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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 8 décembre 2022, n° 21/00956

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Action'r (SARL)

Défendeur :

Chaud Froid Consulting (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thomas

Conseillers :

Mme Gautron-Audic, Mme Meurant

Avocats :

Me Rousselot-Weber, Me Pedroletti

T. com. Chartres, du 20 janv. 2021

20 janvier 2021

EXPOSE DU LITIGE
 
Le 24 mars 2014, un mandat commercial a été signé entre les sociétés Action'R et Chaud Froid Consulting, aux termes duquel cette dernière s'est engagée à représenter et vendre au nom et pour le compte de la société Action'R les produits de celle-ci, soit des pare-chocs protection inox ; pare-chocs protection réserves ; abris, auvents, allées couvertes et parcs à chariots ; équipements de parking, signalétique, ralentisseurs ; panneaux publicitaires et autres mobiliers urbains ; tapis d'entrée, tapis fruits & légumes.
 
Par courrier recommandé du 2 février 2018, la société Action'R a rompu le contrat qui la liait à la société Chaud Froid Consulting, faisant état d'une rupture d'un commun accord. La société Chaud Froid Consulting a contesté, le 3 février 2018, les termes de la rupture, indiquant qu'il s'agissait d'une rupture brutale.
 
Par courrier recommandé du 23 mai 2018, la société Chaud Froid Consulting a sollicité une indemnité compensatrice pour le préjudice lié à la rupture du contrat d'agent commercial.
 
Par courrier recommandé du 16 juillet 2018, la société Chaud Froid Consulting a mis en demeure la société Action'R de procéder au règlement de l'indemnité.
 
Par acte du 21 novembre 2018, la société Chaud Froid Consulting a assigné la société Action'R devant le tribunal de commerce de Chartres en paiement de la somme de 31 924,68 € au titre de l'indemnité de cessation du contrat.
 
Par jugement du 20 janvier 2021, le tribunal de commerce de Chartres a :
- Dit que la société Action'R est recevable mais mal fondée en ses demandes, fins et conclusions et l'en a déboutée,
- Dit que la société Chaud Froid Consulting n'a commis aucune faute grave,
- Condamné la société Action'R à payer à la société Chaud Froid Consulting la somme de 31 924,68 € au titre de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial,
- Condamné la société Action'R à payer à la société Chaud Froid Consulting la somme de 3 500 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté la société Chaud Froid Consulting du surplus de ses demandes, fins et conclusions,
- Laissé les entiers dépens à la charge de la société Action'R,
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement nonobstant appel et sans caution.
 
Par déclaration du 12 février 2021, la société Action'R a interjeté appel du jugement.
 
 
 PRÉTENTIONS DES PARTIES
 
Par dernières conclusions notifiées le 1er septembre 2022, la société Action'R demande à la cour de:
- Infirmer le jugement du tribunal de commerce rendu le 20 janvier 2021 en ce qu'il a :
/ dit que la société Action'R est mal fondée en ses demandes, fins et conclusions et l'en a déboutée,
/ dit que la société Chaud Froid Consulting n'a commis aucune faute grave,
/ condamné la société Action'R à payer à la société Chaud Froid Consulting la somme de 31 924,68 € au titre de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial,
/ condamné la société Action'R à payer à la société Chaud Froid Consulting la somme de 3 500 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
/ laissé les entiers dépens à la charge de la société Action'R,
/ ordonné l'exécution provisoire du jugement nonobstant appel et sans caution,
En conséquence, et statuant à nouveau réformer le jugement entrepris et :
- dire et juger que la société Action'R est bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
- dire et juger que la société Chaud Froid Consulting a commis des fautes graves,
En conséquence,
- déclarer la société Chaud Froid Consulting mal fondée en ses demandes, et en conséquence,
- constater que la société Chaud Froid Consulting a facturé au titre des commissions commerciales brutes la somme de 8 905,34 € HT pour 2017 et la somme de 7 057 € HT pour 2016,
- constater que la société Chaud Froid Consulting ne rapporte pas la preuve d'un préjudice,
En conséquence,
- débouter au principal la société Chaud Froid Consulting de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et à titre subsidiaire limiter le quantum de l'indemnité de cessation du contrat à la somme de 15 962,34 € HT correspondant à deux ans de commissions brutes au titre des commissions commerciales,
- condamner la société Chaud Froid Consulting à payer à la société Action'R 30% de 214.182,62 € HT, soit 64 254,78 € HT outre la somme de 30% de 91.025 € HT, soit 27 307,50 € HT en réparation de son préjudice financier,
- condamner la société Chaud Froid Consulting à payer à la société Action'R la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Chaud Froid Consulting aux entiers dépens de première instance,
Y ajoutant et en tout état de cause,
- ordonner la compensation de toutes éventuelles condamnations réciproques,
- condamner la société Chaud Froid Consulting à payer à la société Action'R la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- condamner la société Chaud Froid Consulting aux entiers dépens en cause d'appel.
 
Par dernières conclusions notifiées le 29 juin 2022, la société Chaud Froid Consulting demande à la cour de :
- voir déclarer la société Action'R mal fondée en son appel, l'en débouter,
- voir confirmer le jugement du tribunal de commerce de Chartres en ce qu'il a :
/ dit que la société Action'R est recevable mais mal fondée en ses demandes, fins et conclusions, l'en a déboutée,
/ dit que la société Chaud Froid Consulting n'a commis aucune faute grave,
/ condamné la société Action'R à payer à la société Chaud Froid Consulting la somme de 31 924,68 € au titre de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial,
/ condamné la société Action'R à payer à la société Chaud Froid Consulting la somme de 3 500 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
/ laissé les entiers dépens à la charge de la société Action'R. Lesdits dépens afférents aux frais de jugement liquidés à la somme de 73,22 € TTC, en ceux non compris les frais de signification du présent jugement (sic) et de ses suites s'il y a lieu,
- déclarer que la société Chaud Froid Consulting n'a commis aucune faute grave,
- débouter la société Action'R de ses demandes à l'encontre de la société Chaud Froid Consulting, demandes tant principales, que subsidiaires,
- la débouter de toute demande de compensation ou de condamnation éventuelle,
- déclarer la société Chaud Froid Consulting recevable et bien fondée en son appel incident,
- voir infirmer pour le surplus la décision déférée,
Et statuant à nouveau,
- voir condamner la société Action'R au paiement de la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- voir condamner la société Action'R à payer à la société Chaud Froid Consulting la somme de 4 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- voir condamner la société Action'R aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Me Mélina Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
 
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 septembre 2022.
 
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
 
 MOTIVATION
 
Sur la demande de la société Chaud Froid Consulting
 
La société Action'R soutient que la rupture est intervenue d'un commun accord, au vu des fautes graves de la société Chaud Froid Consulting. Elle fait état d'un accord intervenu et d'une réunion du 1er février 2018 avec M. [T], représentant de la société Chaud Froid Consulting, et d'attestations l'établissant. Elle ajoute que celui-ci n'a jamais contesté la date de début de préavis dans son courrier du 3 février 2018, et précise qu'il ne peut être déduit de son absence de réponse à cette lettre qu'elle reconnaissait la rupture brutale des relations.
Elle relève que le contrat prévoyait une interdiction pour la société Chaud Froid Consulting d'exercer une activité concurrente, qu'elle n'a pas respectée, en achetant et revendant des meubles pour son compte personnel, en favorisant son activité avec la société Arneg à son détriment, en indiquant préférer travailler avec cette société, avec laquelle elle ne travaillait pas lors de la signature du contrat. Elle précise qu'Arneg développe des produits concurrents des siens, ce que les sociétés avec lesquelles la société Chaud Froid Consulting travaillait jusque là ne faisaient pas. Elle explique vendre des pare-chocs de protection et la société Arneg des meubles froids avec pare-chocs de protection, de sorte que M. [T] ne pouvait proposer à la fois des meubles froids bénéficiant de protection, et des pare-chocs de protection. Elle détaille plusieurs situations dans lesquelles la société Chaud Froid Consulting aurait privilégié la vente de produits Arneg aux siens, alors qu'elle-même a contribué au développement du secteur de la société Chaud Froid Consulting en la faisant participer à des salons. Elle ajoute que la société Chaud Froid Consulting a bénéficié de ses référencements pour vendre des produits Arneg.
Elle dénonce le caractère infondé des demandes de la société Chaud Froid Consulting, la moitié de la somme sollicitée consistant en des frais de déplacement, et relève que cette société ne justifie pas d'une perte de son chiffre d'affaires.
 
La société Chaud Froid Consulting indique qu'à défaut d'accord sur le principe de la rupture du contrat, l'agent commercial a droit à une indemnité, et relève la contradiction dans les dires de l'appelante qui soutient que la rupture est intervenue d'un commun accord et fait état d'une faute grave de l'agent. Elle conteste tout accord sur la rupture comme les attestations produites, dont les auteurs n'ont pas assisté à l'entretien entre les parties.
Elle reprend les termes du contrat la liant à la société Action'R, qui lui permet de représenter d'autres sociétés à condition que les produits ne soient pas concurrents, et précise qu'elle représentait déjà deux autres sociétés dont l'une a cessé de travailler avec des intervenants extérieurs, ce qui l'a incitée à engager un partenariat avec Arneg en février 2015, ce dont la société Action'R a toujours été informée. Elle ajoute qu'Arneg fabrique des vitrines réfrigérées, et n'est pas en concurrence avec Action'R, qui fabrique des abris, chariots et protections métalliques protégeant les vitrines réfrigérées. Elle précise que toutes les vitrines réfrigérées sont équipées de protection mais que certains clients souhaitent avoir des protections supplémentaires, ce qui explique qu'alors qu'elle avait un partenariat avec un fabricant de vitrines réfrigérées elle a voulu développer un partenariat avec la société Action'R. Elle ajoute que le partenariat avec Arneg a permis la conclusion de dossiers pour Action'R, et elle rejette les dires et pièces de celle-ci qui établiraient les griefs invoqués.
 
L'article L.134-1 al 1er du code de commerce prévoit que :
« l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale ».
 
En l'espèce, la société Action'R a adressé le 2 février 2018 à la société Chaud Froid Consulting une lettre datée du 2 janvier 2018 de rupture du contrat d'agent commercial les liant, indiquant qu'il s'agissait d'une rupture d'un commun accord.
Par courrier du 3 février 2018, la société Chaud Froid Consulting a fermement contesté qu'il s'agissait d'une rupture d'un commun accord ; cette lettre mentionne un entretien intervenu dans les locaux de la société Action'R le 1er février 2018, entretien auquel fait aussi référence le courrier envoyé le 2 février 2018 par la société Action'R.
 
Sont produites, à l'appui des dires de la société Action'R, trois attestations de deux employés et d'un agent commercial, qui présentent un lien de dépendance économique avec cette société.
L'attestation de M. [E] indique que les représentants de la société Action'R et M. [T] ont eu un entretien le 1er février 2018 et sont allés déjeuner avec lui, sans qu'il ne note une animosité ou un climat tendu entre les parties. Il ne témoigne pas des propos échangés lors de l'entretien et ne peut donc établir l'accord des parties sur une rupture d'un commun accord.
Mme [X], également employée de la société Action'R, n'a pas non plus assisté à l'entretien. Elle indique « avoir vu M. [L] [T] dans les locaux d'action'R le 1er février 2018 au matin, pour une réunion prévue de celui-ci avec MM. [Z] et [F]. A l'issue de la réunion, ils m'ont annoncé qu'ils mettaient fin à leur collaboration d'un commun accord.. »', avant qu'ils n'aillent déjeuner ensemble dans un climat convivial. Pour autant, la cour relève que cette attestation ne permet pas de savoir si Mme [X] a été informée de la rupture par les seuls MM. [Z] et [F], ou aussi par M. [T], étant précisé que Mme [X] n'a pas non plus assisté au déjeuner.
M. [P], agent commercial pour la société Action'R, indique avoir reçu le 1er février 2018 un appel de M. [T] l'informant « qu'il venait de rencontrer M. [F] et M. [Z] et qu'ils s'était mis d'accord pour cesser leur partenariat commercial. M. [T] m'a dit qu'il préférait travailler avec la société Arneg (vitrines réfrigérées) - qu'il était parti du rendez-vous en très bon termes et qu'il sortait d'un déjeuner avec MM. [F] et [Z]... ».
Pour autant, outre que M. [P] est lié à la société Action'R par un contrat d'agent commercial de sorte que son attestation doit être prise avec circonspection, il apparaît que, comme l'a relevé le jugement, la société Action'R n'a pas contesté la teneur du courrier de la société Chaud Froid Consulting du 3 février 2018, par lequel elle niait l'existence d'un accord sur la rupture.
La société Action'R n'a pas plus réagi au courrier de la société Chaud Froid Consulting du 23 mai 2018 par lequel elle sollicitait le versement d'une indemnité compensatrice, ni à la lettre de mise en demeure de procéder au règlement de cette indemnité que lui a adressée le 16 juillet 2018 le conseil de la société Chaud Froid Consulting.
 
Au vu de ce qui précède, et alors que la cour relève qu'aucun écrit n'est intervenu entre les parties constatant les termes de la rupture, il n'est pas justifié au seul vu des pièces produites que cette rupture est intervenue d'un commun accord.
 
L'agent commercial peut accepter sans autorisation la représentation de nouveaux mandants. Toutefois, il ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente de celle de l'un de ses mandants sans accord de ce dernier. Les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information.
 
L'article L.134-12 al 1er du code de commerce indique qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
 
L'article L.134-13 précise :
« La réparation prévue à l'article L.134-12 n'est pas due dans les cas suivants :
1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;
2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;
3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence ».
 
Comme précédemment indiqué, le contrat d'agent commercial liant les parties confie à la société Chaud Froid Consulting le mandat de représenter la société Action'R et de vendre en son nom et pour son compte les articles suivants : « pare-choc protection inox ; pare-choc protection réserves ; abris, auvents, allées couvertes et parcs à chariots ; équipements de parking, signalétique, ralentisseurs ; panneaux publicitaires et autres mobiliers urbains ; tapis d'entrée, tapis fruits & légumes ».
 
Son article 5.1 indique qu' « en contrepartie de l'exclusivité qui lui est confiée, la société Chaud Froid Consulting s'engage expressément, pendant toute la durée du présent contrat, à ne pas fabriquer, représenter ni vendre, directement ou indirectement, des produits d'une marque, de quelque origine qu'ils soient, susceptibles de concurrencer les articles objets du présent contrat et à ne pas représenter, sous quelque forme que ce soit, une entreprise susceptible de concurrencer la société Action'R et s'interdit de collaborer, dans les mêmes conditions, à une telle entreprise pendant toute la durée d'exécution du présent contrat. ... »
Son article 5.2 reconnaît à la société Chaud Froid Consulting « la faculté de représenter d'autres entreprises que la société Action'R. La société Chaud Froid Consulting déclare, ce dont la société Action'R lui donne acte, qu'à la date de la signature du présent contrat, il (sic) représente déjà les sociétés suivantes : Guyon International... Exkal... ».
 
La société Action'R reproche essentiellement à la société Chaud Froid Consulting d'avoir, après la signature du contrat d'agent commercial, commencé à travailler avec la société Arneg, laquelle distribue des armoires réfrigérées équipées de pare-chocs.
Pour autant, il est établi par la société Chaud Froid Consulting que la société Exkal propose des vitrines réfrigérées, équipées de pare-chocs en façade. Si la société Action'R soutient que les produits d'Exkal présentaient seulement des bumpers pour les petits chocs, la pièce 12 de l'intimée montre que les armoires d'Exkal sont équipées de « pare-chocs en façade » désignés comme tels, même s'ils paraissent offrir une protection inférieure aux barres de protection proposées par la société Action'R.
 
La société Chaud Froid Consulting expose que la décision d'Exkal de ne plus travailler avec des agents extérieurs l'a incitée à travailler avec Arneg, et ajoute en avoir informé la société Action'R ce que celle-ci conteste.
 
Au titre des griefs allégués à l'encontre de la société Chaud Froid Consulting, il lui est reproché, s'agissant du magasin Leclerc d'Issoudun, de n'avoir pas transmis un devis pour des pare-chocs à la direction de ce magasin, et la société Action'R justifie d'un courriel de M. [T] le 2 février 2017 lui demandant un devis pour protéger l'ensemble du mobilier froid de ce magasin, de la proposition commerciale qu'elle lui a adressée le 9 février 2017, et de l'attestation de son commercial M. [E] affirmant que la direction de ce magasin n'avait jamais rencontré ni eu de contact avec M. [T].
Il ressort des pièces versées par la société Chaud Froid Consulting que ce magasin est implanté sur son secteur, et que la fiche de prospect avait été dressée à l'occasion d'un salon auquel participait la société Action'R.
ll n'est pas établi que M. [T] a proposé ou vendu des produits Arneg à ce magasin, et la société Chaud Froid Consulting n'explique pas la raison pour laquelle elle n'a pas transmis à la direction de ce magasin -qu'elle n'a manifestement pas contactée ni démarchée- la proposition commerciale qu'elle avait reçue de la société Action'R en février 2017.
 
S'agissant du magasin Leclerc de St Doulchard, la société Action'R indique avoir été sollicitée par les responsables de ce magasin pour la mise en place de pare-chocs pour ses meubles froids, avoir transmis la proposition commerciale à la société Chaud Froid Consulting, et qu'aucune suite n'a été apportée à cette demande. Elle ne verse pas de pièce l'établissant, autre qu'un procès-verbal de constat du 20 novembre 2018, réalisé sur la page Facebook de la société Chaud Froid Consulting, montrant certains clichés pris dans ce magasin d'installations non pourvues de pare-chocs proposés à la vente par la société Action'R. La société Chaud Froid Consulting ne conteste pas qu'il s'agit de produits Arneg, indiquant que le directeur du Leclerc de St Doulchard était en contact avec Arneg depuis 2015.
La société Chaud Froid Consulting ajoute que s'agissant des abris à chariots, ce marché a été perdu compte tenu du prix proposé, étant observé qu'elle justifie avoir adressé à la société Action'R le 2 février 2018 une demande d'une remise de 5% supplémentaire.
Elle verse le devis de la société concurrente Media accepté par ce magasin, pour un montant (29.500 € HT) significativement moins élevé que celui de la société Action'R (38.726 € HT).
Il s'ensuit à tout le moins que le marché de la vente de ces abris à chariots n'a pas échappé à la société Action'R car son agent la société Chaud Froid Consulting aurait privilégié Arneg. Dans ces conditions, les griefs invoqués par la société Action'R pour ce magasin ne sont pas fondés.
 
S'agissant du magasin Intermarché de la Machine, la société Action'R ne prouve ni qu'elle-même avait proposé un devis de 6 170 € HT, ni que la société Chaud Froid Consulting aurait vendu des produits Arneg à ce client. Dès lors, le seul grief éventuellement imputable à la société Chaud Froid Consulting est d'avoir offert le montant de la facture FA17-1496 de 1 332 € HT à ce magasin, la société Action'R ne contestant pas toutefois que cette facture lui a été payée par la société Chaud Froid Consulting.
 
S'agissant du magasin Leclerc de Montmorillon, la société Action'R reproche à la société Chaud Froid Consulting d'avoir favorisé la vente de meubles Arneg, limitant les ventes de la société appelante à des protections d'angles, par une facture de 2 474,40 € TTC. Pour autant, le seul procès-verbal de constat dressé le 20 novembre 2018 montrant, sur la page Facebook de la société Chaud Froid Consulting, un film ajouté par M. [T] sur lequel il apparaît des armoires réfrigérées devant lesquelles figurent les pare-chocs de protection distribués par la société Action'R aux coins des meubles et non devant ceux-ci, ces captures d'écran ne peuvent suffire à établir que la société Chaud Froid Consulting aurait, pour l'équipement de ce magasin, privilégié les produits Arneg plutôt que ceux de la société Action'R.
La société Chaud Froid Consulting justifie avoir vendu à ce magasin des produits Action'R, soit des parcs à chariots selon devis du 17 mars 2016 accepté pour un montant de 27 500 € HT, puis un ensemble de pare-chocs, angles inox inamovibles et potelets en acier selon devis du 25 août 2017 accepté pour un montant de 11 000 € HT.
Aussi, les manquements de la société Chaud Froid Consulting dans la commercialisation des produits de la société Action'R à ce client n'apparaissent pas caractérisés.
 
Par ailleurs, si la société Action'R soutient que plusieurs affaires ont été signées directement avec les clients sans intervention de la société Chaud Froid Consulting, ou que certains clients ne souhaitaient plus travailler avec M. [T], elle ne justifie pas de ce dernier grief. Il apparaît aussi que certaines affaires signées directement par la société Action'R (pièce 15) ne relevaient pas du secteur de M. [T] tels [Localité 5], [Localité 6], [Localité 8], [Localité 4].
 
Il sera aussi relevé que le constat d'huissier a été dressé postérieurement à la rupture des relations commerciales entre les deux sociétés, et que la société Action'R ne justifie pas avoir avant cette rupture adressé un quelconque reproche à la société Chaud Froid Consulting.
 
La cour observe que la société Arneg propose des armoires réfrigérées équipées de barres de protection, que la société Action'R propose notamment des barres de protection, mais ces sociétés n'apparaissent pas véritablement en concurrence car non seulement la société Action'R ne propose pas de vitrines réfrigérées, mais de plus il ressort des développements qui précèdent que les armoires réfrigérées équipées de barres de protection Arneg proposées par la société Chaud Froid Consulting peuvent être complétées par des angles de protection de la société Action'R, étant rappelé que la société Chaud Froid Consulting proposait déjà des vitrines réfrigérées avec des « pare-chocs en façade » avant la conclusion du contrat avec la société Action'R, ce que cette dernière n'ignorait pas.
 
Aussi, et au vu des pièces versées, il n'est pas établi que la société Chaud Froid Consulting a privilégié la vente des produits Arneg au détriment de ceux de la société Action'R, l'absence de transmission d'une offre au centre Leclerc d'Issoudun étant insuffisante à elle seule à l'établir alors que la société Chaud Froid Consulting affirme n'avoir jamais vendu de meubles froids à ce client.
Outre la prudence avec laquelle il convient de l'apprécier, l'attestation de M. [P] indiquant que M. [T] lui aurait dit qu'il préférait travailler avec Arneg ne signifie pas qu'il aurait délaissé la présentation des produits de la société Action'R au profit de ceux d'Arneg, ce qui n'est pas démontré par les autres pièces.
 
En l'absence de tout grief formulé à l'encontre de la société Chaud Froid Consulting jusqu'à la lettre de rupture du 2 février 2018, qui ne fait état d'aucun reproche et évoque une rupture d'un commun accord, la société Action'R ne justifie pas que la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial, de nature à justifier qu'il soit privé de réparation, selon l'article L.134-13 du code de commerce.
 
 
Sur le montant de l'indemnité due à la société Chaud Froid Consulting
 
Le jugement dont appel a condamné la société Action'R au paiement à la société Chaud Froid Consulting de la somme de 31.924,68 € au titre de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial, correspondant à deux années de commissions.
 
La société Action'R soutient que les montants des commissions de la société Chaud Froid Consulting pour les années 2016 et 2017 englobent ses frais de déplacement, de sorte qu'elle ne peut solliciter le versement de la somme de 31 924,68 € au titre de l'indemnité de cessation du contrat, la moitié de cette somme constituant une participation à ses frais de déplacement. Elle ajoute qu'il revient à la société Chaud Froid Consulting de justifier de son préjudice, qu'elle n'établit pas la baisse de son chiffre d'affaires. Elle ajoute que la somme de deux années de commissions brutes s'élève à 15 962,34 €HT.
 
La société Chaud Froid Consulting fait état de son investissement pour la société Action'R, et que du fait de la rupture elle n'a pu bénéficier de ce chiffre d'affaires, alors que le secteur est en hausse. Elle déclare n'avoir dégagé aucun revenu et avoir accusé une absence d'activité. Elle revendique son droit à indemnité, et justifier de ses commissions pour 2016 et 2017. Elle ajoute que le contrat d'agent prévoit que le montant de la commission sur vente est de « 10% du HT », et que la société Action'R lui demandait d'en facturer 50% en commission commerciale et 50% en frais de déplacement, pour aboutir à 10% de commission, de façon plus intéressante pour elle, de sorte qu'elle ne peut s'en prévaloir pour réduire le montant de son indemnité.
 
Comme précédemment indiqué, l'article L.134-12 al 1er indique qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
 
Le contrat prévoit une commission de 10% pour les commandes passées selon les prix tarifs HT (article 9.3), et que « sauf faute grave de la société Chaud Froid Consulting, la cessation ou la résiliation du présent contrat par la société Action'R pourra ouvrir droit au profit de la société Chaud Froid Consulting... à une indemnité compensatrice du préjudice subi ».
 
Pas plus qu'en 1ère instance, la société Action'R ne réfute utilement la demande de la société Chaud Froid Consulting correspondant au versement de deux années de commissions au titre de l'indemnité de rupture.
 
Il ressort des pièces versées par la société Chaud Froid Consulting que pour la grande majorité des cas, elle présentait une demande au titre de sa commission commerciale, et une demande au titre des frais de déplacement d'un montant très proche, leur somme correspondant à 10% du montant de la commande à la société Action'R, soit la commission due à l'agent selon les termes du contrat. Aucune explication n'est donnée à la très grande proximité se répétant systématiquement entre le montant des commissions commerciales et de la participation aux frais de déplacement correspondants, autre qu'un usage convenu entre les parties de présentation de ces commissions commerciales. En conséquence, le jugement sera suivi en ce qu'il a retenu les montants des commissions commerciales et des frais de déplacement.
 
La société Chaud Froid Consulting justifie de l'intégralité de ses demandes au titre des années 2016 (soit 14 114 € HT) et 2017 (17 810,68 € HT), ces sommes n'étant pas contestées dans le calcul de leur montant. Aussi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Action'R à verser la somme de 31 924,68 € à la société Chaud Froid Consulting.
 
 
Sur les autres demandes
 
Au vu de la teneur de la décision, la société Action'R sera déboutée de ses demandes reconventionnelles.
 
Le jugement sera confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande présentée par la société Chaud Froid Consulting au titre de la résistance abusive.
 
Les condamnations prononcées au titre des dépens et frais irrépétibles seront confirmées.
Enfin, la société Action'R sera condamnée au paiement des dépens d'appel, outre au versement de la somme de 2 500 € à la société Chaud Froid Consulting sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
 
PAR CES MOTIFS
 
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
 
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Chartres en toutes ses dispositions,
 
y ajoutant,
 
Déboute les parties de leurs autres demandes,
 
Condamne la société Action'R à payer à la société Chaud Froid Consulting la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
 
Condamne la société Action'R aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Me Mélina Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.