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Décisions

Cass. 1re civ., 12 juillet 2006, n° 05-15.472

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ancel

Rapporteur :

Mme Marais

Avocat général :

M. Sarcelet

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, Me Blanc, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Versailles, du 3 mars 2005

3 mars 2005

Attendu que la société Presqu'île, agence de publicité, a passé commande à M. X..., photographe indépendant, d'un reportage photographique sur les Thermes de Vittel-Contrexéville ;

qu'elle a ensuite cédé à la société Perrier (aujourd'hui Nestlé waters France) le droit de reproduire l'une des photographies de ce reportage sur les étiquettes des bouteilles d'eau minérale Vittel ; que contestant avoir cédé ses droits à l'agence de publicité pour une telle utilisation, M. X... a assigné la société Nestlé waters France en contrefaçon demandant réparation de l'atteinte portée tant à ses droits patrimoniaux d'auteur qu'à son droit moral, le cliché ayant été modifié et son nom n'ayant pas été mentionné ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que la transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et à sa durée ;

Attendu que pour décider que les droits d'exploitation pour toute utilisation publicitaire avaient été cédés sur le reportage photographique réalisé par M. X..., l'arrêt relève qu'aux termes d'une clause inscrite dans les conditions générales du bon de commande, acceptées par le photographe, il était prévue que sauf convention contraire, non signée en l'espèce, l'exécution de la commande entraînerait de la part du fournisseur au profit de la société Presqu'île la cession de la propriété de l'oeuvre y compris tous les droits d'exploitation notamment les droits de reproduction et de représentation et ce, sans limitation de temps, d'espace de moyen et de formes aucunes, que le photographe ne pouvait raisonnablement prétendre avoir cédé ses droits à une agence de publicité sans savoir que la photographie pourrait être réutilisée à d'autres occasions que l'événement pour lequel elle avait été réalisée, qu'au contraire la remise à la société Presqu'île de l'original de la photographie impliquait que l'intéressé avait bien conscience de céder la totalité de ses droits ;

Qu'en statuant ainsi alors qu'elle relevait par ailleurs que la destination première du reportage était d'illustrer une brochure publicitaire des Thermes de Vittel-Contrexéville, la cour d'appel qui a donné effet à une clause que la généralité de ses termes rendait inopérante quant à la destination de l'oeuvre, a violé le texte susvisé ;

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que l'auteur jouit du droit au respect de son oeuvre ;

Attendu que pour débouter M. X... de sa demande fondée sur l'atteinte portée à l'intégrité de son oeuvre, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que si la photographie qui représente un couple à bicyclette a été inversée et si le fond de verdure a été décalé, ces modifications, qui n'étaient pas de nature à dénaturer l'oeuvre, étaient imposées par des contraintes techniques dès lors qu'il s'agissait de reproduire en petit format la photographie sur l'étiquette de bouteilles d'eau minérale ;

Qu'en statuant ainsi alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'oeuvre avait été modifiée sans l'autorisation du photographe, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :

Vu l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que l'auteur jouit sur son oeuvre du droit au respect de son nom ;

Attendu que pour débouter le photographe de sa réclamation en raison de l'absence de mention de son nom, l'arrêt énonce que la signature de l'oeuvre utilisée à des fins publicitaires n'est pas obligatoire et ne pouvait être mentionnée par manque de place, dès lors qu'en l'espèce l'oeuvre était reproduite en très petit format ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la mention du nom de l'auteur ne pouvait être omise sans l'autorisation de celui-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mars 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.