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Décisions

Cass. com., 7 décembre 2022, n° 20-21.102

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Mollard

Avocats :

SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier

Paris, du 10 juill. 2020

10 juillet 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 juillet 2020), la société MHCS est titulaire de nombreuses marques françaises, de l'Union et internationales comportant l'un ou l'autre des termes « Dom Pérignon », « Ruinart », « Clicquot » et « Moët & Chandon ».

2. La société Simizy a assigné la société MHCS en annulation de ces marques.

3. La société Simizy a été placée en redressement judiciaire sans dessaisissement le 22 septembre 2021, la société civile professionnelle Silvestri-Beaujet étant nommée mandataire judiciaire.

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. La société Simizy fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action en annulation des marques françaises de la société MHCS, objet de la présente procédure, alors :

« 1°/ que l'action en nullité de l'enregistrement d'une marque peut être exercée par toute personne intéressée, ayant un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ; que l'intérêt à agir en nullité de l'enregistrement d'une marque doit être apprécié au regard de la finalité de l'action ; que cet intérêt est légitime lorsque le demandeur demande la nullité de l'enregistrement de la marque en vue d'échapper aux conséquences d'une action en contrefaçon à laquelle il est exposé, afin de pouvoir librement poursuivre l'exercice de son activité ; qu'en l'espèce, il était constant que la société MHCS avait assigné la société Simizy dans deux instances distinctes, l'une pour contrefaçon de marques devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire, par assignation du 25 novembre 2016, l'autre pour contrefaçon par importation parallèle de produits décodés devant le tribunal de la Haye, par assignation du 12 janvier 2017 ; que c'est dans ce contexte que la société Simizy soutenait avoir à son tour été contrainte d'assigner la société MHCS en nullité des marques qui incorporaient les dénominations "Dom Pérignon", "Ruinart", "Moët & Chandon" et "Veuve Clicquot", aux fins d'établir l'absence de contrefaçon dans les autres instances initiées par la société MHCS et de pouvoir poursuivre de manière licite son activité de spécialiste de la vente hors réseau de boissons alcooliques ; qu'en jugeant toutefois, pour nier son intérêt à agir, que la société Simizy ne justifiait d'aucune entrave à l'exercice licite de son activité économique du fait des dépôts des marques françaises incriminées, sans s'interroger sur ces actions en contrefaçon exercées par la société MHCS et sur l'atteinte qu'elles portaient à l'exercice de l'activité de l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en écartant tout intérêt de la société Simizy à agir en nullité de l'enregistrement des marques incorporant les dénominations "Dom Pérignon", "Ruinart", "Moët & Chandon" et "Veuve Clicquot" au motif qu'elle ne justifiait pas être poursuivie en France pour les marques "Ruinart", "Moët & Chandon" et "Veuve Clicquot", tout en relevant par ailleurs qu'outre l'instance introduite en France, la société Simizy était également poursuivie par la société MHCS devant le juge des référés du tribunal de la Haye pour les marques "Dom Pérignon", "Ruinart", "Moët & Chandon" et "Veuve Clicquot", la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en présence d'une "famille" ou d'une "série" de marques, la nullité de l'enregistrement de l'ensemble de la "famille" ou "série" de marques peut être prononcée, sans qu'il soit besoin de justifier d'une analyse marque par marque, lorsque le dépôt de certaines des marques de l'ensemble au sein d'une classe de marques permet la réalisation d'une publicité indirecte au profit d'autres marques de cet ensemble, déposées au sein d'une classe de marques pour laquelle la propagande ou publicité indirecte est prohibée ; qu'en déniant à la société Simizy tout intérêt à agir en nullité de l'entier portefeuille des familles de marques françaises incorporant les dénominations "Dom Pérignon", "Ruinart", "Moët & Chandon" et "Veuve Clicquot" en raison de la publicité indirecte que le dépôt de certaines des marques incorporant ces dénominations permettait de réaliser au profit de marques déposées au sein des classes d'alcools et de tabacs incorporant les mêmes dénominations, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile et l'article L. 711-3, b), du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble les articles L. 3323-3 et L. 3515-3 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

6. Un opérateur économique ne justifie d'un intérêt légitime à demander l'annulation d'une marque que lorsque, étant détenteur d'un droit sur un signe identique ou similaire à cette marque, sa demande tend à lever une entrave à l'utilisation du signe pour les besoins de son activité économique ou lorsque, poursuivi en contrefaçon d'une marque, il agit en annulation de celle-ci.

7. Ayant relevé que la société Simizy n'était pas poursuivie en contrefaçon des marques françaises de la société MHCS mises en cause et retenu que la société Simizy, qui ne se prévalait d'aucune atteinte à des droits antérieurs sur les signes déposés, ne justifiait pas d'une entrave à l'exercice licite de son activité économique du fait des dépôts de marques françaises incriminés, la cour d'appel en a exactement déduit que, faute d'intérêt, la société Simizy devait être déclarée irrecevable en sa demande d'annulation de ces marques.

8. Inopérant en sa troisième branche, qui critique des motifs surabondants, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.