Livv
Décisions

Cass. crim., 21 juin 2000, n° 99-85.154

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

Mme de la Lance

Avocat général :

M. Launay

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, 13e ch., du 14 juin 1999

14 juin 1999

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, en date du 14 juin 1999, qui, pour contrefaçon de marque et contrefaçon de logiciel, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans et 120 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 112-2-13, 335-2, 335-6 du Code de la propriété littéraire et artistique, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Pierre X... du chef de contrefaçon du logiciel " Mortal Kombat " ;

" aux motifs adoptés des premiers juges que, sauf à réserver la protection du Code de la propriété intellectuelle, en matière de logiciels de jeux de combat, au tout premier modèle jamais inventé, l'originalité ne peut résulter que d'une combinaison particulière d'éléments déjà connus, de détails nouveaux dans le graphisme ou les mouvements des combattants ; que le jeu " Mortal Kombat " met en scène, dans divers décors, 7 combattants bien différenciés dans le domaine des arts martiaux, avec une combinaison de sauts arrière accompagnés d'effets sonores ; qu'il comporte un contrôle de la violence des combattants par boîtier de contacts, un menu de contrôle et de tests des données statistiques ;

qu'indépendamment de l'appréciation qui peut être portée sur la valeur esthétique ou artistique des jeux vidéo, laquelle n'a pas à entrer en ligne de compte, il ne s'agit pas de la simple mise en oeuvre d'une logique automatique mais d'une création de l'esprit présentant un caractère original ;

" alors, d'une part, que l'originalité d'un logiciel, qui est un programme permettant le traitement de données, ne peut s'apprécier par rapport à un graphisme, à une animation ou à un bruitage, qui sont distincts du logiciel ; que, dès lors, l'arrêt attaqué, qui n'a pas recherché en quoi le programme informatique du jeu était original et comme tel susceptible de contrefaçon, est dépourvu de toute base légale au regard des articles L. 112-2-13 et 335-2 du Code de la propriété littéraire et artistique ;

" et alors, d'autre part, que la prévention visant la seule contrefaçon du logiciel, l'arrêt attaqué ne pouvait retenir que la contrefaçon portait sur les dessins et les effets sonores du jeu vidéo ; qu'en se prononçant ainsi, sur des faits non compris dans sa saisine, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs " ;

Attendu que, pour déclarer Pierre X... coupable de contrefaçon de logiciel, les juges du second degré se prononcent par les motifs adoptés, partiellement repris au moyen ;

Qu'en cet état, et dès lors que la programmation informatique d'un jeu électronique étant indissociable de la combinaison des sons et des images formant les différentes phases du jeu, l'appréciation de ces éléments permet de déterminer le caractère original du logiciel contrefait, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être rejeté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-24 du Code pénal, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a porté à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et 120 000 F d'amende la peine prononcée contre Pierre X... ;

" aux motifs que la Cour confirmera le jugement déféré sur les déclarations de culpabilité, mais l'infirmera en répression, ainsi que précisé au dispositif, pour mieux tenir compte des divers aspects de cette affaire ainsi que de la personnalité de chaque prévenu ;

" alors que l'arrêt attaqué, qui ne précise pas les circonstances spécifiques pour chacun des prévenus justifiant de l'aggravation de la peine, est privé de base légale " ;

Attendu que Pierre X..., déclaré coupable de contrefaçon de marque et de logiciel, a été condamné par les premiers juges à 50 000 francs d'amende ; que l'arrêt attaqué a élevé à 120 000 francs le montant de cette peine et a condamné également le prévenu à 1 an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, sur l'appel du ministère public, dans la limite du maximum prévu par la loi, la cour d'appel n'a fait qu'user d'une faculté dont elle ne doit aucun compte ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 50 et 53 de la loi du 25 janvier 1985, 2, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a fixé à 400 000 F de dommages et intérêts la créance de la société Midway Manufactoring Company à l'encontre de Pierre X..., et à 15 000 F celle de l'Agence pour la Protection des Programmes ;

" aux motifs que la Cour, qui dispose des éléments nécessaires et suffisants pour apprécier le préjudice certain subi par chaque partie civile et résultant directement des faits visés à la prévention, confirmera l'estimation équitable qu'en ont faite les premiers juges ;

" alors que, dans des conclusions régulièrement déposées, Pierre X... faisait valoir que les parties civiles ne pouvaient faire fixer leurs créances faute de les avoir déclarées régulièrement lors de sa mise en redressement judiciaire le 2 juin 1995, converti en liquidation judiciaire le 1er septembre 1995 ; que l'arrêt attaqué, qui ne se prononce nulle part sur le moyen péremptoire ainsi soumis à la cour d'appel, est privé de motif " ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour fixer à l'encontre de Pierre X..., déclaré en liquidation judiciaire, le montant des dommages et intérêts dus aux parties civiles, l'arrêt attaqué se prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du prévenu, qui faisait valoir que les créances des parties civiles, non déclarées dans les délais au représentant des créanciers en application des articles 50 et 53 de la loi du 25 janvier 1985, étaient éteintes et ne pouvaient faire l'objet d'une fixation, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions civiles ayant fixé le montant des créances des parties civiles à l'encontre de Pierre X..., l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 14 juin 1999, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.