Cass. crim., 9 mars 2016, n° 15-80.175
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
Mme Planchon
Avocat général :
M. Gauthier
Avocats :
SCP Foussard et Froger, SCP de Chaisemartin et Courjon
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Didier X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 5 décembre 2014, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1743 du code général des impôts, 121-3 et 122-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable des délits de fraude fiscale et d'omission d'écriture dans un document comptable et l'a condamné, en répression, à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis ;
" aux motifs que pour la revente en France de véhicules d'occasion, soit sur le plan fiscal des véhicules dont la livraison est effectuée plus de six mois après leur première mise en service et qui ont parcouru plus de 6 000 kilomètres, la base d'imposition est, aux termes de l'article 297 A du code général des impôts, constituée par la marge réalisée par l'assujetti-revendeur, lorsque les biens ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre de cette livraison (assujetti bénéficiant de la franchise en base ou autre assujetti revendeur soumis au régime de la marge au titre des livraisons concernées) ; que le négociant doit, par ailleurs, être en mesure de démontrer que les biens ont été acquis dans le cadre des dispositions de la 7e directive (imposition sur la marge bénéficiaire) ; que dans le cas contraire, il est présumé avoir effectué une acquisition intra-communautaire et est redevable de la taxe sur le montant total de la transaction ; que lorsque le fournisseur européen des biens d'occasion n'a pas appliqué le régime spécial de taxation sur la marge, la livraison intra-communautaire du bien est exonérée de TVA pour le fournisseur ; qu'elle constitue alors une acquisition intra-communautaire pour le négociant français acquéreur des véhicules d'occasion, taxable à la TVA ; que cette taxe étant déductible, la revente des véhicules en France est soumise à la TVA sur le prix de vente total ; que la société Auto mythique a acquis en 2007, 2008 et 2009 des véhicules d'occasion, au sens fiscal du terme, auprès de fournisseurs négociants européens et les a revendus à des particuliers domiciliés en France ; que d'après les constatations de l'administration fiscale, non contestées par le prévenu, la société a soumis la totalité des ventes de véhicules acquis auprès de ses fournisseurs européens,- ventes représentant la quasi-totalité du chiffre d'affaires de l'entreprise-au régime de la taxe sur la valeur ajoutée calculée sur la marge ; qu'il résultait pourtant expressément des mentions figurant sur les factures reçues de ses fournisseurs que, dans tous les cas, le régime applicable était celui des livraisons intra-communautaires pour le fournisseur et des acquisitions intra-communautaires pour la société Auto mythique ; qu'ainsi, c'est, comme préconisé par l'administration fiscale, le régime de la taxe sur la valeur ajoutée calculée sur le prix de vente total qui aurait dû normalement être appliqué lors de la revente des véhicules ; que compte tenu des mentions apparaissant sur les factures délivrées par les fournisseurs des véhicules, qui figurent à l'appui de la comptabilité de la société, le prévenu ne pouvait ignorer qu'il ne pouvait faire application du régime de la marge bénéficiaire ; que M. X... ne peut en aucun cas se retrancher derrière les conseils de son expert-comptable, les déclarations de TVA étant effectuées sous sa seule responsabilité, et les factures de vente aux clients établies par lui-même, la lettre de mission de l'expert-comptable ne laissant à la charge de celui-ci que la révision des comptes et l'établissement des documents de fin d'exercice, à partir d'une disquette transmise par le prévenu ; que le prévenu a produit à l'appui de ses affirmations sur le certificat d'acquisition délivré par l'administration fiscale des factures émanant de la société luxembourgeoise Aero (SA) ou d'une société allemande Autoser vice wunderlich, indiquant pour les premières dont les factures, mentionnant un prix hors taxes, sont seules écrites en français, que la société Auto mythique déclarait avoir pris livraison du véhicule et s'engageait à le déclarer en acquisition intra-communautaire dans le pays de la destination ; que s'agissant de l'apposition de la mention manuscrite « TVA sur marge » sur les exemplaires de certificat d'acquisition préalables à l'immatriculation du véhicule (mentions portées seulement d'après les constatations de l'administration fiscale jusqu'à mars 2008), à la suite de la mention aux termes de laquelle le requérant s'engage à acquitter la TVA due sur l'opération lors du dépôt de la déclaration de TVA, il ne saurait en être tiré aucun argument (les éléments produits par la défense étant au surplus pour leur plus grande partie antérieurs à la période vérifiée) dès lors que la partie du certificat réservée au service des impôts spécifie que « le présent certificat est délivré pour les seuls besoins de l'immatriculation du véhicule » et que « l'administration se réserve le droit de remettre en cause les mentions relatives à la TVA » ; que M. X... produit au dossier de son conseil un article paru sur le site des douanes concernant l'importation en France de véhicules, article qui, outre que la recherche sur internet en est datée du 13 juin 2013, postérieurement à la période vérifiée, ne concerne que les véhicules importés à titre personnel par les particuliers et non par les professionnels ; que la circulaire fiscale du 12 septembre 2012, produite par M. X... dans son dossier, outre qu'elle figure au titre sept concernant les opérations intracommunautaires portant sur les moyens de transport neufs, est postérieure aux faits visés par la prévention et qu'il ne peut, dès lors, en être tiré aucun argument sur la position de l'administration à la date des faits ; qu'en tant que professionnel de l'automobile, M. X... ne pouvait ignorer que les véhicules que sa société importait relevaient du régime des acquisitions intra-communautaires ; que, par ailleurs, systématiquement jusqu'en mars 2008, et ponctuellement ensuite jusqu'en septembre 2009, la société Auto mythique a émis des factures de vente mentionnant une TVA calculée sur le prix total, alors que seule la TVA sur la marge était comptabilisée et déclarée par elle ; qu'il résulte de ces éléments que l'intention frauduleuse de M. X... apparaît parfaitement caractérisée ; que l'infraction d'omission de passation d'écritures comptables apparaît également caractérisée compte tenu de l'enregistrement comptable partiel de la TVA facturée aux clients de la société, anomalie constatée dans la proposition de rectification du 30 juillet 2010, et dont M. X... a eu nécessairement conscience au vu des éléments ci-dessus ; que sur la peine, le procédé de fraude mis en place, qui a généré un préjudice substantiel pour le trésor public, a permis à la société SARL Auto mythique de proposer des prix plus bas que la concurrence tout en conservant sa marge, cette dernière étant essentiellement constituée par la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle s'abstient pour une grande part, par le mécanisme de fraude utilisé, de verser au trésor ; qu'il y a lieu compte tenu du caractère systématique et de la durée du comportement frauduleux, de l'importance de la fraude, de condamner M. X... à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement assortis du sursis ; qu'il y a lieu de confirmer la décision du tribunal sur la solidarité, M. X... étant la cheville ouvrière de la mise en oeuvre de la fraude ;
" 1°) alors que les arrêts sont nuls quand ils ne contiennent pas les motifs propres à justifier le dispositif ; qu'il en est de même lorsqu'il a été omis de répondre à un chef péremptoire de conclusions ; que le délit de fraude fiscale n'est pas caractérisé en l'absence de dissimulation volontaire des sommes sujettes à l'impôt ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, le prévenu soutenait n'avoir commis aucun acte de dissimulation volontaire, dès lors que sur chacun des certificats d'acquisition dont il demandait quitus à l'administration fiscale pour pouvoir importer et immatriculer les véhicules, il déclarait expressément faire application du régime de la TVA sur la marge et qu'il avait joint à ces certificats les factures d'acquisition desdits véhicules auprès de ses fournisseurs portant la mention du prix d'achat et du régime de TVA des acquisitions intra-communautaires, de sorte que l'administration fiscale, à laquelle il n'avait rien caché, était parfaitement en mesure de contrôler le régime de TVA appliqué et de vérifier le montant exact des sommes sujettes à TVA ; qu'à cet égard, il résulte des propres énonciations de l'arrêt que la mention manuscrite « TVA sur marge » avait bien été apposée sur les exemplaires de certificat d'acquisition préalables à l'immatriculation des véhicules ; que dès lors, en ne répondant pas au moyen tiré de l'absence de dissimulation volontaire par le prévenu des sommes sujettes TVA, la cour d'appel a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
" 2°) alors que, n'est pas pénalement responsable, celui qui justifie s'être fondé sur une information erronée fournie par l'administration pour accomplir les actes qui lui sont reprochés ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, le prévenu soutenait que l'administration fiscale avait elle-même validé l'application, par la société Auto mythique, du régime de TVA sur marge, en lui délivrant de 2006 à 2011, après vérification des documents d'importation de chaque véhicule, notamment de leur facture d'achat auprès du fournisseur, un quitus fiscal sur lequel était porté la mention « TVA sur la marge », défini sur le site officiel de l'administration française « Service-Public. fr » comme étant « un certificat qui indique que le véhicule est en situation régulière au regard de la taxe à la valeur ajoutée (TVA) », de sorte que l'erreur de droit commise émanait au premier chef de l'administration fiscale ; que dès lors, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si M. X... n'avait pu légitimement croire, sur la base du quitus fiscal remis par l'administration pour autoriser l'importation et l'immatriculation des véhicules, pouvoir appliquer en toute légalité le régime de TVA sur la marge et ainsi commis une erreur de droit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 122-3 du code pénal " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt, du jugement qu'il confirme, et des pièces de procédure, que M. X..., gérant de la société Auto mythique ayant pour objet le négoce de véhicules neufs et d'occasion, a acquis auprès de fournisseurs étrangers des véhicules d'occasion en vue de leur revente à des clients français ; qu'il est poursuivi pour fraude fiscale et omission d'écriture dans un document comptable pour avoir, en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), indûment soumis ces véhicules au régime de la taxation sur la marge, qui limite l'assiette de l'imposition à la différence entre les prix d'achat et de revente, alors qu'il relevait du régime réel d'imposition ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des délits reprochés, l'arrêt relève qu'en raison de la nature de son activité et du montant de son chiffre d'affaires, celui-ci ne pouvait ignorer que les véhicules importés par sa société relevaient du régime des acquisitions intra-communautaires ; que les juges ajoutent que sa société a, durant plusieurs mois, établi des factures de vente mentionnant une TVA calculée sur le prix total alors qu'elle ne comptabilisait et ne déclarait que la TVA sur la marge ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que le seul fait de se placer sous un régime fiscal indu dans l'intention de se soustraire, fût-ce partiellement, à l'impôt constitue le délit de fraude fiscale, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui, pris en sa seconde branche, est nouveau et mélangé de fait et comme tel, irrecevable, doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.