Cass. 3e civ., 19 juillet 1995, n° 93-19.858
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauvois
Rapporteur :
M. Aydalot
Avocat général :
M. Weber
Avocat :
Me Choucroy
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 mars 1993), que Mme Y... a vendu, le 19 mars 1984, un appartement aux époux A... moyennant, outre une somme payée comptant, le service d'une rente viagère ;
que Mme Y... étant décédée, le 7 avril 1985, M. Y..., légataire universel, a assigné les époux A... en nullité de la vente pour défaut d'aléa ;
que les consorts Y... ayant interjeté appel du jugement réputé contradictoire qui avait débouté M. Y... de ses demandes, les époux A... ont soulevé l'irrecevabilité de l'appel ;
Attendu que les époux A... font grief à l'arrêt de déclarer l'appel recevable, alors, selon le moyen, "qu'aux termes de l'article 478 du nouveau Code de procédure civile, un jugement réputé contradictoire est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les 6 mois de sa date ;
que, même en cas d'acquiescement postérieur à ce délai, la nullité de ce jugement est radicale et absolue et la partie défaillante ne peut renoncer à la péremption acquise ;
qu'aux termes du second alinéa du texte susvisé, le bénéficiaire pour sa part ne peut que reprendre la procédure après réitération de la citation primitive ;
qu'ainsi, en jugeant l'appel recevable aux motifs que les époux A... avaient signifié le jugement et donc entendu s'en prévaloir, renonçant ainsi à la péremption, alors pourtant que ce jugement était déjà devenu non avenu et donc frappé d'une nullité radicale et absolue lors de sa signification, la cour d'appel a violé l'article 478 du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu que, seule la partie non comparante pouvant se prévaloir du défaut de notification d'un jugement réputé contradictoire dans les six mois de sa date, la cour d'appel, qui a relevé que les époux A..., non comparants ni représentés devant le tribunal, avaient, au-delà de ce délai et à deux reprises, signifié le jugement aux consorts Y..., manifestant ainsi la volonté de s'en prévaloir, a pu en déduire qu'ils avaient nécessairement renoncé à invoquer la "péremption" ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les deuxième et troisième moyens, réunis :
Attendu que les époux A... font grief à l'arrêt d'annuler la vente pour défaut d'aléa, alors, selon le moyen, "1 ) que les époux A... faisaient valoir, à la suite des premiers juges, que les appelants ne pouvaient remettre en cause la valeur de l'immeuble indiquée dans l'acte de vente faute d'avoir attaqué cette vente en rescision pour lésion dans le délai prévu par l'article 1676 du Code civil ;
qu'en procédant à une nouvelle évaluation de l'immeuble vendu alors que le prix indiqué dans l'acte n'avait jamais été contesté dans le délai prévu pour exercer l'action en rescision pour lésion, et ce, sans même répondre au moyen retenu par les premiers juges et repris par les époux A... dans leurs écritures d'appel, la cour d'appel a violé les article 1674 et 1676 du Code civil ainsi que 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
2 ) que les documents relatifs à la valeur de l'immeuble versés aux débats par les appelants ne constituaient pas, comme l'énonce, à tort, la cour d'appel, des évaluations mais uniquement des attestations établies sans visite de l'immeuble ;
qu'ainsi, en affirmant que, en 1985, le bien avait été évalué à 1 600 000 francs par un notaire et un agent immobilier, alors que ces deux personnes n'avaient remis aux appelants que des attestations dont la teneur n'est pas intégralement analysée, la cour d'appel a violé les articles 1315 du Code civil et 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
3 ) que les deux médecins traitants s'étaient contentés, dans leurs attestations, de décrire l'état de santé de la venderesse, mais sans jamais indiquer que les époux Z... en avaient connaissance ;
que ce n'est donc qu'au prix de la dénaturation de ces attestations et de la violation de l'article 1134 du Code civil que la cour d'appel a pu énoncer que les médecins avaient attesté de ce que les acquéreurs connaissaient l'état de santé de leur venderesse ;
4 ) que les époux A... soulignaient, dans leurs écritures d'appel, que, lors de la vente, ils étaient domiciliés au Gabon et qu'ils ne pouvaient donc avoir connaissance de l'état de santé de leur venderesse, leur mère et belle-mère ne disposant d'aucune connaissance médicale particulière de nature à l'éclairer sur la gravité de cet état ;
qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a, une fois encore, violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu que l'article 1975 du Code civil n'interdisant pas de retenir, pour des motifs tirés du droit commun des contrats, la nullité d'une vente souscrite moyennant le versement d'une rente viagère même quand le décès du crédirentier survient plus de vingt jours après la conclusion de la vente, la cour d'appel qui, abstraction faite d'un motif surabondant, a constaté, sans dénaturation, que les époux A..., enfants de l'employée de maison de Mme Manin, ne pouvaient ignorer que la venderesse présentait, à l'époque de la vente, une altération grave et visible de son état général qui empirait, en outre, rapidement, et qu'à la date de l'acte, les acheteurs savaient qu'une issue fatale était prévisible à assez brève échéance, a pu en déduire, sans avoir à répondre à de simples arguments, que le contrat ne comportait aucun aléa ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il est équitable de laisser à la charge des consorts Y... les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.