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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 30 janvier 2009, n° 07/09437

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Société DES AUTEURS DANS LES ARTS GRAPHIQUES ET PLASTIQUES 'ADAGP', B. B. veuve D.

Défendeur :

Société anonyme CANAL P PUBLICITE PROMOTION, Société anonyme DE PRODUCTION ET DE PROMOTION DE SPECTACLES ARTISTIQUES ET SPORTIFS dite S.P.P.S., Société anonyme EMI MUSIC FRANCE, C. R.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur Alain GIRARDET

Conseillers :

Madame Geneviève REGNIEZ, Madame Dominique SAINT-SCHROEDER

Avoués :

SCP PETIT - LESENECHAL, SCP GUIZARD, SCP ARNAUDY - BAECHLIN, Maître Pascale BETTINGER

Avocat :

Maître Alain LACHKAR

Paris, du 02 mars 2004

2 mars 2004

ARRET :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Nous, Alain GIRARDET, Président, et par Nous, Carole TREJAUT, Greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

La société des Auteurs dans les arts graphiques et plastiques, ci-après dénommée ADAGP, a assigné Monsieur Christian R. par acte du 14 mars 2002 ainsi que la Société de production et de promotion de spectacles artistiques et sportifs, ci-après SPPS, et la société EMI MUSIC FRANCE en contrefaçon, leur reprochant d'avoir reproduit, sans autorisation, sur les affiches et le matériel publicitaire du spectacle « V., une passion, un destin » représenté à Paris les 9 et 10 mars 2001, de même que sur les pochettes des disques réalisés à cette occasion, un portrait du compositeur V. peint par Giovanni B. décédé le 11 janvier 1931 dont elle assure la gestion des droits patrimoniaux. Madame Bianca B. veuve D., ayant droit du peintre, est intervenue volontairement à l'instance au soutien de l'action de l'ADAGP.

Pour s'opposer à cette demande, les sociétés EMI Music France, SPPS et Monsieur R. ont soulevé l'irrecevabilité de l'ADAGP à agir contestant la régularité des actes d'adhésion de Madame B. et fait valoir que les prolongations pour fait de guerre ne pouvant se cumuler avec la nouvelle durée de protection de 70 ans instaurée par la loi n°97-283 du 27 mars 1997 transposant la directive européenne du Conseil n°93/98 du 29 octobre 1993 relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins, l''uvre était tombée dans le domaine public depuis le 1er janvier 2002 et pouvait être librement reproduite à compter de cette date de sorte qu'aucune mesure d'interdiction ne pouvait être prononcée.

Par jugement du 2 mars 2004, la troisième chambre du tribunal de grande instance de Paris a dit que le portrait de V. peint par Giovanni B. bénéficiait de la protection des livres 1 et 3 du Code de la propriété intellectuelle jusqu'au 1er janvier 2002 et a déclaré irrecevable l'ADAGP en ses demandes.

Par arrêt du 12 octobre 2005, la cour d'appel de Paris saisie d'un appel de l'ADAGP et de Madame B. a infirmé cette décision, déclaré recevable l'action en contrefaçon engagée par l'ADAGP, dit que les intimés avaient commis des actes de contrefaçon, les a condamnés à verser des dommages-intérêts à l'ADAGP en réparation de son préjudice patrimonial, a ordonné des mesures d'interdiction et de publication, déclaré irrecevable l'appel formé par Monsieur R. à l'encontre de la société EMI Music France et rejeté les appels en garantie de Monsieur R. et des sociétés SPPS et EMI Music France.

Par arrêt du 27 février 2007, la Cour de cassation a cassé cet arrêt sauf en ce qu'il a déclaré valable l'acte d'adhésion de Madame B. à l'ADAGP du 17 juillet 1996 et recevable l'action en contrefaçon engagée par cette société.

L'ADAGP et Madame B. ont saisi la cour d'appel par déclaration de saisine du 18 mai 2007.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 25 novembre 2008, celles-ci sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que le portrait de V. bénéficiait de la protection des livres 1 et 3 du Code de la propriété intellectuelle jusqu'au 1er janvier 2002, a déclaré recevable Madame B. en son intervention volontaire et débouté Monsieur R. de sa demande reconventionnelle et l'infirmation pour le surplus. Elles demandent à la cour, notamment, de condamner in solidum les intimés à payer à l'ADAGP les sommes de 35 000 euros et de 20 000 euros en réparation du préjudice patrimonial de l'ADAGP, celle de 8 000 euros au titre de son préjudice moral, à chacune la somme de 11 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles et d'ordonner la publication de l'arrêt ainsi que de déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de dommages-intérêts formée par Monsieur R..

Celui-ci conclut dans ses dernières écritures du 25 novembre 2008 à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné les appelantes à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles et à son infirmation en ce qu'il l'a débouté de ses demandes reconventionnelles. Il soutient que son 'uvre est nouvelle et originale. A titre subsidiaire, il demande la garantie de la société CANAL P PUBLICITE PROMOTION et, en cas de condamnation, à être déchargé de toute condamnation relative à la diffusion de l'image incriminée sur des supports non autorisés par lui ou concernant l'illustration modifiée sans son autorisation. Il sollicite le rejet des appels en garantie formés à son encontre par les sociétés CANAL P PUBLICITE PROMOTION, SPPS et EMI et la condamnation de ces deux dernières sociétés à le garantir. Il réclame la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral que l'ADAGP lui aurait causé, celle de 3 000 euros au titre du préjudice moral qu'il aurait subi du fait des sociétés SPPS et CANAL PUBLICITE ainsi que celles de 5 000 euros de la part des appelantes et de 9 000 euros de la part des intimées en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 26 novembre 2008, les sociétés SPPS et CANAL P PUBLICITE PROMOTION demandent à la cour de déclarer la loi n°97-283 du 27 mars 1997 transposant dans le Code de la propriété intellectuelle les directives n°93-83 et 93-98 en ce qu'elle n'a pas abrogé ou modifié les prorogations de guerre non conforme aux articles 1er et 10-1 et à la finalité de la directive n°93-98 ni à l'article 1er du protocole n°1 de la Convention européenne des droits de l'Homme et partant, de dire que les droits sur l''uvre litigieuse et les droits dérivés sont tombés dans le domaine public le 29 septembre 1996. Elles concluent subsidiairement au débouté des appelantes de leurs demandes en l'absence de participation personnelle de la société CANAL P PUBLICITE PROMOTION à la diffusion de l''uvre et, très subsidiairement, à la réduction des prétentions relatives au préjudice ainsi qu'au rejet de la demande formée au titre du préjudice moral de l'ADAGP. Elles réclament chacune la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société EMI MUSIC FRANCE fait sienne dans ses dernières conclusions du 27 novembre 2008 l'argumentation développée par les sociétés SPPS et CANAL P PUBLICITE PROMOTION sur la durée de protection de l''uvre de B. et sur l'absence de contrefaçon. Elle objecte, subsidiairement, l'absence de faute de sa part dans les actes reprochés et conclut, à titre infiniment subsidiaire, à la réduction du montant des demandes. En tout état de cause, elle sollicite la garantie de Monsieur R., de la SPPS et de la société CANAL P PUBLICITE PROMOTION et le rejet de toutes les autres demandes formées à son encontre outre la condamnation des appelantes à lui payer la somme de 8000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Il est renvoyé aux dernières conclusions précitées des parties en date des 25, 26 et 27 novembre 2008 pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions et ce, conformément aux dispositions des articles 455 et 753 du Code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la durée de protection de l''uvre de Giovanni B. en France

Considérant que les parties sont contraires sur la durée de protection dont bénéficie l''uvre litigieuse ;

que les appelantes soutiennent que celle-ci est protégée en France jusqu'au 1er janvier 2002 du fait des prorogations de guerre dès lors qu'étant encore protégée au 1er juillet 1995 elle a bénéficié de l'allongement de la protection à 70 ans post mortem auctoris prévue par la Directive n°93/98 transposée en droit français par la loi du 27 mars 1997 ; qu'elles ajoutent surabondamment qu'à supposer même que l''uvre dont s'agit fut tombée dans le domaine public au 1er juillet 1995, les droits sur cette 'uvre protégée en Allemagne à cette date en vertu de la loi allemande du 9 septembre 1965, qui prévoyait une durée de protection de 70 ans après la mort de l'auteur, seraient en tout état de cause, au jour de l'entrée en vigueur de la loi française du 27 mars 1997, nés à nouveau à la protection en France par application de l'article L.123-1 du Code de la propriété intellectuelle ;

que les intimés prétendent en substance que pour la Cour de cassation, l''uvrelitigieuse est censée tombée dans le domaine public le 29 septembre 1996, soit 50 ans après le décès de son auteur auxquels s'ajoutent l'année en cours et les 14 ans et 272 jours de prorogations de guerre, à moins qu'elle ne soit encore protégée à cette date dans au moins un autre Etat membre de la Communauté européenne ; qu'ils font observer que la Cour de cassation n'a fait cependant aucune allusion à l'existence d'un délai plus long dans un autre Etat mais qu'en considérant que l''uvrene bénéficiait pas, au 1er juillet 1995, d'une durée de protection supérieure à 70 ans, elle a, pour casser l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 octobre 2005, nécessairement estimé que l''uvre était tombée dans le domaine public le 29 septembre 1996 ;

que s'agissant de la loi allemande invoquée par les appelantes, les intimés objectent que cette loi n'offrait pas aux étrangers les mêmes droits qu'aux ressortissants allemands ;

que les sociétés SPPS et CANAL P PUBLICITE PROMOTION font valoir qu'elles bénéficiaient d'un intérêt patrimonial à pouvoir jouir gratuitement à partir du 29 septembre 1996 des droits d'auteur sur l''uvre de Giovanni B. et que « la circonstance qu'elles en soient dépossédées, en l'absence de tout motif impérieux d'intérêt général, constitue une violation au respect de leurs biens, principe qui est protégé par l'article 1er du protocole n°1 de la Convention européenne » des droits de l'homme ; qu'elles affirment que dans le cas où l'oeuvre litigieuse serait tombée dans le domaine public à compter du 1er janvier 2002, les appelantes ne pourraient être davantage accueillies en leurs prétentions pour les avoir assignées en contrefaçon postérieurement à cette date.

Considérant, ceci exposé, qu'il appartient au juge national d'appliquer le droit national à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci.

Considérant qu'il est rappelé dans le préambule de la Directive européenne n°93/98 relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins que cette harmonisation doit se faire à un niveau élevé de protection en tenant compte de l'allongement des durées de vie moyennes dans la Communauté, de l'existence dans certains Etats membres de prolongations de la durée au-delà de cinquante ans après la mort de l'auteur afin de compenser les effets des guerres mondiales sur l'exploitation des 'uvres et du respect des droits acquis.

Considérant qu'il est constant que l''uvre du peintre Giovanni B., objet du présent litige, bénéficie de la protection accordée aux auteurs par la loi française dès lors qu'elle a été divulguée pour la première fois en France et que ce pays est le pays d'origine de l''uvre au sens de l'article 5 de la Convention de Berne du 9 septembre 1886.

Considérant que l'article L.123-1 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle , issu de la loi du 27 mars 1993 transposant la Directive européenne n°93/98 , fixe à 70 ans la durée de protection post mortem auctoris des 'uvres ; que les articles L.123-8 et L.123-9 du même code prévoient des prorogations pour tenir compte des périodes de guerre durant lesquelles les 'uvres n'ont pu être exploitées, soit 6 ans et 152 jours s'agissant de la Première Guerre mondiale et 8 ans et 123 jours pour la Seconde Guerre mondiale.

Considérant que l'article 10-1) de la directive précitée énonce que lorsqu'une durée de protection plus longue que la durée de protection correspondante prévue à la présente directive avait déjà commencée à courir dans un Etat membre au 1er juillet 1995, la présente directive n'a pas pour effet de la raccourcir dans cet Etat membre.

Considérant qu'au 1er juillet 1995 les 'uvres picturales ne bénéficiaient pas en France d'une durée de protection post mortem auctoris supérieure à 70 ans ; qu'à cette date, l''uvre en litige était protégée depuis le 1er janvier 1932 pour une durée de 50 ans applicable aux 'uvres autres que musicales, augmentée des prolongations de guerre, soit une période de 64 ans et 275 jours; que la durée totale de la protection étant inférieure à 70 ans, la nouvelle durée fixée par la directive s'est substituée à celle dont pouvaient se prévaloir les ayants droit du peintre Giovanni B. au 1er juillet 1995 et qui était inférieure au nouveau délai de protection prévu par la directive, ce délai couvrant les prolongations pour faits de guerre accordées par certains Etats membres dont la France.

Considérant que les intimés ne peuvent être suivis dans leur argumentation fondée sur l'article 1er du protocole n°1 de la Convention européenne des droits de l'homme aux termes duquel « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes » ;

qu'en effet, ce texte qui porte sur le respect de la propriété privée ne trouve pas à s'appliquer à l'espèce soumise à la cour dès lors que l''uvre du peintre B., à la supposer même tombée dans le domaine public ce qu'elle n'est pas, ne serait pas la propriété des intimés qui disposeraient seulement du droit de la reproduire.

Considérant qu'il suit de ces développements que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a dit que le portrait de V. peint par Giovanni B. bénéficiait de la protection des livres 1 et 3 du Code de la propriété intellectuelle jusqu'au 1er janvier 2002.

Considérant que les faits de contrefaçon ayant été commis en 2001, l'ADAGP était, à la date de son assignation du 14 mars 2002 recevable à agir en contrefaçon de ses droits patrimoniaux, l'action en contrefaçon n'étant pas alors prescrite, de même qu'était recevable Madame B. à la date de son intervention volontaire le 18 novembre 2003 ; que le fait que l''uvre litigieuse soit tombée dans le domaine public au 1er janvier 2002 est indifférent, seul important la date des faits incriminés ;

que le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a déclaré recevable cette intervention.

Sur la contrefaçon

Considérant que pour s'opposer aux demandes formées à son encontre, Monsieur

R. affirme avoir réalisé une 'uvre originale différente de celle qui lui est opposée et dont l'originalité n'est contestée par aucune des parties ; qu'il souligne les différences existant tant dans la disposition des sujets, les couleurs dominantes ou l'expression du visage ; qu'il affirme qu' « aucune confusion entre les deux 'uvres » n'est possible même pour un observateur avisé, l'impression d'ensemble qui se dégage des deux 'uvres étant selon lui totalement différente, et qu'il n'a fait que traiter du même sujet, ce qui n'est pas interdit à condition de faire 'uvre originale et personnelle.

Considérant que la peinture d'un même sujet n'étant pas en soi constitutive d'une contrefaçon, il importe de rechercher s'il ressort de la représentation du compositeur V. qui en est donnée par Monsieur R. des ressemblances telles que l''uvre seconde réalise une contrefaçon de l''uvre première.

Considérant que le portrait du compositeur V. peint par Giovanni B. se caractérise par la représentation de face du compositeur âgé de 73 ans, portant un collier de barbe et des moustaches blanchies par l'âge comme les cheveux dont des mèches s'échappent du chapeau haut-de-forme qui le coiffe ; les sourcils du compositeur sont froncés et le regard fixe ; que celui-ci porte une écharpe blanche nouée autour du cou et dont les deux pans s'écartent sur le devant de l'habit noir qui couvre ses épaules.

Considérant que les quelques différences figurant sur l'illustration de Monsieur R., à savoir la présence de partitions voltigeant autour du visage de V. et le fond de couleur rouge évoquant un rideau de scène de théâtre sont inopérantes dès lors que les caractéristiques essentielles de l''uvre première se retrouvent dans le portrait peint par Monsieur R. dans le même style réaliste et qui représente Giuseppe V. au même âge dans une position identique, le regard fixe et les sourcils froncés donnant au visage la même expression, le compositeur étant vêtu également d'un habit noir que rehausse la blancheur d'une écharpe enroulée pareillement autour du cou et dont les pans s'écartent dans un mouvement semblable en direction des épaules ; que le haut-de-forme dont est coiffé V. laisse aussi échapper quelques mèches de cheveux ;

que Monsieur R. en réalisant cette 'uvre seconde, les sociétés SPPS et CANAL P PUBLICITE PROMOTION en la reproduisant sous forme d'affiches et en la diffusant pour promouvoir le spectacle intitulé « V., une passion, un destin », la société SPPS en autorisant la société EMI MUSIC FRANCE à l'utiliser pour illustrer la jaquette d'un phonogramme et cette société en éditant ce phonogramme sans l'autorisation de l'ayant droit de l'auteur, ont commis des actes de contrefaçon du portrait de Giuseppe V. peint par Giovanni B..

Sur les mesures réparatrices

Considérant qu'il résulte des factures versées aux débats que le montant du budget

publicitaire du spectacle « V., une passion, un destin » représenté au Palais omnisports de Bercy les 9 et 10 mars 2001 à Paris s'est élevé à 646 014,69 francs et couvrait l'impression de 10 340 affiches et affichettes sans compter leur réimpression, 59 000 mailings, 1 050 panneaux (métro, bus) ; que l'affichage était prévu sur des colonnes Morris et dans la presse ; que le disque compact intitulé « V., une passion, un destin » et dont la jaquette reproduit l''uvre contrefaisante a été vendu à 54 320 exemplaires et la cassette audio à 2 673 exemplaires ;

que l'atteinte aux droits patrimoniaux de l'ADAGP ainsi réalisée justifie de fixer le montant du préjudice subi par celle-ci à la somme de 20 000 euros que les sociétés SPPS et CANAL P PUBLICITE PROMOTION et Monsieur R. seront condamnés à lui verser sans pouvoir opposer valablement le barème de l'ADAGP dès lors qu'ils n'ont pas sollicité l'autorisation de celle-ci.

Considérant qu'il ressort de l'attestation émanant du directeur de la société EMI CLASSICS FRANCE établie le 26 septembre 2003 que le disque compact « V., une passion, un destin » dont la jaquette reproduit l''uvre litigieuse s'est vendu à 52 968 exemplaires et la cassette correspondante à 2 673 exemplaires ;

que le préjudice patrimonial de l'ADAGP résultant de cette diffusion illicite sera réparée par la somme de 8 000 euros que Monsieur R. et les sociétés SPPS et EMI MUSIC FRANCE seront condamnées in solidum à verser à l'appelante, le barème de l'ADAGP ne pouvant pas plus être opposé par la société EMI MUSIC FRANCE pour le motif indiqué ci-dessus.

Considérant que l'ADAGP réclame, en outre, la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle aurait subi du fait des agissements illicites des intimés et de l'atteinte portée à son objet social qui consiste à défendre les intérêts de ses associés et de ce qu'elle n'a pu justifier auprès de Madame B. du règlement des droits d'auteur correspondant aux utilisations effectuées par les intimés.

Considérant que le préjudice résultant pour cette société de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de ses associés sera justement réparé par l'allocation de la somme de 1 euro.

Considérant que le préjudice de l'ADAGP étant suffisamment réparé par l'allocation des dommages-intérêts précités, il n'y a pas lieu d'ordonner la publication du présent arrêt.

Sur la demande de dommages-intérêts et l'appel en garantie formés par Monsieur R.

Considérant que contrairement à ce que soutiennent les appelantes, Monsieur R. ne sollicite pas dans ses dernières conclusions la condamnation in solidum de Madame B. et de l'ADAGP à lui payer la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral mais n'a dirigé cette demande qu'à l'encontre de l'ADAGP ; qu'il ne s'agit donc pas d'une demande nouvelle ;

que la demande de dommages-intérêts dirigée contre l'ADAGP sera rejetée, Monsieur R. ne démontrant pas que cette société aurait commis une faute lui ayant causé un quelconque préjudice.

Considérant que la demande en garantie de Monsieur R. en ce qu'elle vise la société EMI MUSIC FRANCE est nouvelle et partant, irrecevable en application de l'article 564 du Code de procédure civile.

Considérant que Monsieur R., illustrateur professionnel, est par ailleurs mal fondé à solliciter la garantie des sociétés SPPS et CANAL P PUBLICITE PROMOTION dès lors qu'il a commis une faute en reproduisant l''uvre du peintre B. dont il reconnaît en page 3 de ses dernières écritures qu'elle lui a été présentée au cours de la première réunion de travail, ajoutant qu'elle illustrait la couverture du livre d'Alain D. intitulée « V., une passion, un destin » dont a été tiré le spectacle donné au Palais omnisports de Bercy, sans s'assurer que cette 'uvre était libre de droits ;

que sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral formée à l'encontre de ces deux sociétés sera rejetée à défaut pour lui de rapporter la preuve de l'existence d'une faute de leur part ayant entraîné un préjudice ;

qu'il sera débouté également de ses demandes fondées sur le non-respect des dispositions des livres I et III du Code de la propriété intellectuelle qu'il ne peut invoquer à son profit, le portrait qu'il a réalisé ayant été déclaré contrefaisant de l''uvre de Giovanni B..

Sur l'appel en garantie formé par la société SPPS

Considérant que la société SPPS ne peut se garantir, à défaut de clause contractuelle le précisant, de sa faute personnelle ; que son appel en garantie dirigée contre Monsieur R. sera, en conséquence, rejeté.

Sur l'appel en garantie formé par la société EMI MUSIC FRANCE

Considérant que la société EMI MUSIC FRANCE a sollicité l'autorisation de l'ADAGP le 6 novembre 2000, soit peu de temps avant les faits de contrefaçon, d'utiliser le portrait peint par Giovanni B. pour illustrer la couverture d'un disque compact consacré au centième anniversaire de la mort de Giuseppe V. et destiné à être encarté dans le numéro du 8 décembre 2000 du magazine TELERAMA ;

que connaissant les droits attachés à cette 'uvre, elle a commis une faute en la reproduisant sans vérifier la régularité de la cession ; que son appel en garantie sera donc rejeté.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que l'équité commande d'allouer à chacune des appelantes la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles, les demandes formées du même chef par les intimés devant être rejetées eu égard à la solution du litige.

PAR CES MOTIFS:

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le portrait de V. peint par

Giovanni B. bénéficiait de la protection des livres 1 et 3 du Code de la propriété intellectuelle jusqu'au 1er janvier 2002 et a déclaré recevable l'intervention volontaire de Madame Bianca B. veuve D..

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Dit que Monsieur Christian R., la SOCIETE DE PRODUCTION ET DE PROMOTION DE SPECTACLES ARTISTIQUES ET SPORTIFS SPPS, la société CANAL P PUBLICITE PROMOTION et la société EMI MUSIC FRANCE ont commis des actes de contrefaçon de l''uvre de Giovanni B..

Condamne in solidum Monsieur Christian R., la SOCIETE DE PRODUCTION ET DE PROMOTION DE SPECTACLES ARTISTIQUES ET SPORTIFS SPPS et la société CANAL P PUBLICITE PROMOTION à verser à la SOCIETE DES AUTEURS DANS LES ARTS GRAPHIQUES ET PLASTIQUES ADAGP la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice patrimonial subi par cette société du fait de la reproduction illicite de l''uvre de Giovanni B. sur des affiches et autres supports de promotion du spectacle intitulé « V., une passion, un destin ».

Condamne in solidum Monsieur Christian R., la SOCIETE DE PRODUCTION ET DE PROMOTION DE SPECTACLES ARTISTIQUES ET SPORTIFS SPPS et la société EMI MUSIC FRANCE à verser à la SOCIETE DES AUTEURS DANS LES ARTS GRAPHIQUES ET PLASTIQUES ADAGP la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice patrimonial subi par cette société du fait de la reproduction illicite de l''uvrede Giovanni B. sur les jaquettes de disques compacts et de cassettes audio intitulés « V., une passion, un destin ».

Condamne in solidum Monsieur Christian R., la SOCIETE DE PRODUCTION ET DE PROMOTION DE SPECTACLES ARTISTIQUES ET SPORTIFS SPPS, la société CANAL P PUBLICITE PROMOTION et la société EMI MUSIC FRANCE à verser à la SOCIETE DES AUTEURS DANS LES ARTS GRAPHIQUES ET PLASTIQUES ADAGP la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral de cette société.

Déclare irrecevable l'appel en garantie formé par Monsieur Christian R. à l'encontre de la société EMI MUSIC FRANCE.

Rejette les appels en garantie formés par Monsieur Christian R., la SOCIETE DE PRODUCTION ET DE PROMOTION DE SPECTACLES ARTISTIQUES ET SPORTIFS et la société EMI MUSIC FRANCE.

Déboute Monsieur Christian R. de ses demandes formées à l'encontre de la SOCIETE DE PRODUCTION ET DE PROMOTION DE SPECTACLES ARTISTIQUES ET SPORTIFS SPPS et de la société CANAL P PUBLICITE PROMOTION.

Condamne in solidum Monsieur Christian R., la SOCIETE DE PRODUCTION ET DE PROMOTION DE SPECTACLES ARTISTIQUES ET SPORTIFS SPPS, la société CANAL P PUBLICITE PROMOTION et la société EMI MUSIC FRANCE à verser à la SOCIETE DES AUTEURS DANS LES ARTS GRAPHIQUES ET PLASTIQUES ADAGP et à Madame Bianca B. veuve D. chacune la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Rejette le surplus des demandes.

Condamne in solidum Monsieur Christian R., la SOCIETE DE PRODUCTION ET DE PROMOTION DE SPECTACLES ARTISTIQUES ET SPORTIFS SPPS, la société CANAL P PUBLICITE PROMOTION et la société EMI MUSIC FRANCE aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile par la SCP PETIT LESENECHAL, avoué.

Fait et jugé à PARIS , le TRENTE JANVIER DEUX MIL NEUF