à des fins autres que celles à raison desquelles elle lui a été communiquée [...] ». L’article 622-2 du même règlement, dans sa version issue de l’arrêté du 12 novembre 2004, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, énonce quant à lui : « Les obligations d'abstention prévues à l'article 622-1 s'appliquent à toute personne qui détient une information privilégiée en raison de : [...] / 3° Son accès à l'information du fait de son travail, de sa profession ou de ses fonctions [...] ; [...] ».

Le règlement MAR dispose, en son article 8 : « 1. Aux fins du présent règlement, une opération d’initié se produit lorsqu’une personne détient une information privilégiée et en fait usage en acquérant ou en cédant, pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers, directement ou indirectement, des instruments financiers auxquels cette information se rapporte [...] / 4. Le présent article s’applique à toute personne qui possède une information privilégiée en raison du fait que cette personne : [...] c) a accès aux informations en raison de l’exercice de tâches résultant d’un emploi, d’une profession ou de fonctions ». L’article 10 du même règlement prévoit quant à lui : « 1. Aux fins du présent règlement, une divulgation illicite d’informations privilégiées se produit lorsqu’une personne est en possession d’une information privilégiée et divulgue cette information à une autre personne, sauf lorsque cette divulgation a lieu dans le cadre normal de l’exercice d’un travail, d’une profession ou de fonctions. / Le présent paragraphe s’applique à toute personne physique ou morale dans les situations ou les circonstances visées à l’article 8, paragraphe 4 ».

Ces dernières dispositions, qui définissent les opérations d’initié en des termes très proches de celles précitées des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF, ne sont pas plus douces et, dès lors, ne sont pas susceptibles de recevoir une application rétroactive.

II.2 Sur le caractère privilégié de l’information relative à l’imminence de la cession par Abertis d’une partie de sa participation dans Eutelsat par voie d’ABB

Les notifications de griefs retiennent que l’information relative l’imminence de la cession par Abertis d’une partie de sa participation dans Eutelsat par voie d’ABB a acquis un caractère privilégié dès le 3 janvier 2012 pour avoir été, à cette date, précise, non publique et susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours du titre Eutelsat.

Selon la poursuite, cette information était précise dès lors, d’une part, qu’elle portait sur un événement à venir clairement identifié, d’autre part, qu’à la date considérée, le cours de l'action Eutelsat, autour de 30 euros, et son maintien à ce niveau offrait à Abertis la possibilité de réaliser la cession à un prix conforme à son objectif de prix de 27 euros (après décote), à un moment situé après les fêtes de fin d'année et avant la période de blocage préalable à l'annonce de ses résultats semestriels et, enfin, qu’il était possible de tirer de cette information une conclusion sur l'évolution, en l'occurrence négative, du cours du titre Eutelsat.

Les mis en cause contestent le caractère privilégié de l’information, notamment sa précision. Ils soutiennent que la cession n’était imminente ni le 3 janvier 2012, ni même le 5 janvier suivant, date de la prétendue transmission de l’information, dans la mesure où Abertis n’avait, à l’époque, pas encore défini d’objectif de prix. Ils font valoir que le prix évoqué par Abertis à cette époque constituait une « cible mouvante », variable en fonction de l’évolution du cours du titre, et que celui de 27 euros mentionné dans certains échanges de courriels constituait une simple hypothèse de travail. Ils ajoutent que la décote de prix souhaitée par Abertis n’a été fixée qu’à compter du 10 janvier 2012, date d’un placement privé par voie d’ABB effectué par la société Repsol.

A compter du 3 janvier 2012, trois circonstances se sont trouvées réunies : le retour à la normale de la liquidité après le ralentissement traditionnel des fins d’année, un cours du titre Eutelsat en progression depuis le 23 décembre 2011 et ayant atteint 30 euros qui offrait à Abertis la possibilité de céder sa participation à un prix de 27 euros après décote et la proximité d’une période de blocage de près d’un mois, liée à la publication à venir de ses résultats semestriels par Eutelsat, qui débutait le 18 janvier 2012 et faisait obstacle à la cession envisagée.

Il convient de rechercher si, compte tenu de cette situation et au regard de l’objectif de prix d’Abertis, il existait des chances raisonnables que la cession se produise de manière imminente.

Il ressort des déclarations d’Abertis, notamment des indications données par son directeur général aux enquêteurs de l’AMF lors de son audition, que les équipes d’Abertis étaient invitées à faire savoir aux banques qu’un prix inférieur à 27 euros était exclu. Les courriels internes aux banques envoyés entre le mois d’octobre et la mi-décembre 2011, notamment celui du 28 novembre 2011 adressé au manager de l’équipe syndication de X, confirment non seulement qu’Abertis refusait de discuter d’un prix inférieur à 27 euros mais laissent aussi apparaître que ce prix ne correspondait pas à un seuil de déclenchement de l’opération et que le prix minimum évoqué dans les discussions était susceptible d’évoluer en fonction des variations du cours.

Au-delà du message adressé aux banques, l’objectif de prix arrêté en interne par Abertis a été décrit en ces termes par le directeur financier de cette société dans ses déclarations à la Comision Nacional del Mercado de Valores (ci-après « CNMV ») : « Abertis avait défini en interne une fourchette de décote sur le prix final par rapport au prix moyen pondéré du volume (VWAP) sur 3 mois, de 5 à 7 %, d’où un prix de vente de 27,83 à 27,24 €. » ou encore : « le prix était souple. Nous pensions à 30 euros pour le cours du titre, avec une décote de 5 à 7 %. Or le cours a été en hausse pendant longtemps. Pourquoi se limiter à un certain niveau ? Notre intention était de maximiser la sortie ». Il s’en déduit qu’Abertis souhaitait obtenir un prix optimal, non défini de manière fixe, qui évoluait en considération du VWAP et d’un niveau de décote compris entre 5 et 7 %.

Le directeur général d’Abertis a pour sa part déclaré à la CNMV : « Le plus important concernant l’objectif était de définir la décote que nous accepterions. [...]. Il y avait eu une constitution accélérée d’un carnet d’ordres pour Repsol quelques jours plus tôt, avec une décote de 5 %, et nous souhaitions plus ou moins la même chose. ». La décote apparaît donc avoir été déterminée par Abertis par référence au placement privé par voie d’ABB effectué par la société Repsol, qui a eu lieu le 10 janvier 2012.

Il résulte des éléments qui précèdent que si la conjugaison des circonstances mentionnées plus haut étaient susceptibles d’inciter Abertis à initier la cession, il reste, d’une part, que le cours de 27 euros atteint par le titre Eutelsat au 3 janvier 2012 ne correspondait pas à un seuil de déclenchement de cette opération et, d’autre part, qu’il n’est pas établi que le prix de cession souhaité par Abertis avait été défini avec précision avant le 10 janvier 2012.

Ainsi, il n’est pas démontré qu’au 5 janvier 2012, date des faits reprochés aux mis en cause, la cession par Abertis d’une partie de sa participation dans Eutelsat était susceptible d’intervenir de manière imminente et, partant, que l’information invoquée par la poursuite était alors précise, de sorte que l’élément constitutif relatif au caractère privilégié de l’information qui aurait été transmise ou utilisée fait défaut.

II.3 Sur la transmission de l’information relative à l’imminence de la cession par Abertis d’une partie de sa participation dans Eutelsat par voie d’ABB

Selon la poursuite, M. A a transmis, sous la forme d’un avis, l’information qu’elle considère comme privilégiée à M. B au cours d’une conversation téléphonique qui s’est déroulée le 5 janvier 2012 de 10h53 à 11h10 et avait pour objet de sonder l’intérêt de ce dernier pour cinq valeurs, dont Eutelsat. M. A aurait, à cette occasion, en dépit des précautions de langage employées, communiqué deux informations clés et non publiques relatives, d’une part, à l’évolution de la nature des discussions entre X et certains vendeurs et, d’autre part, à l’avis de X selon lequel le moment était venu pour « ces vendeurs » de réaliser les opérations projetées.

Les mis en cause soutiennent qu’au cours de la conversation, banale et conforme à la pratique des recherches d’intérêt, aucune information n’a été transmise, notamment concernant le titre Eutelsat, la taille du bloc, le prix envisagé, le calendrier et les modalités de l’opération. Selon eux, M. A s’est contenté de répondre aux interrogations de M. B sans faire de commentaire particulier sur les éléments de prix et de décote mentionnés par ce dernier et d’exprimer son ressenti sur les probabilités d’occurrence de cessions de blocs en considération de l’état du marché boursier et sans évoquer un titre en particulier. Ils précisent qu’en indiquant qu’il était temps pour « certains de ces vendeurs » (et non pour « ces vendeurs », expression retenue par la poursuite) de lancer les opérations de cession de bloc évoquées, M. A s’est borné à exprimer un avis selon lequel toutes les valeurs évoquées avaient une probabilité significative de faire l’objet d’un placement sans prendre position sur le degré de probabilité de réalisation de certaines opérations par rapport à d’autres.

La conversation du 5 janvier 2012 s’est déroulée en anglais et a duré plus de 17 minutes. Elle a fait l’objet d’un enregistrement figurant à l’annexe 6-3 au rapport d’enquête qui a donné lieu à une retranscription et à une traduction en français par le rapporteur dont le contenu n’a pas été contesté et qui figurent aux cotes D3856 à D3861. Au cours de cet échange téléphonique, M. A a interrogé M. B sur son intérêt pour certaines valeurs inscrites sur la « focus list » de X, dont Eutelsat. Cette liste, révisée chaque semaine, inclut les valeurs qui, sur le fondement d’éléments publics, sont considérées par X comme susceptibles à court ou moyen terme de faire l’objet de cessions de bloc. S’agissant d’Eutelsat, ils ont discuté de différentes hypothèses présentées par M. B relatives au cours du titre, à la décote éventuelle ainsi qu’à la taille du bloc. M. B a ensuite interrogé M. A pour savoir sur quelles valeurs, parmi celles évoquées, devait se porter son intérêt en précisant qu’il était sollicité depuis longtemps sur Eutelsat sans qu’aucune opération ne se soit concrétisée. Il a également demandé à M. A s’il y avait des raisons de croire qu’une cession de bloc de titres Eutelsat pourrait intervenir avant que n’arrive la période de blocage, ce à quoi M. A a notamment répondu : « Je pense que ce qui change en ce moment, B c’est nos discussions avec certains de ces vendeurs. » et « je pense qu’il est temps, évidemment je ne pourrais pas vous dire de façon certaine que quelque chose est imminent pour les noms dont nous avons parlé, aujourd’hui ou par le passé. Vous savez il s’agit essentiellement de conjectures, c’est moi qui additionne 2 et 2 sur la base des faits qui sont disponibles... Mais il me semble que, sur le fondement de discussions générales, c’est une question de « quand » et pas de « si » pour beaucoup de ces types. ».

Il ressort de cet extrait et des autres échanges intervenus lors de la conversation du 5 janvier 2012 que par ses propos, restés généraux et assortis de précautions de langage, adaptés à la pratique des recherches d’intérêt, M. A, l’eût-il détenue, n’a pas transmis l’information litigieuse à

M. B. Il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que l’information relative à l’imminence de la cession par Abertis d’une partie de sa participation dans Eutelsat par voie d’ABB n’était pas privilégiée le 5 janvier 2012 et, en tout état de cause, qu’elle n’a pas été transmise par M. A à M. B lors de leur entretien téléphonique intervenu le même jour entre 10h53 et 11h10.

En conséquence, les griefs de transmission ou d’utilisation d’une information privilégiée notifiés à X, M. A et M. B ne sont pas caractérisés.

III. Sur le grief de défaut de déclaration de franchissement de seuils de détention de positions courtes notifié à M. B

Il est reproché à M. B une méconnaissance par Z des obligations déclaratives prévues par l’article 223-37 du règlement général de l’AMF à l’occasion de ventes à découvert réalisées les 9 janvier, 13 janvier et 11 mai 2012, manquement qui lui serait imputable en tant que dirigeant de cette entité à l’époque des faits, en application de l’article 221-1 2° du même règlement.

Plus précisément, la notification de griefs relève que Z a déclaré le 11 janvier 2012, soit avec un jour de retard, le franchissement à la hausse, le 9 janvier 2012, de quatre seuils de détention d’une position courte sur le titre Eutelsat (0,9 %, 1 %, 1,1 % et 1,2 %) et a omis de déclarer la détention de telles positions sur le même titre après avoir franchi onze seuils (de 1,2 % à 0,2 %) à la baisse le 13 janvier 2012 et le seuil de 0,2 % à la baisse le 11 mai 2012.

M. B ne conteste pas le retard ou l’absence de déclaration des opérations en cause mais considère que les manquements ne lui sont pas imputables. A cet égard, il indique avoir été poursuivi en raison de la croyance erronée du Collège selon laquelle Z avait été dissoute. Il ajoute que le mécanisme prévu à l’article 221-1 du règlement général de l’AMF n’a jusqu’à présent été admis par la jurisprudence qu’à l’égard d’émetteurs pour des manquements aux obligations d’information du public édictées par les articles 223-1 et 223-2 du même règlement et qu’il n’y a pas lieu d’en faire application à une société de gestion ayant son siège au Royaume-Uni comme Z, qui n’est pas un émetteur, à raison d’un manquement fondé sur l’article 223-37 dudit règlement. Enfin, faisant valoir que l’équipe conformité de Z était seule investie de la mission de procéder aux déclarations réglementaires, il soutient ne pas avoir été impliqué personnellement dans les manquements reprochés.

III.1 Sur les textes applicables

Les faits reprochés, qui se sont déroulés aux mois de janvier et de mai 2012, seront examinés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuelles dispositions plus douces entrées en vigueur postérieurement.

Les obligations déclaratives relatives à la détention d’une position courte

L’article 223-37 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 1 er février 2011 au

18 avril 2013, applicable à l’époque des faits énonçait : « toute personne physique ou morale venant à détenir une position courte nette égale ou supérieure à 0,2 %, 0,3 % ou 0,4 % du capital d'une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé [...]. La même obligation de déclaration s'applique lorsque la position courte nette devient inférieure à l'un de ces seuils. / Toute personne physique ou morale venant à détenir une position courte nette égale ou supérieure à 0,5 % du capital d'une société visée au premier alinéa déclare cette position dans un délai d'un jour de négociation à l'AMF qui la rend publique. La même obligation de déclaration s'applique en cas de franchissement à la hausse d'un des seuils successifs supplémentaires fixés par palier de 0,1 % et, en cas de franchissement à la baisse d'un des seuils mentionnés au présent alinéa. ».

Le même article, dans sa version issue de l’arrêté du 12 avril 2013, non modifiée depuis, dispose que « le règlement n° 236/2012 du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2012 sur les ventes à découvert et certains aspects des contrats d'échange sur risque de crédit fixe les règles de transparence applicables aux positions courtes nettes ».

L’article 2 du règlement n° 236/2012 du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2012 indique quant à lui : « 1. Toute personne physique ou morale détenant une position courte nette en rapport avec le capital en actions émis d’une entreprise dont les actions sont admises à la négociation sur une plate-forme de négociation informe l’autorité compétente pertinente, conformément à l’article 9, lorsque cette position franchit à la hausse ou à la baisse l’un des seuils de notification pertinents visés au paragraphe 2 du présent article. / 2. Un seuil de notification pertinent est un pourcentage égal à 0,2 % du capital en actions émis de l’entreprise concernée, et chaque palier de 0,1 % au-delà de ce seuil. ».

Ces dernières dispositions, qui définissent les obligations déclaratives relatives au franchissement de seuils de détention de positions courtes nettes en des termes très proches de celles précitées de l’article 223-37 du règlement général de l’AMF, ne sont pas plus douces et, partant, ne sont pas susceptibles de recevoir une application rétroactive.

L’imputabilité

Le dernier alinéa de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version issue de l’arrêté du 26 février 2009, encore en vigueur, dispose que : « Les dispositions du présent titre [titre II du livre II] sont également applicables aux dirigeants de l'émetteur, de l'entité ou de la personne morale concernés. ».

Le règlement n° 236/2012 du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2012 ne traite du respect des obligations qu’il édicte qu’en son article 41 qui dispose : « les États membres établissent les sanctions et les mesures administratives applicables aux violations du présent règlement et prennent toute mesure nécessaire pour assurer leur mise en œuvre. ». Cet article, qui renvoie à la législation nationale la fixation des mesures et sanctions applicables sans évoquer les personnes susceptibles d’en faire l’objet, ne comporte pas de dispositions plus douces pouvant recevoir une application rétroactive.

III.2 Sur le défaut de déclaration de franchissement de seuils de détention de positions courtes par Z

Il est établi par la liste des opérations sur les titres Eutelsat communiquée par Z, constituant l’annexe 9-2 au rapport d’enquête, que, comme le relève la notification de griefs, cette société, agissant pour le compte du fonds Y, a franchi à la hausse, le 9 janvier 2012, les seuils de 0,9 %, 1 %, 1,1 % et 1,2 % de détention d’une position courte nette, à la baisse, le 13 janvier suivant, les seuils compris entre 1,2 % et 0,2 % à la baisse et, le 11 mai 2012, le seuil de 0,2 % à la baisse.

Or, après avoir procédé le 10 janvier 2012 à une vente à découvert portant sa position à 1,23 % du capital d'Eutelsat, Z a déclaré à l’AMF, le lendemain, un franchissement de seuil à la hausse intervenu la veille alors que, comme indiqué au paragraphe qui précède, le seuil de 1,2 % avait été franchi le 9 janvier 2012. La déclaration a donc été effectuée avec un jour de retard. En outre, les franchissements de seuils intervenus les 13 janvier et 11 mai 2012 n’ont donné lieu à aucune déclaration à l’AMF.

Ces faits caractérisent un manquement aux dispositions de l’article 223-37 du règlement général de l’AMF.

Ils ne sont, au demeurant, pas contestés par M. B.

III.3 Sur l’imputabilité des manquements à M. B

Pour contester l’imputabilité à sa personne des manquements ci-dessus mentionnés, M. B fait valoir, en premier lieu que les enquêteurs ayant estimé, à tort, que Z avait été dissoute, c’est par défaut, et sur la base de cette erreur que la responsabilité de M. B en sa qualité de dirigeant a été recherchée, alors que seule Z aurait dû être mise en cause ; en deuxième lieu qu’au sein de cette société M. B en sa qualité de dirigeant n’était aucunement en charge des déclarations de franchissement de seuils prévues à l’article 223-37 du règlement général de l’AMF précité, lesquelles incombaient aux seuls responsables de la conformité au sein de la société ; enfin le retard d’un jour de la déclaration de franchissement de seuil n’a eu aucune conséquence grave sur le marché.

Le dernier alinéa de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF rend applicables l’ensemble des dispositions du titre II du livre II, parmi lesquelles figurent celles de l’article 223-37, aux « dirigeants de l’émetteur, de l’entité ou de la personne morale concernés ». Par suite les obligations résultant de ces dispositions, de même que les manquements à ces mêmes obligations, sont imputables, quelle que soit leur nature, non seulement aux émetteurs, entités ou autres personnes morales qui sont débiteurs des obligations en cause, mais encore d’une manière générale à leurs dirigeants, sans distinguer selon que le siège social de l’entité ou de la personne morale se situe en France ou à l’étranger.

En l’espèce, il ressort du dossier, et il n’est d’ailleurs pas contesté, que M. B avait la qualité de dirigeant de la société Z au sens de l’article 221-1 précité. Par suite les manquements à l’article 223-37 du règlement général de l’AMF lui sont de ce seul fait imputables. Au surplus, en l’espèce, les déclarations de franchissement de seuil prévues par cet article revêtaient, eu égard à la stratégie mise en œuvre par la société, une importance particulière et n’avaient pas le caractère d’une formalité purement administrative.

Il résulte également de ce qui précède, eu égard notamment à la généralité des termes du dernier alinéa de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF, que le fait que cet article n’ait pas été appliqué, à ce jour, en cas de manquement aux obligations prévues par l’article 223-37, n’est pas de nature à faire obstacle à l’application des dispositions claires et précises de l’alinéa en cause.

Ensuite, l’absence de mise en cause de Z est indifférente dès lors, d’une part, que les dispositions de l’article 221-1 précitées ne subordonnent pas la responsabilité du dirigeant à celle de l’entité dirigée ou à l’impossibilité d’engager la responsabilité de cette dernière et, d’autre part, que le Collège de l’AMF dispose du pouvoir d’apprécier l’opportunité des poursuites.

Par ailleurs, l’absence d’implication personnelle de M. B dans la commission des manquements, à la supposer établie, ne démontre pas que ce dernier ait, à l’époque des faits, été privé en tout ou partie de l’exercice de ses fonctions de dirigeant de Z et, dès lors, n’est pas de nature à l’exonérer de sa responsabilité.

Enfin la circonstance, à la supposer établie, que le manquement en cause n’ait eu aucune conséquence grave pour le marché pourrait seulement être prise en considération, comme il est dit ci-après, le cas échéant dans la fixation de la sanction, mais n’est pas de nature à faire obstacle à la caractérisation du manquement.

Il s’en déduit que les manquements précédemment constatés aux dispositions de l’article 223-37 du règlement général de l’AMF sont imputables à M. B.

SANCTION ET PUBLICATION

Sur la sanction

Le III de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version issue de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 applicable jusqu’au 28 juillet 2013, non modifiée depuis dans un sens plus doux, prévoit en son c) que toute autre personne que celles mentionnées au II de l’article L. 621-9 du même code encourt « une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ».

Aux termes de l’article L. 621-15 III ter du code monétaire et financier en vigueur depuis le 11 décembre 2016 : « Dans la mise en œuvre des sanctions mentionnées aux III et III bis, il est tenu compte notamment : - de la gravité et de la durée du manquement ; - de la qualité et du degré d’implication de la personne en cause ; / - de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s’agissant d’une personne physique de ses revenus annuels, s’agissant d’une personne morale de son chiffre d’affaires total ; / - de l’importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; - des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où elles peuvent être déterminées ; / - du degré de coopération avec l’Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veiller à la restitution de l’avantage retiré par cette personne ; / - des manquements commis précédemment par la personne en cause ; / - de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement ».

Comme le rappelle le 7 ème considérant du règlement n° 236/2012, non applicable aux faits de l’espèce mais qui n’en comporte pas moins une justification pertinente de l’exigence de transparence sur les positions courtes nettes, une telle transparence permet aux autorités de régulation de détecter les ventes à découvert potentiellement porteuses de risques systémiques, constitutives d’abus ou susceptibles de désorganiser les marchés. La violation des obligations déclaratives prévues par les dispositions de l’article 223-37 du règlement général de l’AMF, qui poursuit le même objectif de détection, revêt, en elle-même, une particulière gravité.

Par ailleurs, force est de constater qu’en l’espèce, les obligations en cause ont été méconnues à trois reprises sur une période de cinq mois alors de surcroît que, dans deux cas, plusieurs seuils de détention de positions courtes nettes avaient été franchis.

S’agissant de la déclaration intervenue avec un jour de retard, il est exact, comme le fait valoir

M. B, que celle-ci, bien que tardive, a néanmoins été effectuée avant la cession du bloc de titres Eutelsat par voie d’ABB, intervenue le lendemain. Il reste que, comme l’indique M. B lui-même, cette cession était attendue par le marché, de sorte que toute information relative à ce titre était susceptible de retenir l’attention des investisseurs.

Lors de son audition par le rapporteur, M. B a déclaré percevoir de Z un salaire annuel de £90 000 (soit plus de 100 000 euros) et a refusé de donner des informations sur son patrimoine.

En considération de ces éléments, il sera prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 200 000 euros.

Sur la publication

Aux termes de l’article L. 621-15, V, du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 : « La décision de la commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. / La commission des sanctions peut décider de reporter la publication d'une décision ou de publier cette dernière sous une forme anonymisée ou de ne pas la publier dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes : / a) Lorsque la publication de la décision est susceptible de causer à la personne en cause un préjudice grave et disproportionné, notamment, dans le cas d'une sanction infligée à une personne physique, lorsque la publication inclut des données personnelles ; / b) Lorsque la publication serait de nature à perturber gravement la stabilité du système financier, de même que le déroulement d'une enquête ou d'un contrôle en cours ».

En l’espèce les personnes mises hors de cause ont demandé à ce que la publication de la décision respecte leur anonymat. Par ailleurs il résulte des circonstances de l’affaire que cette publication serait de nature à causer à M. B un préjudice grave et disproportionné. Par suite la décision sera publiée de manière anonyme pour ce qui le concerne également, de même que pour la société Z et le fonds Y.

PAR CES MOTIFS,

Et après en avoir délibéré, sous la présidence de M. Jean Gaeremynck, par MM. Christophe Soulard, Christophe Lepitre et Lucien Millou, membres de la 2 ème section de la

Commission des sanctions, et M. Bruno Gizard, membre de la 1 ère section de la Commission des sanctions, suppléant Mme Anne-José Fulgéras en application de l’article R. 621-7. I du code monétaire et financier, en présence du secrétaire de séance,

- ordonne que soient écartés des débats la retranscription et l’enregistrement de l’audition de M. A qui s’est déroulée à Londres le 22 septembre 2014 ;

- met hors de cause la société X et M. A ;

- prononce à l’encontre de M. B une sanction pécuniaire de 200 000 € (deux cent mille euros) ;

- ordonne la publication de la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers, dans des conditions propres à assurer l’anonymat de l’ensemble des personnes mentionnées ainsi que de Y.