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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 4 janvier 2023, n° 20/11055

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Ucar Location (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun-Lallemand

Conseillers :

Mme Dallery, Mme Depelley

Avocats :

Me Moisan, Me Benoit, Me Guyonnet, Me Fourgoux

T. com. Paris, du 10 juin 2020, n° 20190…

10 juin 2020

La société Ucar Location a pour activité la location de véhicules courte durée, qu'elle exerce, depuis 2003 à travers un réseau d'agences franchisées.

Madame [K] [H] et Monsieur [W] [S] (ci-après dénommés les consorts [H]&[S]) ont créé la SARL Rouen Sud Avenir Location (ci-après la société Rouen sud), qui avait pour activité la location de courte durée de voitures et de véhicules automobiles légers.

Le 12 juin 2013, la société Ucar Location, franchiseur, a conclu avec l'agence Rouen Sud Avenir Location, franchisé, un contrat de franchise pour une durée de cinq années.

Par jugement du 23 mai 2017, le tribunal de commerce de Rouen a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Rouen sud, laquelle a cessé toute activité le 2 juin 2017.

Par acte du 28 juin 2019, les consorts [H]&[S] ont assigné la société Ucar Location devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir à titre principal la nullité du contrat de franchise conclu le 12 juin 2013, subsidiairement sa résiliation aux torts exclusifs de la société Ucar Location et en tout état de cause la condamnation de cette dernière à payer la somme de 349 896,90 €.

Par jugement du 10 juin 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit que les demandes de Madame [K] [H] et M. [W] [S] sont irrecevables,

- condamné les intéressés à verser à la société Ucar Location la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné d'office l'exécution provisoire de la décision,

- condamné Madame [K] [H] et M. [W] [S] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95.62 euros, dont 15,72 euros de TVA.

Après avoir rappelé que le mandataire liquidateur n'était pas dans la cause, le tribunal a tout d'abord retenu que seul ce dernier est habilité à représenter en justice la société Rouen Sud et a pouvoir, en l'espèce, de demander au tribunal de prononcer la nullité du contrat de franchise et, à titre subsidiaire, sa résiliation. Il a ensuite considéré que le dirigeant d'une société franchisée n'était pas recevable à solliciter le remboursement ni de son apport en capital, ni de son compte courant associé, car ces éléments résultent directement du risque d'associé et ne sont pas en l'espèce distincts de celui de la société. Il a aussi estimé que le préjudice moral allégué était décrit comme résultant d'une vente déficitaire et de l'exploitation difficile, sans qu'apparaisse un caractère personnel.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 28 juillet 2020, les consorts [H]&[S] ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 14 octobre 2022, Madame [K] [H] et M. [W] [S] demandent à la Cour de':

Vu l'article 2224 du code civil,

Vu l'article 31 du code de procédure civile,

Vu les dispositions des articles 1108, 1109, 1110, 1116 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 et applicable à la présente espèce,

Vu les dispositions de l'article L. 330-3 et R. 330-3 du code de commerce,

Vu l'article 1240 du code civil,

Déclarer Madame [K] [H] et M. [W] [S] recevables en leur appel,

Infirmer le jugement du 10 juin 2020 en ce qu'il a :

- dit que les demandes de Madame [K] [H] et M. [W] [S] sont irrecevables,

- condamné les intéressés à verser à la société Ucar Location la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné d'office l'exécution provisoire de la décision,

- condamné Madame [K] [H] et M. [W] [S] aux dépens,

Et, statuant à nouveau :

Déclarer les demandes de Madame [K] [H] et M. [W] [S] recevables,

Et,

A titre principal :

Prononcer la nullité du contrat de franchise du 12 juin 2013 ;

Replacer les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la signature du contrat de franchise ;

A titre subsidiaire :

Prononcer la résiliation du contrat de franchise du 12 juin 2013 aux torts exclusifs de la société Ucar Location ;

En tout état de cause :

Condamner la société Ucar Location à payer à Madame [K] [H] et M. [W] [S] la somme de 171.460,90 € correspondant aux sommes de 100.000 € relative à la perte de l'apport de Madame Madame [K] [H] et M. [W] [S] au capital à Rouen Sud Avenir et de 71.460,90 € relative à l'abandon par Madame [K] [H] de ses comptes courants d'associé au sein de Rouen Sud Location ;

Condamner la société Ucar Location à payer à Madame [K] [H] la somme de 78 436 € au titre de son manque de rémunération ;

Condamner la société Ucar Location à payer à Madame [K] [H] et M. [W] [S] la somme de 50 000 € au titre de la perte de chance de ne pas investir leurs capitaux dans la franchise Ucar Location ;

Condamner en conséquence la société Ucar Location à payer la somme de 35 000 € à Madame [K] [H] et la somme de 15 000 € à Monsieur [W] [S] au titre de leur préjudice moral ;

Dire que les sommes allouées seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation avec capitalisation annuelle ;

Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Condamner la société Ucar Location à payer à Madame [K] [H] et M. [W] [S] la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction.

Ils font plus spécifiquement valoir que la nullité du contrat de franchise doit être prononcée pour dol, le consentement du franchisé ayant été selon eux vicié puisque Ucar Location aurait fourni dans son Document d'information précontractuel (DIP) une présentation tronquée de l'état du marché local et une présentation tronquée et trompeuse du réseau Ucar, omettant de faire état du nombre important de franchisés étant sortis du réseau lors des 12 mois précédents la conclusion du contrat de franchise.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 17 octobre 2022, la société Ucar Location, demande à la Cour de :

Vu les articles 30 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles 2224 du code civil et L110-4 du code de commerce,

Vu les articles 1999,1200 et 1240 du code civil,

Vu l'article 1116 (ancien) du code civil,

Vu les articles L 641-4, L 622-20 et L330-3 et R330-1 du code de commerce,

Vu les pièces versées aux débats,

Confirmer le jugement rendu le 10 juin 2020 par le tribunal de commerce de Paris, en toutes ses dispositions,

Subsidiairement, débouter Madame [H] et Monsieur [S] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et les dire mal-fondés,

Y ajoutant, condamner Madame [K] [H] et M. [W] [S] au paiement de la somme de 10 000 euros à la société Ucar Location au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, dont distraction au profit de la SCP AFG.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2022.

MOTIVATION

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

Sur les fins de non recevoir soulevées

Sur l'irrecevabilité des demandes pour défaut de qualité et intérêt à agir des appelants

 Exposé du moyen :

La société Ucar Location soutient que les consorts [H]&[S], qui n'ont pas été parties au contrat de franchise, n'ont pas qualité à agir au titre de leurs demandes tendant à la nullité ou la résiliation du contrat de franchise du 12 juin 2013.

Elle ajoute que :

-Le préjudice des consorts [H]&[S] n'est pas selon elle personnel et distinct de celui de la société dont elles étaient porteurs de parts ; la perte de leur apport en capital, notamment, n'est qu'une faction du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers de la société en liquidation (Cass. Com. 22 septembre 2021, n°20-12.239), le capital social étant le gage des créanciers ;

-Leur demande principale de nullité du contrat est fondée sur la responsabilité contractuelle et ne peut être cumulée avec la responsabilité délictuelle qu'ils allèguent par ailleurs.

Les consorts [H]&[S] font valoir en réponse que le manquement par un contractant à une obligation contractuelle est de nature à constituer un fait illicite à l'égard d'un tiers au contrat lorsqu'il lui cause un dommage. Ils soutiennent':

-avoir subi un préjudice personnel, distinct de celui de la société Rouen sud, d'une part, et de ceux de l'intérêt collectif des créanciers, d'autre part, pour lequel ils sont en droit de demander réparation à titre de tiers au contrat de franchise, sur un fondement délictuel ;

-que la perte de rémunération des dirigeants constitue selon la jurisprudence un motif à réparation (Cass, Com, 3 février 2016, n°13-27.587). Il en serait de même de leur apport en capital perdu du fait des manquements allégués de la société Ucar Location, ainsi que de la perte de chance d'avoir un retour sur ces investissements. A tout du moins, le préjudice moral allégué est par définition personnel et distinct de l'intérêt collectif des créanciers.

Réponse de la Cour :

Me [I] [W], mandataire liquidateur de la société Rouen Sud Location, franchisée, n'est en l'espèce ni partie principale, ni partie intervenante à l'instance.

L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

La Cour constate, en premier lieu, que Mme [H] et M. [S] ne sont pas parties au contrat de franchise du 12 juin 2013 conclu entre la société Ucar et la société Rouen Sud Location.

Or en application de l'article L. 641-9 du code de commerce, les droits et actions du débiteur (la société en liquidation) sont exercés par le liquidateur. Il résulte en outre des articles L. 622-20 et L. 641-4 du du code de commerce que seul le mandataire judiciaire a qualité à agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers.

Me [I] [W] a donc seule qualité pour contester en justice la validité du contrat de franchise sur le fondement du dol, eu égard au caractère relatif de la nullité encourue, dont seule le cocontractant victime du dol peut se prévaloir.

Il s'en suit que la demande d'annulation du contrat de franchise formulée en l'espèce est irrecevable.

C'est à tort, en revanche, que la société Ucar allègue que Me [I] [W] aurait seule qualité pour agir aux fins de résiliation judiciaire du contrat de franchise, la jurisprudence ouvrant le droit d'exercer l'action en résiliation d'un contrat aux tiers qui y sont intéressés et en tireront un avantage.

La Cour retient, en second lieu, que de jurisprudence constante, l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et l'existence du droit invoqué par les parties n'est pas une condition de recevabilité de leur action mais de leur succès.

Mme [H] et M. [S] peuvent donc valablement invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, les manquements de la société Ucar qui sont, selon eux, directement à l'origine des préjudices propres qu'ils estiment avoir subi.

Le jugement attaqué sera en conséquence infirmé en ce qu'il a retenu que l'ensemble des demandes des consorts [H]&[S] étaient irrecevables, seule la fin de non recevoir tendant à déclarer les intimés irrecevables en leur demande d'annulation du contrat de franchise étant constituée.

Sur l'irrecevabilité de l'action en raison de la prescription

Exposé du moyen :

La société Ucar Location soutient que l'action des consorts [H]&[S] serait prescrite, la remise du DIP en cause datant d'octobre 2012 et la signature du contrat de franchise du 12 juin 2013, soit 6 ans avant la délivrance de l'assignation. Elle fait valoir avoir communiqué des données financières indicatives, objectives et médianes (chiffre d'affaire mensuel moyen par véhicule et coût de flotte mensuel moyen déclarés par les agences franchisées) mais n'avoir transmis aucun prévisionnel à son franchisé (le DIP stipulant «'le franchisé établit sous sa responsabilité ses comptes prévisionnels »). Elle relève en outre que le contrat de franchise stipule : « le franchisé reconnaît en outre prendre le risque d'exercer une activité commerciale sous sa seule responsabilité et sans garantie de succès et s'engage en connaissance de cause », étant observé que Mme [H] jouissait d'une solide expérience dans le domaine de la location automobile et que M. [S] était chargé d'entreprise dans une banque.

Selon les consorts [H]&[S], le point de départ du délai de prescription retenu doit être la date à laquelle le franchisé a pu se rendre compte du manque de sincérité des informations qui lui avaient été transmises par le franchiseur, à savoir au jour de la fin de la deuxième année d'exploitation, comme le retiendrait la jurisprudence (CA Paris, 25 octobre 2018, RG n°16/10932). Ce serait même en l'espèce encore plus tard, après le mois de février 2016, lorsqu'elle a quitté son premier emplacement commercial inadapté, que la franchisée se serait rendue compte du manque de sincérité des informations transmises par la société Ucar Location sur la rentabilité de son concept. En tout état de cause, les appelants invoquent plusieurs faits postérieurs au 27 juin 2014 (imposition d'une double flotte de véhicules en 2015, défaut d'assistance, déférencement brutal des grands comptes etc...)

Réponse de la Cour :

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent pas cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait du connaître les faits permettant de l'exercer.

La Cour retient que le point de départ du délai de prescription doit être en l'espèce la date à laquelle le franchisé a pu se rendre compte du manque de sincérité des informations transmises par le franchiseur, à supposé ce manque de sincérité établi.

Il n'est pas démontré que cette date est nécessairement antérieure de plus de cinq ans à la date (le 28 juin 2019) à laquelle l'action en responsabilité délictuelle a été engagée.

La fin de non recevoir tendant à déclarer, en application de l'article 122 du code de procédure civile, les consorts [H]&[S] irrecevables en leurs demandes, sans examen au fond, en raison de la prescription, ne peut donc pas être accueillie.

Sur la résiliation du contrat de franchise

Exposé du moyen :

Les consorts [H]&[S] sollicitent la résiliation du contrat de franchise du 12 juin 2013 aux torts exclusifs du franchiseur dès lors que':

-ce dernier aurait manqué à son obligation de conseil en imposant à la société Rouen Sud un premier emplacement commercial inadapté et il lui aurait conseillé de mettre en place une double flotte de véhicules en 2015, ce qui a entraîné une perte financière de 45 000 euros ;

-la société Ucar Location aurait violé ses obligations d'assistance et de loyauté en ne répondant pas aux demandes d'aide de la société Rouen Sud, en ne préconisant aucune mesure de nature à remédier aux difficultés signalées par cette dernière et en n'effectuant pas l'intégralité des visites bilan malgré les résultats alarmants enregistrés ;

-le franchiseur aurait manqué à son obligation d'exécution de bonne foi en déréférençant de manière brutale la société Rouen Sud des grands comptes le 15 février 2017.

La société Ucar Location estime n'avoir manqué à aucune de ses obligations contractuelles. Elle ajoute que la société Rouen Sud n'a pas mené suffisamment d'actions commerciales et de prospection sur la zone d'implantation initiale et n'a à cet égard pas respecté son engagement figurant aux articles 6.1 et 6.2 du contrat de franchise.

Elle dit avoir soutenu et relayé la société franchisée dans ses demandes de financement auprès de Viaxel en vue d'obtenir des financements complémentaires, qui n'ont pu être obtenus en raison de retards de paiement de la société Rouen sud et de son absence de recapitalisation (l'apport de fonds en compte courant associé étant du montant de la perte enregistrée sur l'exercice 2014). S'agissant de certains prélèvements de loyers (leasing) contestés, elle observe que c'est au franchisé de se rapprocher des établissements financiers pour solder ses dossiers. Elle ajoute ne pas avoir été informée des difficultés de prise en charge d'un véhicule Nissan Juke et fait valoir qu'elle n'est jamais destinataire ou mise en copie de mails produits à cet égard. Elle relève qu'il résulte des pièces adverses que le retard de restitution du véhicule Ford Transit résulte d'une erreur de la société franchisée.

Elle évoque enfin l'importance du taux de refus de la société Rouen Sud des réservations adressées par les grands comptes (77 % de refus en 2016 et 95 % en janvier 2017), ce qui a pénalisé l'ensemble du réseau Ucar, certains assisteurs décidant de réduire leur volume de demandes.

Réponse de la Cour :

Il est de jurisprudence constante que le débiteur doit prouver l'existence d'une exécution mais que si celle-ci est admise, c'est au cocontractant - ou comme en l'espèce le tiers intéressé - de prouver qu'elle est défectueuse.

Or, s'agissant du choix de l'emplacement initial de [Localité 8], c'est à raison que la société Ucar Location observe qu'aucune assistance du franchiseur n'est prévue par le contrat de franchise sur le choix de l'emplacement du futur franchisé ; que le dossier de financement dressé par la société [Localité 2] sud décrit le site de façon très positive et que l'implantation de cette agence au sein d'une zone comprenant 150 entreprises donnait accès à la société franchisée à une clientèle potentiellement significative, même si elle nécessitait aussi des démarches et actions commerciales actives.

En outre, s'agissant de la commande effectuée début 2015 par le franchisé de véhicules à hauteur du solde de l'enveloppe de financement, Ucar Location observe de façon pertinente qu'aucun élément justificatif n'est versé au soutien de l'allégation selon laquelle l'opération résulterait d'un conseil inadéquat du franchiseur (ayant conduit à une «'double flotte'»), étant observé par ailleurs que la société Rouen sud ne disposait, en janvier 2015, soit au cours de la seconde année d'exploitation, que d'un parc de 15 véhicules, alors qu'elle s'était engagée à maintenir un parc de 27 véhicules au terme de la première année.

De plus, s'agissant de l'exécution par la société Ucar Location de son obligation d'assistance, force est de constater qu'il n'est pas contesté que la société Rouen Sud a pu bénéficier de la communication des informations concernant les périodes promotionnelles, de l'organisation et l'animation par Ucar Location des réunions annuelles de l'enseigne, des visites annuelles du franchiseur (de 2013 à 2015) et de l'apport d'affaires résultant de l'adhésion du franchisé aux accords grands comptes. La société franchisée manquant de véhicules, Ucar Location lui en a par ailleurs transféré quatre en mai 2016 suite à la fermeture de l'agence d'[Localité 5]. Il n'est pas établi, enfin, que le franchiseur aurait répondu de façon inappropriée aux demandes d'assistance formulées par la société Rouen Sud, contrairement à ce qui est allégué.

Enfin, s'agissant du déférencement de la société Rouen Sud des accords de grands comptes, c'est à raison qu'Ucar Location fait valoir que l'adhésion des franchisés à ces accords leur permet de générer un volume d'activité significatif et régulier, assuré sans investissement publicitaire ni prospection commerciale, mais que des pénalités sont imposées lorsque certains seuils quantitatifs ne sont pas atteints (pièce n°8 Ucar Location accords nationaux conclus avec les grands comptes pour 2016 et 2017 auxquels la société Rouen Sud a adhéré), les réservations devant être honorées y compris en juillet et août (pièce n°15 Ucar Location). Eu égard aux pièces produites, la Cour retient que le déférencement est imputable à la société franchisée, l'importance du taux de refus de la société Rouen sud étant vraisemblablement l'une des conséquences de l'insuffisance du parc automobile, laquelle n'a pas permis à l'agence d'atteindre un seuil critique de rentabilité.

Il se déduit de ce qui précède que la résiliation du contrat de franchise sollicitée par les appelants ne peut être judiciairement ordonnée pour manquement du franchiseur à ses obligations contractuelles.

Sur les demandes formulées sur le fondement de l'article 1240 du code civil

Exposé du moyen :

Les consorts [H]&[S], en raison selon eux des différents manquements d'Ucar location à son obligation légale d'information précontractuelle puis de ses manquements contratuels, évaluent le préjudice subi à':

-la somme de 100 000 € relative à la perte de l'apport des consorts [H]&[S] au capital de la société Rouen Sud et 71 460,90 € relative à l'abandon par Mme [H] de ses comptes courants d'associé au sein de cette société ;

-la somme de 78 436 € au titre du manque de rémunération de Mme [H] ;

-50 000 € au titre de la perte de chance pour les consorts [H]&[S] de ne pas investir leurs capitaux dans la franchise Ucar Location ;

-la somme de 35 000 € pour Mme [H] et 15 000 € pour M.[S] au titre de leur préjudice moral, en raison des déboires qu'ils ont subi suite à la création d'un point de vente déficitaire, de son exploitation très difficile et de l'échec qu'ils ont connu.

La société Ucar Location conteste l'existence de la moindre faute civile, d'un quelconque dommage direct et personnel et d'un lien de causalité certain, de nature à engager la responsabilité délictuelle de la société Ucar Location au titre du contrat de franchise conclu et de son exécution.

Réponse de la Cour :

En premier lieu, la Cour retient que le Document d'information précontractuel remis par la société Ucar Location à Mme [H] le 8 octobre 2012 est conforme aux dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce.

Il présente l'état général du marché de la location courte durée de véhicules de façon suffisante, décrivant le marché français au regard du nombre de véhicules pris en location, de la durée moyenne, des motifs et de la nature des locations, des catégories socioprofessionnelles représentées, des principaux concurrentes internationaux et français avec leurs parts de marché et la part de marché d'Ucar, ainsi que les principales enseignes présentes sur le marché local.

Ucar Location a de surcroît mentionné le nombre d'entreprises ayant, dans les 12 mois antérieurs, cessé de faire partie du réseau en raison de l'expiration ou de la résiliation des contrats ou de la cession du fonds de commerce, ainsi qu'en raison d'une procédure collective. Le DIP contient, enfin, outre les investissements prévisibles avant le commencement de l'exploitation, le chiffre d'affaires moyen par véhicule déclaré par les agences franchisées, le coût de la flotte mensuel moyen déclaré par les agences franchisées et le parc de véhicules à financer.

Force est de constater que les appelants ne démontent donc pas en quoi ils auraient, durant temps non prescrit, eu communication d'informations insincères du franchiseur, ne leur permettant d'apprécier la pertinence économique de l'opération, ce qui leur aurait causé préjudice.

En second lieu, ainsi qu'il a été retenu, aucun manquement contractuel n'est établi dans l'exécution du contrat.

Dans ces circonstances, les consorts [H]&[S] échouent à caractériser une faute qui leur permettrait d'invoquer utilement, sur un fondement délictuel, un droit à réparation, y compris au titre du préjudice moral.

Il seront donc déboutés de leurs demandes formulées sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Exposé du moyen :

Les consorts [H]&[S] sollicitent la condamnation de la société Ucar Location à lui payer la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société Ucar Location sollicite la condamnation des consorts [H]&[S] à lui payer la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Réponse de la Cour :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais irrépétibles qu'elle a contrainte d'exposer pour faire valoir ses droits en justice. En équité, et en considération de la situation économique des appelantes, ces dernières seront condamnées in solidum à verser à la société Ucar Location la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [H]&[S] sont déboutés de leur demande formée à ce titre.

Parties perdantes, ils seront condamnés aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande d'annulation du contrat de franchise et statué sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens de première instance :

Statuant de nouveau sur les chefs intimés et y ajoutant :

Rejette les fins de recevoir soulevées ;

Déboute Mme [K] [H] et M. [W] [S] de leurs demandes ;

Condamne Mme [K] [H] et M. [W] [S] à verser in solidum à la société la société Ucar Location la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne in solidum Mme [K] [H] et M. [W] [S] aux dépens d'appel.