CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 27 février 2020, n° 17/09825
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Vespins (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bourrel
Conseillers :
Mme Fillioux, Mme Farssac
Avocat :
Me Passet
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur B... I... avait une activité de gestion immobilière, administration d'immeubles et syndic de copropriété à Saint-Laurent du Var.
Monsieur G... et Monsieur A... sont entrés en relation avec Monsieur I... au cours de l'année 2012 pour le rachat de son activité.
À cet effet, d'une part Monsieur I... a créé la SARL Cabinet I... le 5 juin 2012 à laquelle il a apporté son fonds de commerce le 31 mai 2013, et en est devenu gérant et seul associé.
D'autre part, le 10 janvier 2014, a été enregistrée au registre du commerce et des sociétés d'Antibes la SARL Vespins dont les deux associés sont Monsieur G... et Monsieur A....
Après une évaluation du Cabinet I..., le 22 janvier 2014, Monsieur I... a signé une promesse synallagmatique de cession de toutes les parts sociales de la société Cabinet I... au profit de la SARL Vespins au prix de 500 000 .
La vente a été réitérée par acte authentique du 25 février 2014.
Cet acte ne prévoyait pas de garantie ni d'actif, ni de passif.
Par acte du 6 novembre 2014, la SARL Vespins a fait dénoncer à Monsieur I... une saisie conservatoire pratiquée le 29 octobre 2014 sur ses comptes bancaires pour un montant de 89 641,96 euros.
Par exploit du 21 novembre 2014, la SARL Cabinet I... et la SARL Vespins ont fait assigner Monsieur B... I... en paiement d'une somme de 220 315,46 euros au titre des vices cachés, de faute de gestion et défaut d'information, ainsi qu'une somme de 68 098 correspondant à la dévalorisation des actifs cédés.
Par ordonnance du 6 novembre 2015, le président du tribunal de commerce d'Antibes a commis Monsieur H... D... en qualité d'expert avec pour mission notamment de :
- dresser l'historique des rapports entre les parties,
- vérifier les comptes de l'Eurl Cabinet I... ainsi que ceux de Monsieur B... I... sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013 et du 1er janvier 2014 au 24 février 2014,
- vérifier tous les mouvements financiers entre les parties sus désignées sur ces périodes et dire s'ils sont fondés, justifiés et causés juridiquement, particulièrement entre le 30 septembre 2013 et le 24 février 2014, et notamment les écarts de bilan des postes comptes clients, disponibilités, facturation et encaissements et autres dettes,
- vérifier la nature des comptes courants au jour de la cession des parts et dire s'ils sont fondés, justifiés et causés juridiquement,
- se prononcer sur les éventuelles anomalies constatées au regard des actes signés des parties ainsi que sur la sincérité des comptes présentés,
- proposer le compte entre les parties et le prix définitif de cession.
Par jugement du 28 avril 2017, le tribunal de commerce d'Antibes a :
vu les articles 1134 et suivants du Code civil,
vu le rapport d'expertise,
vu les pièces rapportées au dossier,
- homologué le rapport de Monsieur D... , expert judiciaire, déposé le 20 juin 2016,
- condamné Monsieur I... à payer la somme de 87 178 à la SARL Vespins,
- ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur I... le 29 octobre 2014,
- dit n'y avoir lieu au paiement de dommages et intérêts,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- dit n'y avoir lieu aux dispositions de l'article 700 du CPC,
- rejeté comme inutiles et non-fondés tous autres moyens et conclusions contraires des parties,
- condamné solidairement les parties aux dépens y compris les frais d'expertise et d'huissier.
Monsieur B... I... a relevé appel de cette décision par déclaration du 22 mai 2016, procédure n° RG 17/9825, et la SARL Cabinet I... et la SARL Vespins par déclaration du 12 juin 2017, procédure n° RG 17/11049. Les deux procédures n'ont pas été jointes.
Dans la procédure 17/9825, par conclusions du 26 juillet 2017 qui sont tenues pour entièrement reprises, Monsieur B... I... demande à la cour de :
« Vu l'article 1134 ancien du Code civil,
vu la jurisprudence citée,
vu les pièces versées aux débats,
Infirmer le jugement du tribunal de commerce d'Antibes du 28 avril 2017 uniquement en ce qu'il a condamné Monsieur I....
Confirmer ledit jugement pour le surplus.
Et selon effet dévolutif de l'appel :
Dire et juger que Monsieur I... a parfaitement rempli son obligation d'information préalable des cessionnaires.
Constater l'absence de clause de garantie de passif.
Dire et juger que les cessionnaires ne démontrent absolument pas une impossibilité d'usage des parts sociales acquises.
En conséquence,
Débouter les sociétés Cabinet I... et Vespins de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.
Ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur I... le 29 octobre 2014.
Condamner solidairement les SARL Cabinet I... et Vespins à verser à Monsieur I... la somme de 70 000 de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Condamner solidairement les SARL Cabinet I... et Vespins à la somme de 8500 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. »
Dans la procédure 17/11049, par conclusions du 10 novembre 2017 qui sont tenues pour entièrement reprises, Monsieur B... I... demande à la cour de :
« Vu l'article 1134 ancien du Code civil,
vu la jurisprudence citée,
vu les pièces versées aux débats,
Infirmer le jugement du tribunal de commerce d'Antibes du 28 avril 2017 uniquement en ce qu'il a condamné Monsieur I... à payer la somme de 87 178 à la SARL Vespins, cette somme se décomposant de la manière suivante :
- 32 795 correspondant à la valeur du compte courant débiteur qui apparaît au passif de la SARL Cabinet I...,
- 56 383 correspondant à l'existence d'un passif comptable établi par l'expert dans les comptes des parties.
Confirmer ledit jugement pour le surplus.
Et selon effet dévolutif de l'appel :
Dire et juger que Monsieur I... a parfaitement rempli son obligation d'information préalable des cessionnaires.
Constater l'absence de clause de garantie de passif.
Dire et juger que les cessionnaires ne démontrent absolument pas une impossibilité d'usage des parts sociales acquises.
En conséquence,
Débouter les sociétés Cabinet I... et Vespins de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.
Ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur I... le 29 octobre 2014.
Condamner solidairement les SARL Cabinet I... et Vespins à verser à Monsieur I... la somme de 70 000 de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Condamner solidairement les SARL Cabinet I... et Vespins à la somme de 8500 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. »
Dans les deux procédures, par conclusions identiques du 8 novembre 2019, qui sont tenues pour entièrement reprises, la SARL Cabinet I... et la SARL Vespins demandent à la cour de :
« Vu les dispositions des articles 15 et 16 du CPC, mais également 112 du même code,
vu les dispositions de l'article L. 511-4 du CPCEx,
vu les dispositions des articles 1134, 1147, 1192 du Code civil (avant ordonnance du 10.02.2016), L. 223-22 du code de commerce,
vu l'arrêt rendu le 22/02/2018 (RG 15/22205),
Juger l'appel des sociétés Cabinet I... et Vespins recevable et bien fondé.
Recevoir les présentes conclusions récapitulatives et en réplique.
Juger que la décision querellée est contestable en ce que les premiers juges ne se sont pas expliqués et n'ont pas motivé leur décision d'homologation de l'expertise de Monsieur D..., alors que son rapport était contesté sur plusieurs points, dans le cadre des débats.
Juger que la décision de première instance doit également être réformée en ce qu'elle n'a pas tranché sur le problème de responsabilité de Monsieur I... dans le cadre de son obligation d'information et de loyauté, responsabilité qui était débattue devant les premiers juges.
Juger que le premier jugement encourt également la critique en ce qu'il n'a nullement retenu la demande en réparation de la société Cabinet I..., société dont Monsieur I... était gérant.
Juger que l'expert devait exécuter la mission qui lui était dévolue et qu'il devait répondre du chef concernant les sommes débitées sur les comptes gérés des copropriétés par Monsieur I....
Juger que les premiers juges auraient dû prendre en considération cette carence de l'expert et ne pas homologuer sur ce point son rapport, comme s'agissant de son observation juridique sur l'absence de prétendue action des copropriétés.
Infirmer le premier jugement également en ce qui n'a pas alloué de préjudice moral à la SARL Vespins.
Juger que les premiers juges ne pouvaient prendre position sur un autre litige dont ils avaient eu à connaître dans le cadre d'une autre instance, non jointe et pendante devant la cour d'appel.
Juger qu'en retenant tout de même une condamnation au profit de la seule société Vespins, les premiers juges ne devaient pas ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée, pour garantir réparation.
Infirmer la première décision en ce qu'elle n'a pas alloué l'entière réparation des préjudices subis du fait fautif de Monsieur I....
Aussi statuant à nouveau,
Juger que les sociétés Cabinet I... et Vespins sont respectivement recevables à solliciter réparation des chefs de préjudices subis du fait du comportement de Monsieur I....
Juger que Monsieur I... a eu un comportement fautif en retenant des informations importantes concernant la gestion et la valorisation de la SARL Cabinet I... tant en sa qualité de gérant que de vendeur, et ce au moment de la vente et de la signature définitive.
Juger que Monsieur B... I... avait une obligation de loyauté tant de par sa qualité de gérant de la SARL Cabinet I... qu'en qualité de cédant de parts sociales.
Juger que la cession a été effectuée sur des documents qui reflétaient une situation totalement différente (au 09.2013) que celle révélée postérieurement à la vente.
Juger que Monsieur I... a retenu diverses informations essentielles lors de la cession de prise de contrôle en date du 24.02.2014, notamment s'agissant du chiffre d'affaires réel du coût des départs en retraite de deux salariés, comme des prélèvements opérés sur les comptes des copropriétés mandantes.
Juger que ces éléments ne font nullement partie des informations et déclarations données au moment de la vente, et inscrites dans l'acte de cession.
Juger que Monsieur I... n'a pas respecté son obligation de loyauté contractuelle et d'information, tant en qualité de cédant que de gérant de la SARL Cabinet I....
Juger Monsieur I... responsable des préjudices constatés au sein de la SARL Cabinet I... comme de la SARL Vespins.
Juger que Monsieur I... ne justifie pas de frais postaux et autres, lui permettant de prélever sur les comptes des copropriétés mandantes de la SARL Cabinet I....
Juger que ce comportement est fautif et entraîne un préjudice certain.
Juger qu'il s'agit d'une anomalie de gestion que l'expert aurait dû examiner et retenir.
Juger que le comportement de Monsieur I... constitue une faute de gestion au titre de la qualité d'ancien gérant de Monsieur I....
Juger qu'au surplus, le fait de ne pas informer la SARL Vespins de la réalité des chiffres qu'il détenait pourtant, en sa qualité de vendeur comme de gérant, au moment de l'acte de réitération, constitue un vice caché, à tout le moins un dol qui est rapporté.
Juger que l'omission d'informations importantes quant à l'activité réelle de la SARL Cabinet I... est fautive et dolosive.
Dire et juger que les chefs de préjudice de la SARL Cabinet I... s'élèvent à la somme de 220 315,46 euros, à savoir :
- le coût social pour la somme de 33 377,07
- le manque de CA pour la période du 01.01.2014 au 29.02.2014 soit 50 082,00 euros (14 735 ' 39 776 x 2)
- la perte enregistrée pour la somme de 38 631,00
- le compte débiteur pour la somme de 30 795
- le montant des sommes injustifiées et détournées soit 67 430,46 euros.
Condamner Monsieur I... à payer à la SARL Cabinet I... lesdites sommes, avec intérêts légaux, à compter de la date d'assignation (21/11/2014).
Juger que les informations qui ont été retenues sont essentielles et auraient sans doute permis à la SARL Vespins de ne pas acheter au prix de 500 000 et/ou de ne pas acheter tout simplement.
Juger que compte tenu de la réalité du CA, base d'évaluation du prix, la SARL Vespins subi un préjudice de dévalorisations de ses actifs de 68 098 .
Condamner Monsieur I... à payer ladite somme à la SARL Vespins.
Le condamner également à payer respectivement la somme de 10 000 à chacune des requérantes pour préjudice moral.
Débouter Monsieur I... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions s'agissant de son appel, considérant qu'il n'a même pas exécuté la première décision rendue sur le premier montant arrêté.
Condamner Monsieur I... à payer la somme de 5000 au titre de l'article 700 du CPC.
Le condamner aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise de 14 000 TTC et d'huissier pour la mesure conservatoire, distraits au profit de la SCP F... Arnaud Cauchi et associés, avocats postulants sur leur affirmation de droit. »
Dans les deux dossiers, l'instruction de l'affaire a été close le 17 décembre 2019.
MOTIFS
Les deux appels ont été élevés sur le même jugement du 28 avril 2017 du tribunal de commerce d'Antibes et concernent les mêmes parties. Pour une bonne administration de la justice, il y a lieu d'ordonner la jonction des deux procédures. Un seul jugement sera rendu sous le n° 17/9825.
Aux termes de l'article 246 du code de procédure civile, le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions de l'expert. Ainsi, il appartient au juge d'apprécier souverainement l'objectivité, la valeur et la portée des conclusions de l'expert, et s'il ne les suit pas, il peut rechercher dans le rapport d'expertise tous les éléments de preuve de nature à établir sa conviction. Il n'y a donc lieu d'homologuer le rapport d'expertise.
La SARL Vespins recherche la responsabilité de M. I... en sa qualité de vendeur pour avoir caché des informations qui auraient eu un impact sur le prix de vente des parts de la SARL Cabinet I.... La SARL Cabinet I... poursuit M. I... en sa qualité de gérant pour son comportement fautif, et en sa qualité d'ancien associé en paiement de son compte courant négatif.
Sur la responsabilité de M. I... en sa qualité de vendeur
La SARL Vespins fonde son action sur le dol, sur l'existence de vices cachés et sur l'absence de bonne foi pour rétention d'information lors de la vente des parts de la SARL Cabinet I... à la SARL Vespins.
Dans l'acte de vente du 25 février 2014 des parts sociale de la SARL Cabinet I... par M. I... à la SARL Vespins, le prix de 500 000 est ferme et définitif, et il est mentionné en page 11 que la présente cession est acceptée par le cessionnaire sans garantie de passif de la part du cédant, le cessionnaire déclarant parfaitement connaître la situation active et passive de la société.
Le notaire rédacteur a pris soin d'indiquer qu'il a expliqué à la SARL Vespins le fonctionnement et la finalité d'une garantie de passif, laquelle est destinée à protéger le cessionnaire.
Toutefois, l'absence de garantie de passif n'empêche pas la cessionnaire de rechercher la responsabilité du cédant sur les fondements généraux du droit des contrats.
1.L'article 1641 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable à l'espèce, énonce que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rende impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise , ou en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.
La vente a porté sur les parts sociales de la SARL Cabinet I.... Or, le litige porte in fine sur la valeur des parts sociales qui aurait été surestimée au regard des éléments qui auraient été cachés par le cédant. Il n'y a ni atteinte à l'usage de la chose vendue ni diminution dudit usage.
C'est pourquoi les demandes de la SARL Vespins, en ce qu'elles sont fondées sur la garantie des vices cachés, ne peuvent être que rejetées,
2. L'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable à l'espèce édicte que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
La réticence dolosive du cédant peut entraîner la nullité de la convention lorsque l'information retenue était d'évidence, de nature à faire renoncer le cessionnaire à la convention.
Le dol peut être invoqué pour solliciter une réduction du prix.
Dans la présente instance, la SARL Vespins affirme qu'elle aurait contracter à un autre prix ou n'aurait pas contracté, mais elle ne sollicite expressément ni la nullité de la convention, ni une diminution du prix de vente des parts sociales, ni des dommages et intérêts. Elle sollicite la somme de 68 098 au titre de la dévalorisation de ses actifs. A la lumière de ses écritures, cette somme correspond, selon elle, à la différence entre le prix de vente des parts sociales de la SARL Cabinet I..., et celui qu'elle aurait dû payer, soit une diminution du prix.
Pour soutenir qu'il y a dol, en premier lieu, la SARL Vespins argue qu'elle n'avait pas été informée du départ en retraite de deux employées au 31 mars 2014, en sus des deux ruptures conventionnelles dont il est fait état dans l'acte de cession du 25 février 2014.
Cependant, dans un courrier du 9 juillet 2014 adressé à M. C... A..., gérant de la SARL Cabinet I..., M. Desalbres, du cabinet d'expertise comptable Pierrisnard Associés, expert-comptable qui a assisté les futurs associés de la SARL Vespinss au cours des négociations et qui est devenu ensuite de la cession, l'expert-comptable de la SARL Cabinet I..., a écrit : « Nous sommes surpris de ne pas voir apparaître la charge à payer pour les deux départs à la retraite, comme il était prévu lors de vos négociations avec Monsieur I.... »
Il suit de là qu'avant la cession, la SARL Vespins avait été informée du futur départ en retraite de deux des employés du Cabinet I....
Il n'y a donc pas eu réticence dolosive en ce qui concerne les 2 départs en retraite.
En outre, d'une part, M. D..., expert judiciaire, a indiqué dans son rapport du 31 mai 2016, que les engagements de retraite n'ont pas à être constatés en comptabilité, et d'autre part, dans l'acte de cession du 25 février 2014, page 9, il est précisé que le cessionnaire devra payer les indemnités d'ancienneté qui pourraient être dues aux salariés de l'entreprise qu'il licencierait après la prise de possession, ainsi que les autres sommes pouvant être dues en application de la législation de la réglementation et des contraventions (sic) en vigueur.
En deuxième lieu, la SARL Vespins soutient qu'il y aurait eu une baisse du chiffre d'affaire significative en janvier et février 2014, soit sur cette période un CA de 33 182 et par mois 16 591, ce qui équivaut environ à la moitié du chiffre d'affaires réalisé depuis des années par M. I... puis la SARL Cabinet I... et que le chiffre d'affaires était un des éléments déterminant de son consentement.
Le chiffre d'affaire du Cabinet I... est constitué surtout des honoraires perçus des copropriétés mandantes.
M. I... conteste les chiffres donnés par la SARL Vespins et indique dans ses écritures que les encaissements sur le compte bancaire de la SARL Cabinet I... en janvier 2014 ont été de 31 954,58 , et en février 2014 de 30 558,40 .
M. D... pour sa part a constaté dans son rapport que le montant des honoraires en janvier 2014 était de 31 955 et en février 2014 de 30 559 , confortant ainsi les explications de M. I....
La SARL Vespins échoue donc à démontrer une baisse significative du chiffre d'affaire en janvier et février 2014. Elle ne peut donc alléguer qu'il y aurait eu rétention dolosive quant à une baisse du chiffre d'affaire.
Le dol n'est donc pas établi.
3. Les négociations précontractuelles doivent être menées de bonne foi. Cette obligation dégagée par la jurisprudence antérieure a été inscrite dans la loi par l'ordonnance du 10 février 2016 aux articles 1104 et 1112 et suivants du code civil.
Il résulte des développements qui précédent qu'il n'y pas eu de rétention d'information en ce qui concerne le départ en retraite de deux des employés et la baisse de chiffre d'affaire.
La SARL Vespins déduit cette baisse du nombre des mandats en portefeuille de la différence du compte client au 31 décembre 2013 et au 28 février 2014. Il en est fait état dans le rapport de M. D....
Cependant, seule une liste exhaustive des mandats aux différentes dates aurait pu prouver cette allégation. A défaut, la SARL Vespins ne rapporte pas la preuve de ce grief.
Dès lors, en l'absence de rétention d'information, M. I... n'a pas manqué à son obligation de bonne foi envers le cessionnaire dans le cadre de la cession des parts sociales de la SARL Cabinet I....
Les prétentions de la SARL Vespins à l'encontre de M. I... étant rejetées, celle-ci ne peut prétendre avoir subi un préjudice moral des agissements de M. I... dans le cadre de la cession des parts sociales de la SARL Cabinet I....
La SARL Vespins sera donc déboutée de toutes ses demandes.
Sur la responsabilité de M. I... en sa qualité de gérant de la SARL Cabinet I...
Aux termes de l'article L. 223-22 du code de commerce, les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon les cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
Un comportement du gérant contraire à l'intérêt social de la SARL est une violation de l'obligation de loyauté du dirigeant envers la société.
Dans la présente instance, en premier lieu, la SARL Cabinet I... reproche à M. I... d'avoir en janvier et février 2014 détourné, pour un montant total de 67 430,46 , des sommes des comptes des copropriété en les virant sur son compte personnel et sur le compte de la SCI Vespin 12, société civile contrôlée par M. I..., et dont les locaux sont loués à la SARL Cabinet I....
M. I... explique que ses sommes sont des frais postaux et de papèterie qu'il avait avancés à ses mandantes avant son apport du fonds de commerce à la SARL Cabinet I... et qu'il a ainsi régularisé la situation comptable antérieure.
La radiation de M. I... du registre du commerce est sans incidence sur l'appréciation de l'existence de détournements.
Il y a détournement soit parce que les sommes ont été prélevées indument sur les comptes des copropriétés, soit parce que ces somme étaient dues par les copropriétés mais devaient revenir à la SARL Cabinet I... comme portant sur des frais postaux et de papèterie postérieurs à l'apport du fonds de commerce à la société. Dans le premier cas, seules subissent un préjudice les mandantes.
Or, M. D... dans son rapport souligne qu'il n'a pu se faire remettre les pièces justificatives à l'appui du caractère litigieux des supposés détournements, qu'en pratique, il faudrait analyser chaque compte de copropriété et notamment l'affectation individuelle de ces frais, et que cela est impossible en l'état des comptes généraux qui lui ont étaient fournis. Il précise qu'il ne peut pas dire si les sommes en jeu étaient imputables à la période antérieure ou postérieure à l'apport du fond de commerce à la SARL Cabinet I....
La SARL Cabinet I... fonde toujours sa revendication sur les comptes globaux et les mouvements des comptes bancaires, mais n'effectue pas sa démonstration copropriété par copropriété.
En conséquence, la SARL Cabinet I... sur laquelle repose la charge de la preuve, ne prouve pas qu'il y ait eu détournement.
La SARL Cabinet I... soutient aussi que les comptes sociaux auraient été l'objet de manipulations, notamment le compte client.
Cependant, dans son rapport, M. D... a noté que :
- compte tenu des pièces comptables qui lui ont été confiées, il existe une cohérence globale des écritures,
- eu égard à l'écart entre les mouvements de la banque et la comptabilité, il ne lui semble pas qu'il y ait eu une irrégularité manifeste ou intentionnelle,
- il y a une cohérence certaine entre les encaissements justifiés, les situations comptables et la comptabilité,
- il lui apparaît peu probable qu'un jeu d'écritures ait été mis en place pour améliorer les comptes.
Il souligne aussi que si le compte client avait été anormalement élevé ou faux, l'anomalie aurait due être révélée dès les premières semaines, que même si les comptes n'ont été connus qu'en juin 2014, aucune anomalie chiffrée de ce type n'a été démontrée ou justifiée, les demandeurs se limitant à des considérations globales.
La SARL Cabinet I... n'apporte pas plus d'éléments devant la cour.
Elle échoue donc aussi à démontrer que M. I... en sa qualité de gérant, aurait commis une quelconque faute de gestion ou qu'il aurait manqué à son obligation de loyauté envers elle.
La SARL Cabinet I... sera donc déboutée de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de son ancien gérant.
Sur le compte courant d'associé de M. I...
Il est mentionné dans l'acte de cession des parts sociales du 25 février 2014 qu'il existe un compte courant d'associé au nom de M. I... qui sera déterminé par l'arrêté de comptes dressé ce jour par les parties et leurs experts comptables respectifs.
Dans son courrier du 29 juillet 2014 adressé à la SARL I..., au cours de l'expertise et dans ses écritures, M. I... a admis et admet que son compte courant est débiteur à hauteur de 30 795,27 .
Il avance dans ses écritures qu'il entendait compenser ce compte courant avec l'avance de 50 000 qu'il a accordé à M. G... pour finaliser l'opération de cession de parts sociales de la SARL Cabinet I....
Or, la cour d'appel de céans, dans son arrêt du 22 mars 2018, a définitivement débouté M. I... de sa demande de remboursement de cette somme de 50 000 dirigée contre M. G... et la SC Agnaud dont M. G... est gérant, au motif que les éléments produits ne permettaient pas de retenir l'existence d'un prêt.
En toute hypothèse, M. I... est redevable au titre de son compte courant d'associé, de la somme de 30 795 à l'égard de la SARL Cabinet I... et sera condamné à la lui payer, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en date du 21 novembre 2014.
Sur la demande de dommages et intérêts de la SARL Cabinet I...
La SARL Cabinet I... sollicite la condamnation de M. I... au paiement de la somme de 10 000 à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Cependant, elle n'explicite pas le préjudice moral subi du fait de l'absence du remboursement de son compte courant débiteur par M. I.... Elle sera donc déboutée de sa demande.
Sur la demande de dommages et intérêts de M. I...
M. I... sollicite la somme de 70 000 à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Toutefois, compte tenu de sa condamnation au remboursement de son compte courant d'associé, la présente instance n'est pas abusive.
Il sera débouté de cette demande.
Sur la demande de main levée de la saisie conservatoire
Par procès-verbal du 29 octobre 2014, la SARL Vespins et la SARL Cabinet I... ont fait pratiqué une saisie conservatoire sur le compte bancaire de M. I... ouvert dans les livres de la SA Monte Paschi Banque à Nice pour la somme en principal de 89 395 .
Eu égard à la condamnation de M. I... à payer à la SARL Cabinet I... la somme de 30 795 , il n'y a lieu d'ordonner la main levée.
Sur les autres demandes
L'équité ne commande pas de faire bénéficier une quelconque partie des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Eu égard aux développements qui précèdent, il sera fait masse des dépens qui seront partagés entre les deux parties succombantes, soit M. I... et la SARL Vespins.
La SARL Vespins et la SARL Cabinet I... garderont à leur charge les frais de l'expertise.
Il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Ordonne la jonction des procédures 17/9825 et 17/11149,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Condamne M. B... I... à payer à la SARL Cabinet I... la somme de 30 795 au titre du compte courant d'associé, avec intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2014,
Déboute M. B... I... de sa demande de main levée de la saisie conservatoire du 29 octobre 2014 pratiquée sur son compte bancaire ouvert dans les livres de la SA Monte Paschi Banque à Nice pour la somme en principal de 89 395 ,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires,
Fait masse des dépens qui seront partagés et supportés par moitié par M. B... I... et la SARL Vespins,
Précise que les frais d'expertise sont laissés à la charge de la SARL Vespins et de la SARL Cabinet I...,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions des articles 699 et 700 du code de procédure civile.