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Décisions

Cass. crim., 22 février 2006, n° 05-85.323

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Rognon

Avocat général :

M. Finielz

Avocat :

SCP Masse-Dessen, Thouvenin

Aix-en-Provence, 5e ch., du 29 juin 2005

29 juin 2005

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Gilbert X... est poursuivi en qualité de gérant de fait des sociétés Sodepa, Les Cariatides, Sophia et Jupiter, d'une part, pour les avoir frauduleusement soustraites à l'établissement et au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'impôt sur les sociétés, en s'abstenant de déposer les déclarations de leur chiffre d'affaires et de leurs résultats, d'autre part, pour avoir omis de passer ou faire passer des écritures dans leur comptabilité ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles L. 13 et L. 47 du Livre des procédures fiscales, 1741 et 1743 du Code général des impôts, 384, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation du principe des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité de la procédure de vérification tirée du non-respect d'un débat oral et contradictoire auquel avait droit un gérant de fait (Gilbert X..., le demandeur), à une époque où celui-ci était déjà identifié par l'administration fiscale, et, en conséquence, celle de la procédure pénale subséquente ;

"aux motifs que les avis de vérification adressés les 14 février 1992 et 1er juin 1992 à la société Les Cariatides et celui adressé le 10 avril 1992 à la société Sodepa indiquaient, conformément à l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, que les sociétés avaient la faculté de se faire assister d'un conseil de leur choix et que ce n'était qu'au cours des opérations de contrôle qu'il était apparu que Albert Y... et M. Z..., tous deux désignés comme les gérants de droit dans les documents sociaux, étaient en fait - pour les deux personnes morales - des prête-noms de Gilbert X... de sorte que les sociétés, dûment informées de leurs droits, avaient pu organiser leurs moyens de défense et notamment solliciter l'avis et les observations de leur gérant de fait, Gilbert X... ; qu'ainsi les droits de la défense n'avaient pas été méconnus ;

"alors que les garanties du procès équitable et le principe du contradictoire exigent que le dirigeant de fait sus- ceptible d'être pénalement responsable des infractions fiscales commises au sein de la société, à partir du moment où il est dûment identifié par l'administration fiscale, soit informé de son droit d'être assisté d'un conseil et bénéficie d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ; qu'en l'espèce, si les opérations de contrôle fiscal de la société Les Cariatides avaient débuté en février 1992 pour s'achever le 2 novembre de la même année, il était établi que le 23 octobre 1992, date à laquelle M. Z..., convoqué par le responsable de la brigade de vérification, avait reconnu agir sur ordre de Gilbert X..., les responsables de la vérification fiscale avaient connaissance du nom du gérant de fait ; que, dès lors, ils devaient impérativement convoquer celui-ci et l'entendre de manière contradictoire, après l'avoir informé de son droit d'être assisté d'un conseil ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la juridiction du second degré a méconnu les droits de la défense qui bénéficient à la personne physique comme à la personne morale" ;

Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de la procédure prise, par le prévenu de l'absence de débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité des sociétés, l'arrêt, après avoir notamment relevé que les avis de vérification avaient été notifiés au siège de chaque société, énonce que la société, dûment informée de ses droits, a pu organiser ses moyens de défense et solliciter l'avis et les observations de son gérant de fait ; que les juges ajoutent que l'avis de vérification ne doit être notifié qu'à l'adresse du siège social de la personne morale redevable de l'impôt, prise en la personne de son représentant légal ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations et dès lors que seul doit bénéficier d'un débat oral et contradictoire le représentant légal des sociétés, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, 121-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation de la présomption d'innocence, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu (Gilbert X..., le demandeur) coupable de fraude fiscale et d'omission de passation d'écritures comptables, dans le cadre de la gestion de droit de la SCI Sophia ;

"aux motifs propres et adoptés que, nonobstant l'avis de dégrèvement total pris par l'administration fiscale à l'égard de la société Sophia le 12 décembre 2000 en ce qui concernait tant l'impôt sur les sociétés que la TVA, les faits reprochés, qui consistaient en des omissions déclaratives et omission de passation d'écritures comptables, étaient caractérisés indépendamment de la décision de l'Administration ou du tribunal administratif sur les montants éludés, le juge pénal n'étant pas le juge de l'impôt ;

"alors que le délit de fraude fiscale est une infraction qui suppose l'existence d'une intention dont la preuve doit être rapportée par l'administration fiscale ; que la cour d'appel ne pouvait déclarer le prévenu coupable de fraude fiscale parce qu'il avait omis de souscrire dans les délais légaux les déclarations de TVA au titre de l'année 1991 et les déclarations passibles de l'impôt sur les sociétés en 1990 et 1991, quand l'administration fiscale avait reconnu ultérieurement que les montants ainsi omis ne devaient pas donner lieu à imposition, sans vérifier que, lors des omissions reprochées, il aurait eu conscience de l'obligation d'effectuer de telles démarches eu égard au caractère dérisoire des sommes litigieuses" ;

Attendu que, pour déclarer Gilbert X... coupable de fraude fiscale pour avoir soustrait la société Sophia à l'établissement et au paiement de la TVA et de l'impôt sur les sociétés, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que la constatation de l'omission délibérée de souscrire les déclarations fiscales suffit à caractériser l'élément intentionnel du délit de fraude fiscale, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence de droits éludés, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.