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Décisions

Cass. 1re civ., 21 juin 1961

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Paris, du 5 déc. 1956

5 décembre 1956

ATTENDU QUE, DES ENONCIATIONS DE L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE, IL RESULTE QUE CHARLES Y... A, SUIVANT CONTRATS DES 6 AVRIL 1853, 13 MAI 1853 ET 5 JUILLET 1859, CEDE A LA SOCIETE HEUGEL ET CIE, MOYENNANT LE VERSEMENT DE SOMMES FORFAITAIRES, D'UN MONTANT TOTAL DE 900 FRANCS, LES DROITS D'EXPLOITATION D'UNE MEDITATION, INSPIREE DU PRELUDE NO 1, DE BACH, UNIVERSELLEMENT CONNUE SOUS LE NON D'X... MARIA ;

ATTENDU QUE LES CONSORTS Y..., DONT LES DROITS, FIXES PAR LA LOI DU 14 JUILLET 1866, SE TROUVAIENT PROROGES PAR L'EFFET DES LOIS DU 3 FEVRIER 1919 ET DU 21 SEPTEMBRE 1951, PRETENDANT QUE LA SOCIETE HEUGEL, CESSIONNAIRE A TITRE ONEREUX DE LEUR AUTEUR, NE POUVAIT ELLE-MEME BENEFICIER DE CES PROROGATIONS, ET AVAIT, EN CONSEQUENCE, EXPLOITE INDUMENT L'X... MARIA DEPUIS LE 18 OCTOBRE 1936, DATE A LAQUELLE SES DROITS, DETERMINES PAR LA LOI DES 8-19 AVRIL 1854, AVAIENT PRIS FIN, ASSIGNERENT LADITE SOCIETE EN REPARATION DU PREJUDICE QUI LEUR AVAIT ETE AINSI CAUSE ;

QUE, TOUT EN ACCUEILLANT, DANS SON PRINCIPE LA DEMANDE DES CONSORTS Y..., LA COUR D'APPEL A RECONNU LE DROIT DE LA SOCIETE HEUGEL A SE PREVALOIR DU BENEFICE DES PROROGATIONS INSTITUEES PAR LES LOIS Z... ;

ATTENDU QU'IL EST REPROCHE AUX JUGES D'APPEL D'AVOIR AINSI STATUE, AUX MOTIFS, D'UNE PART, QUE LA REFERENCE EXCLUSIVE DES LOIS DU 3 FEVRIER 1919 ET DU 21 SEPTEMBRE 1951 AUX BENEFICIAIRES DE LA LOI DU 14 JUILLET 1866, DONT LES CESSIONNAIRES A TITRE ONEREUX SONT EXCLUS, ETAIT JUSTIFIEE PAR LE FAIT QUE LES TEXTES ANTERIEURS AVAIENT ETE ABROGES PAR LADITE LOI, ET QU'AINSI, CETTE DERNIERE AURAIT CONSTITUE LA SEULE REFERENCE POSSIBLE AFIN DE DETERMINER LE CHAMP D'APPLICATION DES PROROGATIONS DE GUERRE ;

D'AUTRE PART, QUE LE RAPPROCHEMENT DES ARTICLES 2 ET 3 DE LA LOI DU 21 SEPTEMBRE 1951 IMPLIQUAIT NECESSAIREMENT L'EXTENSION DU BENEFICE DESDITES PROROGATIONS AUX CESSIONNAIRES A TITRE ONEREUX ;

ENFIN, QU'AU CONTRAIRE DE LA LOI DU 14 JUILLET 1866, DESTINEE A CREER, AU PROFIT DES AUTEURS ET LEURS PROCHES, UNE SITUATION PRIVILEGIEE, LES LOIS DU 3 FEVRIER 1919 ET DU 21 SEPTEMBRE 1951 N'AVAIENT EU D'AUTRE BUT QUE DE COMPENSER, SANS DISCRIMINATION, LES EFFETS DE LA GUERRE SUR LA PRODUCTION ARTISTIQUE OU LITTERAIRE ;

ATTENDU QU'IL EST SOUTENU, TOUT D'ABORD, QUE, SI LES LEGISLATEURS DE 1919 ET DE 1951 AVAIENT ENTENDU COMPRENDRE, PARMI LES BENEFICIAIRES DES PROROGATIONS DE GUERRE, LES CESSIONNAIRES A TITRE ONEREUX, QUI, COMME C'ETAIT LE CAS POUR LA SOCIETE HEUGEL, AVAIENT TRAITE AVANT LE 14 JUILLET 1866, ILS SE SERAIENT REFERES EXPRESSEMENT A LA LOI DES 8-19 AVRIL 1854, QUI, BIEN QU'ABROGEE, RESTAIT ENCORE EN VIGUEUR A L'EGARD DESDITS CESSIONNAIRES ;

QU'IL EST, EN SECOND LIEU, PRETENDU QUE LA CONCILIATION DES TROIS ARTICLES DE LA LOI DU 21 SEPTEMBRE 1951 N'ETAIT POSSIBLE QU'A LA CONDITION DE VOIR QUE L'ARTICLE 3 DE CETTE LOI CONCERNAIT SEULEMENT LE CAS D'UNE EXTENSION CONVENTIONNELLE DU BENEFICE DES PROROGATIONS EVENTUELLES AUX CESSIONNAIRES A TITRE ONEREUX, ET N'IMPLIQUAIT NULLEMENT UNE EXTENSION LEGALE DE CES MEMES PROROGATIONS A CES CESSIONNAIRES, EXTENSION QUI SERAIT EN CONTRADICTION AVEC LA REFERENCE EXCLUSIVE DE L'ARTICLE 1ER AUX BENEFICIAIRES DETERMINES PAR LA LOI DE 1866, SUSVISEE, ET QU'AU SURPLUS, EN TOUTE HYPOTHESE, L'A NALYSE DES DISPOSITIONS DE LA LOI DE 1951 NE POUVAIT DETERMINER L'INTERPRETATION DE LA LOI DE 1919 ;

QU'ENFIN, SELON LE POURVOI, IL SERAIT T IMPOSSIBLE D'ADMETTRE QUE LES LEGISLATEURS DE 1919 ET DE 1951 N'ONT ENTENDU ETABLIR AUCUNE DISCRIMINATION ENTRE LES PROCHES DES AUTEURS ET LES CESSIONNAIRES A TITRE ONEREUX, SURTOUT SI L'ON CONSIDERE PRECISEMENT L'ARTICLE 2 DE LA LOI DU 21 SEPTEMBRE 1953, QUI PROLONGE EXCEPTIONNELLEMENT LES PROROGATIONS DE GUERRE AU PROFIT DES AUTEURS MORTS POUR LA FRANCE, UNE TELLE MESURE N'AYANT AUCUNE RAISON D'ETRE AU PROFIT DES CESSIONNAIRES A TITRE ONEREUX ;

MAIS ATTENDU QUE L'ARTICLE PREMIER DE LA LOI DU 21 SEPTEMBRE 1951 PROROGE, EN RAISON DE L'ETAT DE GUERRE, LES DROITS ACCORDES PAR LA LOI DU 14 JUILLET 1866 ET LA LOI DU 3 SEPTEMBRE 1919 AUX HERITIERS ET AYANTS CAUSE DES AUTEURS, COMPOSITEURS OU ARTISTES ;

QUE L'ARTICLE 2 DE CETTE LOI DISPOSE QUE CES MEMES DROITS SONT PROROGES, EN OUTRE, D'UNE DUREE DE TRENTE ANS, LORSQUE L'AUTEUR, LE COMPOSITEUR OU L'ARTISTE EST MORT POUR LA FRANCE ;

QU'ENFIN, L'ARTICLE 3 PRECISE QUE, LORSQUE LES DROITS PROROGES PAR L'ARTICLE 2 ONT ETE CEDES A TITRE ONEREUX, LES CEDANTS OU LEURS AYANTS DROIT POURRONT, DANS UN DELAI DE TROIS ANS A PARTIR DE LA PUBLICATION DE LA LOI, DEMANDER AU CESSIONNAIRE OU A SES AYANTS DROIT UNE REVISION DES CONDITIONS DE LA CESION EN COMPENSATION DES AVANTAGES RESULTANT DE LA PROROGATION ;

ATTENDU QUE, DU RAPPROCHEMENT DE CES TEXTES, IL RESULTE QUE, COMME L'A, A BON DROIT, DECIDE LA COUR D'APPEL, LA POSSIBILITE D'UNE REVISION DES CONDITIONS DE LA CESSION D'UNE OEUVRE DE L'ESPRIT, PREVUE PAR L'ARTICLE 3 DE LA LOI DU 21 SEPTEMBRE 1951, IMPLIQUE NECESSAIREMENT QUE LE CESSIONNAIRE BENEFICIE, LUI-MEME, DE LA PROROGATION EXCEPTIONNELLE, INSTITUEE PAR L'ARTICLE 2 DE CETTE LOI ;

QUE CETTE PROROGATION EXCEPTIONNELLE, FAISANT SUITE A LA PROROGATION GENERALE, INSTITUEE PAR L'ARTICLE PREMIER DE LADITE LOI ET PAR LA LOI ANTERIEURE DU 3 FEVRIER 1919, IL S'ENSUIT QUE LES DROITS PROROGES, AUX TERMES DE L'ARTICLE 3 DE LA LOI DU 21 SEPTEMBRE 1951, SONT CEUX-LA MEMES QUE VISENT, NON SEULEMENT L'ARTICLE 2, MAIS ENCORE, L'ARTICLE PREMIER DE LADITE LOI, SANS QU'ON PUISSE, COMME LE SOUTIENT LE POURVOI, RESTREINDRE LE CHAMP D'APPLICATION DE L'ARTICLE 3 A L'HYPOTHESE D'UNE EXTENSION CONVENTIONNELLE DU BENEFICE DES PROROGATIONS EVENTUELLES AUX CESSIONNAIRES A TITRE ONEREUX ;

QU'AINSI, ET SANS QU'IL Y AIT LIEU DE S'ARRETER AUX AUTRES MOTIFS DE L'ARRET, CRITIQUES PAR LE POURVOI, MAIS QUI PEUVENT ETRE TENUS POUR SURABONDANTS, LA COUR D'APPEL A LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION ET QUE LE MOYEN NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 5 DECEMBRE 1956 PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS. NO 58-12.313. HENRIOT ET AUTRES C/ SOCIETE HEUGEL ET CIE. PRESIDENT : M. ASTIE, CONSEILLER LE PLUS ANCIEN FAISANT FONCTIONS. - RAPPORTEUR : M. BLIN. - PREMIER AVOCAT GENERAL : M. GAVALDA. - AVOCATS : MM. CELICE ET COUTARD.