CA Poitiers, 2e ch., 1 février 2022, n° 20/02090
POITIERS
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Franco
Conseillers :
M. Chiron, M. Vetu
Avocats :
Me Perrot, Me Bilyachenko
OBJET DU LITIGE
Y… exerçait une activité d'infirmière libérale au Bourdet (Deux-Sèvres).
Elle a déposé le 6 octobre 2014 une déclaration de cessation des paiements au greffe du tribunal de grande instance de Niort.
Par jugement du 18 octobre 2014, le tribunal de grande instance de Niort a ouvert une procédure de liquidation judiciaire, en autorisant la poursuite d'activité pour une durée d'un mois, la selarl Romain Rabusseau étant désignée en qualité de liquidateur.
Le 28 septembre 2017, un avis à tiers détenteur a été émis par la trésorerie de Courçon sur les salaires perçus par la contribuable auprès du même établissement, pour la somme de 4558,14 euros au titre de dettes d'impôts sur le revenu 2014 et de taxes d'habitation pour 2015 et 2017.
Le 22 mai 2018, la direction départementale des finances publiques a émis un avis à tiers détenteur sur les rémunérations perçues par la débitrice de la société Capio Clinique de l'Atlantique en vue du recouvrement de taxes foncières entre 2015 et 2017 (pour la somme de 1999 euros dont 182 euros de majorations, sur laquelle 463,87 euros étaient déjà recouvrés). Cet avis à tiers détenteur a été notifié à Y… le même jour.
Le liquidateur a formé une opposition à poursuite par courrier du 4 octobre 2018, reçue le 8 octobre 2018, en opposant l'absence de privilège de la procédure pour la taxe foncière. Cette opposition a été rejetée le 22 octobre 2018 au motif que les taxes foncières relevaient des créances nées pour les besoins de la vie courante.
Par acte du 26 décembre 2018, la selarl Actis Mandataires judiciaires en qualité de liquidateur de Y… a fait assigner le comptable public du service des impôts des particuliers de La
Rochelle devant le tribunal judiciaire de Niort aux fins d'obtenir à titre principal l'annulation de l'avis à tiers détenteur du 22 mai 2018 délivré à Capio clinique de l'Atlantique, visant les rémunérations du travail de Y…, subsidiairement sa mainlevée et en tout état de cause que soit ordonné le remboursement entre les mains du liquidateur des sommes perçues par l'administration fiscale au mépris du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, et que lui soit allouée une somme au titre des frais irrépétibles.
En cours de procédure, le 4 septembre 2019, le service des impôts des particuliers a fait procéder à une saisie administrative à tiers détenteur pour une somme de 249,95 euros au titre de taxes foncière 2018 (solde dû après imputation d'un acompte de 411,05 euros).
Une nouvelle saisie administrative à tiers détenteur a été délivrée le 16 novembre 2019 à la trésorerie des établissements hospitaliers de La Rochelle pour une somme de 13 810,34 euros au titre de taxes foncières 2015 à 2018.
Le tribunal judiciaire de Niort, par jugement du 14 septembre 2020, a :
- rejeté les demandes aux fins de constat de la forclusion et à fins d'irrecevabilité pour non respect de la procédure de réclamation administrative préalable ;
- débouté la Selarl Actis mandataires judiciaires ès-qualité de liquidateur judiciaire de Y… de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné la Selarl Actis mandataires judiciaires ès-qualité de liquidateur judiciaire de Y… aux dépens.
La selarl Actis ès qualités a relevé appel de ce jugement selon déclaration du 4 octobre 2020 en
Poursuivant :
1) la réformation du jugement en ce qu'il a débouté la selarl Actis mandataires judiciaires ès qualités
de l'ensemble de ses demandes, à savoir : principalement, la demande d'annulation des avis à tiers détenteur des 28/09/2017, 22/05, 2/10, 19/10 2018 et de la saisie à tiers détenteur du 4/09/2019 entre les mains de Capio clinique de l'Atlantique et de la saisie à tiers détenteur du 15/11/2019 entre les mains du trésorier des établissements hospitaliers de La Rochelle, subsidiairement la mainlevée desdites mesures d'exécution, en tout état de cause le remboursement entre les mains du liquidateur des sommes saisies ainsi que la condamnation aux dépens et au paiement de 2 000 € sur le fondement de l'art. 700 CPC ;
2) ainsi que la réformation du jugement en ce qu'il a condamné la selarl Actis mandataires judiciaires ès qualités aux dépens.
Au cours de la procédure d'appel, une nouvelle saisie administrative à tiers détenteur a été formée auprès de l'agent comptable de la CPAM de Guéret le 19 novembre 2020 pour la somme de 14566,42 euros (taxes foncières de 2016 à 2019) ; l'opposition à poursuites, formée par courrier daté du 6 janvier 2021 reçu le 13 janvier 2021, a donné lieu le 24 février 2021 à une décision de mainlevée compte tenu de l'absence de notification au liquidateur.
Dans ses dernières conclusions du 23 avril 2021, la selarl Actis ès qualités formule les demandes ci-après énoncées :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par le créancier ;
- réformer le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Niort le 14 septembre 2020 en ce qu'il a débouté la selarl Actis mandataires judiciaires ès qualités de l'ensemble de ses demandes et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens ;
Statuant à nouveau
À titre principal,
Vu les articles L. 257-0 A et suivants du livre des procédures fiscales,
Vu l'article L. 641-9, I, du code de commerce,
- annuler les avis à tiers détenteur des 28 septembre 2017, 22 mai 2018, 2 octobre 2018, 19 octobre 2018 et la saisie administrative à tiers détenteur du 4 septembre 2019 délivrés à Capio clinique de l'Atlantique et visant les rémunérations du travail de Y…, la saisie administrative à tiers détenteur du 15 novembre 2019 pratiquée sur les rémunérations du travail de Y… entre les mains du trésorier des établissements hospitaliers de La Rochelle, ainsi que la saisie administrative à tiers détenteur du 19 novembre 2020 visant les indemnités dues à Y… par la CPAM
À titre subsidiaire,
Vu l'article L. 622-21, II, du code de commerce,
- ordonner la mainlevée des mesures d'exécution diligentées sur le fondement des avis à tiers détenteur des 28 septembre 2017, 22 mai 2018, 2 octobre 2018, 19 octobre 2018 et la saisie administrative à tiers détenteur du 4 septembre 2019 délivrés à Capio clinique de l'Atlantique et visant les rémunérations du travail de Y…, la saisie administrative à tiers détenteur du 15 novembre 2019 pratiquée sur les rémunérations du travail de Y… entre les mains du trésorier des établissements hospitaliers de La Rochelle, ainsi que la saisie administrative à tiers détenteur du 19 novembre 2020 visant les indemnités dues à Y… par la CPAM 17 ;
En tout état de cause,
- ordonner le remboursement entre les mains du liquidateur des sommes perçues par l'administration fiscale au mépris du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire ;
- condamner le comptable public aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
- condamner le comptable public au paiement de 3 400,00 € à titre de l'article 700 du code de procédure civile (première instance et appel).
Le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Charente-Maritime, par conclusions en réponse du 28 octobre 2021, demande à la cour :
Vu l'art. L641-13-I du code de commerce,
Vu les articles R*281-4 et suivants du livre des procédures fiscales,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Selarl Actis Mandataires judiciaires ès qualité de liquidateur de Y… de l'ensemble de ses demandes.
- de réformer le jugement du tribunal judiciaire de Niort en ce qu'il a rejeté les fins de non- recevoir soulevées par l'administration.
- de dire applicable les textes du Livre des procédures fiscales au débiteur en procédure collective ;
En conséquence,
- de constater la forclusion de la requérante, celle-ci ayant introduit hors délai une opposition à poursuite, quant à la SATD du 22 mai 2018 ;
- de constater l'irrecevabilité des contestations portant sur les poursuites diligentées par la Trésorerie de Courçon-Nuaillé d'Aunis, le Pôle de recouvrement spécialisé de la Charente- Maritime et le Service des impôts des particuliers de La Rochelle des 28 septembre 2017, 2 octobre 2018, 20 décembre 2018, 4 septembre 2019 et 4 décembre 2019, celles-ci ayant été présentées pour la première fois en phase juridictionnelle et au surplus tardivement ;
- de constater également la forclusion de la requérante, celle-ci ayant saisi tardivement le juge de première instance,
- de confirmer la qualité de créances postérieures utiles des créances objets des poursuites diligentées,
- de confirmer en conséquence la validité des poursuites diligentées par le Service des impôts des particuliers de La Rochelle ;
- de débouter la requérante de ces demandes,
- de condamner la selarl Actis Mandataires Judiciaires pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de Y… aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 novembre 2021.
Il est expressément fait référence, en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des contestations
1. Selon l'article L.281 du livre des procédures fiscales, les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites.
Lorsque les contestations portent sur le recouvrement de créances détenues par les établissements publics de l'État, par un de ses groupements d'intérêt public ou par les autorités publiques indépendantes, dotés d'un agent comptable, ces contestations sont adressées à l'ordonnateur de l'établissement public, du groupement d'intérêt public ou de l'autorité publique indépendante pour le compte duquel l'agent comptable a exercé ces poursuites.
Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter :
1º Sur la régularité en la forme de l'acte ;
2º A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée.
Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1º devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2º, ils sont portés :
a) Pour les créances fiscales, devant le juge de l'impôt prévu à l'article L. 199 ;
b) Pour les créances non fiscales de l'État, des établissements publics de l'État, de ses groupements d'intérêt public et des autorités publiques indépendantes, dotés d'un agent comptable, devant le juge de droit commun selon la nature de la créance ;
c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution.
L'article R.281-1 du même code dispose que les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne tenue solidairement ou conjointement.
Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, au chef de service compétent suivant :
a) Le directeur départemental ou régional des finances publiques du département dans lequel a été prise la décision d'engager la poursuite ou le responsable du service à compétence nationale si le recouvrement incombe à un comptable de la direction générale des finances publiques ;
b) Le directeur interrégional des douanes et droits indirects ou le responsable du service des douanes à compétence nationale ou, en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte, le directeur régional des douanes et droits indirects pour les poursuites émises dans leur ressort territorial.
L'article R.281-4 prévoit que le chef de service ou l'ordonnateur mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 281 se prononce dans un délai de deux mois à partir du dépôt de la demande, dont il doit accuser réception.
Si aucune décision n'a été prise dans ce délai ou si la décision rendue ne lui donne pas satisfaction, le redevable ou la personne tenue solidairement ou conjointement doit, à peine de forclusion, porter l'affaire devant le juge compétent tel qu'il est défini à l'article L. 281. Il dispose pour cela de deux mois à partir :
a) soit de la notification de la décision du chef de service ou de l'ordonnateur mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 281 ;
b) soit de l'expiration du délai de deux mois accordés au chef de service ou à l'ordonnateur mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 281 pour prendre sa décision.
La procédure ne peut, à peine d'irrecevabilité, être engagée avant ces dates.
En droit, les demandes de nullités des procédures d'exécutions sur le fondement des articles L. 622-21 et L. 632-2 du code de commerce sont des contestations nées de la procédure collective qui relèvent de la compétence du tribunal de la procédure et non de la compétence exclusive du juge de l'exécution au titre des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, par application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire.
En outre, en vertu de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, la juridiction administrative est compétente pour connaître des contestations relatives au recouvrement des impositions mentionnées
au premier alinéa de l'article L. 199 du même livre lorsqu'elles portent sur l'existence de l'obligation de payer, le montant de la dette, l'exigibilité de la somme réclamée ou tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Toutefois, le tribunal de la procédure collective est, quelle que soit la nature des créances en cause, seul compétent pour connaître des contestations relatives à la mise en œuvre des règles propres à la procédure collective.
Certes, la contestation fondée sur le principe de la suspension des poursuites individuelles ne constitue pas une opposition aux poursuites fondée sur la régularité en la forme de l'acte et n'entre donc pas dans les prévisions de l'article L 281 du Livre des procédures fiscales, la contestation.
2. Le comptable intimé forme appel incident sur la recevabilité de l'action de la selarl Actis en faisant valoir que la contestation introduite, qui relève des dispositions du livre des procédures fiscales en tant qu'opposition à poursuite, concernant l'avis à tiers détenteur du 22 mai 2018 est tardive pour n'avoir pas été formée dans les délais fixés à l'article R.281-4 du livre des procédures fiscales, et concernant les contestations des avis à tiers détenteur des 28 septembre 2017, 2 et 19 octobre 2018 et des saisies administratives à tiers détenteur des 4 septembre et 15 novembre 2019 en l'absence de réclamation administrative préalable.
3. Mais la contestation ' dont aucune partie ne conteste qu'elle relevait du tribunal de la procédure pour être fondée sur l'absence de qualité du débiteur à recevoir et contester seul les avis à tiers détenteur et sur l'interdiction des poursuites individuelles ' ne constitue pas une opposition à poursuite fondée sur la régularité en la forme de l'acte, et n'entre ni dans les prévisions de l'article L.281, ni dans les prévisions des articles R.281-1 à R.281-5 du livre des procédures fiscales (tant en ce qui concerne le délai de contestation qu'en ce qui concerne l'exigence d'une réclamation préalable).
4. La fin de non-recevoir élevée par l'administration fiscale a à juste titre été rejetée par le jugement entrepris qui sera confirmé de ce chef.
Sur la recevabilité du moyen tiré de l'absence de notification de l'avis à tiers détenteur
5. Selon l'article R.281-5 du livre des procédures fiscales, le juge qui statue en application de l'article L.281-1 du même livre se prononce exclusivement au vu des justifications qui ont été présentées au chef de service. Les redevables qui l'ont saisi ne peuvent ni lui soumettre des pièces justificatives autres que celles qu'ils ont déjà produites à l'appui de leurs mémoires, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans ces mémoires.
Lorsque le juge de l'exécution est compétent, l'affaire est instruite en suivant les règles de la procédure à jour fixe.
6. L'administration fiscale fait valoir que l'argument tiré de l'absence de notification de l'avis à tiers détenteur, non soumis dans le cadre de l'opposition à poursuites au chef de service, est irrecevable.
7. Mais il résulte de ce qui précède que ce texte n'est pas applicable en l'espèce dès lors qu'il ne concerne que les contestations relevant de l'article L.281 du livre des procédures fiscales.
8. Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention du comptable.
Sur le bien-fondé de la contestation
Sur l'interruption des poursuites
9. L'article L.622-21, II du code de commerce dispose que sans préjudice des droits des créanciers dont la créance est mentionnée au I de l'article L. 622-17 (soit les créances nées régulièrement après
le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance), le jugement d'ouverture arrête ou interdit toute procédure d'exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
L'article L.641-13, I du code de commerce, dans sa version applicable au litige issue de l'ordonnance nº2014-326du 12 mars 2014, dispose que sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire :
-si elles sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l'activité autorisé en application de l'article L. 641-10 ;
-si elles sont nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant le maintien de l'activité ou en exécution d'un contrat en cours décidée par le liquidateur ;
-ou si elles sont nées des besoins de la vie courante du débiteur, personne physique.
En cas de prononcé de la liquidation judiciaire, sont également payées à leur échéance, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire mentionnées au I de l'article L. 622-17.
L'absence d'inscription d'une créance sur la liste des créances postérieures instituée par l'article R. 622-15 du code de commerce, qui n'est sanctionnée que par la perte du privilège de paiement prioritaire, est sans effet sur le droit de poursuite du créancier devant la juridiction de droit commun, lorsque sa créance répond aux conditions de l'article L. 622-17 dudit code.
10. Sur le fondement de ces textes, le liquidateur fait valoir que les conditions du traitement préférentiel de l'article L.641-13, dérogatoire au principe d'interdiction des poursuites, ne sont pas réunies dès lors que la débitrice n'habite pas les immeubles concernés, qui ne peuvent être considérés comme utiles à la vie courante.
L'administration expose que la date du fait générateur des impositions était postérieure à la date du jugement et que ces créances nées pour les besoins de la vie courante sont payables à leur échéance, de sorte que leur recouvrement peut être poursuivi par voie d'exécution forcée.
11. Il est acquis que les actes de poursuite contestés sont relatifs à des taxes foncières pour les années 2015 à 2018 et des taxes d'habitation pour les années 2015 et 2017, soit des créances fiscales ayant une date de fait générateur (au 1er janvier de chacune des années concernées) postérieures au jugement d'ouverture.
En outre, s'il est exact que la créance de taxe foncière n'est pas née pour les besoins du déroulement de la procédure au sens de l'article L. 641-13, I, du code de commerce, il n'en demeure pas moins qu'elle constitue, comme la créance de taxe d'habitation, une créance née des besoins de la vie courante du débiteur, personne physique, autre catégorie de créance privilégiée et payable à l'échéance au sens de ce texte. L'allégation du liquidateur selon laquelle ces taxes seraient relatives à un immeuble qui n'est pas nécessaire à la vie courante de la débitrice (puisqu'il ne serait pas habité par celle-ci) n'est pas justifiée à défaut de tout élément quant à la nature de l'occupation effective des immeubles concernés.
12. Le jugement entrepris a donc à bon droit retenu que ces créances étaient payables à l'échéance et partant, susceptibles d'exécution forcée.
Sur la régularité de la notification des actes de poursuite
13. Selon l'article L.641-9 du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.
14. Le liquidateur soutient que les actes ont été notifiés au seul débiteur et non au liquidateur en contradiction avec le dessaisissement résultant de la procédure collective, de sorte qu'ils sont nuls, ce qui a au demeurant été reconnu par l'administration concernant la saisie administrative à tiers détenteur du 19 novembre 2020.
15. Le dessaisissement du débiteur par l'effet du placement en liquidation judiciaire résultant de l'article L.641-9 du code de commerce impose à la seule exclusion des droits propres du débiteur la notification au seul liquidateur de tous les actes de poursuite et d'exécution, qu'ils soient ou non relatifs à des créances postérieures payables à l'échéance.
Dès lors, l'ensemble des avis à tiers détenteur et saisies administratives à tiers détenteur contestées intervenus au mépris de ce dessaisissement puisqu'ils ne relèvent pas des droits propres du débiteur sont nuls.
16. La cour, infirmant le jugement entrepris, ordonne la mainlevée des mesures d'exécution diligentées sur le fondement :
- des avis à tiers détenteur des 28 septembre 2017, 22 mai 2018, 2 octobre 2018, 19 octobre 2018
- de la saisie administrative à tiers détenteur du 4 septembre 2019 délivrés à Capio clinique de l'Atlantique et visant les rémunérations du travail de Y…,
Et sur le fondement de la saisie administrative à tiers détenteur du 15 novembre 2019 pratiquée sur les rémunérations du travail de Y… entre les mains du trésorier des établissements hospitaliers de La Rochelle.
En revanche la saisie administrative à tiers détenteur du 19 novembre 2020 visant les indemnités dues à Y… par la CPAM 17 ayant déjà fait l'objet d'une mainlevée, il n'y a plus lieu de statuer sur ce point.
Le liquidateur est dès lors fondé à obtenir la restitution des sommes versées en application de ces saisies au comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Charente-Maritime.
17. Le comptable intimé qui est la partie perdante supportera les dépens et ses frais irrépétibles de première instance et d'appel et devra verser à la selarl Actis une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens, la décision du premier juge de ce chef étant infirmée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Niort du 14 septembre 2020, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes aux fins de constat de la forclusion et à fins d'irrecevabilité pour non-respect de
la procédure de réclamation administrative préalable ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;
- Prononce la nullité :
- des avis à tiers détenteur des 28 septembre 2017, 22 mai 2018, 2 octobre 2018, 19 octobre 2018 et la saisie administrative à tiers détenteur du 4 septembre 2019 délivrés à Capio clinique de l'Atlantique et visant les rémunérations du travail de Y…,
- de la saisie administrative à tiers détenteur du 15 novembre 2019 pratiquée sur les rémunérations du travail de Y… entre les mains du trésorier des établissements hospitaliers de La Rochelle,
- Ordonne en conséquence la mainlevée desdits mesures et la restitution à la selarl Actis en sa qualité de mandataire de la procédure de liquidation de Y… des sommes perçues dans le cadre desdites mesures d'exécution ;
- Condamne le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Charente-Maritime aux dépens de première instance et d'appel ;
- Condamne le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Charente-Maritime à payer à la selarl Actis en sa qualité de liquidateur de Y… la somme de 1 500 euros (mil cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.